32 - Dualité
Elio
Maman !
Elle gît dans son sang.
Le coup de trop. La violence de ses actes de trop. Une partie de chasse comme il les appelait.
La bête traquée ? Elle. J'avais treize ans. Et ses coups que je recevais alors que je la maintenais dans mes bras en pleurant. Suppliant de ne pas la lâcher.
Des côtes brisées. Un poignard enfoncé en dessous de l'épaule. La douleur. Le sang qui s'écoule.
Donner là aux chiens ! aboyait-il.
Je me redresse en sursaut. Le casque sur les oreilles laissant la musique filtrer jusqu'à mon cerveau. Un cauchemar, encore et toujours. À moitié allongées sur le lit, les lumières de la nuit éclairent la chambre. Mon souffle est rapide. Mon cœur agité.
Je ne me rappelle pas de mettre endormi. La nouvelle de Tong hyon m'a frapper comme un couperet. Ensuite, je me suis penché sur mon ordinateur, dans une pièce au calme, écoutant du hard Tech. Un grand besoin d'évacuer.
Je sens du mouvement à mes côtés, sûrement le caméléon. Seulement deux chambres...
— Crève charogne...
Je me fige. Tourne lentement la tête vers la source du bruit. Endormi dans un sommeil sûrement pas dû juste. Elle est là. Cerbère. La créature des enfers. Parlant dans son rêve. Je me perds à admirer son visage, si paisible dans cet état. Si tranquille. Ne faisant pas de mal à une mouche.
— Non, Damien arrête...
Elle marmonne encore. Je soupire.
Je décale le drap pour sortir de ce lit, voulant aller me rafraîchir. Mais plus rapide qu'elle il n'y a pas. Elle se retourne, passe son bras autour du bas de mon ventre. Serre sa prise. M'attire vers elle. Je me retiens de mon bras pour ne pas la cogner. Mon cœur bat à mille quand sa tête se pose sur mon torse.
Pourvu qu'elle ne me prenne pas pour un mouton.
— Pars pas...
Mon organe rate un battement. Je baisse la tête vers son visage. Son œil est ouvert. Me fixe. Me jauge. M'analyse.
Sa prise se détend. Ses sourcils se froncent. Elle semble chercher ses mots dans son esprit défaillant. Que Dieu la guide sur le droit chemin.
— Pourquoi ...
Elle veut connaître une raison.
— Pourquoi veux-tu tuer Porcinet et lui te tuer ?
Me surprend par sa question. Lui faut-il une raison pour tuer ? Elle est payée à faire ce métier. Pourquoi me demander alors que je suis sa cible et qu'elle n'a jamais voulu de mon contrat.
Je me redresse à nouveau, voulant échapper à cette question. Elle roule son corps sur moi alors que le mien me trahit, une fois de plus.
— Pourquoi Léon me trahit alors qu'il m'a sauvé avec mon père des griffes de ce fils de pute ?
Sa question n'a pas de lien avec l'autre. Est-elle vraiment réveillée ?
— Maxine...
Je tends la main vers son visage. Ses cheveux tombent en cascade sur mes épaules. Me chatouille. Un frisson parcourt mon corps.
— Pourquoi je n'arrive pas à te tuer alors que j'ai eu une centaine d'occasions de le faire depuis que la chasse est ouverte ?
Je me la pose aussi cette question. Son corps tremble sur le mien. Ses larmes roulent sur ses joues. Cerbère en larmes... j'aurais tout vu avec elle. Sa main se porte vers sa tempe. Son corps s'écroule sur le mien. Je reste surpris et en même temps j'ai mal pour elle.
Son poids bloque tous mes mouvements. Sa respiration se fait plus lentement. Elle a rejoint son pays étrange dans les bras de Morphée. Dans mes bras. Laissant mon cerveau tourner à mille sur toutes ses interrogations.
D'habitude, elle se montre sans pitié, sans âme, se cachant sous une carapace blindée de sarcasme. Or là, dans une demi-conscience, elle s'interroge. Ma fonction de prêtre la dégoûte. Et il y a de quoi avec ce qu'elle a vécu. Elle devrait réussir à me percer le crâne comme elle l'a fait avec Gustave. Mais elle préfère jouer avec mes nerfs.
