San Francisco, Financial district, une semaine avant

La nuit tombe sur San Francisco. Un taxi se gare devant une grand building ultra moderne proche du Pier 39. Kate descend du taxi et entre. Elle passe sous un portique ultra sécurisé et se fait fouiller par deux agents de sécurité. Elle pénètre dans le hall vide entièrement digitalisé. Les murs et le sol sont recouverts d'écrans. Une hôtesse humanoïde l'accueille.

HÔTESSE
Bien le bonjour. Comment puis-je vous aider ?

Kate passe son badge sur l'écran du comptoir.

HÔTESSE
Bienvenue Kate.

KATE (l'observant)
Ils ont fait des progrès...

HÔTESSE
Vous parlez de mon apparence ?

KATE
La dernière fois que je suis venue, vous n'étiez encore qu'au stade expérimental.

Un homme d'une quarantaine d'année s'approche, amusé.

HOMME
C'est parce que nous étions en phase de conception.

Kate se retourne et semble surprise.

KATE
Vous êtes en phase d'industrialisation  ?

HOMME
Pas encore, mais ça viendra. Permettez que je me présente...

KATE (le coupant)
Je vous connais. Vous êtes l'homme qui avez conçu le premier ordinateur quantique commercialisable avec votre start-up D-Wave. Geordie Rose ! (Lui serrant la main) Enchantée, vraiment.

GEORDIE
Je vois que ma réputation me précède. Vous êtes ?

KATE
Kate Mara. Mais vous pouvez m'appeler Kate.

Elle lui lance un sourire chaleureux. L'homme affiche une mine ravie.

GEORDIE
Vous avez réussi à passer la sécurité à ce que je vois.

KATE
Vos agents sont réelles ?

GEORDIE
Tout ce qu'il y  a de plus réel. Qu'est-ce qui amène une française ici ?

KATE (étonnée)
Mon accent anglais me trahirait à ce point ?? Ça serait bien la première fois.

GEORDIE (lui montrant son œil reflétant un légère lueur bleue)
Mes lentilles connectées. Je vois beaucoup de choses sur vous. Vous avez un parcours exemplaire : le bac à 16 ans en poche, vous filez en Amérique et intégrez à Harvard sous la direction de l'éminent Professeur Lambert, bien connu dans le monde de la virtualisation. Vous êtes major de promo et vous fondez votre Deeptech autour de la création de fauteuil de virtualisation. Vous avez refusé l'offre de plusieurs investisseurs prestigieux. Pourquoi ?

KATE (gênée)
C'est compliqué.

GEORDIE
Vous ne vouliez pas que votre technologie tombe aux mains des Américains ou d'une autre nation ?

KATE
Il y a de cela. J'imagine que vos informations ne proviennent pas que du domaine public... Vous accédez aux serveurs de la CIA, de la NSA, vos anciens bienfaiteurs.

GEORDIE (faisant une moue)
Effectivement, mais je n'accède pas encore à ceux d'Interpol !

KATE
Pas encore ?

GEORDIE (évitant de répondre)
Que vient faire une excellente agente dans mon humble demeure ?

KATE
J'ai rendez-vous avec l'un de vos associés.

GEORDIE
Alors, allons le trouver.

KATE
J'ai bien peur que ce soit confidentiel...

GEORDIE
Je n'ai qu'un coup de fil à passer. D'ailleurs je suis en train d'appeler votre supérieure... Une certaine Laetitia.

KATE (affolée)
Non, ne faites pas ça !

L'homme la regarde et entend une sonnerie dans son oreillette.

KATE
Je vais tout vous expliquer, mais ne faites pas ça. S'il vous plaît. C'est important.

GEORDIE (se parlant à lui même)
"Interrompre appel sortant". (La regardant) C'est fait. Mais avant d'aller à votre rendez-vous, j'aimerais vous emmener dans un endroit formidable.

Kate le regarde, interloquée.

GEORDIE
Ça ne prendra que 5 minutes. J'insiste.

Kate le suit, prise au piège. Elle rentre  dans un ascenseur transparent en forme d'œuf. Un rayon scanne l'homme

GEORDIE
Accès voûte céleste.

VOIX FÉMININE
Accès autorisé.

L'ascenseur démarre. Les étages défilent rapidement sur l'écran, aux côté de la météo de la baie de San Francisco, le cours du CAC 40, les grands titres des journaux, et les tendances Twitter. Kate s'approche de la vitre et admire la  très belle végétation exotique habitant chaque étage.

KATE
Vous avez fait les choses en grand.

GEORDIE
L'architecture écologique est un système de conception dans lequel je crois depuis bien des années. Intégrer la nature dans notre œuvre, c'est être respectueux de l'environnement.

KATE
Venant de quelqu'un qui baigne dans la technologie à longueur de temps, c'est plutôt intéressant.

GEORDIE
Les deux ne sont pas incompatibles, bien au contraire. L'homme est la gangrène de ce monde.

KATE
Qui tire ses origines dans le manque d'éducation.

GEORDIE (se retournant et la regardant avec un sourire)
Exact.

KATE
Comment surveillez-vous votre immeuble ? Je n'ai vu aucune caméra ?

GEORDIE
C'est parce qu'elles sont intégrées dans les écrans muraux.

KATE
C'est vraiment impressionnant. Vous  n'avez pas peur de vous écœurer de toute cette technologie ?

GEORDIE
En aucun cas. Ceci est mon monde, le monde de demain. Il peut paraître froid, effrayant pour un profane, mais en fait il est entièrement personnalisable.

KATE
Alors vous ne laissez plus vraiment de place au vivant, au hasard...

GEORDIE
Il faut savoir vivre avec son temps. La technologie nous permet d'embellir la nature. Pourquoi s'en priver.

La porte de ascenseur s'ouvre sur le dernier étage. Kate entre dans une grande salle de réunion éclairée par une centaine de petits spots. Elle s'approche de la grande baie pour admirer San Francisco s'illuminer sous un joli couché de soleil rouge orangé.

KATE
Vous aviez raison. La vue de la baie est absolument magnifique.

GEORDIE (tapant un code à l'entrée du salon)
Si ce n'était que ça...

VOIX FÉMININE (écran mural)
"Activation mode confidentiel".

Les spots se voilent, plongeant la salle dans une faible obscurité. Les vitres se teintent d'une couleur foncée. Kate se retourne vers l'homme.

KATE
On peut parler ?

GEORDIE
Toujours...

KATE
Personne ne nous écoute ?

GEORDIE
C'est moi qui aiparamétré cette salle.

L'homme s'approche d'elle.

GEORDIE
Qu'est-ce qu'il se passe Kate ? J'ai reçu ton message sur le darkweb. Tu voulais me parler d'un problème très important.

KATE
Personne ne doit être au courant de ce que je t'apprête à te dire.

GEORDIE
Tu as ma parole. Cette pièce est entièrement sécurisée.

KATE (plongeant ses prunelles dorées dans les siens)
I-Alpha a disparu.

GEORDIE
Arthur sait où elle se cache ?

KATE
Non... C'est lui qui m'a dit de te contacter.

GEORDIE
Tu as sniffé tout le darkweb ?

KATE
Oui, rien. Aucune trace.

L'homme s'approche de la fenêtre en réfléchissant à toute allure.

GEORDIE (se retournant)
On n'aurait jamais dû la laisser partir !