Chapitre 77. (2) C'était écrit

Immense merci à Yma2407 pour son aide pour ce chapitre que j'ai galéré à écrire ! J'espère qu'il vous plaira, j'avoue que je stresse un peu...
Bonne lecture ❤️

Rio de Janeiro, 30 septembre 2022

Ma chérie,

S'il y avait bien une autre femme que ma mère qui pouvait me faire écrire une une lettre, c'était toi. T'as bien raison, les mots sont magiques. Si t'as vécu tout ce que tu décris en écrivant ta lettre, crois-moi, je l'ai ressenti dans chaque parcelle de mon corps en la lisant. J'étais très surpris quand Paloma m'a dit que j'avais du courrier. J'ai d'abord pensé que c'était des papiers juridiques de merde ou une carte de ma daronne.

Mais non c'était toi.

J'aurais dû y penser, tu arrives toujours quand on ne t'attend pas. Je crois même que t'arriverais à surprendre la mort.

Je suis archi content que tu m'aies donné des nouvelles de tout le monde, même s'ils m'en veulent, le plus important c'est que toi tu comprennes. Les autres n'ont pas d'importance, on se réconcilie toujours avec ses vrais amis. J'espère que tu ne te sens pas trop seule au milieu de tous ces couples et de tous ces gosses. Je t'avoue que je suis content que ma cousine soit là pour toi, elle au moins, elle a ton âge et son horloge biologique ne sonne pas encore l'alarme.

Tu sais, je crois qu'il ne faut pas trop qu'on abuse de ce mode de communication, c'est vraiment très intense. Ça me donne un peu trop envie de sauter dans un avion.

C'est archi vieillot aujourd'hui d'écrire des lettres, mais c'est quand même fou la puissance que peuvent avoir quelques mots écrits sur du papier par une personne qu'on aime. J'ai relu la tienne un nombre incalculable de fois. Elle est magnifique et je n'en changerais pas un mot. Sauf peut-être si effacer le passage où tu me dis que tu pleures, pouvait effacer tes larmes. Je déteste te voir pleurer.

J'ai toujours su écrire, composer, broder avec les mots, que ce soit à l'école, à la fac ou dans le rap, je crois que je peux me vanter d'arriver à plutôt bien manier l'écrit. J'ai pas fait un bac L et une licence d'histoire en rendant des torchons. Pourtant, j'ai mis v'la le temps à te répondre, parce que j'avais peur de mal m'y prendre.

Et puis plus le temps passait, plus je me disais que peut-être tes mots n'étaient plus valables, que tu avais évolué, changé d'avis. C'est l'inconvénient avec le courrier. Mais j'ai décidé que j'en avais rien à foutre parce que ce qui comptait, c'était pas le temps. Tu n'attends pas de moi que je réponde à tes interrogations du moment, mais à la lettre que tu m'as écrite il y a un mois.

Je suis vraiment bien chez Paloma et Rafael, leur mioche pleure pas mal, mais je bouge beaucoup, j'explore la région. C'est vraiment sympa, je me suis fait quelques potes avec lesquels je traine, je fais des bonnes grosses excursions. J'aimerais te dire qu'un jour je t'emmènerai au Brésil pour te faire visiter Rio à mon tour, mais tu sais, les promesses c'est dangereux.

C'est vraiment un soulagement pour moi de ne plus être confronté chaque jour à mes erreurs, même si je ne parviens toujours pas à accepter que ma fille m'ait été retirée, je commence au moins à ne plus avoir envie de péter tout ce qui m'entoure lorsque je pense à Nora.

Dans ta lettre, tu t'es souvenue du moment où on s'était retrouvés, chez ma Grand-mère à Toulon. Je te raconte pas dans quel état j'étais. Je crois que c'était l'une des pires journées de ces trois dernières années. T'étais là avec ton sourire et ta robe, au milieu de ma famille et c'était tout juste si je pouvais t'approcher. Moi aussi je suis retombé amoureux de toi ce jour là et quand on s'est retrouvé tous les deux dans la salle de bain, je crevais d'envie de t'embrasser.

Je me suis beaucoup reproché d'avoir perdu du temps. Me demandant même si ce voyage n'était pas encore une fois, des mois que je foutais en l'air alors que j'aurais pu être avec toi.

