190. Felipe

Université de Washington, an 2008, 4 heures du matin




Un jeune mexicain dort devant son écran, sur la table du laboratoire d'Howard University College of Medicin en plein coeur de Washington, plongé dans la nuit. Tout est calme, le laboratoire est désert en cette heure matinale. Soudain un carré jaune se met à clignoter à l'écran et à biper, réveillant l'étudiant.



FELIPE (équipant ses lunettes à triple foyer)
Ça alors, impossible !



Il revérifie plusieurs fois les calculs tout en examinant plusieurs graphiques à l'écran.



FELIPE
C'est... incroyable !!! Tout simplement incroyable !!!! Ça marche, (sursautant de sa chaise, la renversant en hurlant) ça marche !!!



Plus tard, dans la matinée, il fonce voir le doyen de l'Université, en franchissant le barrage sous  rugissements de la secrétaire.



SECRÉTAIRE
Mais enfin !! Quelle impolitesse !! Revenez, vous n'avez pas rendez-vous !!!



Felipe pousse la double porte en chêne dorée et trouve le doyen en train de regarder les étudiants arriver pour leur premier cours de la journée.



DOYEN (levant un sourcil, mécontent de l'intrusion)
On ne vous a pas appris à frapper avant d'entrer ??

FELIPE
Je sais, je suis confus, mais tellement excité à l'idée de vous annoncer cette nouvelle !!

DOYEN
De quoi parlez-vous ?

SECRÉTAIRE (s'agitant derrière eux)
J'appelle la sécurité, Monsieur !!

FELIPE (essoufflé, débraillé et dépeigné)
Les recherches au labo... elles marchent !!! Tout marche !!!

DOYEN (faisant signe à sa secrétaire de reposer le combiné de téléphone)
Vous pouvez disposer. Je m'en occupe. Merci madame Waren.

SECRÉTAIRE (contrariée)
Bien Monsieur.



Elle ferme les doubles portes, en fusillant Felipe des yeux.



DOYEN (s'approchant de Felipe ayant un sourire béat)
Eh bien ! J'attends. De quelles recherches parlez-vous ? Vous travaillez avec qui déjà ?

FELIPE
Felipe... Pardon... je veux dire que je m'appelle Felipe, je travaille avec le professeur Landosky en biotechnologie.

DOYEN
Et quel est l'objet de votre thèse ?

FELIPE
La conception d'une souche hybride de bio-technologie. (Prenant sa respiration) Monsieur, j'y suis parvenu !!

DOYEN
Détaillez, je vous prie ?

FELIPE
Sans rentrer dans les détails trop complexes, sachez que j'expérimente la sécurité des séquenceurs, ces ordinateurs servant à décoder le génome.

DOYEN
Je sais ce qu'est un séquenceur !

FELIPE
J'ai introduit un code malicieux à même de l'ADN afin d'infecter l'ordinateur du séquenceur.



Le doyen lève les sourcils se demandant pourquoi l'université finance de tel projet stupide. Il se dit qu'il en touchera mot au Professeur Landosky.



FELIPE
Monsieur, ça fonctionne !! (A lui-même) Bien sûr, javais tout de même modifié le logiciel du séquenceur afin d'en augmenter sa vulnérabilité. Mais ça fonctionne !!

DOYEN
Quoi donc ? Enfin, de quoi parlez-vous ??

FELIPE
Le but de cette opération était de démontrer les lacunes des systèmes de séquençage dont la sécurité est souvent obsolète.(Voyant le regard mauvais du doyen) Ok, pour la faire simple, sachez que c'est la première attaque bio-informatique recensée au monde !!

DOYEN (le calmant direct)
Vous n'avez pas encore publier, il me semble !

FELIPE
Non, mais la portée de cette découverte est immense.

DOYEN
Ils disent tous ça ! Vous croyez que vous êtes le premier à franchir le mur nucléaire établi par ma secrétaire ?

FELIPE
Je... non, sûrement pas, mais...

DOYEN
Écoutez, avant de vous exciter, monsieur...

FELIPE
Hernandez !

DOYEN
Avant de crier cette victoire sur tous les toits, monsieur Hernandez, assurez-vous que Landowsky jette son œil à votre découverte. Je me fis à son instinct.



Felipe affiche une grimace, qu'il efface aussitôt.



DOYEN
Nous en avons terminé. Vous pouvez disposer. J'attends des nouvelles du Professeur Landowsky. Et ne vous avisez plus de perturber l'air et l'air"e" de madame Waren !

FELIPE (s'inclinant pour le saluer)
Entendu. Merci Monsieur le Doyen de m'avoir prêté attention.



Felipe traverse la cours de l'Université et pose sa sacoche en cuir camel sur un banc. Il en sort un smartphone de première génération.




FELIPE (téléphonant)
Seoul ? C'est moi... Non, le doyen ne croit pas en ma découverte. Oui je sais, tu m'avais prévenu. Il me dit de faire vérifier ma thèse par Landowsky, mais je ne lui fait pas confiance. Il va tenter de s'accaparer ma découverte. Il faut que je trouve un autre moyen.



