Chapitre 69. Après moi le déluge
——Deen——
Ma fille devait naître d'un instant à l'autre.
Peut-être même qu'elle était déjà née.
Mais sa mère avait disparu.
Depuis qu'elle avait fait cramer mon appart, impossible de retrouver Nora. Les flics la cherchaient, on la cherchait partout. Mais elle avait complètement disparu de la surface de la planète. Tout ses réseaux étaient en sommeil, apparement elle s'était débarrassée de son portable. Sa mère l'avait pas vue, ses amis non plus.
Volatilisée.
Je devenais complètement fou.
Plus de sommeil, des quantités astronomiques de THC dans l'organisme, je passais mes nuits à sillonner internet ou la ville à la recherche de Nora. Toutes les hôpitaux parisiens étaient prévenus, si elle se pointait pour accoucher, ils devaient la signaler à la police.
Je devais récupérer ma fille, d'une façon ou d'une autre, c'était mon obsession.
Les premières semaines, j'avais été rassuré par l'espérance inébranlable de Violette, elle m'assurait que Nora finirait pas réapparaître, à un moment ou un autre. Mais désormais, je commençais à douter, sincèrement.
Et j'étais absolument horrible pour mon entourage.
Ma mère était à Paris depuis deux semaines, on avait pris un Airbnb le temps que les travaux chez moi soient fini et que nous puissions y retourner. Mais c'était tout juste si j'adressais la parole à ma meuf et ma mère qui interagissait davantage entre elles qu'avec moi. C'était pas leur faute, je les aimais toutes les deux, mais j'y arrivais pas. Tant que j'aurais pas ma fille, je persévérerais.
Je voyais bien que ça les inquiétait, l'une comme l'autre, elles détestaient me voir souffrir mais pour le coup, elles n'y pouvaient rien.
Ma terreur était que Nora ait réussi à partir au Maroc ou dans je ne sais quel pays étranger, et qu'il me soit impossible de retrouver ma fille avant plusieurs années. Ou même quelque part en province. J'avais peur aussi qu'elle lui fasse du mal, ou qu'elle se fasse du mal à elle.
Tous les scénarios possibles traversaient mon esprit, tous plus terribles les uns que les autres, et les flics, comme d'habitude, étaient plus occupés à poursuivre le bicraveur du coin qu'à retrouver la tarée que j'avais mise enceinte.
J'écoutais même plus Maya qui passait son temps à m'engueuler en disant qu'il fallait laisser les choses se faire et que passer mon temps à chercher ne faisait que rendre ceux qui m'aimaient complètement malheureux.
C'était plus fort que moi, fallait que je la retrouve. Elle avait failli tuer Violette, les griffures sur son cou en témoignaient encore, et au delà du fait que je voulais ma fille, j'avais terriblement soif de vengeance.
Il devait être quatre heure du matin, j'étais assis sur le canap, les yeux éclatés par mon cinquième pétard et par les lumières bleues de mon écran d'ordi. Aujourd'hui Nora était officiellement arrivée au terme de sa grossesse. Impossible de savoir où.
J'étendis une porte s'ouvrir derrière moi puis des pas souples sur le parquet, et finalement une main douce se glissa dans mes cheveux.
Elle ne venait pas me faire de reproche, même si je savais ce qu'elle pensait. « Deen tu devrais dormir ». Je fermai les yeux sous la caresse de ses doigts sur mon crâne et rejetai la tête en arrière en poussant un soupir.
Elle ne s'était pas plainte une seule fois de mon attitude depuis un mois, pourtant Dieu savait que j'étais vraiment insupportable.
L'une de mes mains quitta mon clavier pour rejoindre son poignet et le saisir délicatement l'invitant à se baisser davantage vers moi.
Ses cheveux vanillés me chatouillèrent le visage quand elle entoura mon cou de ses deux bras pour embrasser ma joue.
