44- Ombres du passé, cibles du présent
Maxine
Les mallettes ouvertes sur la table à manger, les armes éparpillées, je fais l'inventaire et le nettoyage. La perche affûte ses cure-dents, tandis que Tobias est dans la cave pour rassembler du matériel qui nous serait nécessaire. La préparation est minutieuse. Silencieuse. Seul le bruit des touches s'enfonçant sur les ordinateurs brise ce calme sous tension.
Je jette un regard sur Elio, il est concentré, casque sur les oreilles. Sa barbe n'a pas été entretenue depuis des jours, ce qui le rend d'autant plus sexy.
— Max reste concentré, murmure la perche sérieusement.
Je le regarde en biais. Il vérifie la pointe de sa lame, sans me prêter plus attention. Je pose la lunette de visée dans son emplacement avant d'attraper la première boîte de munition.
— Il est un peu long à trouver Porcinet, vous y êtes depuis hier les garçons, remarqué-je une pointe d'agacement de devoir rester chez la vieille.
— Avec l'allié qu'il possède, il est difficile à tracer, réplique la tong.
Je baisse le regard sur les balles. Léon. L'heure n'est plus à me demander pourquoi il a retourné sa veste pour bosser avec la mafia. J'ai eu certaines réponses au moment où il me passait à tabac.
« Un coup. Deux coups. Sa lame qui s'enfonce dans mon épaule. Mes cris de rage.
— Allez ma belle, j'ai fait le ménage pour toi, tu dois bien me dire où se trouve le mec que tu te tapes. Tu crois que je ne t'ai pas vu hésiter à Blois ?
Il se redresse, essoufflée, de me cogner depuis des heures.
— La vieillesse t'affaiblit Léon, tu n'es plus aussi en forme qu'avant, craché-je avec sarcasme.
Son rire s'échappe malgré lui. Il m'attrape les cheveux et me gifle une nouvelle fois.
— T'as manqué de correction quand Darius t'a pris sous son aile, j'aurais dû mettre un contrat plus tôt sur sa tête.
L'information et sa gifle sonnent comme un coup de grâce. Ce n'était pas possible. J'ai buté le tueur qui s'en était pris à lui. Les yeux fixes sur le carrelage, je tente de comprendre ce qu'il vient de me révéler.
— Je l'avais prévenu pourtant, bien avant que l'on fasse une descente dans la structure, mais il n'a pas voulu m'écouter. Une histoire de famille devait rester sous silence. Si l'un de nous s'écartait du droit chemin, il fallait qu'il paye de sa vie. Oui, c'est ce qu'il disait avant de te récupérer, indique-t-il en me tournant autour.
Je ne saisis pas là où il veut en venir.
— Des frères d'armes... Mon cul, oui.
Je fronce les sourcils, alors que la migraine s'est installée en même temps que la résonance de ses poings.
— Tu étais un oncle pour moi, qu'est-ce qui t'a fait changé d'avis Léon ?
Il pose sa lame sur la table dans un bruit sourd. Son rire se fait plus intense.
— Je pensais que tu aurais remarqué les détails, pourtant c'est dans une pièce similaire que l'on t'a retrouvé. Nue. Au-dessus de son corps gisant dans une marre de sang.
Mon coeur s'arrête. Mon sang se glace. Énervé par son attitude, je n'ai pas analysé la pièce autour de moi. Trop concentré sur lui. Sur ses coups que j'absorbais. Sur ses paroles qu'il dégueulait.
— Avant l'appel de rassemblement du royal, j'étais tranquillement en train de prendre soin de Damien. Éduqué dès le plus jeune âge à tuer. Sa punition, quand il ne m'obéissait pas, était de resté enfermé, attaché dans mon lit. Une douce vengeance envers ses parents qui avait osé enlever mon enfant.
— Ta mère t'as fini à la pisse ce n'est pas possible...
