46 - Course dans les ombres
Maxine
Le doute m'avait envahi, et il s'est confirmé quand je suis arrivé devant mon bâtiment. De la fumée, des pétarades. Ils ont sorti le grand jeu. En tête, Porcinet et ses hommes de main qui sont restés près de lui. En couverture, le marchand de glace qui s'est sûrement faufilé chez moi et qui se déplace par les toits. Ce n'est pas celui que j'arriverai à choper facilement. Il nous connaît que trop bien et est imprévisible. Quant au grand gourou, bien qu'il soit méthodique, il va vouloir piéger les fuyards.
Pas le temps de faire une halte. J'accélère et trace pour les rattraper, mais ces couillons de mafieux ont bloqué l'accès avec un poids lourd, gardant la zone armée jusqu'aux dents. Pas de passage possible. Je reviens sur mes traces, tourne rue Bagnolet et fais un virage serré sur la rue des Pyrénées. Je me faufile entre les voitures, manque de percuter quelques passants, tourne avenue du Père-Lachaise en prenant le rond-point en sens inverse, provoquant quelques sorties de route et m'engage sur l'avenue circulaire du cimetière. Ma concentration est à son comble, mon accélération à son maximum, et je prie pour qu'il soit bien sûr cette voie.
Je parcours une grande distance en ne les repérant pas. Bordel ! Demi-tour, encore. Je perds du temps. Avance en me penchant sur le côté pour repérer une faille. Sinon ils vont se prendre un cul-de-sac et se retrouverons piégés comme des rats.
Un trou apparaît. Assez large pour que je puisse passer avec ma bécane. Je m'y insère. Grince des dents en revoyant ma conception de la largeur quand une pierre m'entaille le genou. Je suis au bout du chemin, confirmant la voie sans issue. Des tirs se répercutent.
Fichtre, je ne suis pas en avance. J'éteins mes feux, accélère et repère ma cible sous le lampadaire. Il tient en joue son fils. Ma main se glisse derrière mon dos, attrape l'un de mes berettas, le pointe sur Porcinet.
— Un p'tit cochon pour le pâté de la fermière ma mère, murmuré-je dans mon casque un rictus aux lèvres.
J'enclenche les pleins phares, aveuglant les gorilles qui pointent leurs armes sur la tong et Elio. Ils sont blessés. Je lève mon bras, penche mon pistolet, tire. La balle fuse. Atteins la cible. Échec !
Porcinet s'écroule, ma mission principale est finie. Or le revers ne se fait pas attendre. Les armoires à glace me canardent.
Désoler les gars, la nouvelle cible c'est moi. En même temps, je viens de descendre leur patron.
Dérapage contrôlé pour me carapater et les attirer. Je repasse par mon trou, me faisant le plaisir d'ouvrir l'autre genou, histoire de ne pas faire de jaloux, puis accélère sur l'avenue. La chance m'accompagnant dans ce genre de situation me montrent des nouveaux copains qui me font face sur leurs bécanes.
Merde.
J'ai semé ceux à pied, mais je ne peux pas revenir vers eux. Tant pis pour la bonne conscience, à ce stade je n'en ai plus. Je m'engage directement dans les allées, dépasse les pierres tombales qui défilent avec le paysage. Zigzag pour éviter les tirs de mes poursuivants. Le sifflement d'une balle passe de près, la tension monte.
— Pire que la merde collée au basque, bande d'enflures.
Tourne et retourne entre les tombes. Jouant avec eux pour les faire enrager, perdre patience. Ils accélèrent, l'un se rate. Fonce dans un monument.
— Direct chez les ancêtres ! me marrer-je en continuant mon stratagème. Et de deux !
Le second motard n'avait pas vu le trou creusé pour un futur enterrement. Je ne sais pas quelle célébrité a claqué, mais il me sauve la mise pour le coup. Plus que trois copains. Je profite d'une ligne droite pour me retourner et tirer en arrière. J'arrive à toucher la roue de celui en tête. Il fait un joli vol plané dans les airs. Ses potes derrière envoient la sauce. J'esquive en tournant dans une autre allée, perdant mes repères dans ce labyrinthe. Les semant une fois de plus.
