34 - Contrôle
Elio
Avide. Puissant. Alléchant. Le droit chemin s'efface quand mes lèvres rencontrent les siennes. Une vague de désir m'envahit, chassant toute retenue, toute raison. Hésitante. Tremblante. Impuissante. Ses doigts s'enroulent dans mes cheveux, et je sens sa poigne de maître. Son corps se presse contre le mien, je la plaque contre la porte. Gourmandise. Péché. Cerbère m'a entre ses griffes, et je suis trop faible pour m'en défaire. Son goût sauvage déferle sur ma langue, me brûle, me consume. Mes mains glissent le long de son dos, s'attardent sur ses hanches, frôlant cette peau qui m'obsède.
Vile créature des enfers, tu m'as piégé.
Sa poitrine se comprime contre mon torse, un souffle chaud et haletant. Elle est mon cauchemar et mon désir le plus inavouable. J'ouvre les yeux, je veux la voir, m'assurer que ce moment est réel. Mon sang se glace. La réalité m'assaille, brutale. Son regard, ce regard qui a vu la mort de près trop de fois, me ramène à la froideur de notre situation. Je me recule, mais son aura assassine m'enveloppe, m'écrase. Je suis paralysé, incapable de bouger, son souffle saccadé toujours présent dans mes oreilles.
— Maxine, on va atterrir dans peu de temps.
La voix de son collègue résonne derrière la porte, frappant plusieurs fois. Elle ne répond pas tout de suite, son regard ne me lâche pas, me transperce.
— Maxine ?
— J'arrive, lâche-t-elle, sèche comme une lame qui tranche dans le vif.
Les pas s'éloignent, mais la tension reste, aussi palpable que le désir qui m'a consumé quelques instants plus tôt. Mon esprit tourne à toute vitesse, cherchant une issue, une explication à cette folie qui m'a pris. Elle est si imprévisible, cette femme. Elle devrait être mon ennemi, elle l'est, et pourtant... Gustave... La pensée de ce qu'elle a fait me traverse comme un coup de poignard, et ma mâchoire se crispe. Mon poing se serre.
— Tu as fini par comprendre, souffle-t-elle d'une voix blanche.
Aucune émotion.
— Il n'est pas judicieux de vouloir sauter celle qui doit te tuer.
Tranchante.
— Cela ne me détournera pas de mon objectif.
Sans pitié.
Elle déverrouille la porte, sans jamais me quitter des yeux. Mon cœur se serre, comprimé par une angoisse que je n'arrive pas à nommer. La porte s'ouvre, Tong hyong apparaît, il me regarde, perplexe, mais je ne peux pas détourner le regard d'elle. Cerbère s'éloigne, disparaît dans le couloir, laissant derrière elle une ombre froide, glaciale.
La tension charnelle qui m'a envahi se dissipe, laissant place à une terreur sourde. Mes jambes flanchent, Tong hyong me rattrape de justesse.
— Eh, mon pote, ça va ?
Je hoche lentement la tête, mais le nœud dans ma poitrine ne se défait pas. Qu'est-ce qui m'a pris, bon sang ? Le caméléon me guide vers mon siège, et je m'y effondre.
— Il a quoi le prêtre, il est tout pâle ? demande la bonne femme, en me dévisageant.
— Coincé dans les toilettes avec Max et... commence Tong hyong avant que je ne plaque ma main sur sa bouche.
Ferme-la, bordel. La bonne femme me jette un regard noir avant de tourner la tête vers le hublot. Des voix s'élèvent, plus loin, provenant de la pièce de Damien. Je lève un sourcil, surpris par cet échange violent qui cesse aussi soudainement qu'il a commencé. Je m'installe, boucle ma ceinture, essayant de rassembler les morceaux épars de ma raison.
— Tu n'as vraiment pas réfléchi sur ce coup-là, Elio.
Je lève la tête, le caméléon fixe l'extérieur, le menton appuyé contre son poing, les sourcils froncés. Il souffle contre la vitre, écrit un nom du bout du doigt, un nom qui s'efface aussitôt. Je suis pathétique. Comment ai-je pu oublier la réalité, même un instant ?
L'avion atterrit, mais ni elle ni son collègue ne réapparaissent. Nous descendons sur le tarmac français, où un SUV noir, une Alpine, et une vieille 4L nous attendent. Tobias, Franck, et Mansur sont là. Je n'ai pas le temps de faire deux pas que je me fais bousculer, et mes tympans explosent.
