29 - Crimes et châtiments

Maxine


— Alouette gentille alouette, alouette, je te plumerai. Je te plumerai la tête, je te plumerai la tête. Et la tête... chanté-je dans le coffre.

Le tout en prenant une voix de chèvre. Bien fort. La tonalité variant selon les culs-de-poule sur la route et les dos d'âne. La perche à bien essayé de hurler pour me faire fermer le clapet, mais comment dire. La vengeance est un plat qui se mange froid et en l'occurrence m'enfermer dans le coffre par la force sans me laisser le plaisir de fumer ma cigarette, ça donne ça !

Tu ne perds rien pour attendre Damien ! Je n'en ai pas fini avec toi. Nouveau morceau, nouveau couplet.

— J'te pète le fion, à coup de zizi...

— Vas-y crie mon nom comme une chienne... rétorque-t-il sur l'air de l'assassimphonie.

Diantre ! Il la reprend du début et se met à la chanter. J'avais momentanément oublié qu'il aime les reprises de chanson parodiées.

Ah, il m'énerve ! Des heures que je suis coincé dans son coffre. Des heures, j'imagine voir des jours, depuis que le souffle de l'explosion du camion m'a donné l'impression d'être coincé dans un sauna. Il la fait exprès j'en suis sûr.

Note à moi-même pour plus tard : si tu veux semer un collègue, ne lui tire pas dans la jambe. Attache-le, scotch ces yeux grand ouverts et lui mettre en boucle un montage vidéo avec des clowns. Des grands, des petits, des gros, avec des rires affreux, des cow-girls avec des masques...

Ma pensée s'arrête net quand son freinage me projette contre les dossiers de la banquette arrière. À défaut de ne pas pouvoir me protéger avec les mains, c'est mon pif et mon front qui a pris. Combo Pinocchio et licorne. Tout. Va. Bien.

— Attends de voir, ce que tu vas voir la perche, grommelé-je en contractant la mâchoire.

Claquement de portière.

— Ton heure a sonné pour avoir osé me pousser à bout...

Allumage de cigarette à côté du coffre. Vas y enfonce le clou !

— Je vais t'enfoncer Rex dans le cul. Tu vas le sentir passer...

— Qu'est-ce qu'elle aboie l'épagneul breton dans le coffre ? demande-t-il sur un ton de défi.

Oh purée, pétard de pétard. Tobias a vendu la mèche des croquettes !

Je me fige. Ses clés s'enfoncent dans la serrure. Le capot s'ouvre. Je suis un instant ébloui par la lumière artificielle qui m'éclate les rétines.

Il garde un bras levé, tenant le capot, tandis que son autre main tient la blonde qu'il tire dessus avant de me projeter sa fumée au visage. Tu vas mourir d'ici peu si tu continues.

— Bon après m'avoir pété les oreilles avec ta voix de merde on va passer aux choses sérieuses, informe-t-il menaçant.

Je ne vois pas son visage. Il est à contre-jour. Cependant, je peux sentir la haine qui transpire de ses pores. Provoquer Damien c'est comme provoquer Darius. Dans la connerie, on se suit, mais si on dépasse les bornes, en l'occurrence avec une balle dans la cuisse, il faut se méfier du revers.

Est-ce que j'ai peur de la perche là tout de suite ? Pour lui avoir déjà fait le coup une fois il y a plusieurs années, oui ! Ne jamais tuer son plan cul en plein acte avec lui, même si celui-ci avait un contrat sur la tête.

Demande du client : faire valser ses bourses avant de lui en coller une dans la tête. Très rapidement, les deux balles ont fusées. Et comme Damien recevait sa gâterie, il a bondi en arrière. Son instinct de tueur prenant le dessus. Depuis, je lui demande à chaque fois s'il connaît la personne que je dois éliminer. Mon postérieur se souvient encore de son châtiment.

Il se délecte de sa position de force. Continuant de fumer sa clope et de souffler contre mon visage. Son silence pesant ne me rassure encore moins. Je me fais toute petite. La perche écrase sa cigarette dans son étui. Se penche sur moi et me chope par dessous les bras. Me soulève et me pose sur le sol, et me traîne par le pied comme un vieux sac de pommes de terre. La punition commence...

Je vais prendre tarif.