Je tente de la faire rouler sur le côté pour m'extraire, mais dès que je passe ma main sur son épaule, elle grogne et s'agrippe à ma taille telle un doudou. Resserre sa prise. Bordel, elle a de la force même en dormant.
Le bras bloqué sous sa tête, les siens entourant mon torse. Sa joue contre ma poitrine. Sa jambe passée au-dessus des miennes. Je souffle. Baisse mon regard résigné sur elle. Ma main libre se lève. De mes doigts, je décale ses cheveux lui entravant le visage. Effleure la cicatrice de son épaule. Elle grogne. Un sourire fin se dessine sur mes lèvres à ce son. Je continue mon parcours sur son bras, le longeant pour atteindre sa main agrippée dans mon dos. Vile créature des enfers.
— Reste...
Ma main se fige quand j'arrive à tenir la sienne après avoir défait sa prise. Je ne la lâche pas du regard. Elle dort profondément.
— ... Darius.
Continue de rêver. Cauchemarder. Qu'importe ce qu'il se passe dans son subconscient. Décale son bras. M'extrait du lit. Son âme ne peut être repentie après tous les massacres qu'elle a faits. Elle est brisée. Je me lève, sors de la chambre et traverse pieds nus le salon en découvrant Tong hyon avachi sur le canapé, les bras derrière sa tête, dormant à point fermé. Je souris devant sa position.
J'ouvre le réfrigérateur, attrape une bouteille d'eau et me déplace jusqu'au coin sombre du salon. L'eau rafraîchit ma trachée. Rince ce goût amer de sang qui persiste dans mes souvenirs enfouis. Mes yeux se perdent sur l'aube naissante avant de descendre dans la rue et d'apercevoir les voitures de police entourer le bâtiment où je me trouvais il y a encore quelques heures. Je remonte mon regard, tentant de repérer mon ancien logement.
Ma tête se penche sur le côté. La vue n'est pas terrible. Comment elle a fait pour m'observer, et depuis quand ? Sa manière de procéder est tellement étrange. Je passe ma main sur ma barbe, réfléchissant à son système de fonctionnement complètement bordélique. Imprévisible.
— Debout les feignasses, vous rangez et on décampe ! entendé-je hurler à l'autre bout de la pièce.
— Hein quoi ?
Tong hyon se lève en sursaut. Désorienté. Je me retourne et la vois marcher d'un pas rapide vers le cellier. Je fronce les sourcils. Qu'est-ce qu'elle mijote ?
Je m'avance dans la pièce. Elle revient instantanément avec deux mallettes en main. Son autre pistolet dans la ceinture de son pantalon. Sa démarche est professionnelle, son regard sérieux.
— Allez la claquette bouge ton cul bordel !
Je regarde Tong Hyon qui me regarde perplexe, tout aussi perdu que moi.
— Et ça se dit des hackeurs surveillant les moindres faits et gestes de tout le monde, souffle-t-elle en récupérant des sacs.
Ma mâchoire se contracte.
— Dépêchez vous bon sang de bonsoir ! presse-t-elle avant d'ordonner sans débats possible. Je veux que ce soit aussi propre que quand c'est Cendrillon qui nettoie et pas une trace d'ADN. On décolle dans deux heures précisément. Si c'est avant, c'est encore mieux.
Je la préfère largement quand elle dort.
Maxine
Je fourre mes affaires rapidement dans mes sacs. Nous ne devons pas traîner. L'alerte que j'ai reçue sur les micros que j'ai laissés en fonction dans son appartement ma mise la puce à l'oreille. Je reviens dans le salon. Tout brille comme un sou neuf en une heure quinze. Quand j'aboie, ça ne chôme pas. Et tant mieux. Le marchand de glace est dans le coin.
Je m'approche d'eux alors qu'ils sont sagement assis sur le canapé. L'un pianotant sur sa tablette, l'autre sur son téléphone. Des engins de malheur quand tu veux te fondre tel un fantôme dans la masse. Purée les boulets.
— Tu vas nous dire ce qu'il se passe Cerbère ?