Tu sais ma mère adore Aznavour, il a écrit une très belle chanson qui s'appelle « Hier encore ». Il parle de la jeunesse qui s'enfuit si vite, qu'on ne peut pas retenir, du temps qu'on gaspille. Je l'écoute beaucoup en ce moment. Et j'ai compris.

On ne perd pas son temps lorsque qu'on choisit de le prendre.

Parce que finalement, tous les choix que j'ai fait rapidement, par peur de me retrouver à quarante piges, sans gosses et sans projets, ce sont les pires.

Alors cette fois, j'emmerde le temps qui passe et je le prends, pour réfléchir, pour guérir de mes propres conneries et préparer mon avenir.

Ma plus grosse erreur, c'est de t'avoir dit que tu étais ma plus grosse erreur. Encore aujourd'hui je me demande comment j'ai pu être suffisamment aveuglé par ma rage pour te sortir une énormité pareille.

Je crois que je peux dire sans mentir que grâce à toi, j'ai évité une quantité d'autres erreurs. Peut-être que si je ne t'avais pas aimée, je me serais marié avec Nora et aurait fini par la tuer.

Tu es impliquée d'une façon ou d'une autre, dans tous les moments de bonheur que j'ai vécu ces trois dernières années. Comme dit ma mère, on juge un arbre à ses fruits. Tu m'as rendu heureux alors que personne n'y parvenait plus. Tu es donc tout, sauf ma plus grosse erreur.

Je pense vraiment que c'était important de revenir sur cette phrase que je t'ai dite trop vite. Et comme les paroles s'envolent et que les écrits restent, j'espère en quelque sorte que cette lettre effacera ce que je t'ai dit ce soir là.

Je t'ai écoutée, j'ai « Fait un FaceTime » avec ma daronne, elle m'a parlé que de toi. Elle m'a dit que tu étais passée fin août, ça lui a fait tellement plaisir, si tu savais comme elle t'aime. Je crois que quoi qu'il arrive, elle te considérera toujours comme sa fille. C'est comme si elle savait depuis le début que tu es celle qu'il me faut.

Au fond, je crois que même si je me suis voilé la face pendant quelques temps, cette idée a toujours été assez présente dans mon esprit également. Mais tu me connais, quand il s'agit de mettre des mots sur des sentiments qui ne sont pas suffisamment superficiels pour être exprimés sur un ton léger, je suis une vraie galère.

La première fois que tu m'as dit que tu m'aimais, tu te souviens ? Chez Lucie à Chamonix. Je t'en ai voulu. J'ai agi comme un crétin, parce qu'aimer quelqu'un, ça veut dire que ta peine devient la sienne, et vice-versa. Toi t'étais heureuse et vivante, moi j'étais aigri et chiant, comme dirait Maya. Tu vois le problème ?

Même si t'as toujours essayé de me prouver par A + B que le bonheur est plus contagieux que le malheur, comme au début avec ce défi idiot, je t'avoue que ça m'a fait flipper que tu puisses m'aimer, parce que je me suis dit direct que j'allais te détruire. Je te voyais déjà, devenir une fille paumée qui passe ses nuits en boîte à ramener des mecs lambda pour calmer son manque, te mettre à consommer de la merde pour oublier le mal que je t'avais fait. Tomber malade. En fait, j'ai eu peur de te faire subir la même chose que ce que Ken a fait à Clem.

Moi j'aurais voulu être le mec qui sauve, pas celui qui détruit. Pourtant j'ai toujours eu l'impression que c'était l'inverse qui se produisait.

Mais je t'ai tellement sous-estimée. Tout le monde, t'a sous estimée. Depuis le début. « La petite Violette, elle a vécu des trucs vraiment durs, faut faire attention à elle ». « Violette elle est pure et gentille, tu vas la salir Deen. »

Un putain de cliché. Ils t'ont tous pris pour ce que t'étais pas. T'aurais pu être l'héroïne de roman, naïve, amoureuse et aveuglée par l'aura malsaine du badboy qui s'intéresse soudainement à elle. T'aurais pu être la fille fragile, idéale victime d'un pervers narcissique qui la viderait de tout son bonheur avant de l'abandonner sur un trottoir.

