37 - Pas touche à la blueside

Damien

Adossé à la porte de service, je fume tranquillement ma cigarette. La chaleur de l'après-midi cogne autant que mon cerveau face aux horreurs que Max a fait subir aux dealers. L'impasse empeste les cadavres des bouteilles vides dans la poubelle et des restes des déchets que les clients ont laissés la veille. Je tire une grande bouffée, inspirant profondément la fumée avant de la recracher et de cogner l'arrière de mon crâne contre le métal.

La porte s'ouvre en grand me propulsant en avant. Mes nerfs déjà bien à vif, je me retourne en dégainant ma lame prêt à la planter dans la tête du fumier qui ose me déranger. Or, mes yeux s'écarquillent quand je vois apparaître un slip kangourou blanc dans l'entrebâillement.

— Déstresse Damien ce n'est que moi.

Sa tête apparaît avec un large sourire.

— Tu devrais être plus doux connard.

Tony pousse la porte et s'appuie contre le bâti en croisant les bras sur son torse. Ses yeux se plissent et me fixent, tandis que je range ma lame dans son étui.

— C'est bien toi qui me parles de douceur ?

Il se passe le doigt dans l'oreille pour faire mine de se la curer, voir s'il a bien entendu mes paroles. Je souffle.

— Quand la bestiole t'a échappé, j'ai pris pour son grade et tu n'es pas y aller de main morte.

Un rictus se forme sur mon visage. Je m'approche de lui d'un pas sûr, faisant crisser le gravier sous mes semelles. Il ne bouge pas quand je monte les quelques marches menant à la porte. Encore moins quand je le saisis par la nuque d'une poigne ferme. Mes lèvres s'approchent de son oreille :

— À qui la faute si Max est partie en Corée hein ?

Je me recule légèrement pour croiser son regard en biais.

— C'était ça où tu prenais une autre balle, je n'ai fait que mon devoir en obéissant au boss, rétorque-t-il calmement.

— Tss.

Je le pousse vers l'extérieur avec force, il se loupe et atterrit sur les genoux. Je ne m'attarde pas sur les jurons qu'il me lance et traverse le couloir en direction du bar. Ginette est en train d'essuyer les tables, tandis que quelques jeunes traînent autour d'un verre. La fréquentation est faible en journée comparée à nos soirées et exceptionnellement le bar sera fermé ce soir. Je trouve Tobias au-dessus de l'évier, les mains dans l'eau en train de laver les verres. J'attrape un torchon, puis commence à les essuyer en silence.

— Toujours d'humeur massacrante ? me demande-t-il sans lever son regard.

Ma mâchoire se contracte.

— Je me demande si la mission aux States était une bonne idée. D'un côté, elle a pu lui rendre visite, mais de l'autre les emmerdes ont recommencé.

Le voilà reparti dans son monologue. Du Tobias tout craché. Depuis l'ouverture de la chasse aux hommes de dieu, il ne fait que ruminer sur le choix de ses décisions.

— Ah s'il ne s'en était pas mêlé lui aussi...

— Boss, le coupé-je exaspéré. Être dans la tête de Maxine est un sacré défi à relevé, même moi j'ai parfois dû mal à tenir la cadence. Mais tu sais comment elle est, elle reste une tueuse exceptionnelle avec les casseroles qu'elle se traîne. Ça me fait du mal de l'admettre, mais si le serpent peut lui donner une bouffée d'air, autant les laisser en profiter.

Il redresse la tête, étonnée par mes paroles.

— Je ne parlais pas de lui, mais de Silver, et qu'entends-tu par bouffée d'air ?

Je me fige. Le torchon enfoncé dans le verre. L'imposante carrure de Tobias se dresse devant moi alors que je me mets à contempler les reflets dans le miroir de la vitrine du bar. Ne surtout pas lui dire que j'ai planqué des micros chez Max et le prêtre. Éviter tout regard. Éviter Max si elle l'apprend, sinon je vais vraiment finir troué comme du gruyère.

— Damien ? insiste le boss en posant ses poings sur les hanches.

Dans le miroir je repère Mansur entrer dans le bar. Ma porte de sortie, alléluia ! Je pose le verre sur l'étagère et fais rapidement demi-tour pour me rapprocher de l'interne à vitesse grand V. J'attrape la bouteille de vodka et deux verres pour l'accompagner dans sa beuverie. À voir sa tête, il s'est encore fait emmerder.

— Mauvaise journée ?

Il attrape l'un des verres et l'avale cul sec. J'entends le boss souffler comme un bœuf dans mon dos avant de disparaître le pas lourd. Mansur pose ses coudes sur le comptoir et s'attrape les cheveux, il semble avoir le monde crouler sur ses épaules.

— Les résultats des examens sont arrivés.

Merde. À voir sa réaction, ce n'est pas passé. Il se redresse et attrape le deuxième verre.

— À deux points, bordel !

— Je suis désolé, Mansur.

Et c'est sincère. Je parais froid en sa présence, mais c'est surtout pour le préserver de mon caractère impitoyable. De plus, si j'ose un geste vers lui, je me prends la semi-remorque nommée Maxine dans la tronche. Briser mes jouets OK, mais le petit protéger de ma collègue, mieux vaut éviter. Et notre monde n'est pas pour un brave p'tit gars comme lui.

— Du coup, t'as la possibilité de le repasser ?

Je remplis à nouveau les verres.

— Soit je le repasse, soit je démissionne.

Mes sourcils se froncent. C'est un peu extrême comme décision.

— Le directeur m'est tombé dessus en me disant que j'étais une sous-merde de la société et que je ne faisais que créer des problèmes depuis le début de mon internet.

Mon poing se serre.

— D'autant plus que...

