Chapitre 63. Un « Je ne sais quoi »
——Violette——
Une main me caressant la joue me sortit de mon sommeil. J'ouvris les yeux difficilement sur le visage souriant de Ken sur l'épaule duquel j'avais commencé ma nuit.
— Toi tu vas me faire le plaisir de rentrer chez toi et d'aller dormir. T'as cours demain non ? me dit-il.
Je m'étirai en baillant, cherchant Deen des yeux, mais ne le vis pas. Peut-être qu'il était déjà parti, il avait été très étrange toute la soirée, presque glacial avec moi.
— Il est dehors avec Maya, me fit Ken.
— On devait... commençai-je un peu gênée.
— Rentrer ensemble, ouais, compléta-t-il, t'inquiète Minouche tant qu'il fait pas le con je reste tranquille. Si t'es heureuse avec lui... Et qu'il est heureux avec toi... Même si j'avoue, j'ai du mal à m'y faire. Il est grave vieux l'ancêtre quand même.
Je préférais qu'il insiste sur le grand âge de Deen plutôt que sur ma jeunesse. Et à vrai dire, je pouvais complètement comprendre qu'il ait des réserves à ce niveau là.
— Et puis cette histoire de gosse... Tu te sens de gérer ça ? En plus de ton daron qui fait son grand retour, d'ailleurs permets moi de te dire que t'as pas intérêt à t'approcher de lui, ta mère en HP... Tu penses que ça va pas faire trop pour toi ?
Évidemment que ça faisait beaucoup. Mais c'était plus facile de gérer plusieurs problèmes à deux que tout seul dans son coin, avec le manque en prime.
— Tu sais Ken... J'en ai marre de m'empêcher d'être avec Deen à cause des autres. Tous nos problèmes sont liés aux gens qui nous entourent et franchement, c'est assez frustrant quand on sait qu'on est hyper bien quand on est tous les deux.
Il se gratta le menton quelques secondes, et lança un regard en direction de l'extérieur.
— C'est le problème de ce groupe, finit-il par dire, On s'entraide toujours, c'est trop bien, mais y'a toujours le revers de la médaille, on se mêle trop des affaires des autres et c'est ce qui fout plus la merde qu'autre chose.
« Papaaaaa »
« Papaaaaa »
— C'est Iris, elle fait des cauchemars en ce moment, expliqua Ken en se levant, Viens s'tu veux.
Je le suivis dans la chambre des enfants, chambre qui était la mienne auparavant. Iris pleurait dans son lit en continuant d'appeler son père.
— Je suis là princesse, fit-il en se penchant vers elle, Avec Tilette, arrête de crier tu vas réveiller ton frère et tes cousins, qu'est-ce qui va pas ?
Il saisit la petite fille sous les épaules pour la prendre dans ses bras et je caressai doucement les cheveux presque noirs de l'enfant.
— Chaumar, dit-elle en pleurant.
— Un cauchemar, répondit Ken.
Nous sortîmes dans le couloir pour aller dans la chambre parentale où elle risquait moins de réveiller les autres.
— C'était quoi ton cauchemar, ma belle ? demandai-je.
Iris se blottit contre son père, j'aimais bien voir Ken avec sa fille.
— Maman, elle a mangé moi.
Ah ouais, parfait, cette enfant voyait sa mère comme une psychopathe, et ce depuis deux ans. Ken la rassura de longues minutes avant qu'elle ne se rendorme finalement et qu'il puisse la recoucher.
— Je comprends pas pourquoi elle fait une fixation sur sa mère. Elle la repousse systématiquement, elle rêve qu'elle lui fait du mal. C'est hyper dur pour Clem. C'est toujours moi qu'Iris appelle, je raconte pas trop les cauchemar à Clem parce que ça la blesse vraiment, elle sait pas quoi faire pour se rapprocher de sa fille.
Le mystère Iris. Depuis sa naissance elle avait un comportement bizarre, ils avaient vu déjà une flopée de pédiatres pour essayer de comprendre. Rien n'y faisait. Elle n'avait aucun trouble mental à proprement parler, aucune maladie. Juste une froideur parfaite avec sa mère et plus généralement les femmes.
