Chapitre 1. J'résiste
S'il y avait bien un truc que je souhaiterais qu'à mon pire ennemi, c'était de voir la femme qu'il aimait se marier avec son frère.
Bordel ça faisait un mal de chien.
J'avais pensé à me défiler, à pas venir, mais il aurait fallut trouver une putain d'excuse devant les autres.
Personne ne ratait le mariage de Nekfeu. Surtout pas un membre de L'entourage.
Elle m'avait demandé de l'accompagner à l'autel.
J'avais dit non.
Je le regrettais amèrement. Clémentine avait perdu son père trois ans plus tôt et en avait été profondément affectée. J'avais été là pour elle, plus que jamais durant cette période compliquée de sa vie. C'était ma meilleure amie, cette femme aussi forte que fragile, que ce crétin de Fenek avait bien malmenée avant de se rendre compte que c'était celle qui lui fallait.
À lui, lui, lui.
Ça avait toujours été lui.
Elle l'avait rencontré avant.
La première fois que je l'avais vue, elle était à moitié à poil sur le canapé de Nek, en train de se mater une série. Elle m'avait plu, vraiment. Mais assez vite j'avais compris qu'il y avait des bails entre eux et je m'étais fait une raison.
Et puis elle l'avait quitté, elle avait été malade, elle avait failli y passer. Et cette fois, j'étais tombé amoureux. Salement.
Je revoyais encore ses bras amaigris se tendre vers moi et ses yeux bruns se fondre dans les miens quand elle m'appelait au secours.
Il avait pas été là, lui.
Il l'avait pas recueillie en larmes dans ses bras quand elle était au bord de sombrer, il avait pas vu son corps squelettique, il l'avait pas réchauffée pendant des heures.
Il était revenu plus tard, pour la reprendre, une fois que je l'avais sauvée.
Et ça avait encore été lui.
Il suffisait d'écouter Clem parler « Ken, Ken, Ken... »
C'était lui qui l'avait rendue malade.
C'était moi qui l'avait soignée.
C'était lui qu'elle épousait.
C'était moi qui était condamné à l'aimer dans mon coin, en pensant à tout ce que je ferais pour elle si elle était mienne.
Pathétique.
Elle me voulait dans sa vie, elle voulait que je redevienne son meilleur pote, mais c'était impossible. J'arrivais pas, à chaque fois qu'elle me prenait dans ses bras, je voulais plus la lâcher.
Elle le voyait sûrement pas, mais je la connaissait par cœur. Sa façon de se mordiller la lèvre inférieure quand elle était angoissée, le geste qu'elle faisait pour rassembler au sommet de son crâne ses cheveux bruns, ses joues qui rougissaient quand elle était gênée, et son putain de rire, j'en avais même parlé dans un son tellement il me foutait des frissons. Je pouvais limite anticiper ses réponses quand quelqu'un lui posait des questions à côté de moi.
Pathétique.
J'étais pas censé convoiter la femme de mon frère, en principe.
Mais quand je la voyais comme ça, au sommet de sa beauté, je pouvais clairement pas m'empêcher d'avoir envie de l'éjecter de sa place de marié pour m'y mettre.
Elle avait repris un peu de poids ces derniers temps, je la trouvais en meilleure santé que la dernière fois que je l'avais vue. Et dire qu'habituellement j'aimais les femmes avec des formes, qui bouffaient autant que moi et qui cassaient pas les couilles a compter leurs calories. Non, là c'était une putain d'anorexique qui m'avait attrapé dans ses filets.
Parce que Clem était bien plus que son corps, elle éveillait en moi un besoin irrépressible de la protéger, de veiller sur elle, de lui dire que tout irait bien. Parce que c'était son rire, son humour, son affection débordante et sa profonde sensibilité qui m'avaient fait flancher comme un ado.
Pathétique.
Si quelqu'un avait la solution miracle pour arrêter d'aimer une femme, j'étais preneur, vraiment. Ça faisait deux ans et demi que j'étais en kiffe sur elle, première fois de ma vie que j'arrivais pas à me sortir une meuf de la tête à ce point là. Et je savais très bien pourquoi, parce que je l'avais jamais eue, parce que je l'aurais jamais, parce qu'elle m'était terriblement et désespérément interdite.
Maudit soit l'amour à sens unique.
Et pendant que je rongeais mon frein avec l'envie irrépressible de me barrer de cette église, Clem se liait à mon frère pour le restant de ses jours, un sourire radieux au lèvres, des larmes plein les yeux, et ce regard fou d'amour que jamais je verrais posé sur moi.
Et pendant qu'elle lui promettait des « toujours », elle m'assurait des « jamais ».
Ivan posa sa paume sur mon avant-bras, m'arrachant à la contemplation malsaine de ma Daphné.
— Arrête de la mater frère, tu te fais du mal.
Il était le seul, avec les mariés, à être au courant de cette merde. Un soir, alors que j'étais défoncé à la mort, je lui avais lâché le morceau.
J'avais honte, salement honte, on s'était toujours juré que jamais une meuf viendrait interférer dans le squad. J'avais honte de douter du fait que mon frère soit capable de rendre sa femme heureuse. Parce que je pouvais pas imaginer qu'il la connaisse mieux que moi, qu'il voie en elle ce que je voyais, qu'il puisse veiller sur elle aussi bien que je l'aurais fait.
— Mec, sérieux arrête.
Voilà exactement la raison pour laquelle j'évitais Clémentine. Tant que je la voyais pas, ça allait, je me tapais des tainp sans intérêt je voyais Eff et Jazz, faisais ma petite vie à Auber, bien loin de leur bonheur nauséabond.
C'était vraiment l'un des pires jours de ma vie, j'étais d'une humeur de chien et je faisais à peine semblant par politesse.
Je restais avec mes gars sûrs tout le long de la réception, le dîner était bon, c'était la seule chose positive de la journée.
Le pire moment arriva quand, au cœur de la soirée, mes yeux se posèrent sur la fille en robe blanche qui riait avec Doums et Sneazz en dansant n'importe comment.
Était-ce le fait de savoir qu'elle serait jamais la mienne qui la rendait si douloureusement belle ?
J'eus soudain envie de tout envoyer chier, de lui dire que je l'aimais comme un fou, qu'elle ferait mieux de balancer son mari et de se tirer avec moi à l'autre bout du monde.
Son regard rencontra le mien pour la première fois depuis le début du mariage.
« Suis moi » lui dis-je en un coup d'œil avant de quitter la pièce.
Du coin de l'œil je vis qu'elle obéissait.
Il faisait frais pour une soirée de mai, je gagnai l'espèce de petit étang qui décorait le parc, me posant sur l'herbe pour me rouler un joint. J'aperçus de l'autre côté un couple enlacé, il me sembla vaguement reconnaître Mékra, je voyais pas très bien dans la pénombre.
Putain si même lui se mettait à se poser pour de vrai, j'étais vraiment un cas désespéré.
Clem venait pas, elle avait dû changer d'avis, de toutes façons qu'est-ce que je croyais ? Qu'en quelques mots j'allais lui faire remettre en question l'amour inconditionnel qui la liait à Ken ?
Pathétique.
— J'te dérange ? fit une voix féminine derrière moi.
Clairement.
Je me retournai pour voir Violette, la petite reus adoptive de Clem.
J'eus envie de lui dire « barre toi », je dis :
— Non vas-y, pose toi gamine.
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