ÉPISODE ZÉRO
Ilona Lazykwart
Chère Journal,
Je sais que j'écris peu sur tes pages qui restent éternellement vierge par ma faute. Néanmoins, je voudrais te raconter quelque chose. Il n'y a pas de raison particulière, seulement l'envie de l'exprimer sur les lignes qui habillent tes pages. Et pour bien le faire, je vais essayer de la raconter avec quelques dialogues comme un roman pour que tu sois plus à l'aise. Sur ce, bonne lecture.
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Serrant la lanière de mon sac, je tends la main vers la serrure pour déverrouiller la porte. Mon corps s'engouffre dans la maison. Mes yeux scrutent les alentours avant de regarder le calendrier. Il n'y a pourtant rien. Mon téléphone affiche l'écran de verrouillage. On est bien le 5 octobre 2020. Elle n'est pas censé avoir de rendez-vous
— Maman ? crié-je. Je suis rentrée.
Aucun son. Je baisse la tête avant de me diriger dans ma chambre remplie de poster du groupe BTS et un poster de Fairy tail que j'ai acheté à la japanexpo. Elle a sûrement oublié de le noter. Mon message s'envoie puis je me dirige sur Instagram. Maxime…c'est quoi son nom de famille déjà ? À oui, voilà. Trouver. Il est si beau que mon corps frissonne et tremble. Mon doigt, timidement, s'approche du bouton bleu mais mon corps se secoue avant même de toucher l'écran. Les joues brûlantes, je secoue la tête pour chasser cette image étourdie. Je ne veux pas l'embêter. Il me prendrait pour une folle. Seulement, j'aimerai bien apprendre à la connaître mais il a l'air si inaccessible à mes yeux. Un soupir s'extirpe de mes lèvres puis suit un léger sourire quand je repense à ce moment. Il m'a sourit à la fin de mon exposé. Il m'a applaudi, il m'a regardé et il a aimé ce que j'ai fait. Mes jambes se secouent dans tous les sens jusqu'à ce que la porte s'ouvre. Je bondis hors de mon lit pour apercevoir maman s'affaisser dans le canapé, sa nuque se reposant sur le dossier et ses paupières évanouies par le manque de sommeil.
Le lendemain, les écouteurs aux oreilles, je gravis les marches avec ce sac qui pèse lourd. Le poids de l'école qui m'épuise constamment. J'aperçois le chemin et la sonnerie retentit dans mes oreilles alors mes jambes partent aussitôt jusqu'au collège. Ce bâtiment, gris et sombre. La vie scolaire me voit arriver puis il referme derrière moi tandis que je me précipite jusqu'à la ligne EPS. Mes yeux tentent d'esquiver le corps de ce gars sur qui je crush. Comme à mon habitude, je me place tout au fond de la file, mes mains dans mes poches qui s'entremêlent alors que je scrute les alentours. Ces gens qui parlent, rient, ces classes qui suivent leur professeur en troupeau de moutons. Je ne vais pas tarder à faire de même car le professeur arrive, lui et ses cheveux grisâtre et son survêt gris et bleu. Aujourd'hui, c'est piscine. Mes mains tremblent déjà. La dernière fois que j'y suis allée, je n'étais pas seule. D'une mine attristé et gêné, mon corps cède à un léger vertige lorsqu'on se dirige dans des vestiaires mixtes. Je déglutis avant de me faufiler dans un coin où discrètement je me change. J'esquive les autres et plisse les yeux face au soleil qui fait tomber mes paupières. Mes oreilles tentent de s'agrandir lorsque le professeur s'exprime.
Le temps passe et il est déjà temps de passer. Mon cœur tambourine fortement dans ma poitrine tandis que je me place puis mon cœur s'arrête lorsque mon corps bondit dans l'eau. Les moments à la piscine me gêne atrocement. C'est comme cette fois, en primaire, où on devait passer sous l'eau. Sous les jambes des autres. J'ai refusé de le faire pour deux raisons. La première, car ça me gênait. Et la deuxième, car je ne sais pas aller au fond de l'eau. Mon corps est né pour flotter.
