28 - La panthère du net
Elio
L'avion atterrit à Egilssdatir en Island. Le temps est brumeux, les nuages bas, maussade, tout comme mon humeur. Franck, ne m'a pas laissé le choix au tableau, et m'a fait quitter le pays aussi vite qu'il était possible pour lui, jouant d'une relation dont je me serais bien passé. Il est resté sur place, ne voulant pas quitter Tobias. Restant mon point d'ancrage en France et le quitter le pesait trop depuis notre fuite.
Je sors de l'avion, couvert de la tête au pied par des vêtements chauds. Revoir ce paysage de verdure, de neige et ce temps venteux ne m'avait pas manqué. Cependant, pour trouver la perle de la perle des hackeurs pouvant contrer Silver, je n'ai pas d'autre choix que de venir ici. J'ajuste mon sac sur le dos, traverse l'aéroport et attends un taxi.
Mon regard se lève sur les nuages qui défilent dans le ciel. Je n'ai pas eu le temps de pouvoir lui faire correctement mes adieux. L'image de son corps avachie baignant dans son sang s'étalant sur son bureau me hante encore. Cette vision infecte, de son meurtre.
La voiture s'arrête devant moi, me sortant de mes songes. Je monte à l'arrière, indique la destination. Il démarre. Le trajet est court jusqu'à son domicile, laissant le terrain plat se dessiner en relief enneigé. Un dernier virage au bout de quasiment une demi-heure de route, non loin de la ville de Seydisfjördur, dans un coin retranché près des falaises, sa maison se dessine enfin. Un trou paumé parmi tant d'autres.
Après avoir payé le chauffeur, je me dirige vers la porte, rouge, comme sa couleur fétiche, puis sonne. Aucune réponse. Je tourne la tête de gauche à droite, me recule pour scruter les environs et repère une caméra sous les pans de la toiture. Toujours aussi méfiante. Je glisse la fermeture de mon manteau, défais mon écharpe, puis glisse mon pull et ma chemise pour montrer mon tatouage. Elle veille. Elle a toujours un œil sur qui se présente. Et la confirmation de ce fait se confirme quand mon téléphone vibre. Je décroche.
« À l'angle gauche tu trouveras une trappe, passe par là snake. »
Elle raccroche sans me laisser en placer une.
Je tourne à gauche à l'angle de la maison, puis fouille les environs. Cachée contre la roche derrière un cabanon, une trappe rouillée se présente sous mon regard. Je l'ouvre, descends les quelques marches, et referme derrière moi. L'endroit à peine éclairé s'élargit dans un long tunnel. Une porte avec un système de sécurité renforcé s'ouvre au moment où je frôle la poignée. Un lieu cosy m'accueille. La pièce sombre est remplie de multiples écrans d'ordinateur sur un bureau et le pan du mur du fond. Les lumières néon, en nuances de bleu et de violet, illuminent l'espace, complétées par des guirlandes lumineuses chaudes et une lueur douce provenant d'une lampe à proximité. Des étagères avec des livres et des plantes ornent les autres murs, ainsi que des gadgets et des circuits imprimés.
Derrière le bureau, une jeune femme assise en tailleur sur sa chaise de gaming, un bonnet rouge sur la tête, et un casque avec des oreilles de chat rose. Gamine jusqu'au bout. Ses nattes rousses se balancent en rythme avec sa tête, tandis que ses épaules dansent en même temps que ces doigts pianotent sur son clavier rétroéclairé. Je ferme les un instant, me passant la main sur le visage.
— Ve...
— Un instant mon boa constrictor, je suis sur une piste là, tranche-t-elle sèchement.
Je souffle, puis me dirige vers ses coussins moelleux où je me laisse tomber dessus avec lourdeur. La fatigue des nuits blanches me pèse sur le corps. Je retire mes chaussures de randonnées, étalent mes pieds sur son tapis duveteux, calant ma tête en arrière.
— Non, non, non, non ! Ah purée, j'y étais presque ! Maudit sois-tu Caméléon rose.
J'ouvre un œil sur le pseudo annoncé. Un fin sourire s'étirant à la commissure de mes lèvres. Elle pose son casque, fait tourner sa chaise, se lève et saute sur l'autre pouf à mes côtés.
— T'as pas bonne mine toi !
Son visage rond est parsemé de tache de rousseur. Ses yeux verts, grand ouverts sur ma personne sont cernés. Elle sourit tout en suçant une sucette. Vera Jäg : dis la panthère du Net. Nouvelle génération, plus difficile à coincer. Je souffle et ouvre la bouche pour m'expliquer, mais elle me coupe le sifflet en un rien de temps.
— Je sais déjà, tu sais ?
Elle se lève, ouvre son frigo, récupère deux canettes et m'en lance une que j'attrape rapidement.
— Dès que tu t'es reconnecté avec Elder, j'ai eu le signal. La personne que tu traques à un sérieux pète au casque, si tu vois ce que je veux dire.
Elle saute sur sa chaise. Fais deux, trois manipulations sur son clavier avant qu'un nombre de fichiers s'active sur les écrans. Autant j'avais fait des recherches, mais ne voulant pas me faire coincer, j'ai pris énormément de précautions. Autant pour la panthère, c'est un vrai jeu d'enfants.
— Un pète, c'est peu dire, soufflé-je. Tu n'as pas peur que les dossiers disparaissent ?
— Nop. Plusieurs serveurs, et j'utilise des données militaires.
