Chapitre 16. QDC

——Deen——

Putain mais pourquoi elle répondait pas celle-là.

Je l'avais déjà appelée deux fois, ça commençait à me casser les couilles. Quand elle finit par décrocher, plus tard dans la soirée, j'en fus limite surpris.

— Deen ? Tout va bien ? C'est la troisième fois que tu m'appelles !

Ouais ça faisait un peu forceur, mais là j'avais besoin d'elle.

— On peut se voir ? demandai-je.

Elle ne répondit pas tout de suite, comme si elle réfléchissait. Étrange, d'habitude c'était elle qui forçait.

— Pourquoi ? Ça va pas ? finit-elle par demander.

Non pas vraiment. Ça faisait deux jours que je voyais que mon frère et Eff, non pas que leur conversation soit déprimante, mais j'avais clairement besoin d'une piqûre de bonne humeur.

— Si, si ça va, mais j'ai un truc pour toi. Et je sais pas, si t'as envie qu'on sorte ou venir à l'appart, ou comme tu veux, pour que je te le file.

Putain depuis quand je galérais autant avec les meufs moi ? Pas bien compliqué quand même.

— T'as un truc pour moi ? C'est quoi ?

Elle avait sa voix de petite curieuse et un sourire amusé se dessina sur mes lèvres.

— Tu verras.

— C'est une surprise ? Oh Deen, dis moi !

En deux secondes Violette était passée de blasée à surexcitée.

— On se voit alors ? demandai-je.

— Ok, deux conditions, la première c'est que tu ne tentes rien avec moi. La deuxième c'est que si c'est moi qui tente un truc, tu me repousses.

Eh bah.

J'étais pas dans la merde.

J'avais pas forcément prévu de la ken ce soir, mais je savais que ce serait dur de me maîtriser si elle se mettait à me faire du charme.

— Et si j'y arrive pas ?

— T'y arriveras. Sinon c'est la dernière fois qu'on se voit tous les deux.

Son attitude était bizarre, elle était un peu moins douce, ça me frustrait.

Mon impression se confirma lorsqu'une heure plus tard, je la retrouvais dans Paris. Limite j'aurais pu penser qu'elle s'était sapée en piochant dans le placard de Nek. Elle avait un jogging moulant assez peu féminin et un sweat de la taille du mien dont la capuche remontée sur sa casquette me cachait son visage.

— Waouh, fis-je, heureusement qu'on a pas prévu d'aller dans un endroit classe.

Je voyais mal ses traits, mais son sourire lumineux m'apparut et je me sentis un peu mieux.

— Désolée, dit-elle, Clem a été horrible toute la journée donc je suis sortie avec Ken. Je bosse pas aujourd'hui. Et d'ailleurs, je vois pas pourquoi je m'excuse, t'es en jogging aussi.

Ouais, mais moi c'était pas pareil.

— Et puis, ajouta-t-elle, on se voit en tant qu'amis, donc pas besoin de m'apprêter.

Non, bien sûr.

Son ton n'était pas naturel, il y avait quelque chose.

Je l'invitai à se poser dans un petit bar tranquille, me demandant si c'était parce que je l'avais embrassée la dernière fois qu'elle réagissait comme ça.

Valait mieux pas que j'y pense, ça me donnait envie de recommencer.

Elle retira sa capuche de sa tête en s'asseyant en face de moi, à une distance raisonnable.

La seule chose qui me rassurait un peu c'était son sourire, lui il était naturel.

— Alors Deenou ! C'est quoi le truc ?

Cette gamine perdait pas le nord, je posais sur la table le sac en kraft blanc que j'avais dans les mains.

— Ouvre, c'est pour toi.

Elle me regarda avec des yeux ronds, stupéfaite par le nom inscrit sur le sac.

— Deen. T'as pas fait ce que je pense que t'as fait ?

Je souris, perspicace cette enfant.

— Je peux pas accepter. C'est mort. Garde les pour toi.

Inclinant la tête, je lui fis signe du menton de regarder à l'intérieur du sac.

— Deen, ça me gêne, t'aurais pas dû elle sont ultra chères.

— Putain mais ouvre ! m'énervai-je, arrête de faire ta princesse là. T'en crevais d'envie, vas pas me faire croire que ça te fait pas plaisir.

Résignée et rougissante, elle se pencha sur le sac et sortie la boîte bleue turquoise caractéristique des Nike SB.

— Oh mon Dieu ! s'exclama-t-elle en ouvrant la boîte, je suis amoureuse.

Je ne résistai pas, elle me tendait la perche.

— Doucement Gamine, ça va un peu trop vite entre nous.