La piscine, ça creuse. C'est pour ça que moi et ma classe, malgré que je sois là dernière arriver, on fonce vers la file en serpentin. Certains doubles et poussent mais ce qui est bien lorsqu'on patiente, c'est qu'on arrive les mains dans les poches sans subir aucune bousculade. D'ailleurs, je n'ai pas été seule toute ma vie. En primaire, j'avais beaucoup d'amie. Dont Clara. Arrivé au CM2, je n'ai pas compris pourquoi on a arrêté de se parler. Ça s'est fait d'un seul coup, aussi facilement que dessiner. Alors, lorsque je la vois devant moi. Je ne suis pas surprise. C'est surtout lorsqu'elle se tourne vers moi pour me parler que je suis étonnée.
— Salut, ça fait longtemps ! Quoi de neuf ?
Alors que je compte répondre, un gars de la classe. Blond et pas bien grand fait son apparition et m'interpelle. Interloqué, je le fixe quand il me dit quelque chose qui fait monter la chaleur sur mes joues.
— Hey, Maxime voulait te dire qu'il kiffe ta poitrine mais il faudrait juste que tu maigrisses.
Et heureusement qu'il n'attendait pas de réponse de ma part car en cet instant, j'étais incapable de réfléchir ni de prononcer un seul mot. Lorsque mon regard croise ceux de Clara, je lâche un rictus gêné :
— Quel gamin…
Je crois bien que c'était la première fois que j'étais aussi mal à l'aise face à des gens. J'avais honte mais en y réfléchissant, ce n'est pas moi qui suis morte de honte. Sans s'en rendre compte, il s'est humilié tout seul. Maxime, le populaire qui charme les filles de manière purement égocentrique et mal venu. À l'époque, j'étais trop sage. Alors je n'ai rien dit à personne. Ne serait-ce qu'à mes amies. D'ailleurs, pour ce postier minuscule, à la taille d'un Minimoys. Il a reçu deux punitions dont j'ai été témoin. La première, lorsqu'on attendait le professeur sur notre ligne avec le numéro de notre salle. Il courait et au moment où il saisit le paquet de gâteau de ma meilleure amie, celle-ci lui donne une gifle monumentale qui lui a valu un sacré choc au mental. Il était carrément bouche-bée et moi aussi. Elle n'en a pas l'air sous sa façade de fille docile mais plus on la connaît et plus on prend conscience que c'est une vraie rebelle qui ne se laisse pas faire. Ensuite, le deuxième moment, c'est lorsqu'on était devant la salle. On attendait le professeur, encore une fois. Je ne me suis pas placé au fond comme à mon habitude alors évidemment, les plus bruts de la classe faisaient les fous. Alors je me décale pile au bon moment sans le savoir. Car lorsque j'ai franchi le pas, un corps est tombé derrière moi. C'était ce minimoys. Discrètement, je souriais avec un air incrédule.
Alors que j'étais mal à l'aise par le groupe assis sur les bancs en forme de Pokéball, sur laquelle était assis mon crush. Cet abruti. Je regarde ma place près de la porte qui mène au casier. Mal à l'aise, je refuse de lui asseoir alors je me pose sur mur en faisant mine d'être indifférente seulement le groupe débarque devant moi en riant.
— Alors comme ça t'as un crush sur lui ?
— Maxime Lazykwart, ça sonne plutôt bien !
Mon corps vibre comme une sonnerie d'alarme qui me hurle de partir mais je ne bouge pas, paralysé. Ils sont tous autour de moi, étouffant mes pensées qui refusent de se placer dans l'ordre pour y voir plus clair. Mon souffle se coupe lorsqu'il pousse ce gars que j'aimais sur moi. Son parfum infiltré mes narines. C'était la première fois que j'étais aussi proche d'un gars. Seulement, je pensais que ça serait plus beau et rassurant. Rapidement, mes amis débarquent et m'amènent loin de ce groupe affligeant.
