22- Le colis
Élio
Deux semaines. Deux putains de semaines qu'elle a disparu des radars. Bernant les hommes de Tobias. Me bernant. L'idée du mouchard dans la caisse était excellente, mais je me suis seulement basé sur cela. Je n'aurais pas dû. La voiture s'est dirigée vers le nord, avant de revenir sur ses pas à la station. Et, cela plusieurs fois dans la nuit, tournant en bourrique ceux qui la suivaient. Quand ils l'ont topé, ce n'était pas elle. Seulement, le fils du garagiste qui testait l'Alpine. Il en était ravi. Damien beaucoup moins en apprenant qu'elle l'a vendu pour une bouchée de pain.
Le boss, lui, ça l'a fait rire, rajoutant un point à son compteur. Cependant, il a vite déchanté, quand les images la concernant ont disparu du dernier endroit où je l'avais repéré. Je ne suis donc pas le seul à la poursuivre. J'ai lancé un programme pour scanner tous les États-Unis par rapport à son faciès, mais encore là, rien. Un fantôme. Le boss m'avait prévenu, à l'époque, ils ont mis quatre ans à la retrouver. Et, la technologie n'était pas aussi avancée qu'aujourd'hui. Je souffle. Même hors de portée, elle m'emmerde.
Je me lève en m'étirant après avoir encore passé la nuit à faire des recherches, puis me dirige vers mon minibar pour récupérer une boisson énergisante. J'ai besoin de repos, mais surtout de conseil. Je sors mon téléphone, l'écran affiche dix heures du matin. J'avale d'une traite ma canette, tandis que Franck ouvre la porte de sa bibliothèque. Il fait la gueule depuis que Cerbère a disparu, car son appartement s'est transformé en quartier général. Rien de mieux comme endroit quand ils ont une personne pour renforcer la sécurité.
Bordel, moi qui voulais un tueur pour buter ce sale chien, prêt à payer la somme qu'il fallait, je me retrouve à travailler pour eux.
— Tu as reçu un colis assez imposant devant ta porte, m'indique-t-il, les sourcils froncés. D'après le cachet de la poste, il a pas mal voyagé.
Je penche la tête sur le côté, pose ma canette sur le minibar et me dirige dans son salon. Tobias est déjà là, en caleçon et t-shirt, fumant sa clope, assis dans le fauteuil, un café en main. Pour plus de résultats, quand il ne dirige pas son bar, il squatte chez Franck, en ne dormant pas le moins du monde sur le canapé.
— Bonjour petit, me salue-t-il en portant sa tasse à ses lèvres.
Je hoche la tête dans sa direction et repère du coin de l'œil ledit colis qui prend toute la longueur de la table du salon. Je m'approche du carton imposant, le soulève pour estimer son poids, c'est plutôt léger. Penché au-dessus des cachets, je repère les États-Unis, la Russie, la Chine, l'Allemagne, Amsterdam. Tous accompagnés d'un sceau approuvant son passage auprès de la douane.
— Une idée de ce que ça peut être ? m'interroge le boss en arquant un sourcil.
Mon silence lui répond. Je n'ai fait aucune commande, mon homme de main non plus. De plus, nous sommes plutôt discrets quand nous avons besoin de matériel que nous ne pouvons trouver en France. J'attrape mes clés dans ma poche, puis passe la partie crantée dans la fente pour couper le scotch. Tobias et Franck se rapprochent de moi, tandis que je fais face à une multitude de confettis colorés.
— Qu'est-ce que c'est ce bordel ? murmuré-je à moi-même.
Le carton est assez profond, et l'idée de plonger ma main dedans ne me rassure pas des masses. Or, sous le regard insistant des deux autres, qui ne veulent pas non plus se laisser tenter de découvrir le contenu, je plonge ma main dans les confettis et commence à fouiller à l'intérieur.
Mes doigts rencontrent un premier objet. Je tâte, c'est fin, je le sors. Une paille... Pourquoi j'ai une paille dans ce colis, qui plus est rose bonbon ? Je tourne la tête vers les deux autres, Franck est aussi étonné que moi, mais Tobias est impassible, il réfléchit en m'invitant à continuer ma fouille.
Je souffle en posant la paille sur le coin de la table, disséminant des confettis partout et reprends ma recherche. Mes doigts rencontrent un objet dur, long. Je tire dessus en même temps que mes yeux s'écarquillent d'étonnement. Une pelle ? Je ne possède pas de jardin. Qu'est-ce que je ferais d'une pelle ?
N'attendant pas les réactions des autres, je continue la fouille, découvrant ensuite un plug anal. Tobias se met à rire de bon cœur, m'indiquant qu'il ne me pensait pas de ce bord-là, en m'envoyant un clin d'œil. Je secoue la tête, dépité. Ce colis est une blague dont je ne comprends pas le sens.
