144. Rue Chazelles
Paris, 17e, 25 rue de Chazelles - 1888
Plus tard,
Nancy et Mary remontent la rue Chazelles du 17ème arrondissement de Paris.
MARY
Numéro 10, numéro 12....
NANCY
C'est là, regarde ce bâtiment !
Elles se stoppent devant l'entrée de l'usine.
NANCY (lisant la pancarte)
Maison Gaget Gauthier et Cie... Fonderie.
Mary sort la clé que leur a confiée la fille de Gustave Eiffel et ouvre la porte d'entrée.
MARY (inspectant l'intérieur du bâtiment)
De la tôle, de la tôle rien que de la tôle... À ton avis, il se planque où ?
Nancy aperçoit des escaliers.
NANCY
Suis-moi.
Elles descendent à l'étage inférieur. Tout est noir.
NANCY
Euh... Ça m'étonnerait qu'il soit là.
MARY
Il faut allumer pour savoir.
NANCY
Ben, trouve un interrupteur....
MARY
L'électricité n'est pas encore arrivée en France, je te signale.
NANCY
Ah oui, j'ai tendance à l'oublier.
Soudain la lumière s'enclenche, les faisant hurler.
VOIX OFF
Qui êtes-vous ?!!
Gustave Eiffel les dévisage depuis un petit local vitré.
EIFFEL (les reconnaissant)
Mary ? Nancy ??
NANCY
Monsieur Eiffel, quelle joie de vous revoir !!
MARY
Quoi... vous avez déjà l'électricité ???
EIFFEL
J'ai fait installer ce petit interrupteur le mois dernier.
MARY
Mais les premiers foyers ne l'auront que dans un an....
EIFFEL
J'ai des amis à New York, je vous rappelle... Que faites-vous ici ? Ces ateliers sont fermés depuis longtemps. Comment êtes-vous entrées ?
MARY
Nous vous cherchions. Vous aviez disparu de la circulation.
EIFFEL
C'est Claire qui vous envoie ?
NANCY
Oui, votre fille s'inquiète énormément.
EIFFEL (baissant les yeux)
Je sais... Mais la pression était trop forte. Je devais me réfugier ici pour me recentrer.
MARY (s'avançant vers lui)
Je sais que les nouvelles ne sont pas bonnes, et les finances sont loin d'être au beau fixe, mais nous allons trouver une solution. Ne vous inquiétez pas. Surtout ne faites rien qui pourrait vous nuire...
EIFFEL
Oh... Vous pensiez que....
Il ne termine pas sa phrase, et baisse à nouveau les yeux. Le suicide, il y a pensé. Mais impossible de laisser ce fardeau à sa famille.
NANCY (s'avançant à son tour)
Vous savez, c'est parfaitement normal. Rome ne s'est pas construite en un jour...
EIFFEL
C'est gentil. Mais je doute que cette tour voie le jour.
MARY
Nous allons vous aider !
EIFFEL (sourcillant)
À trouver des financements ?
MARY
Nancy va vous aider !
NANCY (entre ses dents)
Mais il n'a jamais été question de ça....
Eiffel comprend le malaise, mais Mary ne renonce pas. Elle doit ramener le génie à la raison.
MARY
Saviez-vous que Nancy a débloqué des fonds auprès de votre ami Jules Ferry pour lancer une campagne d'influence auprès des Parisiens ?
EIFFEL
Non, je l'ignorais. (Regardant Nancy) C'est vrai ?
NANCY
Les critiques sont vives, mais nous ne cédons rien. Nous sommes en train de mettre au point une stratégie médiatique visant à contrer les mauvaises langues et les réfractaires au changement.
EIFFEL
Hélas, les critiques pleuvent, c'est même un véritable torrent qui se déchaîne. Chaque jour lorsque je quitte mon hôtel, je reçois mon lot d'insultes. Jusque là, je n'y prêtais attention, mais avec les grèves des ouvriers à répétition et les finances à sec, c'est un combat perdu d'avance...
NANCY
Croyez-moi, monsieur Eiffel, les gens se trompent et ils découvriront bientôt qu'ils font fausse route et vous jugent à tort.
Eiffel a un rictus qu'il efface aussitôt.
EIFFEL
Malheureusement Nancy, j'ai bien peur que tous vos efforts soient vains.
MARY
Impossible !
EIFFEL (surpris)
Pourquoi ça ?
MARY
Parce que nous savons que cette tour verra le jour !
NANCY (se tournant vers elle)
Euh.... à quoi tu joues, Mary ??
MARY
Il faut lui dire la vérité. Sinon il ne nous croira jamais !
NANCY (entre ses dents)
On ne peut pas....
MARY (se tournant vers Eiffel)
Pour tout vous dire, nous sommes deux naufragées temporelles. Nous venons d'une autre époque, plus de 100 ans dans le futur !
NANCY (souriant à pleine dent)
Elle plaisante bien sûr....
MARY (fixant Eiffel)
Ah oui, alors comment je savais pour l'électricité ? C'est moi qui vous en ai parlé, il y a 6 mois... De la guerre des courants entre Thomas Edison et Nicolas Tesla !
NANCY
De quoi est-ce que tu parles ??
EIFFEL (intervenant)
Mary m'a parlé d'une fabuleuse technologie du futur.
NANCY (s'étranglant)
Elle a fait quoi....
EIFFEL
Et j'ai lu quelques mois après dans le journal cette nouvelle. C'est comme si elle avait prédit le futur. Je n'avais pas prêté d'attention jusque-là... car personne ne peut prédire l'avenir, pas de manière aussi claire...
MARY
Eh bien, disons que vous avez devant vous deux spécimens venus de l'an 20....
NANCY (la stoppant)
Ça suffit !!
Eiffel les fixe comme s'il avait une révélation.
EIFFEL
"Les deux muses" ! Alors... c'était vrai.....
Il part dans un local fouiller un tiroir de son bureau.
MARY (le rejoignant)
Qu'est-ce que vous faites ?
EIFFEL
C'est incroyable... Je l'avais avec moi depuis toutes ces années... Et vous voici ici... C'est... je n'ai pas les mots...
Il sort de son tiroir une feuille et l'embrasse.
EIFFEL (remerciant le ciel)
"L'Aube ouvre l'infini du ciel devant les choses".
NANCY
Euh... Vous allez bien ?
EIFFEL
C'est une citation d'un poème que j'affectionne "Matutina" d'Armand Silvestre.
Il leur tend une photo en noir et blanc.
EIFFEL
Regarder par vous-même !
Mary attrape la photo et voit un homme assis entre deux nymphes, fumant la pipe.
MARY
Qu'est-ce que c'est ?
Elle donne l'image à Nancy qui l'examine à son tour.
NANCY
Je... ne comprends pas.
EIFFEL
Un ami de Toulouse a réalisé cette photo d'une peinture à l'huile. C'est son autoportrait.
MARY
C'est censé nous parler ??
EIFFEL
Avant, vous devez savoir que cet ami est un poète mystique.
NANCY
Celui qui a écrit "Matutina" ?
EIFFEL
En effet. (Citant lentement un verset)
"Réveil sacré du Jour qui, dans l'air enchanté,
Verses, comme un flot d'or, l'immortelle clarté,
De mon cœur respecte le mystère."
NANCY
C'est... magnifique.
Mary les dévisage, complètement hermétique à la poésie, ne remarquant pas, que pour la première fois depuis longtemps, une lueur d'espoir brille dans les yeux de Gustave Eiffel.
EIFFEL (les fixant)
Ce jour est arrivé ! Vous voilà ! Deux muses venues me porter secours...
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