J'admire les néons qui habillent le plafond en ciment. Je me trouve dans l'une de ses planques. Elles sont nombreuses disséminées dans le pays, à moins qu'il en ait d'autres chez nos voisins. Qui sait, même si on se connaît, nous gardons notre part d'ombre. Je ne sais pas du tout quelle direction il a prise avec sa bagnole !

Nous passons une porte et je découvre une salle capitonnée. Bordel ! Qu'est-ce qui m'attend ?

Les renforts acoustiques sont rouges, le sol, une moquette marine l'habille. Il me soulève à nouveau et me hisse sur une chaise à accoudoir en bois. Raide. Face à un rideau rouge.

Je lève un regard sur lui, perplexe. Mon cerveau n'arrive pas à connecter le moindre neurone pour sortir une vanne sarcastique. Sa mâchoire se contracte au fur et à mesure qu'il défait les liens qui entravent mes poignets.

Chouette une porte de sortie !

— J'éviterai de tenter quoique ce soit à ta place.

Menaçant j'avais dit...

Son timbre est froid. Calme. Il a mis son costume de tueur. Bordel de merde.

Et le temps de sa mise en garde et de ma réflexion, il a pris soin de m'attacher les deux poignets aux accoudoirs avec des menottes, puis mes chevilles au pied de la chaise.

Damien se redresse, fait son sourire qu'il offre aux clientes pour les faire mouiller. Ça ne fonctionne pas sur moi. Sa main glisse le long du chemin de bouton de sa chemise. Mes yeux suivent son tracé. Depuis combien de temps je ne me suis pas fait plaisir ? Jack et Michel sont restés dans le tiroir de ma commode. Je tente de serrer mes cuisses, sur l'effet qui n'est pas censé fonctionner, sans succès. Tandis que son parcours longe sa hanche avant de passer derrière son dos.

L'agonie de son stratagème me fait suffoquer. Son bras revient vers l'avant, sa main tenant un paquet de cigarettes. La marque Lucky Strique se pavane sous mes yeux. Je lève la tête vers lui, le regard suppliant. Il en sort une. L'allume. Et me la coince entre les lèvres. Oh douceur infinie de la nicotine que ça fait du bien.

Une taf, deux taf, épitaphe.

Il la retire à sa moitié. Fichtre, je n'ai pas pu en profiter.

— Damien s'il te plaît laisse moi la finir, supplié-je voulant la consommer. Je serais sérieuse, je serais pure, je serais chaste...

Il l'écrase en affichant un rictus. Erreur de parole. Il connaît parfaitement la bête.

Damien s'approche de moi. Me force a plaquer le dos contre le dossier. Passe ses bras derrière moi. Le cliquetis d'une charnière s'entend. Une pression se presse sur mon crâne alors qu'il ne me lâche pas du regard. Ses yeux noirs me scrutent. Me jauge. Me menace. Il se recule.

Comme hypnotisé, je tente de m'avancer.

— Échec et mat ! siffle-t-il.

Puis, il disparaît. Telle une ombre laissant sa proie

Ma tête est coincée, face à ce rideau. Plusieurs minutes s'écoulent dans un silence de plomb. Mon palpitant tambourine dans mes tempes. Qu'est-ce qu'il me réserve ? Le rideau s'ouvre, dévoilant un écran plasma noir parcourant tout le pan du mur.

Oh bordel de bordel de bordel... il n'y en aura pas assez pour dire que je ne le sens vraiment pas la.

Les premières images apparaissent. La chanson de Black Ghosts démarre. La voiture de police américaine roulant entre les pins géants m'indique déjà l'horreur de ce qui m'attend.

« Bonne trilogie, » susurre la perche à mon oreille.

Purée, le con m'a mis un écouteur qu'il a bloqué avec son casque de la torture. Je ne peux pas m'en dépatouiller.

— Damien, non ! Tu sais que j'ai horreur de ça.

Des dents en pointes. Des piqûres dans la chair. Il utilise ma hantise sous une autre forme contre moi. Et le tout en répétant les répliques exactes dans mon oreille. Il commente. S'excite. Me fait transpirer. Cependant, s'il se contentait que de me passer la trilogie de Twilight, cela irait, même si le je détesterai pour un bon paquet de temps après, mais non. Ce n'est que le début d'une longue suite de mise en situation.

Je me débats sur ma chaise quand le vampire apparaît à l'écran, sa peau luisante de millions de cristaux.