J'y plonge les deux mains en même temps, la mâchoire crispée par ces objets n'ayant aucune signification. Fouillant le carton de long en large, je sors les deux derniers objets que j'ai rassemblés au centre, n'en trouvant pas d'autres autour. Le premier, une peluche représentant Porcinet, et le second, un porte-clé de cornet de glace. Je suis complètement perdu sur ses trouvailles.
— Tu es sûr qu'il n'y a rien d'autre, demande Franck, tout aussi désemparé que moi.
Je secoue la tête, tandis que le téléphone de Tobias se met à sonner. Il fronce les sourcils en repérant l'appelant, puis sort de l'appartement en décrochant. Je suis absolument dans le flou. Franck retire le carton de la table, tandis que je rassemble les objets dessus, grimaçant en déplaçant le plug.
Franck revient avec trois tasses à café, alors que je suis assis, les mains posées contre ma bouche et les coudes appuyés sur la table.
— Tu veux aller le voir ?
Je lève un regard vers lui. Il sait que quand je suis en proie au doute, j'ai un grand besoin de me confier auprès de l'évêque. J'acquiesce lentement la tête. Ses conseils vont m'être fort utiles, surtout pour comprendre la logique de Cerbère et surtout la cerner sur son passé. Cela m'a grandement travaillé depuis que Tobias m'a révélé son histoire, me collant des sueurs froides. Je plonge ma tête dans mes mains, la jambe remuant en attendant d'en savoir plus. Où es-tu, Maxine ?
Damien
Une enveloppe blanche, sans destinataires, sans expéditeurs. Seulement une écriture que je ne connais que trop bien. Son écriture. Ce qu'il y a de marqué : pour le prêtre.
Elle est de retour au pays, mais ne se montre pas. C'est qu'il y a une raison derrière tout cela. La chemise ouverte devant ma fenêtre, je passe une main dans mes cheveux en soufflant. Que cherche-t-elle à faire ? Le tuer ? Elle ne peut pas.
J'attrape mon paquet de cigarettes, tape sur le cul et me sors une blonde que j'allume. Laissant la fumée s'envoler après ma première bouffée. Mon cerveau tourne à mille depuis que l'on m'a rapatrié en France, et que j'ai passé mes nerfs sur les serveuses du Torb'j. Surtout la nouvelle qui n'est pas près de s'en remettre. Elle a merdé avec un client pendant le soir de Vava, je l'ai attrapé dans la réserve par la suite. Elle pensait faire sa petite mijaurée avec moi, mouillant sûrement sa petite culotte quand je l'ai coincé. Cependant, elle a vite compris qu'il ne fallait pas jouer avec moi, surtout quand je suis dans cet état.
Franck m'a rapidement chopé avec le boss quand ils ont été prévenus par Ginette. Depuis, je tourne en rond dans mon appartement, cherchant à découvrir ce que peut bien faire Maxine. Préparant sa punition avec minutie pour me venger de la balle qu'elle m'a collée dans la cuisse. Saleté. Un peu plus haut, et c'étaient les bijoux qui prenaient.
Mon téléphone sonne, me sortant de mes songes. Tobias s'affiche sur l'écran :
— Oui, réponds-je sèchement.
« J'ai besoin de tes lumières pour comprendre la signification d'un colis que monsieur Ray a reçu. »
Je glisse mon regard sur l'enveloppe que j'ai posée sur le guéridon. Si le boss m'appelle, c'est qu'il n'a pas tous les éléments en sa possession, mais il a deviné de qui cela venait.
— J'arrive.
« Et, heu... »
Il hésite ?
« Il y a un objet qui va légèrement te refroidir, mais s'il te plaît, détourne sa signification. »
Je fronce les sourcils. Il raccroche. Je ferme ma chemise, glisse le téléphone dans ma poche et attrape l'enveloppe. Je ne peux pas encore conduire, même si la cicatrisation se fait correctement, ça me lance encore dans la jambe. Je hèle un taxi, les métros, très peu pour moi. Si je peux les éviter, je ne les prends pas.
Je règle ma course en liquide quand il me dépose au pied de l'immeuble de Max. Sa propriétaire est accoudée sur le rebord de la fenêtre, et me repère instantanément derrière ses lunettes doubles foyer.
— Ah, cela faisait longtemps que je ne vous ai pas vu, mon beau.
Le dégoût que je ressens augmente au fur et à mesure que ses lèvres s'étirent en même temps qu'elle me fait un clin d'œil. La petite mamie a toujours eu un faible pour moi. Brrr, j'en ai des frissons. Je m'apprête à franchir le seuil de l'entrée quand la propriétaire me crie :
— Elle n'est toujours pas revenue, votre copine, et elle a un loyer de retard.