Violette m'adressa une grimace hilarante et je ricanai devant son air enfantin et joyeux. C'était un peu pour me faire pardonner, je culpabilisais depuis que je l'avais vu lorgner sur ces pompes dans le magasin.

— Elles sont trop trop belles... Mais je peux pas accepter... tenta-t-elle.

J'ignorais royalement ses tentatives de refus et elle se leva pour faire le tour de la table, entourer mon cou et embrasser ma joue avec affection.

— Merci Deen, ça me touche énormément.

Ma main glissa le long de son dos et elle s'écarta vivement de moi, comme si je l'avais brulée avec un geste.

— Ça va pas ? lui demandai-je.

— Si... Je... Tout va bien, tu veux boire quoi ?

Elle forçait le ton enjoué de sa voix je le sentais, quelque chose lui prenait la tête et j'ignorai ce qui avait bien pu se passer durant ces deux jours pour qu'elle soit aussi distante par rapport à moi.

Pendant que je commandais un soft pour moi et une bière pour elle, Violette admirait toujours avec une mine adorable ses nouvelles baskets.

— Y'a un truc qui te turlupine ma belle ?

Elle parut un peu gênée, triturant maladroitement les cordons de son sweat.

— J'ai eu une grosse discussion avec Ken... finit-elle par dire.

Un certain stress me gagna, elle ne lui avait quand même pas dit que...

— Je lui pas dit qu'il s'était passé des trucs entre nous Deen. J'ai pas dit que c'était toi. Mais euh, le fait d'avoir parlé avec lui, je me suis rendue compte que je voulais pas jouer avec le feu. Si lui ou Idriss apprend ce qui s'est passé... ça va être tellement le delbor... Ils vont nous tuer tous les deux. Surtout toi. Et même Clem... elle serait tellement blessée. Je peux pas être égoïste à ce point.

Je savais très bien tout ça, c'était grave dangereux comme jeu. Mais pour une raison inconnue, depuis Violette et moi flirtions avec les limites, j'oubliais la gravité de la vie et putain ça me faisait du bien.

— Je te forces à rien Violette, on peut juste passer du temps ensemble sans forcément se pécho.

Toutes les fois où j'avais dit ça, c'était l'inverse qui s'était produit. Personne ne croyait plus à ce genre de phrase, pourtant on continuait de les employer.

Elle m'adressa un franc sourire et je compris que j'avais tort, y  avait encore des gens qui croyaient à ce genre de phrases.

J'étais un connard égoïste de pas l'avertir, mais sa naïveté et sa pureté me faisaient du bien et j'avais un peu envie d'y croire moi aussi.

— C'est vrai ? demanda-t-elle pleine d'espoir.

Non.

— Oui.

— Tant mieux, dit-elle en buvant une large gorgée de bière, parce que j'aime trop passer du temps avec toi.

Ses yeux noirs pétillaient et j'appréciais ce côté sombre qui jurait avec le blond de ses cheveux. Elle avait des petites taches de rousseur sur le nez et le haut des pommettes, c'était mignon. Définitivement pas mon genre du tout, mais vraiment mignon.

— J'ai un truc sur le visage ? demanda-t-elle en riant.

Non, Violette n'avait rien sur le visage, pas même une once de maquillage. Y'avait que ce sourire qui creusait ses fossettes et éclairait ses traits un peu trop enfantin.

— Non, je te trouve mignonne.

Curieusement la remarque la fit grimacer, ça lui plaisait pas.

— Quoi ? fis-je, Pour une fois que je dis un truc sympa.

Elle se mordilla la lèvre inférieure.

Ah non, pas ça, je voulais bien être cool mais fallait qu'elle évite de faire ce genre de trucs.

— J'aime pas le mot « mignonne ». Tout le monde dit toujours ça « oh mais c'est Violette ! Qu'elle est mignonne ». Ken, Idriss, Lucie, Tom, Yass et... Lenny. « T'es mignonne Vio »... C'est chiant ça fait toujours gros bé...

— T'es belle alors, la coupai-je.

La jeune femme piqua un fard.

Je mentais pas, je la trouvais belle, mais déplorais qu'elle adopte un style qui la mettait aussi peu en valeur. Elle voulait pas qu'on la considère comme une ado, mais restait bloquée sur des tenues de lycéenne attardée.

— Merci, souffla-t-elle, t'es le premier mec qui me dit ça.

Devant ma mine étonnée, elle hocha la tête.

— Je te jure que c'est vrai. Je sais que je devrais pas exister à travers le regard des autres ou des hommes. Mais faut avouer que quand toute ta vie, les mecs que tu côtoies se contentent de te dire « t'es mimi » « j'te trouve super mignonne » « t'as un visage adorable ». Au bout d'un moment c'est relou.

