Cats

Je montai d'un pas rapide les escaliers menant à ma chambre. Mes foulées étaient rendues difficiles à cause de mes talons hauts. Une fois devant, j'ouvris ma porte et entrai. Je déposai ma valise sur mon lit et entrepris de ranger mes affaires.

Avant de m'atteler à la tâche, je sortais de mon armoire un pantalon et une chemise ample. Je serais bien plus à l'aise ainsi.

Je me déshabillai, laissant ma jupe jaune et mon corsage blanc en vrac sur mon lit, puis enfilai mes nouveaux vêtements.

J'ouvris ma valise, pris toutes les affaires qu'il y avait à l'intérieur, puis sortis des cintres.

Il n'y avait rien que des robes. Les Cats m'obligeaient à en porter, sous prétexte que mon physique était parfait, alors que je détestais cela.

Une trousse de maquillage, aussi, ainsi qu'une multitude d'accessoires pour me coiffer, épingles et élastiques en tout genre. Me préparer me prenait en général entre une heure et demie et deux heures et demies chaque matin.

Je repensai à Épeire, ce Spider que j'avais rencontré tout à l'heure. Sa timidité et sa gêne me plaisait beaucoup. Je ne savais pas vraiment ce que je ressentais pour lui, mais c'était une sorte de mélange d'émotions assez étrange.

Alors que je rangeai ma dernière paire de chaussures vernies, quelqu'un toqua à la porte.

« Entrez ! », criai-je.

La porte s'ouvrit sur Maine, l'un des garçons. Depuis deux ans, il était amoureux de moi. Mais il n'avait jamais rien tenté.

« Bonjour, Siamois. Comment s'est passé ton voyage ?

- Bien. Mais, j'imagine que ce n'est pas pour ça que tu es venu me voir, n'est-ce pas? »

Il s'avança vers moi.

« À vrai dire, non. En fait, je voulais te dire quelque chose. »

Il s'approcha encore plus et me saisit le bras. Par réflexe, je cherchai à tâtons un objet pour me défendre. Derrière moi, mes doigts rencontrèrent une petite lame. Un coupe-papier.

Il passa sa main dans mes cheveux.

« Siamois, sache que je t'aime. »

Maine m'embrassa. Je le repoussai vivement, mais il secoua la tête.

« Siamois, je crois que tu n'as pas vraiment saisi la situation. Tu n'es qu'un jouet, ici. Si j'ai envie de te posséder, car tel est mon bon plaisir, je te possède. Tu ne prends en aucun cas part à cette décision. De toute façon, railla-t-il, tu ne pourrais rien y faire. »

Je pointai mon coupe-papier sur sa gorge.

Il recula. Saisissant la lame à deux mains, je le menaçai:

« Un pas de plus, et je te l'enfonce dans la gorge. Je n'appartiens à personne, tu m'entends ? Personne. Et jamais personne ne me possédera. Jamais ! dis-je. Et je peux parfaitement me défendre seule, tu comprends ?

- Calme-toi, je te jure que je ne te ferais aucun mal, juste un petit baiser. Tu me dois bien ça, non ? »

Il avança. La pointe du coupe-papier laissa une petite entaille sur sa gorge. Un filet de sang coula. Je retirai prestement la lame.

« Tu vois ? Au fond, tu sais que je ne te ferai rien... »

Pris d'un élan d'audace, Maine fit glisser sa main sur ma joue et approcha ma tête de la sienne.

J'enfonçai alors mon coupe-papier dans sa côte. Lorsque je ressortis mon arme de sa chair, de petites gouttes de sang tombèrent sur le sol. Il poussa un râle.

« Sale petite peste ! Tu me le paieras.

- Dégages ! Maintenant ! », hurlai-je.

Il cracha par terre, puis s'en alla. Je laissai glisser le coupe-papier de mes mains. Il tomba en un cliquetis métallique.

Dehors, j'entendis quelqu'un parler avec Maine.

« C'est l'autre blonde, là-bas, qui t'a fait ça ? Quelle petite abrutie ! »

Je crus reconnaître la voix de Munchkin, un autre de mes prétendants. Lui s'en était sorti avec une belle balafre à l'arcade, si je me souvenais bien. Il m'en voulait toujours, apparemment.

Ma porte s'ouvrit sur ma voisine de chambre. Ragdoll me regarda en souriant, puis remarqua les tâches de sang sur le sol.

« Oh, euh. Excuse-moi, Siamois. Je ne savais pas que tu...

- Ne t'inquiète pas. C'est juste Maine.

- Ah, c'est toi qui lui a fait les blessures ?

- Oui, et avec ça. », dis-je en ramassant l'ouvre-lettres sanguinolent et en lui montrant.

Ragdoll rit, avant de reprendre un air sérieux.

« Qu'est-ce qu'il t'a fait ?

- Oh, rien ! ris-je. Comme Munchkin et les autres !

- J'aimerais bien avoir tant de succès auprès des garçons. Tu ne te rends pas compte de la chance que tu as.

- Des fois, c'est tout, sauf de la chance, soupirai-je.

- Je vois... Au fait, Selkirk te cherche.

- Vraiment ? », dis-je en haussant un sourcil.

Ragdoll hocha la tête.

« Oui, et tu ferais mieux d'y aller. Il n'est pas de bonne humeur... »

Elle me glissa un sourire qui se voulait rassurant, mais qui n'eut sur moi que l'effet inverse.

