Chapitre 68. 1000°
—Violette—
Je rentrais à l'appart, j'avais Deen au téléphone qui m'expliquait sa dernière connerie du moment. Ce mec était pas croyable. Il enchaînait les boulettes complètement évitables qui le mettaient dans des situations pas possible.
Mais j'étais complètement folle de lui.
— Il s'est rien passé au moins ? demandai-je.
En soi je connaissais la réponse, Deen était peut-être un crétin, mais je lui faisais confiance à ce niveau là, à moins qu'elle l'ait drogué, il ne se serait jamais laissé séduire par cette connasse de Nora.
J'aimais pas insulter les gens gratuitement, mais elle le méritait quand même.
— Non je te jure, dès qu'elle a commencé à faire sa chaudasse je me suis taillé. Je vais bientôt rentrer, je t'expliquerai mieux en vrai.
Je remontais les escaliers, crevée par ma journée de cours, j'avais qu'une hâte, me laisser tomber dans le canapé et mettre une merde à la télé en éteignant mon cerveau jusqu'à ce que Deen rentre.
— D'accord, lui dis-je, merci d'avoir été honnête tout de suite. Mais j'en reviens pas... C'est dingue t'es un génie.
Je comptais bien me payer sa tête pendant quelques temps.
— Oui bon ça va, je vais te laisser ma chérie, je suis là dans une heure.
Sa phrase me fit sourire, j'étais tellement bien avec lui.
Tournant la clé dans la serrure je m'aperçus alors que la porte était déjà ouverte. Je me sentis aussitôt beaucoup moins bien.
J'ouvris la porte et une forte odeur d'essence m'emplit les narines.
— Deen. Faut que tu viennes. Vite.
Il comprendrait que c'était urgent, je remis vite mon portable dans ma poche et refermai sans bruit la porte derrière moi.
Le bon sens aurait voulu que je fasse marche arrière et que j'appelle la police.
Mais bizarrement, dans ce genre de situation, le bon sens était vite oublié. Dans tout les cas, j'avais une idée très nette de ce qui était en train de se passer.
Je suivis l'odeur sans bruit, pour arriver dans notre chambre et découvrir Nora dos à moi, en train de verser un bidon d'essence sur le lit, elle avait déjà aspergé une bonne partie de l'appart.
— Mais t'es complètement tarée c'est pas possible.
Elle se retourna brusquement en sursautant.
— Tu veux foutre le feu chez nous et prendre le risque de tuer des gens qui n'ont rien à voir avec ton histoire ? Tout ça parce que tu t'es fait recaler ?
J'étais en colère. Vraiment. Comment on pouvait en arriver là ?
— Si je ne vis pas ici avec Mikael, personne n'y vivra. Et sûrement pas toi.
Complètement ravagée. Ses yeux étaient bizarres, elle avait pris quelque chose.
— Tu as bu ? T'es ivre ma parole, bon sang mais Nora tu penses à la petite ou pas ?
Elle ricana, me foudroyant du regard, je lisais tant de haine dans son regard. J'avais pitié d'elle vraiment, en arriver à ce stade de désespoir, c'était grave.
— C'est bien, fais moi la morale petite princesse. Tu es si parfaite, avec ton sourire d'ange, hypocrite comme pas permis. Ah ça oui, tu es gentille. La gentille Violette que tout le monde aime. La pauvre Violette qui a tellement souffert. Mais les filles gentilles, c'est chiant, fais toi une raison. Les hommes aiment les femmes avec du caractère, Mikael aime les femmes sauvages et inaccessibles, t'es tout l'inverse. T'es juste une petite morveuse qui réussit à le manipuler avec un peu de douceur. Mais tôt ou tard, il se rendra compte.
Si elle savait que j'avais entendu tellement pire dans ma vie et que ses mots ne m'atteignaient pas. Parce que s'il y avait une chose dont je ne doutais pas une seconde, c'était que :
— Deen m'aime, que tu le veuilles ou non il m'aime. Même si je suis pas une sauvage comme toi. Même moi ça me surprend, crois moi je me demande toujours ce qu'il me trouve d'intéressant. Je suis tout à fait d'accord avec toi, les filles gentilles, c'est chiant. Mais les femmes méchantes, c'est lassant. Parce que c'est bien plus facile de faire le mal, la méchanceté c'est purement et simplement de la bêtise ou de la peur.
Nora lâcha le bidon sur sol et sa main bardée de faux ongles se referma sur mon cou, brusquement.
— Tu m'as volé Mikael. Tu veux me voler mon bébé et tu oses faire croire à tout le monde que t'es une fille bien.
Je déglutis difficilement, ses ongles se plantaient dans ma peau. Je n'osais pas me débattre de peur de faire du mal au bébé.
— Nora lâche moi, j'ai appelé la police en voyant que la porte était ouverte, articulai-je difficilement.
