Chapitre 20. Pommade
——Deen——
— Deen, s'il... s'il te plaît, viens me chercher.
La voix paniquée de Violette le me parvint dans le téléphone et mon sang ne fit qu'un tour.
— Qu'est-ce qui se passe ? T'es où ?
Sa respiration irrégulière résonnait, je l'entendais sangloter, je sentis sa panique me gagner.
— Euh... je sais pas... vers euh... La Villette... Y a un Franprix... Deen vite.
Elle avait vraiment de la chance que je sois chez Ivan qui habitait à cinq minutes. Sans prendre le temps de m'expliquer, je saisis ma veste et me précipitais à l'extérieur. Je voyais très bien où elle se trouvait.
— Bouge pas ma belle, je reste au téléphone, qu'est ce qui se passe ? T'es en danger ?
J'essayais de maîtriser l'angoisse dans ma voix pour la rassurer.
— Des gars... sanglota-t-elle, j'attendais le bus... Deen viens vite.
Putain, c'était ce que je craignais, à tous les coups elle s'était faite agresser. Je me mis à courir dans la rue si vite, je flippais à mort de l'état dans lequel j'allais la trouver.
Quand je l'aperçus enfin, une sorte de décharge électrique me traversa le corps, elle était assise sur le trottoir, adossée à la vitrine du Franprix.
— Violette ! appelai-je.
Elle releva les yeux vers moi et son corps suivit le mouvement, un instant plus tard elle était dans mes bras, tremblante et sanglotante.
— Qu'est-ce qui s'est passé chérie, dis moi, murmurai-je en frottant doucement son dos.
Violette recula alors son visage et mes yeux se posèrent sur sa joue baignée de larmes et...
Oh. Putain.
Je connaissais très bien ce genre de marques, le nombre de fois où je m'étais cramé avec une clope ou un joint. Saisissant son menton entre mes doigts, j'approchai son visage du mien pour mieux voir.
Ces enculés y étaient pas allé de main morte.
— Je te jure que si je les retrouve ils se reconnaitront plus jamais dans la glace.
Elle tremblait si fort, c'était impressionnant, je l'attirai de nouveau contre moi et un petit râle de douleur lui échappa.
— Attends, qu'est-ce qu'ils t'ont fait d'autre ?
Violette releva peniblement la manche de son sweat et je constatai avec horreur que trois brûlures similaires salissaient sa peau délicate.
— Les fils de putes.
La rage que j'avais.
J'imaginais même pas la réaction de Nek, il avait pété un câble quand elle lui avait fait croire qu'elle était avec un mec. Il allait être complètement fou.
Putain, sur toute la population de Paris, tu devais avoir de milliers de connards qui méritaient qu'il leur arrive ce genre de connerie, et il fallait que ça tombe sur la plus douce, la plus généreuse et la plus joyeuse de toutes les parisiennes.
— Il faut aller aux urgences, sur ton visage c'est vraiment moche. J'appelle les pompiers.
Mais elle secoua la tête de droite à gauche.
— Non Deen s'il te plaît, demain on ira chez le médecin. Je t'en supplie ramène moi juste chez toi. Je veux rester avec toi.
Ça avait le mérite d'être clair, j'aurais sûrement dû insister mais je savais à peu près comment soigner une brûlure.
Je commandai un uber et quelques minutes plus tard, nous étions tous deux dans une berline nous ramenant chez moi. Violette tremblait toujours, blottie contre moi et je caressai doucement ses cheveux pour essayer de calmer son angoisse.
— Jehk ? appelai-je en arrivant à l'appart'.
Pas de réponse, il devait être chez sa meuf. J'accompagnai la petite blonde dans la salle de bain et l'aidai à retirer son pull.
— On va mettre de l'eau tiède un moment, mets toi dans la baignoire.
Elle ôta son jean et obéit, j'allumai l'eau de la douche et quand elle fut à température suffisante je fis longuement couler sur son bras. La pauvre frissonnait mais ne se plaignait pas, attendant sagement que je juge que c'était suffisant.
— Ta joue.
Violette renversa la tête en arrière et ferma les yeux, je dégageai ses cheveux pour inonder son visage. J'avais vraiment la haine en voyant cette marque sur sa peau, à quelques centimètres de son oeil droit, fallait vraiment avoir aucune race pour faire ça à une meuf aussi adorable.
Une bonne demie heure plus tard, je l'enroulai dans une épaisse serviette avant de m'absenter pour aller lui chercher des vêtements bien chauds.
Je la laissai ensuite s'habiller et partis à la recherche de compresses grasses. Après l'avoir faite assoir dans le canapé je lui fis un bandage adapté sur le bras et un pansement sur la joue.
Elle n'avait pas ouvert la bouche depuis qu'on était chez moi, se contentant d'obéir et de me regarder agir.
Ses yeux noirs suivaient le moindre de mes mouvements tandis que je finissais de fixer son pansement.
