12- Cauchemar

Maxine

— Mais ça ne va pas la tête ? hurle le prêtre.

C'est vrai que ma réaction est excessive. Il a posé ses mains à plat sur le tableau de bord pour éviter de se faire éclater le nez. Une belle marque de la ceinture sera sûrement sur son cou demain. Je fais mine d'être choqué en me tournant vers lui. Prenant une voix de petite fille innocente.

— Y'avait un pigeon sur la route.

Il porte sa main sur son cœur, reprenant difficilement son souffle. Me regardant les yeux écarquillés. Se demandant certainement si je suis folle ou non. Oui, il peut se faire cette réflexion. La folie, ça fait longtemps qu'elle m'habite.

— Merci, seigneur, il n'y avait personne derrière nous, souffle-t-il en levant les yeux.

— Le barbu n'a rien à voir là-dedans, j'ai toujours mes réflexes, me moqué-je.

Je passe ma vitesse. La voiture s'avance. Il va vraiment falloir que je le surveille de près lui. J'espère que Ginette pourra me dire si ma proposition a été accueillie ou non demain. Je perds mon regard sur la route, m'allumant une cigarette et réfléchissant à la mise en place de ma farce. Il n'a pas relevé ma moquerie. Restant de nouveau silencieux. Tant mieux, car mes mains sont tout de même crispées sur le volant. Une queue de serpent. Cette enflure est bel et bien, Elder Snake même s'il ne veut pas l'avouer. Plus qu'un soir de travail et je commencerai ma planque en attendant que la perche me ramène mon cadeau. Une belle soirée en perspective qui s'annonce avec lui. Un sourire se placarde sur mon visage.

— Qu'est-ce qu'il a ce panneau ?

Je suis arrêtée à un feu. Tournant mon regard vers le prêtre qui a la tête penchée vers l'extérieur, je suis sa trajectoire, voyant un panneau de publicité. Mes yeux s'agrandissent d'effroi quand je vois une nénette se cambrer sur l'écran LED avec une tête d'épagneul breton. Sa petite tenue affriolante se désintègre au fur et à mesure quand elle se met à lécher une coupe ornée de joyeux. Son museau se tourne vers la rue, comme si elle me regardait. Un message s'écrit dans la partie blanche en dessous d'elle. Max, la chienne qui vous obéit, mettez-moi une fessée. Je me décompose devant le panneau. Et, remets en doute ma réflexion plus tôt.

— Vous voulez que je conduise ?

Il me sort de ma stupéfaction, m'indiquant que le feu est vert. Or, au lieu de continuer tout droit, je tourne à droite et m'arrête devant le panneau. La publicité tourne toujours. Je l'analyse et la filme avec mon téléphone.

— Ça ne va pas, vous êtes toute pâle.

Je me tourne vers lui, l'ayant complètement oublié le temps d'un instant. Il me fixe perplexe, ne transpirant pas la moindre goutte de culpabilité. Ne faisant rien paraître dans son regard. Je le pointe du doigt :

— Comment faites-vous ?

— De quoi parlez-vous ?

Il fronce les sourcils. J'ouvre plusieurs fois la bouche, voulant l'accuser une fois de plus d'être ce maudit Elder, mais aucun son n'en sort. J'ai beau réfléchir, mais je ne vois pas. Il regarde de nouveau le panneau, penchant la tête sur le côté devant la cambrure de la nénette. Je reprends contenance sur mon siège et pose ma main sur le pommeau du levier. Je plante mon regard sur lui et lui rétorque en désignant le panneau du pouce :

— Les voies du seigneur sont impénétrables.

Il s'étouffe devant moi, avalant de travers sa salive. Je me fends la poire sur cette phrase et redémarre titine direction maison.

Elio

Enfin à la maison. Je me passe un coup sur le visage. Elle n'est pas loin de me découvrir, mais je ne lâche pas prise comme ça. Sa réaction devant le panneau de publicité était purement épique. Je me tâte d'allée dans ma pièce, mais je vais plutôt me pencher sur la Bible avant d'aller dormir. Je me déshabille et enfile un jogging avant de m'allonger sur le lit.