— Ça va peut-être changer en grandissant, elle aura besoin de sa mère quand elle sera ado et que tu feras le daron abusif.
— Me parle pas d'adolescence, s'il te plaît, je suis pas encore prêt pour imaginer la crise qu'elle va nous faire.
Ça me faisait bizarre d'imaginer que tôt ou tard, Iris, Naël, Arthur, Ilyes et Amir seraient toute une bande d'ados revêches. Je me demandais si la fille de Deen serait elle aussi parmi eux, si mes enfants grandiraient au contact des leurs.
Toujours cette même question : Tu te vois où dans dix ans ?
Dans dix ans, je serais toujours plus jeune que Deen aujourd'hui. C'était dingue d'imaginer ça.
— T'as l'air crevée ma Violette, me dit Ken, faudrait vraiment que tu rentres. Si le Bigo bouge pas tant pis pour lui, je peux te promettre que si tu te tailles sans lui, une demi-heure plus tard il sonne chez toi.
J'avais pas envie de jouer à ce genre de jeux d'enfants, d'être dans un rapport de force avec Deen. Effectivement j'étais totalement épuisée, mais je préférais au moins lui signaler que je rentrais.
Je rejoignis la terrasse où Maya et lui étaient assis par terre, l'un contre l'autre à discuter.
Bien.
Je n'étais pas jalouse de Maya, j'étais suffisamment intelligente pour savoir qu'il n'y avait pas la moindre ambiguïté entre eux. Mais comme il ne m'avait pratiquement pas calculée de la soirée, ça me faisait quand même un petit pincement au cœur.
Même si je savais qu'il y avait des moments où l'on avait plus besoin d'une présence amicale qu'amoureuse. D'autant que Maya avait cette capacité surhumaine de pouvoir entendre les problèmes des autres sans en souffrir. Ce qui faisait qu'on ne culpabilisait jamais en se confiant à elle.
— Deen, je suis éclatée... Je vais rentrer. Je... Je sais pas ce que tu veux faire mais je commande un uber, j'ai la flemme de prendre le métro et j'ai cours demain.
Il échangea un regard entendu avec Maya et se leva.
— Parfait, on y va, fit-il.
Je poussai un soupir de soulagement et Maya m'adressa un sourire encourageant.
— Commence à y aller Deen, je dois dire deux mots à Vio, fit-elle.
Il obéit et rentra pour dire au revoir à tout le monde.
— Faut pas que tu te laisses faire comme ça Vio, Deen est débile, c'est pas parce que nous on arrive à peu près à savoir ce qu'il pense, que lui peut faire la même chose. Essaie de toujours te dire qu'il a une moitié de cerveau en moins que toi et qu'il faut que tu lui expliques ce que tu ressens, sinon il va passer à côté à chaque fois.
Et c'était sa meilleure amie. Pleine de gentillesse.
— Merci, j'y penserai.
— Le laisse pas être pris par ses mauvaises pensées, tu sais à quel point ça le rend égocentrique et imbuvable.
Bon Maya je t'adore, mais je connais Deen, j'ai pas besoin que tu me rappelles comment il fonctionne, pensai-je.
— Je sais, oui.
Je lui fis la bise et commençai à amorcer un mouvement vers l'intérieur mais elle m'interrompit subitement.
— Ah, et dernière chose, fais-moi plaisir, vas voir un médecin, tu couves quelque chose, ça se voit sur ta gueule.
Ce n'était pas que visible, je sentais que mon organisme fonctionnait en sous-régime, j'avais peu d'énergie et me sentais patraque. J'avais dû attraper froid à Toulon.
— Ouais, t'inquiète, lui fis-je en retournant dedans.
— Vous arrivez ensemble... Vous rentrez ensemble, fit Sneazz en faisant danser ses sourcils, Je dois en déduire que vous allez dormir ensemble aussi ?
J'avais pas le courage de lui répondre et vis Jasmine le frapper derrière la tête avec un air exaspéré.