Lorsque je rentre à la maison, je ne suis pas surprise de voir de nouvelles paires de chaussures à l'entrée. C'est devenue une habitude. J'enlève les miennes pour les déposer plus loin avant de franchir le seuil et découvrir ma mère, assise sur le canapé, jouer avec la console. Lorsque mes pas arrivent dans le salon, son regard se lève vers moi. Elle me sourit et me demande :
— Alors ? Ta journée ?
J'acquiesce.
— Ça s'est bien passé.
Comment lui avouer qu'un garçon a été immature envers moi ? Sachant qu'elle doit déjà se préoccuper d'elle. Moi, je suis au collège et suffisamment grande pour gérer une bande d'imbéciles. Lorsque mon corps tombe sur mon lit, je repense à ce qu'il s'est passé. Ce sont des abrutis. Comment j'ai pu l'aimer ? Parce que je suis assise à côté de lui en art plastique et qu'il m'a sourit ? Pourquoi ? Je l'aime et en même temps, je ne sais pas quoi dire sur son comportement. C'est le retard vide que je me perds dans mon subconscient.
L'année de cinquième arrive. Seulement, il y a comme un changement d'atmosphère tout à coup. Certains regards se posent sur moi tandis que je ne comprends pas alors je reste muette jusqu'à ce que ces bruits se dissipent comme si un mur de verre me protégeait, tel un bouclier. Et alors que le cours d'anglais commence, mes yeux croisent les siens. Nathan. Il a un corps d'athlète, il est drôle, des yeux aussi profond qu'un trou noir et son sourire et magnifique. Il me parle avec le sourire aux lèvres. Je frétille chaque jour à l'idée de le voir. Au bout d'un certain temps. Je finis par venir à lui. Mon ventre bouillonne de stress à l'idée de croiser son regard, d'élever la voix vers lui mais je franchis le pas.
— Excuse-moi, on peut se parler ?
Son regard s'agrandit mais il finit par acquiescer et rien qu'à ce signe de tête, mon visage est baigné dans mon sourire. On se pose dans un coin reculé des autres. Je soupire un coup avant de lui avouer. Son silence me pèse un peu plus jusqu'à ce que son sourire illumine son visage.
— Ilona, je t'aime aussi.
Je suis comme abasourdi par ses paroles. Tout cela paraît irréel au point de ne plus savoir bouger jusqu'à ce que sa main se faufile dans mon dos pour me rapprocher de lui. Ses lèvres s'approchent de mon oreille.
— Dans ce cas, je veux que ça soit un secret.
J'acquiesce. Tout ce que tu veux, c'est ce à quoi je pensais car j'étais heureuse de pouvoir enfin connaître l'amour comme dans les Shojo. Cependant, c'était une erreur. Plus le temps passait et plus j'étais heureuse alors je me raccrochais à lui. C'était ma boussole. On se voyait après les cours dans un endroit discret. On s'embrassait et se parlait puis je lui racontais ma vie. Quelle erreur. Si j'avais su, je me serais coupé la langue. On approche de son anniversaire. C'est ce matin que je souris en le regardant en histoire.
— Oh ! Bon anniversaire Nathan ! s'exclame la professeur.
Toute la classe l'applaudit et chahute dans la classe, y compris moi, sauf que je reste discrète au fond de la classe. Aujourd'hui, je lui ai réservé une surprise. J'espère que ça lui plaira. J'y ai longuement réfléchi et je me dis qu'il n’y a rien de mieux que ça pour montrer son amour. Lorsque la sonnerie retentit, un sourire se dessine sur mes lèvres. J'attends d'être la dernière pour sortir de la salle. Puis lorsque je descends les marches jusqu'à être à l'extérieur, je scrute l'horizon à sa recherche. Je soupire, le sourire aux lèvres tout en marchant fièrement jusqu'à la deuxième table de ping-pong. Mon index cogne gentiment son épaule et lorsqu'il se retourne. Je saisis ses jours pour l'embrasser devant ses amis et mieux, devant la cour entière. Cependant, je manque de tomber lorsque ses mains me repoussent. Ce n'est pas l'effet auquel je m'attendais. Mon cœur se serre dans l'incompréhension quand son visage exprime le dégoût, son bras nettoyant ses lèvres. Je n'ai pas le temps de me poser d'autres questions qu'une main vient claquer mes joues aussitôt. Je peine à déglutir puis quand ma tête pivote, c'est pour apercevoir cette fille de ma classe, Lizzy avec ses yeux embués de larmes. Les lèvres tremblantes, elle me hurle :
— Mais qu'est-ce qui te prend de voler mon petit copain ?