Seul recours de mon cerveau pour éviter qu'il continue de me raconter leurs passés. La perche ne me l'a jamais confié, gardant ses démons au plus profond de lui. Quant à la tong, il a su profiter des compétences de son géniteur pour rester caché à ses yeux. Ils ont retrouvé un semblant de vie, de folie, sans que son ombre plane au-dessus d'eux.
— Nous t'avons retrouvé au-dessus de Scholdz, une vieille connaissance. Effectivement, il s'était écarté du droit chemin, il devait payer. Cependant, ce que Darius m'avait caché, c'est qu'il avait missionné ton boss pour sauver mon jouet. Il connaissait, mes méthodes et les passait sous silence. On avait tous un jeune dans nos rangs pour prendre notre relève.
Je me débats sur la chaise, les liens entravant mes poignets commencent à céder.
— Je voulais tant t'éduquer, mais tu t'es pris d'affection pour le royal. Imposant une promesse de sang, que chacun d'entre nous ayant vue la misère dans laquelle tu te trouvais, veille sur toi jusqu'à la fin de sa vie.
Je me fige. Ils étaient cinq, sans compter papa ours qui a repris la relève à la suite de l'appel de Darius.
— Ça a été long de les traquer. Protéger ton cul, t'effacer des données, rendre ta réputation de fantôme à travers le monde célèbre.
Il me dit tout cela sur un ton posé. Comme une liste d'action dont il s'attribue le mérite. Jouant à prendre et à poser les couteaux sur sa table, visualisant chacun leurs détails.
— J'ai finalement réussi à trouver le dernier, grâce à ta poule et au contrat que son père lui a mis sur la tête. Qui aurait cru qu'il allait se faire passer pour un archevêque ? Fallait oser.
Le père Gus.
— Et la cerise sur le gâteau, c'est toi qui lui as rendu le coup de grâce. Sans te rendre compte que tu tuais un membre de la famille, s'esclaffe-t-il de joie.
Léon pose son couteau en posant ses paumes sur la table, ne pouvant plus s'empêcher de rire. Commentant la réussite de ma mission.
— Darius a dû se retourner dans sa tombe...
Les douleurs sur mon corps s'évanouissent.
— J'ai jubilé...
Mon cerveau s'éteint.
— C'était le dernier, et il se planquait à l'église, comme le fils de Porcelli.
Mes liens cèdent. Je ne réponds plus de moi. Adieu les principes. Adieu les promesses. Léon est un homme mort. »
— Je l'ai, s'écrit Tony en se redressant sur son fauteuil.
Je relève la tête, sortant de ce souvenir macabre. Je ne perds pas de temps à tout remballer, clipser mes mallettes et glisser mes berettas dans la ceinture de mon jean.
— Porcelli vient d'être filmé à l'aéroport Charles de Gaulle, explique-t-il rapidement. La panthère est sur le coup avec son équipe. D'après les écoutes, il s'est pris un appartement dans la l'avenue du président Wilson. Au dernier étage.
— Silver est dans les parages aussi, indique Elio, mais le signal que je viens de craquer est faible et change constamment de position.
La perche grogne. Porcinet encore il s'en fout, ce qui l'intéresse c'est de faire la peau à Léon. Un bruit sourd nous fait tourner la tête vers Tobias qui pose une pile de matériel sur la table. Son regard est plus que sérieux. La bataille à venir doit être faite proprement, sans bavure pour éviter d'attirer les autorités. Principe propre de notre métier. Bien que lui-même a des comptes à rendre pour la perte de nos collègues et de son entreprise. Tant que c'est matériel, cela ne le dérange pas, mais Ginette, Vava et quelques serveuses n'ont pas eu cette chance de se venger.
— Max et Damien, vous vous rendez sur place. Gilet par balle obligatoire, pas de prise de risque inutile.
Pas les gilets, s'est hyper contraignant dans les déplacements.
— Elio et Tony, vous allez vous rendre chez toi, au moins pour suivre les opérations en direct. Franck vous accompagne.