Garde ton calme Violette.
Elle avait désormais ses deux mains autour de mon cou, je peinais à respirer. Par réflexe je commençais à me tortiller un peu, mais elle était plus grande et plus forte. Et surtout, elle était enceinte.
Je m'accrochai au fait que c'était la fille de Deen qui était sous mes yeux dans son ventre rebondi, je ne pouvais pas lui faire de mal.
Mais je réussis quand même à attraper une mèche de ses cheveux et à tirer violemment dessus.
Elle me lâcha dans un cri de douleur et je pus reprendre mon souffle en me massant la gorge.
— Tu peux me tuer, lui dis-je, ça ne résoudra aucun de tes problèmes, tu accoucheras en prison, Deen récupérera sa fille. Et il te haïra jusqu'au restant de ses jours. D'ailleurs si tu fais cramer l'appart c'est pareil.
— Pourquoi tu l'aurais si moi je ne peux pas l'avoir ?
Parce que si tu l'aimais vraiment, tu voudrais son bonheur.
Soudain elle se mit à pleurer.
— C'est toujours pareil, les hommes... Les filles comme moi ils... ils les prennent quelques temps... p-pour se consoler... pour notre c-corps... Nous on s'attache. Mais tôt ou tard... y'a une mademoiselle p-parfaite sans grand intérêt qui se pointe... Et celle-là ils l'épousent.
C'était tellement cliché et faux.
Maya avait toujours été une vraie garce et pourtant Hakim l'avait épousée.
— Ce ne sont pas les gens que l'on aime qui nous changent, Nora. C'est nous qui changeons par amour.
Elle me lança un regard étrange dans ses larmes, visiblement elle ne comprenait pas.
— Tu peux essayer de changer tant que tu veux une personne pour qu'elle corresponde à ce que tu attends d'elle. Ça ne marchera jamais si la personne n'a pas décidé de changer par amour pour toi. Quand on dit « Sa femme l'a changé » ou « Son mari l'a changée » c'est faux. Ils ont juste rencontré quelqu'un qui leur a donné envie d'être meilleur, mais le changement vient toujours, toujours de soi.
Je gagnais du temps, Deen mettait un temps fou à arriver.
— T'essaies de me dire que Mike n'a pas changé avec moi parce qu'il ne m'aimait pas ? Et qu'il a changé pour toi parce qu'il t'aimait ?
Basiquement, oui. Mais Deen n'avait pas changé, il était juste heureux.
Mon Dieu, dépêche toi s'il te plaît...
— T'es vraiment une petite orgueilleuse.
— Je veux que tu t'en ailles de chez nous, Nora.
Je m'efforçai d'être la plus solide possible. Même si une fille de vingt-trois ans qui donnait un ordre à une femme de trente-cinq qui faisait dix bon centimètres de plus, c'était assez peu crédible.
— Chez vous, répéta Nora.
— Parfaitement. Dégage.
Une gifle violente me percuta le visage, et je tombai par terre en reculant. Nora se jeta alors sur moi, s'asseyant sur mes côtes avec tout son poids, elle maintenait mes bras sous ses genoux.
Je sentis de nouveau ses griffes se planter dans ma gorge et elle appuya si fort que je suffoquai, ma poitrine se soulevant en vain pour demander de l'oxygène.
La panique me gagna, j'étais certaine que c'était fini, j'allais crever ici et Deen serait malheureux. Je ne voulais pas qu'il soit malheureux.
Alors que ma vue commençait à s'assombrir et que je perdais connaissance, il me sembla entendre la voix de l'homme que j'aimais prononcer mon nom dans l'appartement.
La prise sur mon cou se relâcha brusquement et je fus libérée du poids qui me comprimai la poitrine. Mais j'étais trop paniquée et ne retrouvais pas mon mécanisme de respiration, j'avais la sensation de me noyer. Mes oreilles bourdonnaient et je ne parvenais pas à crier.
Tout alla très vite, un cri strident d'une voix que je connaissais bien.
— Deen, putain viens elle est là !
Le sol vibrait sous moi, je connaissais ce pas. Une main fraîche se posa sur ma joue.
— Violette ! Tu m'entends, respire, il faut que te calmes, tu es bloquée.
Mes yeux se rouvrirent, rencontrant les orbes translucides de Maya. Au dessus d'elle, le visage totalement terrifié de Deen.
Je ne pouvais pas lui faire la peine de mourir sous ses yeux quand même. Ça aurait été tellement cliché.
Une violente toux me secoua et je sentis de nouveau l'air envahir mes poumons.
Deen repoussa alors Maya vers l'arrière et se pencha sur moi, complètement fébrile.
Calme toi, eus-je envie de lui dire, espèce de crétin j'ai besoin d'air, pas que tu m'étouffes à nouveau.