Il était plus tendre cette nuit le père mon cul... Stop le cerveau. Pas le temps de penser à ça.
— Le marchand de glace était dans tes appartements cette nuit, répliqué-je sans détour.
La savate se tend. Je le toise en biais, ayant entendu leurs conversations la veille. Léon. Un fils. Quand est-ce qu'il a eu le temps de s'envoyer en l'air celui-là ?
— Comment peux-tu savoir que... commence le prêtre en réfléchissant.
Il se lève choqué en me pointant du doigt.
— T'as mis des micros chez moi ?
Un sourire machiavélique se dessine sur mes lèvres. Mes yeux se plissent sur lui, tandis qu'il me regarde outré.
— Une petite absence pour aller s'acheter du Soju, et le tour était jouée. Tu as vite abandonné les principes de ton « seigneur » entre l'alcool et ta main gauche. Tu rêvais de la bonne sœur ?
Son corps se tend. Appuyer là où ça fait mal. Enfouir les contradictions au plus profond de ma caboche. Ne pas se laisser distraire.
— Si nous avons la possibilité de décoller rapidement, je ne pense pas qu'il soit judicieux de faire une scène de ménage maintenant, intervient la claquette.
Je lève les yeux aux plafonds. Exaspéré. Je récupère mon casque, balance celui du prêtre à son destinataire. Et leur fait signe de me suivre.
— Cage d'escalier, sommé-je sans contrepartie.
La descente est longue jusqu'au parking. On rejoint vite les motos. J'ouvre mon réservoir à essence et pousse ma bécane sur le côté. Un autre joujou en ruine.
— La tong, t'attends que je parte avec le père mon cul, et ensuite tu fous le feu.
— Mais t'es malade ? rétorque-t-il.
— Non, j'efface les traces. Tu dois connaître le principe vu que tu as traîné avec la perche pendant un temps.
— Comment ?
— Mes sources et j'ai eu une conversation avec le boss.
Il se tait. Tant mieux. Il a beau avoir une belle gueule, sa voix m'exaspère.
— Passe-moi ton sac, ce sera plus léger pour fuir après. Toi, suis-moi.
Le plan est en place. Le père mon cul marche sur mes talons. On rejoint le sous-sol d'en dessous, et trouve une tesla. Vivement que je récupère ma titine. J'entrepose les sacs et mes mallettes à l'arrière pendant qu'il s'installe, puis monte côté conducteur.
— Question le curé ?
Il souffle. Je souris narquoisement et démarre la voiture.
— De ton téléphone, tu peux pirater les feux de circulation ?
— Oui.
— Très bien. Passe tout au vert, car je ne compte pas freiner.
Je sors du parking et m'engage dans la circulation. Elio pianote rapidement sur son téléphone. J'appuie sur le champignon, le regard fixé sur la route. Scrutant les automobilistes ralentir quand le feu passent aux oranges. La tong me dépasse à pleine balle. Le feu au cul. Petit regard dans le rétro. Ouais. Le feu est bien présent. Mon pied s'enfonce sur la pédale.
— Accroche-toi. Ne vomis pas. Et passe tout au vert.
Je file à toute allure. Direction l'aéroport international d'Incheon. Le trajet va être tout de même long. Et le must serait d'y arriver sans encombre. Or quand je regarde de nouveau dans le rétro. Les motard et voiture sombre que je vois s'approchent dangereusement. Elle est où ma petite vie tranquille où je ne faisais que tuer et disparaître sans être emmerdé derrière ?
— Diantre ! On a de la compagnie.
La main sur le levier de vitesse, je sens celle du prêtre se poser sur la mienne. J'inspire un grand coup. Tente de la retirer.
— Concentre-toi de ne pas nous faire tuer.
Facile à dire. Mon cerveau me fait remonter la sensation de son touché de cette nuit. Il pensait que je dormais. En partie, oui. Or, après j'essayais de me concentrer et de me faire passer ce fichu mal de crâne. Et son torse chaud réussissait cet exploit.
Je secoue la tête. Mode tueur activé. Pas de sentiment possible. Mon cœur s'emballe.
Fichtre.
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