— Quoi ? fit-il, On dirait Ken et Mandarine au début. « On habite ensemble mais on est juste potes wola ».
— On n'a jamais dit qu'on était potes, frérot, répondit Deen.
Soulagée qu'il se charge de répondre, je le laissai entourer mes épaules avec son bras pour m'inciter à partir. Je tombais vraiment de sommeil.
— Donc c'est vrai ce qu'elle a dit Norapute ! Tu l'as pécho dans le jardin de ta daronne ?!
Tuez le, s'il vous plaît , que quelqu'un se dévoue pour lui fermer sa gueule.
Mais les autres nous observaient avec amusement, limite je m'attendais à tout moment à en voir un sortir du pop-corn de derrière un coussin. Seuls Maya et Hakim auraient pu nous aider, mais ils étaient dans la cuisine avec Ken.
— Tu demanderas à Norapute de t'envoyer les photos, répondit Deen, Allez on y va. La bise tout le monde.
Une fois dehors, je poussai un soupir de soulagement, cette soirée avait été à la fois hilarante et insupportable. Peut-être parce que j'étais crevée.
— T'as mauvaise mine, chérie.
Je souris en l'entendant m'appeler comme ça, en vérité j'avais horreur de ce surnom, je trouvais que c'était un truc de darons bourgeois. Mais c'était toujours pareil, quand c'était Deen... C'était pas la même chose.
— Je meurs de fatigue.
Une fois dans le taxi je me blottis contre lui et il m'adressa un sourire amusé, j'étais contente de l'avoir retrouvé.
— Je suis désolé pour ce soir, dit-il, c'est un peu le bordel dans ma teuté.
J'avais vu les photos de son appart, Nora avait clairement pété les plombs, je ne comprenais qu'il ne veuille pas porter plainte. Et puis cette pathétique vidéo...
— Maya m'a montré la vidéo, je pensais pas qu'elle irait aussi loin sur toi.
Non seulement je me faisais insulter tout le long, mais en plus, malgré le fait qu'elle ne donnait aucun nom, tout était parfaitement évident. Elle avait déjà posté plusieurs photos avec Deen sur ses réseaux, tout le monde savait qu'il était LE rappeur. Ensuite, dans la vidéo elle mentionnait à de nombreuses reprises que j'étais plus jeune, que je « tournais autour d'un certain collectif depuis des années dans le but de finir par en choper un. », que « Le rappeur en question » avait déjà eu une relation de type « plan cul régulier » avec moi, qu'il m'avait même écrit une chanson et que je n'avais cessé de revenir à la charge après notre séparation. Entre deux larmes de crocodile, Nora expliquait à ses 700 000 abonnés que j'avais utilisé des faiblesses familiales pour récupérer « le rappeur en question ».
Les réseaux sociaux s'étaient donc chargés de faire les liens, « Il a écrit une chanson sur elle, on en revient à la fameuse Violette. » « C'est pas l'ex de PLK ? Askip elle a essayé de se faire tout L'entourage. ». « Chaud Deen Burbigo il se tape des nanas de vingt piges, l'ancieeen. » Y'avait également les groupies de Nora qui se contentaient d'insulter Deen, ou moi, ou les deux, et qui criaient à la terre entière leur désespoir quant à la séparation d'un des couples les plus stylés du moment.
— Tu sais ce qu'on va faire, on va lire des tweets ensemble et on va se foutre de leur gueule à ces fils de putes, me dit Deen un peu plus tard en arrivant chez moi.
J'ignorais si c'était une bonne idée, j'étais plutôt du genre à éteindre mon portable et attendre que Twitter trouve un autre os à ronger. Tôt ou tard une autre personne plus ou moins célèbre ferait une gaffe impardonnable et notre histoire sombrerait dans l'oubli.
