121. Monsieur Stern

New York, hôtel Beekman, hiver 1886



Le lundi suivant, Susan et Edward se rendent à l'hôtel Beekman situé dans le nouveau centre-ville de Manhattan. Ils patientent dans le hall.



EDWARD (nerveux)
J'espère que mon arrière-grand-père va bien nous recevoir...

SUSAN
Croisons les doigts. On a réussi à gagner le cœur de Nicolas Tesla, c'est déjà un exploit en soi, Edward !



EDWARD
Je sais. J'ai promis à Tesla des financements rapides. J'espère que ça va bien se passer.

SUSAN
Si ton arrière-grand-père est de la même trempe que toi, alors, je ne suis pas inquiète !




Elle voit Edward avoir un rictus et l'effacer immédiatement.



SUSAN (ayant un doute)
Tu ne crois pas ?



Soudain un homme d'âge mûr arrive, fier dans son costume et une démarche de roi.




EDWARD (entre ses dents)
Le voilà.



L'homme fonce sur Edward en affichant un sourire.



STERN
Bonjour Monsieur Stern.



Edward est subjugué par cet homme qu'il avait connu seulement à travers de vieilles photos en noir et blanc. L'homme a une classe et une prestance folles.



EDWARD (lui serrant la main avec vigueur)
Bonjour Monsieur... Stern.



STERN
Vous êtes un Stern de quelle branche ?

EDWARD
De France. De Paris.

STERN
Oh. J'ignorais qu'il y avait des Stern en France. 

EDWARD
Si. Mais je ne pense pas qu'il s'agisse de la même branche que la vôtre. 

STERN
Sûrement ! En tout cas, sachez que votre accent est impeccable. On dirait un vrai New-yorkais !

EDWARD
C'est sûrement parce que je passe tout mon temps à New York ces dernières années. Voici ma femme Susan.



Susan fait une mini révérence.



SUSAN
Enchantée, Monsieur Stern.



STERN

Bien, si vous voulez bien me suivre dans mes bureaux.



Edward tend son bras à Susan qui s'empresse de le prendre.



Ils grimpent un escalier en bois majestueux. 

Susan est émerveillée par le raffinement de cette époque.



STERN
Vivement que cet hôtel s'équipe d'un de ces fameux ascenseurs. Vous connaissez ?

EDWARD
Oui, et j'avoue que New York est la seule ville au monde qui s'y prête à cette époque !



Stern se retourne et le dévisage. Susan lui presse le bras pour lui dire qu'il vient de commettre une bourde.



EDWARD (souriant)
Enfin, vous voyez ce que je veux dire...



STERN
Oui, je crois...

EDWARD (se justifiant)
Les bâtiments haussmanniens de Paris ne rivalisent pas avec les gratte-ciel de Manhattan...

STERN
En effet, mais peut-être que ça viendra un jour.

SUSAN (commentant)
Je ne crois pas que cette configuration change de si tôt...



Stern lui sourit et continue de monter l'escalier.
Edward lance un regard à Susan pour lui signifier d'être plus prudente.




SUSAN (malicieuse)
Quoi ? C'est vrai, non ?



Ils rejoignent leur hôte au dernier étage dans une pièce sous les toits, ornée de superbes vitraux.



SUSAN
C'est magnifique ! C'est votre bibliothèque ?

STERN
En effet.




STERN (leur présentant deux sièges confortables)
Installez-vous.

EDWARD
Merci.

STERN
Alors, si vous m'en disiez plus sur ce qui vous amène, monsieur Stern ?



EDWARD
Les affaires....

STERN (souriant)
Un mot si cher à mon cœur !

EDWARD
Au mien également. Je possède une fortune familiale non négligeable et je souhaiterais investir dans les nouvelles technologies. Et je dois dire que New York est étape incontournable pour l'entrepreneuriat.

SUSAN (rajoutant, toute excitée)
la Grosse Pomme est le vivier technologique le plus dynamique des États-Unis !

STERN (étonné)
La Grosse Pomme ??



Edward lance un regard à Susan. Elle vient à son tour de commettre une bourde anachronique. L'appellation sera donnée bien plus tard par un journaliste couvrant les courses hippiques, après avoir entendu deux jeunes garçons d'écurie utiliser le terme "apple" pour évoquer les récompenses des courses. Il intitulera sa rubrique "Around the Big Apple".



EDWARD (souriant)
C'est le nom affectueux qui nous donnons à New York, en France.

STERN
Étrange comme appellation. Bref, peu importe. Vous m'avez tout l'air d'être un homme de bon sens en voulant investir dans les nouvelles technologies, surtout à l'allure où le paysage urbain évolue....

EDWARD
En effet, le marché de l'électricité a attiré particulièrement mon attention.



Il voit son arrière-grand-père froncer rapidement les sourcils.



EDWARD (rajoutant)
Je pense que nous n'en sommes qu'au début.

STERN
Certainement...

EDWARD
C'est pourquoi je souhaiterais investir massivement dans les futurs réseaux électriques.




Stern met du temps à répondre. Il bascule sur sa chaise avant de mettre ses mains croisées sur ses genoux.




STERN
Alors, on a sûrement dû mal vous informer. Ce marché est déjà couvert par l'un des industriels les plus féroces qui soit !

EDWARD
Thomas Edison et la Générale Electric Compagny. Je sais.

STERN (étonné)
Et cela ne vous effraie pas ?

EDWARD
Pas le moins du monde, car Monsieur Edison met en place un système très lourd et très onéreux.

STERN (intéressé)
Qu'entendez-vous par là ?

EDWARD
Au mieux, les câbles électriques doivent être enterrés sinon suspendus dans les airs. Cela va considérablement dégrader l'aspect esthétique des rues, croyez-moi.

STERN
Très bien, et que proposez-vous dans ce cas ?

EDWARD
Avez-vous déjà entendu parlé de l'énergie libre ?

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