Je crois que Ken a longtemps cru que t'étais cette meuf là. Peut-être que moi aussi, parce que ça m'arrangeait, je me sentais plus fort que toi. Ça me donnait l'impression d'avoir le contrôle. Et puis j'ai compris que ta pureté et ta gentillesse étaient absolument l'inverse d'une faiblesse. Y'a pas plus pur qu'un diamant, pourtant c'est incassable. Je dis pas que t'es parfaite, j'aurais horreur d'une miss parfaite, les femmes qui se sentent mieux que tout le monde et passent leur vie à juger les autres, non merci. Mais tu parfais ce qui t'entoure, et c'est infiniment mieux. T'es tellement droite qu'on est obligés de se redresser pour être à ton niveau. (Je vais la garder celle là.)

T'es pas mon point faible comme ont pu l'être d'autres femmes que j'ai aimées. (J'avoue je suis pas serein en te disant ça). T'es vraiment une source inépuisable de courage et de force dans laquelle je peux puiser quand j'ai envie de mourir tellement je vais mal.

C'est pour ça que je veux te remercier à tout jamais pour cette lettre.

Parce que si toi tu peux pas être mon médicament, ma codéine. Ce que tu me dis peut l'être.

Et ce que tu m'as écrit, l'est pleinement.

Et même si t'es mariée quand je rentre, ou que je finis par vivre ici pour toujours, bah j'aurai toujours ça. En fait, ta lettre, c'est ma montre.

Tu m'avais dit que tu préférais être à deux sur un champ de bataille que toute seule dans le désert. Dans l'idéal, moi aussi. Mais il y a un moment où il vaut mieux garder la personne qu'on aime à l'abris des bombes. Alors ouais, je me sens seul, loin de toi, mais j'ai au moins le réconfort de me dire que t'es un peu moins atteinte par les bombes qui arrivent sur ma vie.

Mais je te promets, et ça je peux le faire, que si j'arrive à construire un putain de bunker où on soit à l'abris tous les deux, je viendrais te chercher dans ton désert pour te ramener sur mon champ de bataille.

Dernière chose avant de terminer cette lettre qui est déjà bien trop longue, je dois te dire que j'ai recommencé à écrire. En cherchant des mots pour toi, j'en ai trouvé pour la musique. Et putain ça fait un bien fou. J'avais oublié qu'à l'écrit on pouvait sortir des trucs que notre bouche oserait jamais laisser filer.

Enfin, pour le rap, il faudra bien qu'elle accepte que ça sorte. Je sais pas si j'enregistrerai tout, j'ai une horreur certaine pour le rap geignard et trop centré sur ses petits problèmes perso. Mais au moins; j'ai tous ces textes sous la main.

Je vais te laisser chérie, j'ai l'impression d'en avoir beaucoup trop dit déjà. Tu sais que je t'aurais jamais balancé tout ça si t'avais pas été à des milliers de kilomètres. D'ailleurs, si jamais on se revoit, j'aimerais assez qu'on ne parle pas trop de tout ce que je te dis ici, ma pudeur t'en voudrait.

J'espère que tu trouves quand même le temps d'être heureuse, que ton année a bien commencé et que tu t'es posée à Auber avec Pauline.

Fais attention à toi, mange bien, arrête de fumer et n'oublie pas tes prises de sang. (Putain on dirait une carte postale de ma daronne, mais sérieux, pense à ta santé).

Je ne pense pas t'écrire beaucoup d'autres lettres dans ma vie, alors j'espère qu'elle te plaira. Je l'ai relue trois fois et je ne sais pas comment y mettre fin. La tienne se terminait parfaitement, ça me fout la pression.

Je crois avoir perdu la totalité de ma street cred et de mon mystère dans ce courrier, c'est pire qu'un nude, donc si tu veux me faire chanter, je crois que t'as l'outil idéal pour me soutirer de la maille.

Embrasse tout le monde de ma part, dis leur que je pense à eux même s'ils me détestent.

Embrasse toi aussi d'ailleurs. Enfin non. Je préfère le faire moi même.

J'ai l'impression de partir une deuxième fois en terminant d'écrire. Parce que c'est vrai, pendant toutes ces heures passées à tenter de te répondre, j'avais l'impression d'être avec toi.

Je t'aime toujours (si jamais t'as réussi à en douter).
Tu me manques bien au delà de ton corps.

Mikael.

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