43- Sous la surface
Elio
Assis sur la chaise, les coudes appuyés sur les cuisses, les mains jointes, je prie mon seigneur les yeux fermés, tandis que Maxine est allongée sur le lit à côté. Nous avons rejoint le point de ralliement il y a quatre jours. Damien portant Max sur son dos, quand j'étais en train de scanner tout pays à la recherche de mon géniteur. Savoir qu'elle avait été retrouvée m'a enlevé un poids des épaules, mais le soulagement a été de courte durée quand j'ai vu son état.
Mansur, qui les suivait, a directement pris le relais pour la soigner, ce qui lui a pris de nombreuses heures en compagnie de Tobias. Seuls le lendemain, nous avons pu aller la voir. Par contre, nous avons affaire à une femme dormant paisiblement... Du moins, en retirant tout objet contondant de sa portée. Quelques réveils ont été brutaux et dont il a fallu s'y mettre à plusieurs pour la contenir et pouvoir lui attaché les poignets au lit. À cet instant, mon cœur, qui ramassait à peine les morceaux, déchiré par son état, est tombé en ruine.
Nous tournons pour la surveiller. Cependant, c'est moi qui veille sur elle la plupart du temps, tel un chien de garde qui regarde de travers tout compagnon osant s'approcher d'elle. Ce qui n'arrange pas la tension au sein du groupe. Mon côté protecteur s'est éveillé. Je ne veux plus qu'aucun homme ne pose la main sur elle. Même si c'est son camarade de tuerie. Même si c'est son boss, et encore moins la bestiole à quatre pattes. Aucun Mâle.
Je perçois du mouvement. Redresse la tête, ouvre les yeux. Elle se débat dans son sommeil. Je me lève et m'approche de la bassine d'eau, puis attrape le gant, la trempe, l'essor et m'assieds au bord du lit avant de l'appliquer sur son front.
— Un, deux, trois... murmure-t-elle inconsciente.
Je stoppe mon geste, plisse les paupières.
— J'irais sur les toits...
Et c'est reparti pour un tour. Je ne sais si se sont les tranquillisants qui l'a font chanté dans son sommeil, mais on en a enregistré des belles.
— Quatre, cinq, six... troués les épices.
De plus, on n'y comprend pas le sens.
— Sept, huit, neuf...
Je taponne son front.
— De sang, le rouge fait œuvre, susurre-t-elle d'une voix profonde.
Ma main se fige à nouveau. Je baisse mon regard sur elle. Maxine a les yeux grand ouverts et me fixe dans le blanc des yeux. Son air ne laisse rien de bon à présager, et je me rassure du fait qu'elle est attachée. Ou pas. Surtout quand je sens sa main glisser sous mon t-shirt, électrisant mon corps.
Un sourire narquois étire ses lèvres. Ses doigts atteignent ma nuque, l'agrippent, émettent une pression et me forcent à me rapprocher d'elle.
— Détache-moi, murmure-t-elle à mon oreille en mordillant le lobe au passage.
Vile tentatrice. Il n'en faut pas plus à mon corps pour réagir à son appel, malgré mon inquiétude.
— Tu as besoin de repos encore, Maxine.
Autant se défendre comme on peut. Mais j'oublie souvent à qui j'ai à faire. Elle glisse sa langue le long de l'arête de ma mâchoire, puis dépose ses lèvres sur les miennes. J'accueille avec délice les siennes. Je me glisse sous les couvertures, pour me rapprocher d'elle et l'enlacer dans mes bras, tout en intensifiant notre baiser. Son corps ondule contre le mien, sa main libre descend jusqu'à l'élastique de mon survêt. Elle m'avait manqué. Son goût, sa chaleur, son aura... Mon cerveau m'envoie un signal.
J'ouvre les yeux. Les siens ne sont pas fermés. Elle est concentrée sur sa manœuvre en regardant vers sa main. J'attrape son poignet et plaque son bras au-dessus de sa tête, avant de l'écraser de mon poids. Une ruse pour m'attendrir. La garce.
— T'es pas drôle, boude-t-elle en faisant la moue.
— Je ne suis pas né de la dernière pluie, lui réponds-je en souriant.
Elle lève les yeux au ciel. Mais au moins, ça me rassure qu'elle a retrouvé son état d'esprit d'origine. Vicieuse à souhait. Je lui dépose un baisé sur le front et me décale sur le côté en l'enlaçant dans mes bras.
— Je ne peux pas te détacher comme ça. Pas avant de savoir que tu ne feras rien de stupide, préviens-je.
Un long soupir s'échappe d'elle.
— J'ai envie d'une douche, je pue, grommelle-t-elle.