* * * * *

Les lumières de la ville s'éloignent, laissant place à des champs à perte de vue, où les éoliennes clignotent de leurs ampoules rouges. Max s'engage dans un chemin de terre, faisant chahuter la 4 L. Elle se gare dans un petit bois. À l'abri des regards. En pleine nuit. Elle claque la portière en sortant, s'allume une cigarette et fait les cent pas devant les phares de sa voiture. Puis, elle se tourne et pointe son arme sur moi.

Sors immédiatement de la voiture !

Elle est enragée. Je la fixe derrière le pare-brise. Les muscles de ma mâchoire sautant sous la tension. Mes yeux sont plissés. J'hésite.

Sors tout de suite de cette voiture, je ne me répéterai pas une fois de plus.

Elle retire la sécurité et le pointe de nouveau. Je n'ai plus le choix, j'obtempère. Prenant soin de ne pas faire de gestes brusques. Elle recule de quelques pas, me maintenant en joue.

Viens vers moi et arrête-toi au niveau des phares !

Je m'avance.

Maxine...

Ta gueule !

Ma mâchoire se contracte. Je n'apprécie pas son comportement. Je lève les mains comme si j'étais en état d'arrestation, scrutant le moindre de ses mouvements.

Déshabille-toi.

J'arque un sourcil d'incompréhension. Elle est sérieuse là ? Elle écrase sa clope et s'en rallume une, alors que je rétorque :

Je ne pense pas que ce soit le lieu pour...

Elle lève les yeux au ciel en soupirant. C'est ma chance. Je disparais dans l'obscurité des arbres pour la contourner sans la lâcher du regard. Elle me cherche, scrute de gauche à droite, mais ne vérifie pas ses arrières. Pourquoi la faucheuse regarderait derrière elle ? Je la saisis dans mes bras et la bascule en avant sur le capot.

Lâche-moi, bordel d'enculer de prêtre, rage-t-elle avec hargne.

Tant de grossièreté dans cette bouche, soufflé-je contre sa nuque.

Elle frissonne. Elle est déstabilisée, et me donne un coup de pied dans le tibia. Je lâche ma prise une seconde, qu'elle profite pour essayer de se dérober ! Or, je la rattrape par le poignet et plaque son dos avec force contre le capot, bloquant ses poignets de part et d'autre. Imposant ma force contre elle.

Nos respirations sont haletantes, les phares de la voiture éclairent mon regard. Je la dévore, je me déploie sur elle. Je la domine. Ici, c'est moi le prédateur.

En bien piètre situation est la faucheuse.

Je rassemble ses poignets au-dessus de sa tête et m'empare de son arme. Elle voit rouge.

Reste tranquille, je ne te ferai pas de mal si tu me dis pourquoi tu voulais que je me déshabille.

Elle respire fort. Dès l'instant où j'ai subtilisé son arme, son regard déjà sombre me perce de toutes parts. Son œil blanc fixé sur moi ne cligne aucunement. Elle doit déjà s'imaginer me faire la peau. Je soutiens son regard, la dominant totalement. Elle résiste. Certes, c'est un fantôme glissant entre les doigts, mais je suis l'ombre l'emprisonnant. Sa mâchoire joue de gauche à droite.

Ton...

Elle hésite. Me fixe. Me jauge.

— ... tatouage.

Je plisse les yeux. Elle fait le lien entre Elder et moi. J'ai eu peur le jour où elle m'a enfariné et arrosé. Ensuite, celui où je venais de prendre ma douche. Mais, à chaque fois, elle ne me quittait pas du regard, passant outre le détail de ce tatouage. Elle a dû m'observer dans la voiture. Je ne vois que ça.

C'est un tatouage comme un autre.

Non, souffle-t-elle, lâche-moi. Je...

Elle perd le contrôle. Sa cicatrice se tend et se détend en même temps que les mouvements de son visage. Le fantôme aurait-il sa faiblesse ? Je glisse mon doigt dessus.

Encore un geste et je t'arrache la gorge avec mes dents.

Mais je ne l'entends pas et réitère mon geste comme hypnotisé. Ses muscles se tendent sous mes doigts. J'effleure sa peau, douce, frissonnante sous mon passage. Elle me scrute, pince les lèvres. Ma main libre descend dans son cou. Elle se débat comme une tigresse. Je bloque ses jambes en les écartant avec les miennes. Sa respiration s'accélère en même temps que mon cœur bat un rythme effréné.

