44. Cambridge

Cambridge, Massachusetts, Weld Boat House




Près de la rivière Charles à Cambridge, dans la grande maison convertie en salle de sports féminine, au milieu des rameurs, Geordie appelle son ami Charles, organisateur de la soirée des Alumnis d'Harvard. Kate lui fait signe de raccrocher.




GEORDIE (la narguant)
Vous dites que mon amie Kate était présente avec un certain Arthur, son investisseur... Comment vous dites son nom ?? Entendu.... Oh, il est encore présent. C'est parfait, dans ce cas je vais aller le trouver. Merci encore pour votre aide. Très bonne soirée Charles.



Geordie raccroche. Kate le regarde nerveuse. Geordie surfe sur internet pour afficher la photo d'Arthur.



GEORDIE (étonné)
Ça alors.... Cette personne, cet Arthur... C'est ton mécène ??!!!



Kate panique intérieurement et fait semblant, l'air de rien.



KATE
Pourquoi tu dis ça ?

GEORDIE
Parce que vois-tu, ce type est venu me trouver il y a quelques jours à Vancouver, en se faisant passer pour un autre.

KATE
Impossible. Arthur était à New-York cette semaine.

GEORDIE
Et pourtant... Il était très intéressé par ma machine pour craquer des codes secrets.

KATE
Ça m'étonnerait.

GEORDIE (lisant sur son téléphone)
Et si  j'en crois un autre article, il vient de monter sa société financière à Wall Street. Tout ceci est fort intéressant. En quoi l'une de mes machines pourraient intéresser un financier ? (Tournant lentement la tête vers Kate) Si ce n'est pour craquer des algorithmes financiers....

KATE
Ne dis pas n'importe quoi. Tu n'as aucune preuve de ce que tu avances.

GEORDIE (s'approchant de Kate)
Tu devrais te méfier de tes relations. Je te connais, tu es incapable de séduire un homme, si  tu n'en éprouves pas le besoin. Tu es bien trop droite pour ça. Et d'après ce que j'ai vu ce soir, ça n'est pas la Kate que j'ai connu dans l'un de mes cours. Cet Arthur a une mauvaise influence sur toi.



Kate regarde la rivière Charles par la fenêtre sans rien dire, elle finit par soupirer très fort.



KATE(se retournant, la mâchoire serrée)
Tu as raison. Je déteste ça !

GEORDIE
Quoi donc ? User de ton... pardon, de  "tes" charmes?

KATE
Oui, c'est... (montrant son décolleté) dégradant. Je l'ai fait parce qu'Arthur m'a convaincue de le faire.

GEORDIE
Pourquoi ?

KATE
On a du mal à boucler le budget. On a besoin de financements et j'avais espéré que Stern puisse jeter un oeil sur mes travaux. Mais Arthur m'a dit qu'il allait être très occupé ce soir, il fallait qu'on intervienne rapidement, dès qu'il aurait mis le pied à la soirée.

GEORDIE
Ta réputation risque d'en prendre un coup. Dans le monde du business, il faut montrer patte blanche.

KATE
Je sais.... mais, c'est Arthur qui m'a convaincu de le faire.

GEORDIE
J'ignore ce que ton ami manigance, mais tu devrais te détacher de lui.

KATE
Impossible, comme je te l'ai dit, il a été le premier à croire en moi, et avec tout ce qu'il a fait pour moi, me faire entrer à Havard, financer mes études...

GEORDIE
Je comprends, tu es prises au piège...



Kate le regarde, l'air désabusé.



GEORDIE
Alors fais comme moi. On m'a appris une règle essentielle. Si tu veux survivre dans ce milieu prétends que tu as déjà tout, et on te suivra.

KATE
Je ne comprends pas ?

GEORDIE
L'adage :"on ne donne qu'aux riches" est 1000 fois vrai ! L'argent appelle l'argent. C'est comme ça que le monde tourne.

KATE
Dans quel monde vivons-nous si les pauvres et les milieux modestes n'ont plus leur mot à dire ?

GEORDIE
Il en a toujours été ainsi, surtout aux États-Unis... Regarde tous ces étudiants qui font un prêt pour suivre des études. Et je ne te parle pas de ceux qui n'ont pas de bourse et fréquentent les meilleurs écoles sans aide. Ce sont les élites qui façonnent ce monde à leur guise. Ils ne veulent pas des autres milieux, ils n'aiment pas mélanger les torchons avec les serviettes. Je ne t'apprends rien en disant ça. Mais toi, Kate, tu fais partie de l'élite. Et tu peux changer la donne.