Le soulagement de pouvoir respirer ne serait-ce que deux secondes dans cette course poursuite s'étend. J'en profite pour rallumer l'oreillette.
— Vous êtes où l'équipe fantôme ? demandé-je innocemment.
Le revers ne tarde pas quand la perche hurle dans son micro.
— Quand je vais te choper, je vais te séquestrer dans un congélateur au fond de l'eau. Putain tu perds rien pour attendre.
— Parole, parole, parole ! chanté-je en me marrant. Sérieusement, quelle est ta position ?
Je l'entends grogner dans le micro.
— Là où le gus n'a pas vu le trou. Sacrée chute d'ailleurs.
Celui-là fera partie des annales. Il m'informe également que Tobias s'est rendu aux appartements pour prêter main-forte à Franck. Or, il n'arrive plus à les joindre depuis. Mon palpitant se contracte. Malheur à celui qui perce papa ours. Cependant, dans ma réflexion j'en oublie que je ne suis pas seule et qui plus est à découvert. J'ai roulé, entre les tombes, sortant de la zone couverte par les arbres. L'impact ne se fait attendre. Un direct dans le réservoir. Il explose, me propulsant dans les airs alors que la perche hurle mon nom dans l'oreillette. Je retombe, roule sur le sol en me protégeant avec mes bras, puis termine ma course en percutant une pierre.
Le sifflement et le bourdonnement dans mes oreilles sont intenses. La douleur se propage dans tous mes membres, mais l'adrénaline et l'inconscience me font relever. Je retire mon casque, le jette sur le sol, passe ma main dans mon cou que je penche et fais craquer. Mes yeux papillonnent, alors que des points noirs apparaissent devant mon regard. Le feu dévore ma bécane.
— Max ? Max ? Tu m'entends ? tu n'as rien ? appelle la perche affolée.
— Aïe, réponds-je simplement.
Il souffle de soulagement.
— Ne bouge pas, je te rejoins.
J'analyse les alentours en clignant des yeux, en me maintenant sur le marbre d'une pierre. La résonance dans mon cerveau tourne en boucle. Je secoue la tête pour ne pas perdre mes esprits. Me déplace en chancelant, gardant à l'esprit que je suis toujours à découvert. Et d'après l'impact, celui qui a tiré n'est pas l'un de mes poursuivants, mais un tireur d'élite. Je m'écroule sur le sol, le visage en sang. Il est enfin rentrée dans la partie.
Elio
Planqués dans le sous-bois qui longe le cimetière, nous suivons sur nos téléphones les déplacements de nos tueurs. Le boss est avec Franck. Damien dans au centre de la zone et Max en déplacement constant. Ma ceinture est attachée autour de ma cuisse, servant de garrots pour maintenir la pression. Quant au caméléon, il s'est fait un bandage de fortune à l'épaule. Le silence règne de notre côté. Aucun des hommes de main de mon géniteur ne traîne dans le coin.
— La panthère vient de me prévenir que la zone est bouclée, prévient mon ami en répondant à son message.
Les autorités se sont rajoutées à l'équation. Une opération qui devait se faire en toute discrétion s'est transformée en chaos anarchique.
— Ils vont intervenir ? lui demandé-je peu serein.
Il secoue la tête.
— Avec Interpol gérant l'opération, ils ne bougeront pas. Ils sécurisent et bloquent les routes à deux kilomètres autour du cimetière, évacuant chaque habitation.
Un sacré bordel. Je manipule mon téléphone, tentant de reprendre la communication avec Damien, mais il ne répond pas. Pourtant le programme est bien en état de fonctionnement. Tony, pose le sien sur le sol, ainsi que les lames restantes. Son écran affiche leurs déplacements. Max est proche de nous, sa moto s'entend au loin. Nous prenons nos précautions pour rester planqués, mais mon estomac se contracte sur le danger dans lequel elle a plongé la tête la première.
La fierté de son geste pour avoir enfin honoré son contrat et me libérer de ce fardeau m'a émerveillé, avant que la situation ne dégénère encore plus et que la crainte qu'elle ne s'en sorte pas prenne le dessus.
