Chapitre 5. Leticia
Quatre mois plus tard
Minuit et demi, j'étais foncedé, dans mon canap avec Jehk à regarder des merdes à la télé, le mois de septembre commençait à peine et j'étais d'une humeur de merde.
Pour changer.
Je venais de poster ma troisième story Instagram pour me plaindre de la débilité du service public quand mon portable se mit à vibrer, affichant le numéro de Clem.
Elle m'avait pas appelé depuis des lustres, sûrement parce qu'elle avait compris que je décrocherais pas.
J'ignorai son appel, et reçus un texto dans la foulée.
Clem : Deen, j'ai besoin de toi, c'est grave. Décroche, s'il te plaît.
J'eus un instant de panique, elle était enceinte de cinq mois et, même si j'avais toujours pas digéré la nouvelle de sa grossesse, j'étais terrifié à l'idée qu'il lui arrive quelque chose.
Elle rappela une seconde après et cette fois je décrochai.
— Ouais, qu'est-ce qu'il y a ? demandai-je en tentant d'avoir l'air naturel et blasé.
Je l'entendis sangloter dans le téléphone.
Au diable les apparences.
— Clem putain ! Qu'est-ce qui se passe ? Tu vas mal ?
— Il.... il y a eu un... un accident... Maya...
Je ne pus m'empêcher de laisser échapper un soupir de soulagement, Maya était la copine de Mékra et la meilleure amie de Clem. Même si je lui souhaitais pas de mal, je préférais que ça tombe sur elle plutôt que sur la femme que j'aimais.
— Elle... s'est faite renverser... on est à l'hôpital... Ken reste avec Hakim... mais moi il faudrait que je rentre... et Sneazz est au Maroc... J'arrive pas à joindre Camille... S'il te plaît Deen, viens me chercher. J'ai besoin de toi.
Putain.
J'avais envie de l'envoyer chier, lui dire d'appeler quelqu'un d'autre. Mais je l'avais déjà laissée tomber pour son mariage...
— Je sais qu'il y a plus de RER... je te paye un Uber pour venir mais s'il te plaît, je veux pas être toute seule.
Putain je comprenais que Ken veuille rester avec son frère mais quand même, tu laisses pas ta femme enceinte toute seule alors que sa meilleure amie peut caner d'un moment à l'autre.
Moi, j'aurais jamais fait ça.
— T'inquiète, je commande un Uber, je suis là dans 45 min.
— Deen.
— Ouais.
— Merci.
Je soupirai en raccrochant. Mon frère me dévisagea, l'air un peu agacé.
— T'as un souci ? lui demandai-je en commandant un taxi.
Il haussa les sourcils, l'air un peu trop condescendant, fallait pas qu'il oublie que c'était moi le plus vieux.
— Combien de temps tu vas rappliquer comme un toutou à chaque fois qu'elle te siffle ?
Ok alors lui, il avait vraiment envie de mourir ce soir.
— Commence pas à casser les couilles.
— Sérieux frère, ça fait quatre ans qu'elle fait la pluie et le beau temps dans ta vie, c'est la femme de Nek hein ! Il se passera jamais rien !
Je le fusillai du regard en récupérant ma sacoche pour me tirer de là.
— Nique bien ta race, lâchai-je.
Mon frère avait clairement pas besoin de me balancer tout ça, je le savais très bien. Mais là c'était pas le moment, je savais d'expérience que c'était une très mauvaise idée de laisser Clem seule quand elle allait mal.
— Ouais, bah on a la même, enculé.
— Allez ta gueule !
Je claquai la porte de l'appart derrière moi et appelai l'ascenseur.
Dans la voiture, je commençais à appréhender le moment où je serais seule avec la jeune femme. Ça n'était pas arrivé depuis des lustres et je savais que j'allais forcément en souffrir.
Le dernier album d'Alpha dans les oreilles, je tentais de me préparer mentalement à la vision de Clem enceinte. J'étais pas prêt, l'avoir appris était déjà une chose difficile, le constater de mes propres yeux l'était encore plus.
La voiture se gara sur le parking et je dis au chauffeur de m'attendre.
Je retrouvai Clem et sa pote Lucie dans le hall de l'hôpital.
Elle portait un gros pull qui cachait totalement son ventre, de toute façons il devait pas être bien gros vu sa carrure.
— Deen... souffla-t-elle en me sautant au cou.
Je fermai les yeux quand mon nez rencontra ses boucles brunes et que je sentis contre mes abdominaux, la rondeur camouflée par son pull.
— Merci, merci d'être venu.
Elle renifla contre mon sweat et je grimaçai, ça me rappelait trop de souvenir.
— Je vous laisse, je retourne avec Idriss, je te tiens au courant pour Mayou. T'en fais pas, elle va s'en sortir, fit Lucie d'une voix rauque.