KATE
On voit que tout a l'air si simple pour toi... Mais si je n'avais pas eu ma bourse d'études et Arthur pour m'aider à entrer à Harvard, jamais je n'aurais pu me permettre cette vie-là. Aujourd'hui je ne peux pas me permettre de tout perdre sur un coup de tête.

GEORDIE
Et ton Arthur, que te demande-t-il en retour ? Il n'a pas capitalisé sur toi, sans attendre quelque chose, je me trompe ?

KATE
On est en train de monter une Deeptech ensemble.

GEORDIE
Mon conseil, éloigne-toi de ces vautours. Ils se font appeler les bons samaritains pour que tu deviennes la poule aux œufs d'or, et ils se serviront de toi, à t'extirper jusqu'à la dernière goutte de sang.

KATE
Tout ça je le sais, mais je ne suis pas bien née comme toi pour y échapper.

GEORDIE (la prenant par les épaules)
Alors gagne tes galons d'indépendance. Leonard Stern est certainement l'un des plus riches, mais c'est aussi le pire de tous mes actionnaires. Je suis bien placé pour le savoir. On a mis plus d'un mois pour arriver à un compromis. Il a apporté de gros capitaux, et de grandes exigences. Et le pire dans tout ça, c'est qu'il m'a fait plier, il m'a eu à l'usure en me faisant frôler la crise de nerfs... Je vais le payer très cher d'ici quelques années. Ces gars là jouent de gros coups tous les jours. On n'est pas de taille à lutter. Si tu fais entrer le loup dans la bergerie, crois-moi, tu le regretteras.



Kate le regarde comme si elle buvait ses paroles.




GEORDIE
Si tu as besoin de financements, je peux en toucher deux mots à mon père et son conseil d'administration. Ils y en a deux d'ailleurs à la soirée. Des hommes influents.

KATE
Merci Geordie. J'apprécie. Vraiment. Mais je dois trouver des financements par mes propres moyens. Comme tu l'as dis, je dois gagner mes galons d'indépendances.

GEORDIE
Dans ce cas, choisis bien tes donateurs.

KATE
Ça a l'air si simple pour toi.

GEORDIE
Je suis né dedans.

KATE
Une chance...

GEORDIE
Tu crois ça ?

KATE
Non ?

GEORDIE
Les gens ne te regardent pas à ta juste valeur. Tout ce qu'ils voient,  c'est un fils à papa qui va rafler la mise à la sortie de ses études. Depuis tout petit, mes rapports avec autrui sont établis sur un vaste océan d'hypocrisie. Mon entrée dans le monde du travail a été chaotique, non pas socialement, mais mentalement.

KATE
Pourtant, je me rappelle de ton premier cours... Tu as parlé de ton stage de fin d'études qui avait été bénéfique... que tu avais réussi à te faire un nom, une place malgré ton bagage social. C'était de la poudre aux yeux ?

GEORDIE
Je dis ça aux étudiants pour les motiver à bosser, pour qu'ils arrêtent de croire que ça va leur tomber tout cru dans le bec, tout ça parce qu'ils portent un nom prestigieux... (Baissant les yeux) Et surtout... pour ne passer pour un naze.

KATE
Qu'est-ce qu'il s'est passé pendant ton stage ?

GEORDIE
Même si les employés ne me le disaient pas, je voyais tous ces regards posés sur moi. Et je t'assure qu'ils ne me couvaient pas du regard. Si à certains, on leur avait donné un couteau, ils m'auraient tranché la gorge dans la minute qui suivait.

KATE
Je vois...

GEORDIE
Mais je dis la vérité, quand  je mentionne que ce stage a été très bénéfique pour moi. Il m'a permis d'ouvrir les yeux sur le monde. Un monde dans lequel je ne souhaitais pas évoluer. Je ne voulais pas reprendre l'une des entreprises de mon père sous peine d'être continuellement jugé pour ce que je ne suis pas. J'ai donc créé ma propre entreprise !

KATE
D-Wave. (Songeuse) je ne devrais pas te le dire, mais en quelques part... je ne t'envie pas.



Geordie la regarde avec de grands yeux. Kate éclate de rire.



KATE
Ma parole, tu cherches à me remonter le moral et voilà que je manque d'élégance à ton propos.



Geordie rit.




GEORDIE
Ne t'inquiète pas pour moi, j'en ai vu d'autres. Et non, je ne suis pas d'accord, tu ne manques pas d'élégance... Tu es tout ce qu'il y a de plus élégante !



Kate rougit. Geordie s'approche d'elle et l'embrasse doucement. Les secondes semblent durer des minutes au milieu des rameurs. Geordie s'écarte d'elle et lui prend doucement les cheveux.



GEORDIE (l'air malicieux)
 Que dirais-tu d'aller dans une vraie fête ?!

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