Des interférences ressortent sur mon portable, me sortant de mes réflexions. La communication est rétablie. Sa voix, sarcastique, taquine, réchauffe mon organe. L'engueulade de Damien me fait sourire. Je vais pour leur répondre, mais Tony plaque sa main sur ma bouche et me montre une direction. Des hommes courant à la rencontre de Maxine, qui se dirige vers eux, se retournent après nous avoir entendu leurs conversations. On est repéré.
— Il te reste des balles ? murmure-t-il en les gardant en visuel.
Je vérifie le chargeur. Ce n'est pas glorieux. Je relève la tête en grimaçant.
— OK, on va devoir la jouer fine. On est à couvert dans l'obscurité, précise-t-il la voix basse. Je vais les contourner, et les prendre à revers. Toi, essaie de t'éloigner et de rejoindre les pierres tombales. Essaie de les viser, de là-bas.
Faire confiance à un gars du terrain. Je ne suis vraiment pas dans ma zone de confort. Il récupère ses lames, longe le mur et disparaît au loin. Je me redresse, serrant les dents quand la douleur se réveille dans ma jambe, puis clopine sur une bonne distance. Des tirs fusent, me faisant me retourner. Tony a foncé dans le tas, créant une diversion pour que je regagne les tombes. Je me rapproche d'eux le plus possible, et tire sur ceux que j'ai en visuel.
J'arrive à les toucher. Ils tombent sous mes tirs. Se font finir par Tony qui les égorge sans pitié. Recevant des coups par d'autres encore debout. Le combat est acharné. Certains viennent me cueillir. Je ne me laisse pas faire, vidant le reste de mon chargeur sur eux. Attaquant par les poings, me défendant. Or, une explosion nous fait cesser tout mouvement. Alors qu'un des hommes m'étrangle avec son bras. La chaleur nous atteint. La peur présente s'accroît. Elle était proche de nous. Peut-être l'un des poursuivants ?
Cependant, le hurlement de Damien se répercutant dans ma poche, me glace le sang. J'attrape la nuque de l'attaquant, et le passe au-dessus de ma tête. Ma raison se perd en même temps que mes poings se fracassant contre le visage de l'ennemi.
Je ne réponds plus de rien. Frappant encore et encore son visage ensanglanté, hurlant de rage, jusqu'à ce que Tony retienne mon poignet. Il est essoufflée, se tient les côtes. Mes larmes inondent mes joues.
— Il est mort Elio, souffle-t-il. Il sont tous morts. Allons voir les dégâts.
Il prend son téléphone, puis appelle Damien en enclenchant le haut-parleur.
— Du nouveau ?
— Elle a dit aïe ! Qui dit aïe après une telle chute ? hurle-t-il hystérique.
Dans ma folie, je n'ai pas entendu sa voix. Elle est en vie. Elle respire. Ma reine des enfers.
— On est proche de sa position, fini de ton côté et rejoint nous.
— Je ne vais pas me priver. Elle ne m'en voudra pas d'utiliser son warfare.
Je ne commenterai pas cette phrase. Toucher les jouets de Max est un péché passible de mort. On évitera de le lui dire. On arrive à la hauteur de la moto, scrutant les alentours à sa recherche. Nous nous séparons. Je tends l'oreille aux moindres sons. Une moto passe au loin avant de s'écraser contre un monument. Damien n'est plus très loin.
Je passe entre les pierres. Tentant de distinguer son corps. Un impact se répercute à côté de moi, me faisant sursauter. Tandis qu'une main s'agrippe à ma cheville et me renverse sur le côté, me faisant grogner de douleur.
— Tu veux rendre l'âme avant que je ne te fasse la peau le curé ?
Acerbe.
Max me grimpe dessus en rampant.
— Les gus de ton paternel se font peut-être descendre au fur et à mesure, mais il y en a un de bien planqué qui ne joue pas dans la même catégorie.
Silver. Dans tout ce bordel, je l'avais oublié.
— Tu sais où il se trouve ? lui demandé-je en tournant la tête vers les bâtiments.
— J'analyse encore la zone, mais il n'est pas en hauteur. Du moins, légèrement.