Précision, elle bosse pour l'armée et la nasa. Vera est intouchable. Recruté à l'adolescence après avoir cracker la sécurité du pentagone et de la Corée du Nord. Une vraie folle dingue. Forcément, depuis qu'elle a été coincée, elle a mis son talent aux services des puissants, tout en gardant son confort. Les contraintes allant avec. Pourtant, cette information ne me rassure qu'à moitié.
— Un fantôme aux yeux du monde que Franck m'a dit, se moque-t-elle, mais oui, mais oui. À moins d'avoir l'ancêtre comme alliée, elle ne restera jamais un fantôme.
J'avale une gorgée. Un écran se brouille.
— Tu disais ?
Vera lève son regard sur le dossier. Les lignes du dossier s'effacent une à une avant de passer sur un autre écran affichant les informations de Maxine. Dix coups d'avance. Il est rentré en action.
— Ah non ! Ça ne va pas se passer comme ça.
Je me penche sur mon sac, sors mon clavier, le branche sur une de ses tours, rentre mes identifiants et pianote au même rythme que Vera pour contrer son attaque. Il est malin. Il sait quand des dossiers fuitent. Il est rentré en action pour effacer ses traces. Nous passons le restant de la journée et une grande partie de la nuit à le détourner. Elle a plutôt été efficace, demandant de l'aide de temps à autre à son collègue : Caméléon rose. Tout comme avec Elder, nous avons pu déployer notre talent et montrer à la bluzide les techniques que je gardais en poche.
Ce n'est qu'aux aurores du lendemain, avachi sur nos sièges que Silver a cessé d'attaquer. Cessé non, il a laissé certains dossiers que Vera s'est empressée de sécuriser sur plusieurs serveurs dont il n'a pas l'accès.
— Nom d'une chèvre espagnol ! souffle-t-elle, épuisée. Il nous a donné du fil à retordre celui-là.
— Dix coups d'avance, indiqué-je en m'étirant.
Son téléphone sonne. Elle décroche.
— Oui mon caméléon ?
Elle écoute attentivement avant de poser son téléphone sur le bureau :
— Attends je te mets en haut-parleur.
« Salut Elder, ici Caméléon rose. »
Je fais un salut à moitié endormi.
« Comme je disais à la panthère, Silver n'a pas laissé les dossiers au hasard. Il a perdu sa trace et il ne semble pas réussir à la trouver. »
— En quoi ça nous aide ? demande Vera en réfléchissant.
« Je t'envoie les dossiers le concernant lui. Il n'est pas surnommé le marchand de glace pour rien dans le milieu des tueurs, ce n'est pas joli, joli. »
Vera clique sur le fichier que lui transmet son collègue. Plusieurs photographies s'affichent en montrant les scènes de meurtre après son passage. Gorges tranchées, corps parsemés d'engelure comme si les victimes avaient été plongées dans de l'azote liquide.
— Yeurk...
« Comme tu dis. Il ne fait pas dans la dentelle, et est recherché dans pas mal d'états. »
Le dégoût m'envahit. Autant Vera l'a exprimé, autant pour ma part, ma mâchoire se contracte.
— Pourquoi n'a-t-il pas fait appel à lui pour mettre un contrat sur ma tête ? dis-je pour moi-même.
« Il a pris sa retraite de tueur il y a dix ans, mais pas de hackeur. »
— Étrange, réponds-je à l'homme au téléphone.
— Pas tant que cela, informe Vera en scrutant les dossiers. C'est à cette période que le royal est mort.
— Le royal ?
« Le père adoptif de Maxine Nyx, celui qu'il l'a sauvée de Sholdz. Il faisait partie du groupe avec Silver. » indique le caméléon.
Mon dos s'appuie sur le dossier de la chaise. Ces informations, je les avais en partie. Maintenant, cela confirme mes craintes. Toute une bande de tueurs pour former Cerbère. Je porte mes mains sur mon visage tout en soufflant. Des pointures qui en a après mon cul à cause de cette enflure.
« Un conseil Elder, soit plus proche de tes ennemis que de tes amis. Celle-là faut pas qu'elle te chope, sinon tu vas prendre pour ton grade. »
— Je le sais déjà ça, elle a tué l'évêque Gustave sous mes yeux. Ce fils de chien a foutu un contrat sur sa tête et sur la mienne.
Vera baisse son regard, m'indiquant qu'elle a déjà appris l'information. Je ferme les yeux.
— Je compte bien m'éloigner autant que possible de sa position.
« Ce n'est pas ce que je disais... »
— Mais c'est ce que je compte...
« Non ! » tranche-t-il sévèrement.
Qu'est-ce qu'il lui prend ?
« Elle est instable avec de la compagnie à l'arrière-train. Pour l'instant, elle est sous bonne garde, mais elle ne doit pas être retrouvée par Silver. »
— Tu me traduis ? demandé-je à Vera qui a calé sa tête sur le haut du dossier de sa chaise.
Elle penche sa tête sur le côté, figeant son regard fatigué dans le mien. Un long soupir franchit son sourire fade.
— Dix coups d'avance, répond-elle simplement.
Un long silence s'étire entre elle, la communication et moi. Je réfléchis à vive allure à ce que la réplique que je lui ai sortie plus tôt percute enfin mes neurones. Les dix coups d'avance, je les avais seulement pris pour moi. Cependant, son message ne m'était pas seulement destiné. Il savait que j'allais garder un œil sur elle. Il bosse pour lui...
— Oh l'enflure !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top