Je comprenais un peu mieux ses tenues et aussi pourquoi elle n'avait aucune pudeur. Elle partait du principe que les mecs avaient pas envie d'elle. Son histoire avec Lenny devait pas aider, elle croyait qu'elle était « la frangine » par définition.

Mais j'étais prêt à parier que ce type était un énorme menteur. Il avait juste pas les couilles de quitter sa meuf.

— Tu me regardes pas comme eux Deen, ça me fait bizarre. Je suis pas habituée. Tu me traites de gamine tout le temps, mais je vois bien que tes yeux sur moi ont rien à voir avec les leurs.

C'était pas possible, je pouvais pas être le seul mec au monde à la trouver désirable.

— Je pense que tu te trompes, y a sûrement plein d'autres gars à qui tu plais.

Elle écarquilla les yeux et je me rendis compte que ma phrase était tout à fait équivoque.

— Je te plais ?

— T'es vraiment pas mon genre, me rattrapai-je.

Ses fossettes se marquèrent davantage alors qu'elle riait, son verre était vide et elle ôta sa casquette, ébouriffant sa coupe au carré.

La môme était beaucoup plus détendue qu'au début. Elle tenait pas l'alcool cette fragile.

— On bouge ? demanda-t-elle finalement.

Ça caillait sec dehors, j'avais faim, je préférais rester dans ce bar et commander à manger. Pourtant, je répondis l'inverse.

— Ouais.

— On va prendre à manger quelque part ?

Elle savait me parler.

Quelques minutes plus tard nous marchions tous les deux, un sac rempli de bouffe à la main.

Violette me surprit en attrapant ma main pour m'entrainer au bas du Pont Neuf, je la suivis un peu amusé, jusqu'à la toute pointe de l'île de la cité.

— T'as pas l'impression d'être au bout de Paris ? souffla-t-elle.

De la buée s'échappait de sa bouche et se dispersait dans la nuit noire, je voyais que ses lèvres, le reste de son visage étant caché dans l'ombre de sa casquette.

J'avais envie de l'embrasser.

— Deen ?

Violette releva la tête vers moi, surprise par mon absence de réponse.

Lentement je saisis la visière qui masquait ses yeux pour la faire tourner à l'arrière de son crâne.

La petite blonde fronça les sourcils, ses yeux allant des miens à mes lèvres.

Elle en avait envie elle aussi.

Mais alors que j'amorçais une descente vers son visage, Violette baissa brusquement la tête pour fouiller dans la poche avant de son sweat et sortir son tabac.

— J'ai envie de fumer, murmura-t-elle en s'éloignant de moi pour être mieux éclairée.

J'insultai Nek et ses ancêtres sur plusieurs générations.

Un joint, vite.

Bénie sois-tu Marie-Jeanne, la seule sur laquelle je pouvais compter.

Après avoir fumé, nous mangeâmes en silence, les yeux perdus dans le noir de la Seine.

— Deen, chuchota-t-elle finalement.

— Oui ?

Elle se tourna vers moi, putain, mais pourquoi elle me fixait comme ça ?

— Ken dit qu'à la première contrariété je vais te tomber dans les bras.

Ken parlait trop.

— T'en penses quoi ? lui demandai-je.

Violette soupira, puis un petit rire lui échappa.

— Ken fait trop l'ancien, encore pire que toi ces derniers temps.

Ah bon. Mais concrètement, ça m'éclairait pas sur ce qu'elle pensait.

— Il dit que si tu me veux et que tu me plais, c'est pas possible qu'on soit amis.

Elle s'approcha de moi, un peu trop.

— Du coup, t'en penses quoi ? répétai-je à mi-voix.

Ses lèvres s'étirèrent pour me révéler ses jolies dents.

— J'y ai réfléchi, dit-elle, je dois t'avouer que tout ce qu'il m'a dit m'a un peu fait culpabiliser, je voulais m'éloigner de toi.

Une lueur mutine embrasait ses prunelles, qu'est-ce qu'elle allait encore me sortir ?

— Et alors ?

Mon front touchait presque le sien.

— Alors, je crois pas que ce soit la bonne attitude à observer. Ken me fait chier à faire le daron avec moi.

Mes paumes se posèrent sur ses cuisses et elle sursauta presque imperceptiblement.

— Et alors ? répétai-je dans un souffle, C'est quoi la bonne attitude ?

Ses lèvres s'éloignèrent brusquement des miennes pour retrouver mon oreille.

— C'est lui prouver qu'il a tort. On peut être amis. C'est une question de cran.

Elle planta un bisou sur ma joue et se leva rapidement et je sentis une brève caresse dans mes veuchs.

J'avais envie de me jeter dans la Seine.

Les conseils de Ken pouvaient vraiment aller se faire mettre.

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