Sa voix se brise. Il baisse la tête devant mon regard qui s'obscurcit de rage. Une main se pose sur son épaule alors qu'un ordinateur apparaît sur le comptoir. Tony s'installe à ses côtés en jetant un regard circulaire avant de se mettre à pianoter sur son clavier. Le caméléon a retrouvé ses couleurs.

— Alors... commence-t-il à dire en scrutant son écran.

Il attrape son téléphone, passe un appel pour confirmer des faits. Raccroche, et déplace ses doigts sur les touches.

— Damien, t'as reçu un contrat express, va voir le boss, je m'occupe de cendrillon.

— Ce surnom est réservé à Max, tu le sais ? répliqué-je en arquant un sourcil.

— Quand elle arrêtera de m'appeler la tong, j'arrêterai de lorgner sur son petit protégé.

Son sourire s'élargit, ce qui ne rassure pas Mansur à ses côtés. Il passe son bras autour des épaules de l'interne, le rapproche de lui et lui montre l'écran.

— Ton dirlo va bientôt être cueilli par les gentils messieurs en costume que tu vois à l'écran et l'ange de la mort va lui rendre une petite visite cette nuit, donc ne t'inquiète pas pour ton avenir il est déjà tout tracé.

Il le lâche et se remet à pianoter sur son clavier.

— De plus, les points perdus à ton examen ont été soustraits par les jurys suite à un pot-de-vin, mais c'est qu'il ne fait pas dans la dentelle ce vieux porc.

Le regard de Mansur s'illumine. Le téléphone de Tony vibre sur le comptoir, il décroche.

— Ah comment vas-tu depuis le temps ?

Il se lève en m'invitant à aller voir Tobias et en incitant Mansur à rester sur place. Je fais un signe rassurant à l'interne abasourdi devant l'écran et m'éclipse pour rejoindre le bureau du boss. En entrant dans la pièce, je le vois en train de signer un document qu'il dépose sur la pile de feuilles dans sa bannette. Il regarde sa montre, puis lève la tête vers moi.

À en juger par son expression dure, une personne l'a fortement contrarié. Soit il a deviné pour les micros, soit ça a un rapport avec ce que faisait Tony. La balance penche pour la deuxième option.

— Cinquante mille ont été versés sur ton compte Damien, cinquante mille autres arriveront quand tu auras accompli ta mission ce soir.

— Gros poisson pour une telle somme et un délai si court, rétorqué-je en assimilant l'information.

Il se recule dans son fauteuil en joignant ses doigts entre eux.

— Nous n'avons pas assez pris soin du p'tit oisillon, soupire-t-il las.

Mon impression ne m'avait pas trompé, il s'est passé un truc à l'hôpital.

— Je vais fermer le bar temporairement, prétextant une fermeture exceptionnelle, nous avons trop de choses à gérer.

J'attrape mon paquet et m'allume une cigarette. On accumule beaucoup de problèmes depuis le contrat de Max. Les mafieux des States et de la Corée, plus Silver qui en ajoute une couche et nous voilà avec un porc qui abuse de son pouvoir sur les plus faibles. Heureusement que Maxine n'est pas là, et mieux vaut pas qu'elle apprenne quoique ce soit. Son cerveau est bien assez atteint actuellement.

— Où et quand ? demandé-je en me préparant mentalement.

Tobias regarde de nouveau sa montre.

— Il est actuellement en train d'être emmené par les forces de l'ordre, mais au vu de sa position d'ici une heure, deux grand maximum il sera sorti, m'informe-t-il. Tony à piraté son téléphone, tu pourras le suivre à la trace grâce à lui par communication.

Le duo de choc de nouveau formé.

— Qu'arrivera-t-il à Mansur après ça ?

Le pauvre, il perd son boulot que l'on intervienne ou pas. Ça me met encore plus les nerfs.

— Tony est déjà sur le coup, j'ai besoin de lui dans l'équipe donc il ne faut pas qu'il abandonne. Nous établirons les plans quand notre princesse fera enfin don de sa présence.

T'es pas prêt de la voir. J'esquisse un sourire en plissant les yeux.

— OK, je m'occupe du directeur.

J'attrape la feuille sur la pile et parcours les lignes rapidement. Je confirme que Maxine n'aurait pas tenu ses principes. Le commanditaire, inconnu au bataillon. Or en levant un regard au-dessus de la feuille, je me doute que c'est seulement pour cinquante mille et pas cent. Tobias paye de lui-même, mais se cache. Il a la rage et ne le montre pas. Le boss me laisse le gibier, tant mieux. Le rapport du caméléon me donne la nausée, je vais me faire un malin plaisir de le saigner. Je plie la feuille et la glisse dans ma poche arrière.

— Barbecue autorisé ? demandé-je en arquant un sourcil.

Tobias penche la tête sur le côté, mettant sa bouche en cul de poule semblant réfléchir. Il lève sa main en me donnant congé et ajoutant :

— Fais-toi plaisir.

J'acquiesce puis sors du bureau. Tony est adossé au mur, les bras derrière sa tête, un sourire aux lèvres.

— Quelle cuisson pour le cochon de lait ? interroge-t-il excité.

Je lève les yeux aux plafonds. À force de traîner avec Max et moi, on a déteint sur lui. Cependant, ensemble, on est de vrais bouchers.

— Saignant, réponds-je en me dirigeant vers le vestiaire.

Je laisse mon tablier de barmaid pour enfiler ma veste de tueur. Je me réjouis tout de même de voir la réaction dépitée et envieuse de Max qui aura loupé ça. Fallait pas t'envoyer en l'air avec le prêtre. Un vieux frisson de dégoût me parcourt le corps, heureusement que j'ai coupé les écoutes à temps avec eux.

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