Je l'ignore, mais je note effectivement dans un coin de ma tête qu'elle n'est pas repassée chez elle. J'arrive devant l'appartement de Franck, qui m'ouvre après avoir frappé. Il est étonné de me voir ici, comme le prêtre qui arque un sourcil en me repérant du coin de l'œil. Par sa tronche qui démontre qu'il n'a pas dormi depuis plusieurs nuits, il est d'autant plus désorienté.
Je m'allume une cigarette en entrant, observant les objets étalés sur la table. Un sourire narquois se dessine sur mes lèvres en comprenant le sens de son envoi, toutefois il s'efface quand je perçois le cornet de glace.
Léon.
Tout colle à présent. C'est lui qui la maintient dans l'anonymat et qui empêche le prêtre de la retrouver. Lui qui a sûrement dû nous coller le contrat aux States, veillant sûrement à garder un œil sur nous. Ce qu'il n'a pas dû prévoir, c'est son état embrouillé. J'aurais dû plus me méfier, mais pour moi tout allait bien tant que l'on était en chasse. Une énorme erreur de ma part. Il l'a connu avant nous, et a veillé sur elle, même dès son arrivée en France. Putain, pourquoi il a fallu que ce soit lui ?
Je croise le regard de Tobias, son inquiétude grandissante se lit dans son regard. Léon, l'homme que j'admirais et qui nous a trahis pour un bon paquet de fric. Une ombre parmi les ombres. Je souffle en passant ma main dans mes cheveux. Ce n'est pas bon du tout ça.
— Je me suis permis de demander conseil auprès de Damien qui pourra traduire la signification de ce que tu as reçu, petit, explique le boss aux deux autres.
Le prêtre hoche la tête, portant son regard sur les objets. Tobias reste debout, les bras croisés, le regard sérieux. Quant à Franck, il s'assit au côté de Ray. J'attrape l'enveloppe dans ma poche, et la balance au concerné avant de me positionner devant eux. Les sourcils froncés, il l'ouvre et en sort deux balles de 336 Lapua. Plus aucun doute possible. J'écrase ma cigarette et en rallume une nouvelle.
Un seul objet ne me parle pas. La peluche. J'y reviendrai plus tard.
— Bon, je ne vais pas y utiliser quatre chemins et Tobias l'a autant compris que moi, débuté-je plus que sérieusement. Le colis vient de Maxine.
Le prêtre se tend, ses muscles se contactent.
— Pour commencer, la pelle et la paille sont un combo, ce qui signifie qu'elle compte enterrer une personne vivante avec la seule paille pour respirer. Une mort lente est douloureuse.
Ses mains se crispent.
— Pour le plug anal, continué-je en observant ses réactions, c'est un petit rappel du passage de la bonne sœur, je vois uniquement ça, histoire d'enfoncer le clou là où ça fait mal.
Sa mâchoire tressaute. Je tire une nouvelle bouffée, savourant ce petit souvenir.
— Concernant le porte-clé et la peluche à l'effigie de Porcinet, aucune idée. Du moins...
Je réfléchis un instant en me rappelant le surnom qu'elle avait filé à Camerino. Peut-être qu'elle dévoile le nom du commanditaire.
— Et les deux balles ? demande Elio toujours aussi perdu dans ses pensées.
— Deux contrats, réponds-je aussi sec, avant d'ajouter, et comme votre nom étaient sur l'enveloppe, l'une d'elles est pour vous. La seconde est un mystère.
Son poing se referme sur l'enveloppe, blanchissant la jointure de ses doigts. Ses yeux se plissent, voilant son regard d'une menace pesant sur lui.
— Porcinet, murmure-t-il à lui-même. Porci... Porc...
Il tape du poing sur la table avec hargne. Se lève en renversant la chaise, puis il part en disparaissant derrière la bibliothèque. Il a compris lui-même la signification qui m'échappait. Franck passe ses mains sur son visage en soufflant.
— Patron, nous allons devoir nous absenter, monsieur Ray et moi, et j'ignore quand nous reviendrons, indique-t-il, une intonation de mélancolie dans la voix.
Tobias reste de marbre, mais je perçois sa nervosité. Elle va foutre un sacré bordel, si elle compte briser le cœur de son boss. Putain, Max, ne me dis pas que la seconde balle est pour l'homme de main, sinon tu vas réveiller le monstre qui sommeille en lui. Je tourne la tête vers la fenêtre, perdant mon regard dans ce beau ciel bleu qui n'arrive pas à réchauffer mon cœur de glace. Que vas-tu faire, Max ? Où es-tu maintenant ?
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