Elle m'excite. Cerbère est totalement figé sous mes doigts. Mon membre dur, appuie contre son entrejambe. Elle se cambre. Je descends mon regard sur sa poitrine, découvrant une petite tenue affriolante. Je me penche, pour y lécher la naissance, savourant le goût de sa peau. Je relève la tête, son œil luit sous sa fourrure. Sa langue est sortie, pendant sur le côté. Au lieu d'aboyer, elle me dit :

Donne-moi la fessée !

* * * * *

Je me réveille en sursautant sur mon lit. Ce n'est qu'un rêve. Que dis-je ? Un cauchemar. Mais mon cœur bat la chamade, et je ne parle pas du chapiteau qui s'est formé dans mon boxer. Elle me pourrit la vie jusqu'au tréfonds de mes nuits. Je pose mes mains sur mon membre, ressentant la douleur due à une trop longue érection et au fait de ne pas l'avoir soulagé depuis des années. Or, je n'en avais pas besoin. Je porte mon regard sur la croix de mon seigneur et me répète en boucle les versets de chair et de péché. Une par une. Pendant plusieurs longues minutes. Ça ne passe pas.

Je me lève et me dirige dans la salle d'eau. Je me déshabille en vitesse, crispant ma mâchoire quand mes pieds se coincent dans la jambe de mon jogging. Abandonne la bataille et passe sous l'eau glacée du jet. Je pose ma tête contre mes poings. Mes avant-bras appuyés contre les carreaux de la douche. Ma respiration saccadée a dû mal à se stabiliser. Va vraiment falloir que j'arrête avec les chiens et trouver autre chose pour la faire changer d'avis.

Je souffle après être resté plus d'une heure sous l'eau. M'essuyant et m'habillant. Je regagne mon lit pour récupérer ma Bible, qui a dû tomber de mes mains quand je me suis endormi. Et, je m'installe à mon bureau pour la lire, occultant mon esprit des images de ce rêve infâme.

Maxine

— Hum, petit prêtre, on fait des érections nocturnes ? rié-je planqué derrière ma lunette de fusil.

Une fois que je suis rentrée chez moi, je n'ai pas pu fermer l'œil. Du coup, je suis sortie avec ma mallette, me trouvant une planque assez proche. M'installant entre deux bâtiments juste pour la nuit et vérifiés ce qu'il faisait. Je reste pour le coup à couvert des hélicoptères, caché sous un bloc de ventilation. Il avait laissé sa fenêtre ouverte, me permettant de le surveiller.

Son tatouage m'obsède. Je veux le découvrir pour confirmer mes soupçons, mais à chaque fois, je n'ai pas le bon côté.

— Allez, montre-le-moi, ça fait une heure que t'es dans ta salle de bain.

Je le vois enfin sortir. Il semble désespéré. Tant mieux. Il s'assit à son bureau et lit un livre. Ça va être d'un chiant pas possible. Mon téléphone vibre. C'est Ginette. Je regarde le message m'indiquant en crypter : pour le pyjama parti, c'est OK, je ramènerai les sandwichs et les jeux de société.

Un sourire narquois s'étire. Ayant un hackeur au cul, je prends un peu plus mes précautions. S'il a réussi à pirater mes téléphones prépayés, le normal a dû y passer. Je le range dans ma veste et retourne à ma surveillance. Il n'a pas bougé. Purée, vivement que j'aie un micro de planqué dans sa piaule. Il est aussi chiant à surveiller qu'un rat en train d'agoniser. Je baisse ma lunette pour regarder par curiosité chez les autres en partant du bas. Gertrude, fidèle à elle-même, dort. En même temps à quatre heures du mat, elle ne va pas danser la lambada. Tous ont les volets fermés, sauf lui. Je remonte mon canon sur sa fenêtre.

Je sursaute.

Putain, faut pas me faire des frayeurs comme ça, heureusement que je n'avais pas le doigt sur la gâchette. Il regarde à l'extérieur, perdu. Frottant sa barbe avec sa main. Il la glisse sur son cou, en la passant derrière sa nuque. Je me lèche la lèvre du bas. Je m'éloigne de ma lunette et secoue la tête. Non, Max. Lui est égal à l'ennemi. Le prêtre est égal à sombre. Mais lui canon. Mes personnalités se battent entre elles. Je souffle et décide d'arrêter là pour cette nuit. Je range mon matos et quitte la planque. Demain est un autre jour. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top