La petite brune nous planta là et s'éloigna dans le couloir pendant que Clem était toujours pendue à mon cou.
— Allez gamine, on bouge de là.
Je caressais maladroitement ses cheveux en tentant de faire taire mes émotions contradictoires. J'avais envie de la repousser violemment ou au contraire de ne plus jamais la laisser quitter mes bras.
Elle se détacha de moi et son doux regard me happa quand elle murmura :
— Je pensais que t'allais me laisser tomber...
Je fronçai les sourcils et l'entrainai vers le Uber. Chacun de nous rentra de son côté et le chauffeur me demanda l'adresse.
— 12 rue Mouton Duvernet, dis-je mécaniquement.
— Deen ! Non ! me corrigea Clem, J'habite plus là, c'est chez Sneazz maintenant. 129 rue Blomet, dans le XVe.
Putain, j'avais oublié.
Elle avait emménagé avec Nek, évidemment, ils étaient mariés. Je devais encore avoir à l'appart, un double des clés de l'ex studio de Clem où j'avais passé tant d'heures quelques années auparavant.
— Comment va Maya ? demandai-je pour avoir l'air un minimum inquiet de la meuf de mon khey.
Le visage de Clem se rembrunit, elle posa sa tête contre la vitre et je contemplais ses traits tirés par l'anxiété, qu'éclairaient par intermittence les réverbères parisiens.
Même comme ça elle était belle, putain.
— Les médecins ont dit que si elle passait la nuit elle avait fait le plus gros. Elle est en train d'être opérée.
Un nouveau sanglot lui échappa et je passai mon bras sur son épaule pour l'attirer contre moi. Elle posa sa tête contre mon torse et je déposai un baiser dans ses cheveux.
— Tu me manques tellement Deen.
Je fermai encore les yeux, elle me manquait aussi, en tant que meilleure amie, mais j'arrivais pas à dissocier les deux.
— Elle va s'en sortir, tu verras. Haks vient à peine de sortir de prison, il a pas besoin de ça, chuchotai-je.
La voiture se gara devant le joli immeuble où habitaient désormais les jeunes mariés. Je la suivis dehors. Le Uber démarra et quitta la rue.
Ça allait me coûter un bras cette histoire.
— Je te rembourserai.
Je secouai la tête pendant qu'elle composait le code de l'entrée et lui emboîtai le pas.
En découvrant l'appartement, je poussai un soupir, c'était totalement à leur image à tous les deux. Des affiches d'exposition à Orsay ou au Centre Pompidou, de films, des disques d'or, des photos de voyages et de leurs amis, partout. Des livres, des papiers, des mangas, des CD qui trainaient.
Un joli cadre trônait sur une étagère, renfermant une photo de leur mariage, Clem faisait une grimace et Nek le S du « S-Crew » avec ses mains.
Je soupirai, rien qu'à la déco de chez eux, on pouvait comprendre que ces deux là étaient totalement faits l'un pour l'autre.
Ça faisait mal.
— Désolée, c'est le bordel, souffla Clem en me tendant la main pour récupérer ma veste.
— T'inquiète.
Après avoir rangé les manteaux, Clem revint vers moi et je sentis qu'elle était vraiment mal. Je reconnaissais ce visage angoissé, c'était celui qu'elle avait avant la mort de son père.
— T'as mangé, gamine ?
Elle baissa les yeux et j'eus aussitôt ma réponse.
— J'vais faire un truc, j'ai la dalle. Et toi aussi.
Clémentine grimaça mais je l'ignorai, c'était quand elle était dans cet état qu'elle était le plus vulnérable pour faire de la merde avec la bouffe.
Je rentrai dans la cuisine et ouvrait placards et frigo pour trouver de quoi cuisiner.
Pas de viande.
Putain de Fenek végétarien.
Je m'accommodais quand même de ce qu'il y avait, et une demie-heure plus tard, je poussai une assiette pleine devant elle.
— Deen, je...
— Tu manges et tu discutes pas.
Je la pointai du doigt et un petit sourire fendit son visage.
— Ça m'avait manqué que tu m'engueules pour manger.
Moi aussi, ça m'avait manqué de cuisiner pour elle.
Je souris à mon tour, pour la première fois de la soirée.
Putain si seulement Ken pouvait ne jamais revenir.
— Ch'est très bon, fit-elle la bouche pleine, t'es vraiment le meilleur.
Pourquoi me sentis-je alors comme un chien que l'on venait de récompenser ?
Mon frère avait putain de raison.
Au moment où je me faisais cette réflexion la porte d'entrée claqua.
Clem fronça les sourcils, se demandant sans doute qui ça pouvait être.
— Violette ? appela-t-elle.
Une petite blonde apparut alors dans l'encadrement de la porte.
Oh merde.
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