Soudain il apperçoit un homme vendre des journaux dans la rue.



FELIPE
Je crois que j'ai une idée !! Je te rappelle.



Il raccroche et reprend sa sacoche, avant de quitter l'université.

Quelques mois plus tard... Il entre dans un couloir les mains sur la tête, suivi par un agent de police habillé en trench noir. Il l'entraîne vers une porte en merisier, contrastant avec le reste du couloir en béton armé.



FELIPE
On m'arrête pour quoi au juste ?

AGENT
Ce n'est pas une arrestation ?

FELIPE
Tiens donc... Pourtant ça y ressemble. Vous m'avez menacé avec votre colt !



L'homme badge et ouvre la porte, dévoilant une grande salle de réunion très moderne.



FELIPE
Impressionnant... J'ai quitté les égouts et me voilà dans une salle d'arrestation au gout très luxueux d'un 5 étoiles.



Le futur directeur d'Interpol apparaît, la quarantaine, brun aux yeux bleus perçants.




JACQUES
Parce que ce n'est une arrestation !

FELIPE
Qu'est-ce que c'est alors ???

JACQUES
Une collaboration !



Felipe cligne des yeux.



FELIPE
J'aimerai comprendre.

JACQUES (souriant en coin)
Ne vous inquiétez pas, vous aurez tout le loisir.

FELIPE
Une collaboration sur quoi ?

JACQUES
Disons que nous vous offrons l'opportunité de faire votre postdoctorat dans l'une des meilleures institutions du pays.

FELIPE
Laquelle je vous prie ??

JACQUES
La NSA !

FELIPE
Wow !!! Ça pour une surprise.... Je ne m'y attendais pas !

JACQUES
Nous sommes au courant de vos démarches "vaines" pour communiquer sur votre découverte. Évidemment, une découverte telle que la votre est d'office rejetée par la société qui y verrait l'annonce de sa prochaine décadence. Rétrograder l'homme à un simple programme informatique, vous ne trouvez pas ça réducteur ?

FELIPE
Vu sous cet angle oui ! Mais c'est aussi la possibilité pour l'homme d'augmenter ses capacités. Ce n'est que le début, mais je crois fermement en cette découverte.

JACQUES
Croyez-moi... Être en avance sur son temps, n'est jamais bon. Vous passerez pour un illuminé si ce n'est un fauteur de troubles.

FELIPE
Alors que me proposez-vous ?? J'aimerais comprendre à quoi rime tout ce cinéma ?? Vous ne pouviez pas simplement frapper à ma porte comme n'importe quelle personne civilisée ?

JACQUES
Nous voulions nous assurer que vous coopériez.

FELIPE
Vous cherchiez surtout à savoir si le monde extérieur peut avoir de l'emprise sur moi, surtout quand il est armé...



Jacques lève rapidement son sourcil, décontenancé par la rapidité d'esprit de Felipe. Il se remet à sourire en coin. Felipe prend les devants.



FELIPE
Je ne me suis pas enfui car mes papiers sont en règle et que je n'avais rien à me reprocher. Je bosse 18 heures par jour. Vous croyez que c'est une simple contravention qui va m'effrayer ??

JACQUES
Non, je ne m'abaisserai pas à ça. Nous avons besoin de savoir si nous vous pouvions vous faire confiance en testant votre réaction.

FELIPE
J'imagine que vous avez déjà étudié mon "dossier"... et le passé de mon adolescence "trouble".

JACQUES
Effectivement ! Mais j'ai foi en la résilience propre à chacun. C'est pourquoi je vous propose votre nouvelle mission : mener à bien vos recherches.

FELIPE
Vous comptez en faire quoi ?

JACQUES
A votre avis ? Un esprit aussi brillant que le vôtre a déjà la réponse à cette question.

FELIPE
A servir les intérêts de l'État Américain. Mais vous oubliez que je suis mexicain.

JACQUES
Un mexicain qui fait ses études sur le sol américain, tout comme moi. Je suis français et je sers pourtant les intérêts de la NSA.

FELIPE
Sauf que je ne suis pas passé par le circuit des grandes écoles.Je ne fais pas partie de la jeune élite américaine.

JACQUES
Voyons, vous êtes à Washington... Vous n'ignorez sans doute pas que nous sommes attentif aux viviers de proximité.

FELIPE (soupirant)
Vous m'avez percé !

JACQUES
Ce n'est un secret pour personne. Mais vous forcez le respect avec votre parcours. Issu d'une famille défavorisée, vivant dans la misère au Yucatan, vous avez montré très tôt des facultés hors du commun si bien que votre mère vous a confié à votre tante habitant à Mexico. Et pour lui rendre honneur, vous avez intégré les meilleures écoles de Mexico et décroché toutes les bourses pour l'alléger de la dette de votre éducation. Vous avez même pris jusqu'à 3 boulots dans une soirée pour financer vos études.

FELIPE
Quels autres choix j'avais ? C'était soit grandir dans un milieu traditionnel et cultiver le blé soit réaliser mes rêves de recherche. Je savais que j'étais fait pour ça !