Je marchai dans le couloir la boulé au ventre. Si Selkirk me cherchait, il devait avoir une bonne raison.

La porte du bureau du chef me faisait désormais face. Je toquai quelques petits coups timides, mais malheureusement, Selkirk entendit.

« Entrez ! », cria-t-il.

J'obtempérai, non sans être anxieuse. J'avais le pressentiment qu'il allait me parler de ce matin.

Selkirk était assis à son bureau. Ses doigts pâles et osseux tambourinaient sur un petit livre relié en cuir. Son sourire ne me rassurait guère plus que celui de Ragdoll.

« Ah, Siamois ! Assieds-toi, je t'en prie. »

Je m'assis sur le fauteuil en face de lui.

« Bien. Nous pouvons enfin parler, dit-il, son sourire ne le quittant pas. Maine est passé me voir, il y a à peine dix minutes. Il m'a montré ce que tu lui avais fait. »

Je sentis ma nuque me brûler, exactement à l'endroit de ma marque.

« Tu trouves cela bien ? Pas moi. », continua-t-il en secouant la tête.

Je ne pus retenir un gémissement. La douleur était insupportable. Et Selkirk le savait, étant donné que c'était lui-même qui me l'infligeait.

« Tu sais quoi, Siamois ? me demanda-t-il en se levant et en s'approchant vers moi. Je pourrais salement te reprocher cela. Maine est l'un des meilleurs éléments des Cats. Tu sais ce que je pourrais te faire ? »

Il fit glisser son doigt tout autour de mon visage. Ma respiration était haletante.

« Je pourrais te cramer ta jolie petite frimousse. »

Mettant sa menace à exécution, il enfonça son doigt entre mes deux sourcils. Je sentis ma chair me brûler, j'entendis le grésillement que produisait la flamme sur le bout de son doigt. Je retins un cri de douleur, mais mes yeux s'embuèrent. Je pleurai, et cela lui faisait plaisir. Il aimait nous montrer sa supériorité, et toujours de la même manière.

Satisfait de la brûlure qu'il venait de me faire, il se recula et s'agenouilla à mes côtés.

« Tu as bien compris ? »

J'acquiesçai lentement.

« Et bien que cela te serve de leçon. J'espère que tu sauras te montrer irréprochable à la soirée des Snakes. Tu peux partir. »

Je ne me le fis pas dire deux fois. Une fois sortie, je me dirigeai immédiatement vers les toilettes. Je vomissais dans le premier lavabo venu, sans même vérifier s'il y avait quelqu'un près de moi. Je n'en avais rien à faire. Selkirk me dégoûtait. Je me passai de l'eau sur le visage.

Je m'attachai les cheveux et me regardai dans le miroir. Ma marque, désormais visible, était d'un rouge flamboyant. C'était donc pour cela qu'elle me faisait si mal. Sous l'effet de l'eau, mon maquillage avait coulé. Le mascara qui tombait sous mes yeux rendait mes cernes encore plus profonde.

J'étais fatiguée. Il fallait vraiment que je me repose.

Je pris un mouchoir dans la petite boîte posée sur le lavabo et m'essuyai le visage avec. Entre mes deux yeux, je pouvais voir apparaître un début de cicatrice. Elle me suivrait certainement longtemps.

En sortant des toilettes, j'entendis Selkirk crier dans son bureau. Je collai une oreille contre la porte.

« Et toi, petit bon à rien, tu crois vraiment que tu vas t'en sortir comme ça ? Tu ne mérites même pas d'être à la tête des Snakes ! Si tu en es là, c'est parce que ton cher père t'a cédé sa place ! »

Il raccrocha brusquement le téléphone et se leva de son fauteuil. Je repartis vers ma chambre. Ragdoll, assise sur son lit, lisait un livre d'un œil distrait. Elle devait m'attendre, car elle se leva dès que je refermai la porte.

« C'est toi qui va représenter les Cats, ce soir ! lâcha-t-elle d'un air déçu. Pourtant, c'est moi qui devais y aller... »

Je la regardai, surprise.

« Mais ne devions-nous pas y aller toutes les deux ? »

Elle me darda d'un regard noir. Je ne l'avais jamais vu si énervée et si rancunière.

« Si, effectivement. Nous devions. Mais, vois-tu, je ne correspond pas au genre de filles qu'ils attendent, apparemment. Et tu iras avec quelqu'un d'autre.

- Écoutes, Ragdoll, ce n'est pas de ma faute si...

- Évidemment que c'est de ta faute, feula-t-elle. Si tu n'avais pas été là, j'y serais allée seule. »

Je réfléchis quelques minutes.

« Attends, c'est toi qui m'a dénoncée à Selkirk ?

Son regard fuyait le mien.

- Réponds-moi ! m'emportai-je. Tu as vu ce qu'il m'a fait ? Tu as vu ? »

Je me plaçai devant elle et lui montrai la cicatrice. Elle serra les dents.

« Je m'en doutais, fit-elle. Je savais pertinemment que ça finirait mal, cette histoire.

- Alors pourquoi tu as fait ça ? »

Je voyais bien à son attitude qu'elle préférerait mourir plutôt que de me donner la raison de son geste.

« Tu n'as pas à le savoir. »

Ragdoll se leva et sortit de la chambre en claquant la porte.

Je n'avais plus qu'à ressasser ma matinée seule et à me préparer pour ce soir.

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