— Ma titiiiinnneee !!
Cerbère fonce sur sa voiture, s'étale de tout son long sur le capot, un sourire extatique sur les lèvres. Je détourne les yeux, incapable de supporter cette vision, et m'avance vers Franck pour le serrer dans mes bras.
— Monsieur, je suis ravi de vous revoir sain et sauf.
— Et moi donc.
Tobias pose une main sur mon épaule avant de rejoindre son équipe pour discuter des dernières nouvelles. À peine redressé, que le moteur de la 4L rugit ! Les pneus crissent, elle disparaît aussi vite qu'elle est apparue. Je baisse les yeux, l'amertume au bord des lèvres.
Imbécile.
Maxine
Les clés de ma titine tournent autour de mon doigt tandis que je me dirige d'un pas lourd vers mon immeuble. Damien m'a dit de filer direct au bar, mais je ne peux pas. Il faut que je vide mon esprit, que je me débarrasse de cette tension qui me ronge.
— Mademoiselle Nyx ! Ça faisait longtemps que vous ne nous aviez pas honorés de votre présence, balance Gertrude avec son sarcasme habituel, appuyée sur le rebord de sa fenêtre.
— Vous m'avez manqué également, vieille bourrique.
Je savoure son regard choqué, tandis que Rex, son chien de malheur, commence à aboyer. J'aurais peut-être dû lui ramener un jouet volé à Damien. Je hausse les épaules. Je pousse la porte de l'immeuble et grimpe les marches jusqu'à mon studio.
Quand la porte se referme derrière moi, je respire enfin. Cendrillon a fait du bon boulot. Même le frigo est rempli. J'attrape une bière, la décapsule et la vide d'un trait avant d'allumer une cigarette.
Bonheur absolu.
Le téléphone vibre. Un message de Tobias : il m'attend au bar ce soir. J'éteins le téléphone et le balance sur la table. Je suis partie si vite que j'en ai oublié mes armes dans l'avion. Mais il fallait que je prenne mes distances. Trop de choses dans ma tête, et maintenant je tourne en rond dans mon studio. Qu'est-ce qui m'a pris de lui poser une telle question ? Je pensais qu'il allait trembler de peur à s'en pisser dessus en restant coincé dans les toilettes, mais non !
Mes doigts effleurent mes lèvres, mes yeux se ferment malgré moi. Mon palpitant s'emballe de nouveau. Je secoue la tête, écrase ma cigarette.
Une douche. Froide si possible. Gelée, glacé, moins quarante degrés pour calmer le feu qui qui me dévore de l'intérieur. L'eau ruisselle sur ma peau, mais ne calme pas pour autant mes ardeurs. Je ferme les yeux. Erreur. Chaque goutte qui glisse sur mon corps me ramène à lui. À ses mains, à ses lèvres.
Fichtre ! Pourquoi ai-je glissé mes mains dans ses cheveux ? Je secoue la tête, pose mes avant-bras contre les carreaux de la douche. Prends une grande inspiration.
Sensation de ses mains le long de mon corps.
J'en viens à me caresser en imaginant que c'est lui. Non, non, non ! Maxine, reprends-toi. Pense à Rex ! Oui, voilà, Rex, tue-l'amour incarné. Avec son pelage blanc tout frisé. Ses yeux perçants de pervers et... sa langue... sa... Cerveau de merde ! Vire-moi la langue du prêtre de la tête !
La douche froide n'y fait rien. Peut-être que m'éclater la tête contre le mur serait plus efficace ? Mauvaise idée. Nah, à éviter. Je me dirige d'un pas furax vers le frigo, attrape une bière le tout enveloppé dans ma serviette. J'ai trop chaud pour m'habiller. Je récupère mon paquet sur la table et me cale derrière mon ordinateur. Une série merdique, voilà ce qu'il me faut.
Je glisse la molette de ma souris, défilant les affiches présentes sur Netflix. Amour, gloire et frustré ! Rien ne m'attire. Rien ne me sort de cette spirale. J'ai rappelé à Elio qu'il y avait un contrat sur sa tête, et ces crétins de la perche et claquette ont pensé que c'était à cause de mon passé. Ils n'y comprennent rien. Et ce n'est pas ce qui me met en rogne. Ce n'est pas ça qui me bouffe de l'intérieur. Ma tête se jette en arrière. Le feu s'éteint.