JACQUES
Nous le savons également, et nous vous rémunérons grassement pour vos recherches.

FELIPE (levant un sourcil)
Vous voulez que je vous cède ma découverte ?

JACQUES (se penchant vers lui)
Nous voulons même plus !



2 ans plus tard....

Felipe travaille dans l'un des laboratoires de la NSA à Boston, avec des étudiants du MIT.



FELIPE (regardant l'écran d'un étudiant par dessus son épaule)
Tu y es presque... Il faut que tu appliques la méthodologie de calcul du carbone à tes variables.



L'étudiant corrige son erreur.



FELIPE (voyant l'heure tourner)
Bien, c'est l'heure de la pause. On se retrouve après le déjeuner.



Les étudiants sortent du laboratoire. Un jeune homme entre, en portant un costume de très bonne facture. Il dépose sa sacoche en cuir très luxueuse sur l'une des chaises, avant d'enlever son écharpe en soie.



JEUNE HOMME (s'approchant pour lui serrer la main avec aplomb)
Felipe Hernandez je présume ?

FELIPE (lui serrant la main)
Bonjour, à qui ai-je l'honneur ?

JEUNE HOMME
Nathan Petrelli, je suis Conseiller à la Sécurité Nationale ! Enchanté. Jacques m'a énormément parlé de vous et de vos recherches.

FELIPE
Effectivement, nous avions échangé quelques mots par téléphone, il y a quoi.. deux mois ?

NATHAN
C'est ça. Me voici, ici, pour découvrir vos recherches.

FELIPE
Eh bien, elles avancent, plus ou moins.

NATHAN
Vous avez pu amener votre souche à se développer ? Pardonnez-moi mon intrusion, mais j'étais à Boston pour affaires et je me suis dit qu'une petite visite de courtoisie était la bienvenue. Je m'intéresse de près à toutes recherches scientifiques pouvant placer les États Unis d'Amérique en position de force dans l'échiquier mondial.

FELIPE
Je comprends parfaitement. Nous sommes en pleine avancée, et la richesse de cette avancée semble s'ouvrir à nous chaque jour.

NATHAN
Vous m'en voyez heureux. En quoi consiste ces recherches exactement ? Je n'ai pas tout retenu par téléphone lors de notre dernier échange.

FELIPE
Imaginez un monde où l'ADN soit la solution de stockage de l'avenir ! Nous pouvons y incorporer un grand nombre de données dans un espace très restreint. Nous pourrions contenir l'ensemble des données mondiales dans un espace grand comme un réfrigérateur !

NATHAN
Je vois, impressionnant !

FELIPE
Aujourd'hui le défi est encore possible, mais demain avec l'ère de la data ?

NATHAN
Alors il ne faut pas perdre de temps !

FELIPE (souriant)
Exactement ! J'ai commencé ma thèse après avoir lu un article disant que Microsoft avait réussi à stocker 200 méga-octets d'informations dans de l'ADN occupant un espace beaucoup plus petit que la pointe d'un crayon à mine !

NATHAN
En effet, ça relève de l'exploit.

FELIPE
En moins d'un an, nous avons réussi à multiplier par 10 la capacité de stockage de l'ADN, ce qui est fort encourageant, d'autant plus que nous ne sommes qu'au début de cette révolution bio-informatique.

NATHAN
Mais quand vous dites bio-informatique, vous pensez sincèrement que l'ADN peut exploiter cette information ?

FELIPE
La stocker dans un premier temps, oui c'est possible. Nous le faisons. Mais si nous pouvons la stocker, nous pouvons la traiter. C'est ce que nous cherchons à mettre en place dans ce laboratoire.

NATHAN
Impressionnant. Et à terme, nous pourrions la contrôler ?

FELIPE
Je vois à quoi vous faites référence monsieur le Conseiller, mais oui à terme nous serions en mesure d'exploiter toutes ces données, comme un logiciel.




Nathan cligne des yeux pour bien ingurgiter l'information et ses conséquences.



NATHAN
Autrement dit, nous pourrions "upgrader" nos soldats sur le terrain ?

FELIPE
Tout comme nous pourrions disposer de l'âme de nos ennemis pour leur faire avouer leur méfait.

NATHAN (pesant chaque syllabe)
Incroyable ! C'est quasi de la science-fiction.

FELIPE
C'est ce pour quoi je travaille, loin du regard médiatique. La société ne peut pas comprendre ce qu'elle ne voit pas.

NATHAN
Les gens ne sont pas prêts, mais "nous" le sommes! Je suis ravi de cette rencontre et j'espère que nous aurons l'occasion de collaborer un jour ensemble !

FELIPE
Ce sera avec plaisir monsieur le Conseiller !



Nathan lui serre chaleureusement la main et récupère sa sacoche et son écharpe précieuse avant de sortir de la pièce. Felipe attend qu'il s'éloigne et s'empare de son téléphone.



FELIPE
Seoul ? Oui, il a mordu à l'hameçon... Oui... On fait ce qui était prévu.. Phase 2 du plan !

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