C'était horrible putain, j'avais la femme dont je rêvais depuis trois piges, et je pouvais même pas en profiter parce qu'une salope s'acharnait à me gâcher la vie.
Les lèvres de Violette couraient le long de ma mâchoire, s'attardant sous mon oreille. J'étais un connard qui la privait bien trop d'affection depuis quelques temps.
Pourtant fallait voir tout ce qu'elle endurait pour moi depuis le début.
Je virai mon ordi de mes genoux et d'un bras, entourai son buste pour la faire passer par dessus le dossier du canapé et la ramener sur moi. Elle n'était pas très habillée, j'avais presque oublié l'effet qu'elle me faisait.
Nous n'avions toujours échangé aucun mot. On se parlait si peu ces derniers jours. Mais dans l'intensité des yeux noirs qui me fixaient, je voyais bien que malgré tout elle savait que rien ne changeait.
Et bon sang qu'est-ce que je l'aimais.
Je saisis sa mâchoire pour ramener ses lèvres contre les miennes, passant mon autre main sous son débardeur pour rapprocher son buste du mien. Elle venait de sortir du lit, sa peau était brûlante et elle frémit sous la fraîcheur de mes doigts.
C'était toujours le même effet, Violette.
Une dose de morphine à un écorché vif.
Un joint à un dépressif.
Drogue douce et planante qui ne soignait pas, mais faisait oublier les symptômes.
Comme la codéine.
Comme notre échange gagnait en intensité, mes lèvres glissèrent vers son cou, embrassant les marques laissée par la sorcière qui nous harcelait, et les doigts fins de Violette attrapèrent la base de mon pull pour le tirer au dessus de ma tête.
Ma daronne dormait dans la pièce à côté, si j'avais été un peu moins défoncé, j'aurais sûrement décalé dans notre chambre, mais tant pis, je partais du principe qu'elle pionçait avec ses boules Quies.
Pendant que mes doigts remontaient le long de sa cuisse pour tirer sur son short et l'envoyer balader, Violette chercha de nouveau mes lèvres et ce fut là que je compris qu'elle pleurait.
Pourquoi ?
Je chassai rapidement ses larmes et me rendis compte qu'il fallait quand même qu'on aille dans la chambre. Je commençai à me lever en la maintenant contre moi, mais elle secoua la tête et désigna son short du doigt, je fouillai dans sa poche et trouvai juste ce qui nous manquait.
Un sourire lubrique m'échappa quand je compris qu'elle n'était pas venue me trouver en toute innocence.
C'était fou, on arrivait à se manquer alors qu'on vivait dans le même appart'. Tout ça parce que j'étais pas foutu de me sortir l'autre pute de la tête.
Enfin, c'était le moment de penser à elle, pas alors que les mains de Vio se faisaient très entreprenantes et que son souffle s'accélérait sous mes propres caresses.
Je lui devais des moments d'intimité, elle faisait tous les sacrifices, et comme d'habitude je me laissais obscurcir par mes mauvaises pensées qui me centraient sur moi même.
De l'extérieur, les gens pouvaient croire que j'étais celui qui soutenait Violette et la renforçait. Peut-être qu'elle même le croyait. Peut-être étais-je le seul à savoir, qu'en réalité, c'était elle qui portait tout. Infiniment plus courageuse que moi, infiniment plus forte.
J'avais parfaitement conscience, depuis le début, de ne pas mériter un quart de sa tendresse. Pourtant je n'aurais laissé ma place à personne.
Pour une raison inconnue, elle m'avait choisi moi, et c'était sous mes mains que son corps se cambrait, ma peau que ses lèvres embrassaient et dans mon dos que ses ongles s'enfonçaient.
Pas un mot ne s'était échappé de nos bouches depuis qu'elle m'avait rejoint, et même après que nos souffles se soient apaisés, Violette se contenta de déposer quelques baisers furtifs sur mon visage, sans rien dire.
— Pardonne moi... murmurai-je finalement.