Ma colère ne venait clairement pas de là. Il ne faut pas que je sois distraite de mon objectif, mais ils n'y mettent vraiment pas des leurs. Me caler une trêve en pleine mission parce que la mafia se mêle de l'exécution de ma proie c'est une chose. Me reparler de lui c'en est une autre. Damien a eu sacrément de la chance que je ne sois pas armé à ce moment-là. Abruti.
Je ferme les yeux, le palpitant battant la chamade, enfin calmée par un soupir.
La sonnette retentit. Super, qui vient me faire chier maintenant ? Tobias sait que je viendrai ce soir, même si je n'ai pas répondu à son message. Je traîne les pieds jusqu'à la porte. Vérifie à la lucarne. Personne. Je fronce les sourcils, déverrouille la porte, l'entrouvre. C'est qui le p'tit con qui me fait des farces ? J'ouvre en grand, débarque sur le palier.
Diantre !
Appuyer sur la rambarde, les bras croisés sur son torse, le regard perdu dans ses songes et moi en serviette. Bordel. Il lève la tête sur moi. D'abord, la stupéfaction passe sur son visage avant que ses yeux ne rétrécissent.
— Max...
Je lève la main pour le faire taire. Je n'ai pas mes armes ! Je lui aurais troué la tête de suite pour être enfin tranquille. Mon palpitant, qui avait eu tant de mal à se calmer, se remet à battre à folle allure. Je maudis encore plus cette situation.
Demi-tour toute pour me terrer dans mon antre et échapper au père mon cul. Je referme la porte avec violence, mais il la bloque. Je me retourne, prête à le fusiller du regard, quand je vois l'une de mes mallettes coincées dans l'entrebâillement.
— Je t'ai ramené tes armes, dit-il calmement.
— Et tu veux un pourboire ? répliqué-je sèchement.
Il souffle.
— Laisse-moi entrer Maxine.
C'est risquer d'accéder à sa demande.
— Laisse-les devant la porte.
— Gertrude monte les escaliers, ajoute-t-il, comme si c'était évident.
Manquait plus qu'elle.
Je sors la tête pour vérifier et entends les pas lourds de Gertrude dans la cage d'escalier. Je souffle bruyamment, ouvre la porte, l'attrape par le col, le tire à l'intérieur, ramasse mes mallettes, et claque la porte derrière lui. Je verrouille et jette un œil à la lucarne. La vieille harpie redescend, déçue de ne pas avoir vu mon cher voisin.
— Je voulais m'excuser pour ce qu'il s'est passé dans l'avion. J'avais oublié...
— Pourquoi le fait que tu sois un putain de prêtre, les autres en ont déduis que je t'ai rejeté à cause de lui, sifflé-je toujours appuyé sur la porte.
— Max...
— Ferme-la !
Mes ongles tapotent le PVC de la porte. S'il continue sur ce terrain, je ne réponds plus de rien. Je ferme les yeux. Trop d'information se bouscule dans mon cerveau. Fumer. Il faut que je fume. Mon paquet est sur le bureau, et je suis encore en serviette. Mauvais plan. Je vais le récupérer sans le regarder. C'est tout.
Première étape. Check. Garder la tête baissée. Mais je ne sais pas où il s'est placé. Ne pas penser à lui. Avancer, un pas après l'autre. Je tends la main telle une aveugle se dirigeant dans son propre domaine pour atteindre le but ultime. Une pression se ressent sous mon toucher. Enfin ! Ô joie.
Je cherche mon paquet, mais ce que je touche n'est pas ce que j'attendais. C'est dur, mais ce n'est pas du bois. Mes doigts glissent sur la surface, intriguée. Une main attrape la mienne, l'autre se pose sur mes hanches.
— Je m'excuse Maxine.
Non, non, non ! Je le repousse. Erreur ultime. Ses doigts se sont accrochés à ma serviette qu'il embarque avec lui. Il tombe sur le lit, serviette en main, et moi... je suis là, nue comme un ver. Montrant toutes mes formes gracieuses. Ouais, bon, là, mon cerveau ne répond plus de rien.
— T'es un homme mort.
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