—Violette, chérie tu m'entends ? Maya appelle les pompiers bordel de Dieu.
Ça ne lui allait pas du tout de jurer de cette façon, c'était très laid.
Ma respiration saccadée et paniquée se calmait progressivement au fur et à mesure que je sentais le danger s'éloigner.
Maya était déjà au téléphone. Deen me broyait la main et soudain, la réalité me percuta :
— Nora.
Ma voix était complètement brisée, mais au moins j'avais réussi à sortir ce qu'il fallait.
Sauf que ces abrutis ne comprirent pas.
— Oui on sait que c'est elle. Ne parle pas ma belle, respire juste.
Et alors que je m'arrêtai à tenter de leur expliquer, que Nora était encore dans l'appartement. La porte d'entrée claqua et ils se retournèrent d'un même mouvement.
Maya se précipita dans la pièce voisine et poussa un hurlement en revenant aussitôt.
Je n'avais jamais vu une telle terreur dans ses yeux.
Je compris aussitôt.
— Le Feu.
Déjà l'odeur me parvenait.
À partir de là je fermai les yeux. J'étais avec Deen, je n'avais plus peur de rien. Pas même de la mort.
(...)
Je finis par les rouvrir de longues heures plus tard. À l'arrière d'une voiture, blottie dans les bras de Deen. J'avais conscience d'absolument tout ce qu'il s'était passé, mais j'avais refusé d'ouvrir les paupière, comme je faisais lorsque mon père se mettait en colère.
— C'est fini, chuchotait la voix rauque que j'aimais tant à mon oreille, C'est fini mon amour tout le monde va bien.
C'était lui qui nous avait sauvées toutes les deux, en passant par le balcon, nous avions rejoint celui du voisin d'à côté qui avait déclenché le système d'alarme de l'immeuble et nous avait fait sortir. Les pompiers étaient arrivés rapidement.
Le plus dur à gérer avait été le cas Maya. Elle était littéralement pétrifiée depuis l'instant ou elle avait pris conscience du feu. Deen avait dû nous porter l'une après l'autre pour nous faire sortir. J'ignorais pourquoi elle avait réagi de cette façon, mais elle semblait totalement terrifiée.
Hakim nous avait rejoints, je ne l'avais jamais entendu parler de cette façon, il s'était défoulé sur Deen, mais c'était compréhensible, il lui fallait un coupable le plus rapidement possible, ça s'arrangerait d'ici quelques heures.
C'était quand même dingue, je venais de m'installer chez Deen, on commençait à vraiment croire qu'on pouvait être bénis nous aussi, et... le destin s'acharnait sur nous. Hallucinant.
— Je suis tellement désolé... chuchotait Deen en pressant sa joue contre la mienne.
— C'est pas ta faute, articulai-je.
Ce n'était pas sa faute, ce n'était pas la mienne, c'étaient toujours ces foutues "conséquences" que je haïssais de toutes mes forces.
Et la folie de Nora.
— Vois le bon côté des choses, dis-je dans un sourire crispé, On a plus d'appart, mais on est quasiment sûrs d'avoir ta fille. Quel juge confierait un bébé à une criminelle pyromane ?
La portière de la voiture s'ouvrit sur Ken.
— On va pouvoir décoller, dit-il, Tout le monde chez Akrour on lance l'état d'urgence, Violette tu veux pas revoir le médecin c'est bon ?
Même quand le docteur m'avait auscultée, j'avais gardé les yeux désespérément fermé. Il ne s'en était pas inquiété, pas plus que du fait que j'avais refusé de me séparer de Deen pendant la consultation. Il avait simplement dit "Pensez à voir un psychologue, vous êtes en état de choc".
Mais je me sentais bien, malgré ma douleur à la gorge, tout ce que je voulais c'était être avec ma famille.
— Non c'est bon Ken on y va, s'il te plaît.
Le rappeur se mit au volant, pendant que Clem le rejoignait du côté passager. Nous quittâmes très vite le parking de l'hôpital.
Il devait être trois heures du matin, je pouvais clairement catégoriser cette soirée comme l'une des pires de toute ma vie et pourtant, ça allait, parce que j'avais l'essentiel. Personne n'était blessé, tous les dégâts étaient matériels. Je savais aussi que cette épreuve me rapprocherait encore plus de Deen, parce que depuis le début c'était comme ça, plus le monde se liguait contre nous, plus nous nous aimions.
— Putain j'ai vraiment hâte qu'ils retrouvent cette malade et qu'ils l'enferment à Sainte-Anne, grogna Ken alors que nous étions arrêtés à un feu rouge.
— Qu'elle crève, répondit Deen avec dégoût, qu'elle accouche et qu'elle crève.
C'était mal de souhaiter la mort de quelqu'un, mais je ne pus m'empêcher d'être un petit peu d'accord avec son point de vue.
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