— Tu m'as manqué, répondit-elle.
Je fermai les yeux en posant ma tête contre sa poitrine. J'avais tellement hâte que tout ceci se termine, qu'on puisse être une famille. Vio jouait avec mes cheveux, comme d'habitude, mais déjà mon esprit était repris par Nora.
Jusqu'au bout elle nous gâcherait la vie.
— Je t'en veux pas tu sais, je comprends ce que tu vis. Mais ne te coupe pas de moi, parce que tout seul, tu périclites, Deen.
Elle avait parfaitement raison. Mais j'avais ce défaut désagréable de l'égocentrisme dans la souffrance. Violette avait réussi à m'en sortir une première fois, mais pour un truc bien moins grave.
— Chérie écoute moi, je vais dire un truc qui va te sembler horrible, mais c'est très important, lui dis-je en relevant mon visage vers le sien.
Elle me sourit, attendant que je poursuive.
— Si un matin tu te réveilles et que tu te rends compte que t'es malheureuse avec moi, je veux que tu partes. D'accord ? Même si je te supplie de rester. Même si sur le moment je te dis que j'avais tort de te dire ça. Parce que si un jour t'es malheureuse avec moi, ça voudra dire que j'ai pas su prendre soin de toi et tu mérites infiniment plus que ça. Ne reste jamais avec moi par peur de me faire de la peine.
J'aimais pas dire ça, mais c'était trop important. Je refusais de la mettre en cage, de l'enfermer dans une relation toxique où elle passerait son temps à espérer que je change.
— Je sais que tu es fais pour moi tel que tu es. Mais je te promets que si je vois que tu n'es plus toi même, si partir est la meilleure chose à faire pour nous sauver tous les deux, je le ferai.
Elle avait tout compris. C'était ce que j'adorais avec Violette, elle ne faisait pas semblant d'interpréter ce que je disais d'une certaine façon pour créer des embrouilles inutiles.
— Pour l'instant ça va ? demandai-je, Je veux dire, nous.
Son sourire me répondit aussitôt, j'étais content de m'être laissé séduire au milieu de la nuit par ses caresses.
— Rien ne va, sauf nous.
C'était tout à fait la phrase qui nous caractérisait depuis quelques mois. Rien n'allait, sauf nous.
Et peut-être qu'après tout c'était l'essentiel.
Conscient des efforts qu'elle faisait sans cesse pour moi, je décidai d'en faire à mon tour et de la suivre dans notre chambre pour essayer de dormir un peu. Ce n'étaient pas quelques heures de sommeil qui changeraient quelque chose à la disparition de Nora.
« Tu finiras par perdre celle que tu as en voulant retrouver celle que tu n'as pas. » m'avait dit Maya au téléphone le matin même.
Je lui avais raccroché au nez mais elle avait raison, je pouvais pas prendre le risque de tout détruire, pour quelque chose qui était peut-être déjà en ruine.
— Tu m'avais promis d'être là pour la fin du monde, murmurai-je à Violette qui s'endormait contre moi, Est-ce que quand ce putain d'apocalypse sera fini, tu seras encore là ?
— Je crois Deen, que cette question c'est à moi de te la poser.
Ça voulait dire oui ?
(...)
Les semaines passèrent, un mois puis deux, mon angoisse grandissait.
Ma fille était forcément née, j'avais fait le tour des maternités de Paris et sa banlieue pour essayer de trouver d'éventuelles trace de sa naissance. Rien.
Je commençais à écouter Violette et les autres, qui m'assuraient que tôt ou tard, Nora allait réapparaître en se servant de la petite comme d'un moyen de pression. Soit pour me récupérer, soit pour avoir de l'argent. J'avais lâché les recherches un mois après, acceptant ma totale impuissance dans cette affaire.
C'était pas pour autant que je le vivais bien. Même si je m'efforçais de faire attention pour les autres, surtout pour Vio, c'était quand même archi dur d'accepter que cette salope avait trouvé un moyen de me faire un gosse dans le dos, pour ensuite m'empêcher de la voir.