Que veut-elle dire ? Mais, elle ne répond pas à mon interrogation silencieuse et se mets à tâter mon corps. Bien que la situation chaotique ne s'y prête pas, la savoir en vie, l'adrénaline, et son toucher me fait perdre les moyens. J'ai besoin de la sentir. De la goûter. J'attrape ses joues, la ramène près de moi, et l'embrasse. Ma langue franchit ses lèvres, joue avec la sienne. La chaleur gonfle dans mon ventre. Elle brise le contact délicatement. Nous reprenons notre souffle.
Dans la lueur des flammes rongeant sa bécane, je repère des larmes roulées le long de ses joues. Son œil blanc est injecté de sang. La moitié de son visage dégouline. Elle est en piteux état, contractant mon cœur de souffrance pour elle. Je passe ma main dans ses cheveux. Un faible sourire étire ses lèvres. Me laissant voir un court instant, ses faiblesses.
Le bruit d'un klaxon incessant brise notre bulle, nous ramenant à la réalité. Maxine se dresse sur ses bras en grimaçant. Puis elle se couche à nouveau sur moi après avoir analysé la situation.
— Je vais buter la perche. D'où il utilise mon warfare en le calant à la place de son pare-brise, fulmine-t-elle.
Cette réaction propre à elle m'arrache un rire. Elle glisse sa main dans ma poche et récupère le téléphone.
— Échos Max à l'ange de l'extermination. Si tu me le perds, je t'arrache les dents.
— Dixit celle qui répond aïe après s'être fait exploser ! Tu vas prendre la fessée du siècle, répond-il en retour sur le même ton.
Pas un pour rattraper l'autre même en plein combat. Les tueurs en roue libre sont de sacré phénomène. Or, la jalousie et l'état d'urgence prennent le pas sur leur engueulade. J'attrape le téléphone et fixe Max d'un air sérieux :
— Chasse gardée la perche. Max m'appartient dorénavant, indiqué-je sérieusement. Récupère Tony, et balaye la zone. Silver est dans le coin.
— Mais il ne va pas s'y mettre le prêtre aussi ! Max, t'as déteint sur lui, beugle-t-il.
Le large sourire de Cerbère vaut le détour. Je passe mon bras libre autour de sa taille. La gardant près de moi.
— Uriel, écoute ce qu'il te dit, s'ajoute une voix dans la communication. Ne bougez pas les enfants, la cavalerie arrive.
— Boss ! s'exclament les trois tueurs en même temps.
Soulagement supplémentaire de le savoir en vie. De plus, il me confirme que mise à part une blessure au bras, Franck se porte comme un charme. Mais la conversation se coupe quand le téléphone vole de mes mains. On tourne la tête dessus, une balle l'a transpercé. Avec Maxine, on roule sur le côté, nous planquant derrière des tombes.
— Il est descendu de son perchoir, souffle Max en jetant un regard au-dessus de la pierre. Et je ne peux pas attaquer, j'ai perdu mes berettas.
Je guette à mon tour pour repérer sa position. Silver se tient à l'orée des arbres, camouflant sa présence, tout en restant proches de nous. Je repère un fusil dans ses mains, tourné vers la voiture qui arrive à pleine vitesse dans l'allée. Il est concentré. Vise, et tire sans états d'âmes. Damien perd le contrôle de son alpine, tente de reprendre la main dessus, mais le véhicule se met à faire des tonneaux quand il tourne le volant, provoquant des étincelles et un fracas sans nom avant de finir contre les arbres, retourné.
Le choc est tel, que mon souffle se coupe. J'entends Tony hurler au loin de désespoir. Il se met à courir à découvert en direction de Damien, mais tombe après avoir reçu une balle. Mes poings se serrent. Deux tirs, deux hommes à terre. Un silence de mort plane, me rassurant encore moins. Je me tourne vers Maxine pour jauger sa réaction. Or, le vide me fait face. Elle n'est plus là. Je regarde autour de moi, scrute au-dessus de la pierre, un impact me force à rester planquer.
Je crains le pire. Voir son collègue avoir un accident par son ennemi ne peut signifier qu'une chose. Max a perdu toute rationalité.
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