— C'est chiant ! Bouffe là qu'on en parle plus !

* * *

Je tente de regarder le plafond à la fin du deuxième opus. Essayant de m'extraire les yeux. J'ai bien essayé de dormir, mais à chaque fois, la perche faisait retentir une corne de brume dans l'oreillette, me rendant sourde un petit temps en m'épargnant les répliques du film.

Le mot : entracte s'affiche en gros sur l'écran. La perche apparaît au même moment, une sacoche à la main. Lentement, il se baisse à ma hauteur.

— La séance te plaît-elle très chère ?

— Va pourrir chez Gertrude et fais-toi bouffer le cul par Rex, craché-je les nerfs à vif.

Il sourit. Tends sa main. Effleure ma joue. Glisse ses doigts le long de mon cou. Atteins la fermeture. La défais jusqu'à mon entrejambe. Passe sa main dans mes dessous. Atteins le bouton du bonheur. Je ferme les yeux. Contracte ma mâchoire. Il se penche à mon oreille.

— Pure, sérieuse et chaste... On va rajouter un peu de piment pour les deux prochains films, susurre-t-il en tournant son index sur mon clitoris.

Mon souffle se saccade.

— Le principe est simple.

Son pouce s'enfonce.

— Tu jouis, tu perds.

— Qu'est-ce...

Un objet froid pince mon clitoris. Se met à vibrer. Les sensations envahissent mes chairs. Son pouce se retire, tandis qu'un autre jouet de sa collection prend sa place. Plus gros. Plus de vibrations. Il longe ses dents contre l'arête de ma mâchoire.

— Si tu jouis devant Twilight, cela voudra dire que tu aimes ça.

— Damien... soufflé-je haletante.

Pire que moi en termes de torture ? À n'en pas douter. Il se redresse, sort une télécommande de sa poche, relance la séance. Je pensais qu'il allait me laisser là. Or, à défaut de pouvoir me fourrer le doigt dans l'œil, je grogne de mécontentement pour cacher les premiers effets des sextoys. La perche se place derrière moi, pose ses mains sur mes épaules. Les masses.

— Au fait, ce ne sont pas mes jouets, mais bien les tiens qui vont te faire succomber.

Je hurle face à la torture d'utiliser mes propres objets contre moi. Je ne verrai plus Jack et Michel de la même manière. La perche se marre en continuant son massage, appuyant sur mes zones érogènes, les connaissant si bien. Forçant ma concentration que je tente de maintenir sur le film pour m'éloigner de l'attraction que mon corps veut trahir.

Au bout d'une heure de supplice, je me laisse aller. N'en pouvant plus. Il a usé de tous les stratagèmes pour me faire céder avant, sans réussir. Jusqu'à ce que sa bouche englobe mes tétons. Tournant avec sa langue, mordillant les pointes. Trop. C'était trop. La jouissance absolue a envahi la pièce.

— Tu as perdu, souffle-t-il sur la sensibilité de mon téton.

Je peine à récupérer mon souffle pendant qu'il me retire les sextoys encore vibrants, me provoquant des frissons de désir intense. Il est doué. Très doué dans ce domaine. Mon corps tremble violemment face à l'orgasme qu'il m'ait provoqué.

Il défait le casque. Les liens. M'allonge sur lui. Me tend une cigarette que je m'empresse d'allumer. Je ferme les yeux. Inspire la fumée. Sens ses mains effleurer mon cou. Le cuir se resserre.

Sacre bleu.

— Si tu pensais que c'était ça la punition, tu me sous-estimes Maxine.

Une pression me fait partir en arrière. Je tombe à ses pieds. Le regarde d'en dessous. Son sourire s'élargit, ses yeux se plissent.

— Pendant tout le mois, tu seras à mes ordres. Pas de chasse. Pas de contrat. Aucune possibilité de fuite.

Oh purée.

— Et ça tombe bien. On est le premier juin ! On va bien s'amuser toi et moi.

Oui là, il est pire que la dernière fois où ça avait duré seulement trois jours. Un mois. Va vraiment falloir que je retrouve mes armes qu'il a sûrement planquées et foutre le camp loin d'ici. De plus, le marchand de glace ne va pas me retrouver, et le commanditaire ne va pas apprécier le silence de ce laps de temps. Il me fout sacrément dans la merde.

Et je l'ai fortement méritée. 

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