Oui pour ce point, elle n'a pas tort. Allongée depuis des jours sans se laver, elle ne doit pas se sentir à l'aise.
— En plus, j'ai faim.
— Et ? demandé-je pour qu'elle finisse le fond de sa pensée.
Elle tourne sa tête vers moi avec un large sourire.
— Je dois faire les comptes !
Mes sourcils se froncent. Les comptes ? Quel compte ? Mais je n'obtiens pas plus de réponses de sa part. J'obtempère à sa demande puis attrape mon téléphone dans ma poche pour appeler Damien. Celui-ci répond dans la seconde.
— Ouais.
— La perche ! hurle-t-elle à côté de moi en m'explosant les tympans au passage.
Je recule le téléphone de l'oreille quand son collègue se met également à gueuler en écho depuis le salon. Suivi de pas précipité dans l'escalier et d'une arrivée en trombe dans la chambre. Et ce n'est pas un, mais trois gaillards qui se pointent. Damien, Tony et Tobias.
— Ma princesse est enfin parmi nous, clame le boss en se précipitant vers le lit.
Je serre ma prise autour du corps de Maxine. Elle me tapote le bras.
— Un serpent qui surprotège une chienne on aura tout vu, pouffe Tony.
Je lui lance un regard noir. Max penche la tête sur le côté, puis glisse un regard vers moi. Elle n'est pas contente, mais je m'en contre fou. Damien s'approche de nous, et avec un rictus et des gestes calculés, il défait le lien qui retient le poignet de sa collègue. La pression qu'elle maintenait dessus nous fait basculer sur le sol dans un fracas. Elle est sur moi. Moi empêtré dans la couverture et sous elle.
— Tobias, aux fourneaux j'ai la dalle ! crie-t-elle en plissant son regard sur moi. La tong reprend les recherches d'Elder, on a deux gros chats à traquer.
Elle compresse sa poitrine sur mon torse.
— La perche, dresse-moi la liste des victimes de là où tu m'as trouvé, j'ai perdu le compte.
— Qu'est-ce que tu comptes en faire ? rétorque celui-ci méfiant.
Elle se redresse avec un mouvement de bassin. Le fixe, puis sourit à pleine dent.
— Pomper ton compte en banque pour m'avoir stoppé dans mon élan.
Le silence qui s'en suit m'indique qu'elle ne perd pas le nord au réveil. Elle a tué en brisant ses principes, et réclame son dû pour soulager sa conscience. Le caméléon m'avait expliqué comment la furie s'était déchaînée. La mort en personne fauchant chaque âme sur son passage. Insaisissable. Rapide. Assoiffée. Et là, au dessus de moi, elle semble être elle-même. Calme, dangereuse, ne montrant pas le fond de sa pensée. Tout ce que je redoute le plus.
Tous sortent de la pièce. Max à ordonnée, ils ont obtempéré. Ni plus ni moins. Ils se méfient aussi de son double tranchant. La connaissent mieux que quiconque. Je l'observe. La lueur du soleil, perçant à travers les rideaux, illumine son visage encore recouvert d'ecchymoses. Elle baisse un instant le regard comme perdu dans ses pensées. Se déconnectant de la réalité. Loin d'être une sainte, elle reste une créature sublime à mes yeux.
Je lève la main vers son visage, la pose sur sa joue. Émets une pression dessus pour qu'elle me regarde. Me redresse sur mon coude.
— Dis-moi ton prix ma belle, pour que tu te déchaînes avec mon aide.
Elle me regarde avec méfiance. Toujours sur ses gardes.
— Porcelli a toujours été ma cible, confirmé-je à notre première rencontre.
— Le marchand de glace est d'un tout autre niveau, souffle-t-elle pensive.
Silver. Un père, un mentor, un ami, un ennemi. La douleur de la trahison se lit dans ses yeux. Voilà la souffrance qu'elle cache aux autres. Elle sait le mal qu'il a fait subir au caméléon et à son collègue, mais le plus dur c'est le lien qui l'unissait avec son père adoptif. Les écoutes de fin de mission à la villa me l'ont confirmé. Une promesse rompue, même si elle savait comment il était, cela lui a profondément touché. Je la prends dans mes bras, la serre, puis me lève en me dirigeant vers la salle de bain.
Silencieux sous le jet de la douche. Loin des oreilles indiscrètes. Loin des regards. Caché dans le creux de mon cou. Protégé de mes bras. Max n'est plus une tueuse sans coeur. Ni une créature acerbe. Ce n'est qu'une femme brisée, blessée, qui verse ses larmes en silence avant de faire couler le sang.
Je resserre mon étreinte.
Seul le bruit de l'eau percutant nos corps résonne en échos à mon cœur meurtri par son état.
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