— Qu'est-ce que tu dis de ça « Moi je trouve ça beau que Deen ait retrouvé la fille de Codéine. » « T'façon j'ai jamais pu encadrer Norananas, bien content que Burbigo l'ait tej ». « Elle est sérieuse Norananas avec sa vidéo de chialeuse là ? Elle a aucune fierté cette vieille meuf c'est ouf. »
Je compris alors qu'il avait fait une sélection de tweet qui allaient à l'inverse du bashing général. Pendant qu'il continuait de lire, avachi sur mon lit, je me préparai rapidement à me coucher, me sentant toujours dans un état bizarre.
— « Pendant ce temps PLK il se dit qu'y a peut-être moyen de récupérer Norananas, entre cocus on se soutient ». Putain les gens sont des génies.
Deen se marrait comme une baleine. C'était méchant.
— Oh ça c'est vraiment petit, Mathieu n'a rien à voir dans l'histoire. On a à peu près réussi à retrouver de bonnes relations, j'ai pas envie que ces abrutis foutent ça en l'air.
Le rappeur releva le nez de son IPhone en fronçant les sourcils, pendant que je me glissai sous les draps.
— De bonnes relations, c'est-à-dire ?
Oh non, pitié, pas ce soir.
— C'est-à-dire qu'il me traite pas de salope à chaque fois qu'on se croise et qu'on peut se demander des nouvelles de temps à autres. Point barre.
Je rabattis la couette sur mon visage avant d'enfouir ma tête dans l'oreiller. Je me demandais si j'allais réussir à aller en cours dans cet état le lendemain.
— Ok parce que le terme « relations » peut prêter à confusion.
— Heureusement que j'ai pas dit « rapports » alors, répondis-je dans un bâillement, Deen, j'aimerais bien dormir.
Je l'entendis bouger sur le lit, puis sentis sa barbe me piquer la joue quand ses lèvres cherchèrent mon visage.
— T'aurais voulu répondre quoi à Sneazz ? murmura-t-il près de mon oreille.
Je voulais juste dormir. C'était quand même pas compliqué à comprendre. Mais visiblement si, parce qu'il avait décidé de me poser la question qui m'avait gavée toute la soirée.
De toutes façons j'avais ni la force de lutter, ni celle de mentir.
— J'aurais voulu lui répondre que oui, avant de lui préciser d'aller se faire foutre.
Je le sentis sourire, il m'embrassa derrière l'oreille avant de se remettre à chuchoter :
— Pourquoi tu l'as pas dit alors ?
J'étais très tentée de lui dire à lui aussi, d'aller se faire foutre pour le coup. Je luttais comme pas permis contre mes paupières de plomb.
— T'avais qu'à le dire si tu voulais l'entendre, Deen je t'en supplie laisse-moi dormir je me sens pas bien.
Ma voix était vraiment suppliante, il finit par comprendre car il me laissa tranquille et je finis par sombrer dans les bras de Morphée.
Mais pas pour longtemps.
Au milieu de la nuit, je fus prise d'une violente crise de nausées et dûs partir en courant aux toilettes pour vomir tout ce qu'il me restait dans l'estomac.
J'entendis Deen pousser un juron en me rejoignant à grandes enjambées.
— Eh ! Qu'est-ce qui t'arrive ?
Comme si c'était pas évident.
Il dégagea les mèches de cheveux qui s'échappaient de ma queue de cheval et sa main trouva mon cou pour caresser doucement ma peau.
— Ça va aller, t'en fais pas. Demain on ira voir le médecin, t'es bouillante, je crois que t'as de la fièvre.
— J'ai archi mal au ventre, articulai-je entre deux hoquets.
Quand ma crise fut terminée, Deen me soutint et m'accompagna à la salle de bain pour m'aider à me rafraîchir.
— T'es tellement pâle, ma parole, t'éclaires dans le noir, tu pourrais remplacer le phare du Planier.
Merci Deen.
Sa mère déteignait bien trop sur lui.
— Ok ma comparaison était nulle. Tu veux qu'on aille aux urgences ou tu te sens d'attendre demain pour aller voir un médecin. T'as vraiment très mal ?
Je me sentais vraiment faible et abattue par la fatigue, encore un peu nauséeuse et surtout, un mal de ventre très intense.
— Ça va aller, je vais dormir encore.
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