— Merci... murmura-t-elle en se recroquevillant de nouveau entre mes bras.
Les filles vulnérables qui cherchaient du réconfort et de la protection, ça me faisait flancher, salement flancher. J'entourai ses épaules avec précaution et déposai un baiser furtif sur ses cheveux humides.
— Tu veux bien me raconter gamine ?
Sans se détacher de moi, elle hocha la tête.
— Je suis allée prendre mon bus, murmura-t-elle, comme d'habitude j'ai dit à Tom que j'avais pas besoin qu'il m'accompagne.
Il aurait pas dû lui demander son avis.
— Au début j'étais tranquille, je me roulais une clope, y avait juste deux mecs lambdas qui attendaient le bus. Et là y a un gars qui est arrivé, il m'a demandé une cigarette, je lui ai filé, il a dit qu'ils étaient trois en me montrant ses potes et m'a demandé mon paquet.
Je fermai les yeux, un grand classique, je savais pas combien des gars de la bande avaient un jour utilisé ce genre de méthodes.
— J'ai dit non, alors ils m'ont demandé mon paquet et mon casque. J'ai encore refusé et ils m'ont empêchée de prendre le bus puis ils m'ont coincée et... Voilà.
— Les enculés, putain mais qu'ils aillent se faire mettre. Si je les retrouve...
Ce genre de gars désoeuvrés que je croisais tous les matins, qui foutaient le delbor dans l'immeuble. J'avais plutôt tendance à les défendre, mais là ça me foutait en rogne, on s'attaquait pas à une meuf de vingt piges, qui plus est qui acceptait gentiment de donner des cigarettes. C'était même pas le genre de petite bourgeoise hautaine qui faisait zahma elle en avait plus. Putain, elle attendait un bus de nuit, ils auraient pu se dire quand même deux secondes qu'elle avait pas de thunes.
— Comment tu te sens ? lui demandai-je finalement.
Violette soupira et s'allongea sur le canapé, laissant sa tête posée sur mes cuisses. Je jouai distraitement avec ses mèches blondes pour tenter de calmer ses tremblements qui persistaient.
— J'ai eu super peur, faut que je me remette de mes émotions, je suis assez sensible à la violence et à l'agressivité, ça me rappelle des mauvais souvenirs...
Ce fut à mon tour de soupirer, j'étais vraiment énervé par l'injustice de la situation. Aucune femme méritait de se faire agresser, mais encore moins Violette.
— Deen... Promets moi que tu diras rien à Tom, il va s'en vouloir à mort.
J'acquiesçai, son Tom était le dernier de mes soucis.
En revanche son téléphone se mettant à sonner sur la table basse me rappela qu'un crise était imminente.
— C'est Idriss, indiquai-je, je réponds.
Pour le coup j'en avais vraiment rien à foutre qu'il sache que Violette était avec moi, ça allait plutôt être une bonne nouvelle pour lui.
Elle me jeta un regard implorant, mais je l'ignorai et me penchai par dessus elle pour saisir le portable et décrocher.
— Ouais Fram, c'est Deen.
— Putain ! Qu'est-ce que tu fous avec le portable de Vio ? Elle est où ? Il est 3h du mat' elle est pas rentrée, Lucie flippe à mort
« Lucie flippe à mort », elle était pas la seule, c'était évident. Je percevais une angoisse assez rare dans sa voix, ils étaient tous tellement attachés à elle, c'était ouf.
— Elle s'est faite agresser à la Villette, elle m'a appelé après, j'étais à Pantin j'suis allé la chercher. Elle est chez moi.
Un nombre assez incalculable de jurons en arabe vint m'agresser le tympan.
— C'est quoi cette merde ? Ils lui ont fait quoi ? Elle va bien ? Pourquoi c'est toi qu'elle a appelé ?
Je voyais sous mes yeux le visage de Vio se tendre et repris innocemment mes caresses dans ses cheveux.
— Des petites putes qui s'ennuyaient, elle a pas voulu filer son casque et son paquet de tabac, ils se sont pris pour des mafieux à la cramer avec sa clope. Elle savait que j'étais le plus près, pour ça qu'elle m'a appelé.
— Ok. J'arrive, je viens la chercher. Demain on monte une équipe, on fait le tour du XIX pour les trouver ces baltringues.
Violette secoua vigoureusement la tête et je l'entendis murmurer faiblement :
— Non Deen s'il te plaît... Je veux rester avec toi.
— Kho t'inquiète bouge pas, elle a besoin de dormir, on verra c'qu'on fait demain, je l'ai soignée mais je pense qu'il faudra quand même l'emmener chez le médecin.
La gamine tendit alors la main vers le téléphone.
— Elle veut te parler.
Je n'eus aucun mal à entendre leur conversation.
— Id', t'inquiète ça va, murmura-t-elle, Je risque rien chez Deen.