Mes sourcils se froncent mais se relèvent aussitôt lorsqu'il s'exprime.
— T'es folle toi. Tu me mates en cours et tu m'embrasses ? Tu me dégoûtes. Tu es comme ta mère, une garce qui briseuse de couples.
Mon ventre se tasse. Je lui ai parlé de ma mère qui voyait souvent des hommes. Seulement, la suite me perd totalement. Il me hurle de partir en se moquant de moi et leurs insultes me frappent de plein fouet.
— Trop bizarre, cette fille, dit-il dans mon dos alors que mes larmes coulent.
Lorsque je rentre à la maison, c'est le cœur lourd, les yeux qui brûlent et les jours rouges. Maman est là, son inquiétude pèse sur mon ventre. Mes lèvres tremblent lorsque j'élève la voix :
— Maman…c'est vrai que tu brises des familles ?
Ce qui me fait encore plus mal à ce moment-là, c'est le silence de ma mère qui baisse seulement la tête comme réponse à ma question. C'est comme si deux mains viennent encercler mon cou pour le broyer.
Suite à ça, je reste encore plus seule qu'avant. Je m'isole, me recroqueville dans un coin. À un point que j'ai développé la bosse de bison, un nouveau complexe qui me rappelle ces moments de solitude où le poid de la douleur s'effondrait sur ma nuque. Si j'étais aussi complexé par mes bras au point de mettre un pull même en été, au point où ma professeur de mathématiques me forçait à l'enlever en faisant tout une scène devant la classe, alors ce nouveau complexe intensifie mon besoin de cacher cette boule. Cette montagne. Les enfants sont cruels, les adolescents également et les adultes aussi. Je ne généralise pas mais je ne nie pas la méchanceté de certaines personnes.
Tout au long de l'année, j'entendais cette insulte récurrente : GARCE. Cette insulte qui m'a valu cette bosse, un poid au cœur, un mal-être intérieur et l'étouffement de cette baisse de moral qui ne pouvait s'exprimer. Puis, après avoir écrit un slam en musique, l'idée m'est venue de composer ma musique. Seulement, rien n'a abouti. Alors en troisième, après un autre coup de cœur, j'ai décidé d'écrire sans refrain ni couplet. J'ai seulement laissé ma plume s'envoler sur ce carnet jusqu'à en avoir mal aux doigts. Alors j'ai écrit. Écrit jusqu'à en perdre haleine. Jusqu'au point de me perdre dans mes mots tellement elles étaient douces, paisibles et libératrices. Pour plus d'effet, je me suis créé un nom, une nouvelle identité sur les réseaux où j'y déversait mes pensées intimes et secrètes car c'était le seul moyen pour moi de crier au monde mes sentiments refoulés. J'ai commencé sur Instagram puis sur twitter. En premier lieu sous le pseudonyme Athena in the stars, car je n'avais pas d'inspiration mais aussi car je suis une grande rêveuse. Puis j'ai décidé de créer un nouveau nom qui est connu sur l'oiseau bleu parmi tous les étudiants. J'étais Athena Feng, ce phoenix qui renaît de ses cendres. Et ceux, pour l'éternité. Car même si l'on me brise, j'ai assez confiance en moi désormais pour avoir la certitude que mes ailes seront bien plus flamboyantes que les précédentes. Je suis une guerrière habillée d'une armure aussi ardente que les flammes d'un puissant dragon.
Merci de m'avoir lu, mon chère Journal…
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