J'aurais tellement voulu être à sa naissance.
Même s'il m'avait été imposé au début, je voulais ce bébé et j'aurais voulu pouvoir entendre ses premiers cris et lui donner un prénom.
C'était quand même dingue de même pas connaître le nom de sa gosse.
J'avais haï dans ma vie, mais jamais comme je haïssais Nora. Ça dépassait tout ce que j'avais pu ressentir jusqu'alors.
À ce moment là, je pensais encore que je ne pouvais pas la détester davantage. Mais j'avais tort.
Idriss et Lucie avaient décidé de faire une soirée dans leur nouvel appart, genre pendaison de crémaillère d'artistes trentenaires, on allait faire des singeries, mais pas trop quand même.
Je fus surpris de voir Violette sortir en robe de la salle de bain, elle faisait de gros efforts ces derniers temps, « J'essaie d'être plus chic » disait-elle. Elle arrivait à la fin de ses études et commençait à se dire que tôt ou tard il faudrait qu'elle ait l'air d'une « femme » comme elle disait.
Même si je devais admettre que j'appréciais ses efforts et était assez heureux de voir que ses sapes ressemblaient moins aux miennes au fil des semaines, j'aimais sa simplicité et n'avais pas envie de me retrouver avec une barbie.
— Eh baaaaaah, lâchai-je, en appréciant sa silhouette mise en valeur par la robe, Ils ont de la chance Lucie et Framal.
Elle me sourit de toutes ses dents et je lui fis remarquer qu'elle avait du rouge à lèvres sur les incisives.
— Jamais j'arriverai à être une femme... geignit-elle en frottant ses dents avec son index.
Elle tendait la perche pour une disquette là, j'étais obligé de la saisir.
— Pourquoi tu veux être « une » femme alors que t'es « ma » femme ? lui fis-je de ma voix la plus grave avec un clin d'œil et un sourire dragueur.
Et voilà hop. Elle piquait déjà un fard et je l'entendis glousser en me traitant de gros macho charmeur.
Comme quoi, l'état d'esprit était plutôt à la détente au moment de nous rendre à cette soirée.
Je me tendis néanmoins un peu quand Lucie et Fram annoncèrent joyeusement qu'ils attendaient le numéro deux pour le mois d'octobre. J'étais archi content pour eux, mais en ce moment parler de bébé c'était pas le sujet qui m'enchantait le plus.
D'ailleurs Vio le comprit tout de suite, car après avoir sauté sur le couple en hurlant de joie, elle s'était très vite rapprochée de moi pour glisser sa main dans la mienne et poser son menton sur mon épaule.
— Ça va ? demanda-t-elle, Tu veux qu'on rentre ?
— Non chérie, ça me fait du bien de voir du monde.
Il y avait pas mal de gars que j'avais pas vu depuis un bon moments, certains étaient pas au courant pour Violette et je voyais toujours leurs regards surpris quand ils apprenaient que c'était ma meuf. Mais désormais, elle comme moi avions tellement plus grave à gérer et, dire aux autres que nous avions douze piges d'écart nous paraissait ultra simple.
Mais l'instant qui fit basculer cette soirée, fut quand Maya nous chopa tous les deux par la main pour nous entraîner brusquement sur le balcon, suivie de près par Hakim et Ken.
— Les gars, j'ai eu une Norapute notification. Elle a sorti une vidéo après trois mois d'absence.
— On appelle les keufs ? demanda Ken.
Mon cœur battait la chamade et la main de Violette semblait incrustée dans la mienne tellement nous serrions fort.
— C'est quoi la vidéo ? demandai-je d'une voix blanche.
Maya leva des yeux chargés d'émotions vers moi, si même elle était au bord des larmes rien qu'en voyant le titre, je sentais que j'allais partir en vrille.
— Storytime : J'ai accouché sous X.
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