— On va les niquer je te jure, crois moi ils se sont pas attaqué à la bonne personne.
C'était le moins qu'on puisse dire. Ils avaient pris de très très gros risques, ils n'en avaient même pas idée.
— Idriss, c'est pas une bonne idée. On en reparle demain. Vas dormir et rassure Lucie.
J'entendis mon reuf protester dans le téléphone mais Violette lui souhaita une bonne nuit et raccrocha.
— Tu l'empêcheras pas de niquer des mères tu le sais ? D'autant plus quand Nek sera au courant.
— C'est hors de question. Hakim est déjà parti en prison une fois, faudrait pas que ça devienne une habitude dans le S. Ils ont des gosses maintenant, faut arrêter les conneries.
Elle avait arrêté de trembler et me fixait avec détermination.
— Moi j'ai pas de gosses, soufflai-je.
Violette se redressa brusquement et pivota pour me faire face.
— T'as pas de gosses, mais j'ai besoin de toi.
Elle posa sa main sur ma joue et une seconde plus tard ses lèvres douces rejoignaient les miennes.
J'étais pas prêt.
— Qu'est-ce que tu fous ? demandai-je en remettant un peu de distance entre nos bouches.
Violette m'adressa son premier sourire de la soirée. J'allais craquer, c'était sûr.
— C'est pas assez explicite ? murmura-t-elle, Tu veux que je détaille la moindre de mes actions ?
Putain, mais pourquoi elle m'attirait autant ? et surtout, pourquoi les deux fois où elle était entreprenante, j'avais la sensation d'être un énorme connard libidineux qui profitait d'une faiblesse passagère ?
— Violette, t'as passé une mauvaise soirée, t'es bouleversée, c'est pas une bonne idée. Et puis je t'avais dit que je voulais plus de ça entre nous.
Ses doigts sur ma joue décrivaient des petits cercles dans ma barbe, c'était beaucoup trop agréable. Je saisis son poignet mais n'eus pas le courage de l'écarter.
— Très bien, soupira-t-elle, Puisque tu veux pas m'aider à oublier, je vais essayer de dormir.
Elle se leva et sans me demander mon avis, rejoignit ma chambre.
Je pouvais dormir sur le canapé, ou dans celle de Max.
Mais quelques secondes plus tard un sanglot me parvint et soupirant, je me levai pour la rejoindre.
Blottie sous les draps, le corps agité de soubresauts, elle pleurait et j'eus vraiment du mal avec cette vision. J'étais persuadé que c'était exactement ce que Tom avait vécu pendant son adolescence.
Retirant mon sweat et mes pompes, je me glissai à côté d'elle.
— Je suis désolé, soufflai-je.
Je restai allongé sur le dos un moment, puis ma main tâtonna pour trouver la sienne et j'entrelaçai nos doigts.
— C'est p-pas à cause de toi que je p-pleure... hoqueta-t-elle.
Elle lâcha ma main et se retourna avec précaution, je devinais à peine ses traits dans la pénombre, seul le pansement sur sa joue ressortait.
— J'ai très mal...
Evidemment, j'avais pensé à son traumatisme psychologique mais j'avais oublié à quel point une brulure pouvait être douloureuse.
— Approche, lui intimai-je dans un souffle.
Violette obéit, je saisis sa main droite et la passait délicatement par dessus mon torse pour que son bras blessé ne nous gène pas, puis j'entourai sa taille pour la plaquer contre moi. Ses yeux brillaient dans l'obscurité.
— Si je t'embrasse, t'auras moins mal ?
Elle hocha timidement la tête, je saisis son menton pour attirer son visage contre mes lèvres.
Non je ne profitais pas de sa faiblesse, j'essayais juste de la réconforter. Et puis ça voulait rien dire, c'était comme de la pommade.
Ce n'était pas un baiser passionné ou brulant, au contraire. C'était délicat, j'avais peur de lui faire mal, en effleurant sa joue par inadvertance. Même lorsqu'elle l'approfondit timidement, même lorsqu'elle enfouit sa main gauche dans mes cheveux, même lorsque son corps se retrouva sur le mien. Tout était extrêmement doux, comme la peau de son dos qui glissait sous mes doigts.
Finalement, le souffle un peu court, elle sépara nos lèvres, déposa un baiser furtif sur ma joue posa sa tête sur mon torse.
— Merci, murmura-t-elle.
J'étais soulagé qu'elle n'en veuille pas plus, même si j'avais vraiment envie d'elle à cet instant, je savais déjà que j'aurais culpabilisé pendant le restant de mes jours si c'était allé plus loin tandis qu'elle était dans un instant de faiblesse.
Alors que je caressais doucement sa nuque, sa respiration devenue régulière m'appris qu'elle avait enfin réussi à s'endormir.
On s'était juste embrassés, rien de plus grave que les autres fois.
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