Au vu de la tronche de la tong, il n'est pas de cet avis. Mais quand papa ours donne les directives, il ne fait pas dans la dentelle.
— Tony, tu n'as pas le choix ! Tu es certes un excellent tueur, mais tu n'arrives pas à la cheville de ses deux dégénérés. Reste dans ton domaine d'expertise.
— Merci du compliment, se renfrogne la perche froidement.
Tobias fait une geste de la main comme pour chasser une mouche. Traduisant son mouvement par : cause toujours, vous êtes les pires.
— Si l'équipe fantôme est prête, ils peuvent décoller. Les autres partiront une demi-heure après.
Il se retourne pour quitter la pièce, mais revient rapidement sur ses pas en levant le doigt d'un air sérieux.
— J'allais oublier, micro et GPS obligatoire pour les fantômes.
Diantre !
— Et pas de discussion possible Max, où je te l'implante directement sous la peau !
Je sens littéralement ma mâchoire se décrocher, ce qui a le dont de détendre passagèrement l'atmosphère. La perche, enfile son sac à dos sur l'épaule, se rapproche de moi et attrape mes mallettes, puis il se penche à mon oreille.
— Qui te dis que pendant ta longue sieste on n'en a pas profité pour en glisser quelques-uns.
Instinctivement, je me palpe le corps, sans omettre aucune zone, alors que Damien quitte la maison explosée de rire. Fichtre, il va me le payer. Je cours derrière lui pour le rattraper. Or, Tobias se positionne devant moi et me tend l'oreillette et la puce GPS.
— Tout de suite, c'est un ordre.
Ne pas fâcher papa ours. Ne pas fâcher papa ours. Ne pas...
— Décide-toi Max où je te le fais avaler de force.
Ne pas tuer papa ours...
Une main se glisse sur mon épaule.
— Je m'en occupe Tobias, rassure Elio en glissant son autre main sur ma hanche.
Traître !
* * * *
Slalomant entre les voitures avec ma moto, je bougonne et rage contre les automobilistes. J'ai concédé au gilet pare-balle, à l'oreille et au micro. J'ai gagné la bataille sur le GPS. Cependant, ce n'est pas ça qui me met les nerfs à vif. Encore moins l'excitation de trouer le cul des ennemis. Non !
Elio m'a confié un présent. Précieux. Une sorte de gage qui lui promet que je dois lui rendre par tous les moyens.
— Bouge ton cul avec ta smart ! Quand on ne sait pas la conduire, faut allez chez do mac ! beuglé-je dans mon casque.
— Calme, Max. Calme, entends-je dans l'oreillette.
Mon grognement redouble d'intensité. Dès le départ, j'ai mis les pleins gaz. La perche arrivant à me coller au train dans sa voiture, jusqu'à l'arrivée sur le périph. À ce moment-là, je l'ai semé. Ça ne lui a pas plu, forcément. De plus, c'est l'heure de pointe.
Un rictus s'étire sur mon visage. Baltringue !
— On se retrouve au point de rendez-vous, je prends un raccourci, indiqué-je à la perche en sortant à la porte de Montrouge.
Les gugus m'exaspèrent à faire du sur place. Mieux vaut me taper tous les feux et traverser la capitale dans sa longueur. Sachant que par là où je passe ce n'est pas du tout le chemin le plus rapide. Mais je me satisfais que l'on ne me suit pas à la trace, gardant ma liberté dans mes décisions.
— Montrouge ? t'es sérieuse ? Je viens de te voir prendre la bretelle, hurle la perche dans l'oreillette.
— Tous les chemins mènent à Rome, me marré-je dans le casque. Je parie que j'y serais avant toi !
— Pari tenu.
Plus qu'à honorer ma victoire. Je me faufile, respectant autant que je le peux les limitations de vitesse pour ne pas me faire gauler, surtout que je suis armé.
La nuit tombe, les lampadaires s'allument. Les jardins du Trocadéro apparaissent dans mon champ de vision après presque vingt minutes de trajet. Je me gare sur le parking du restaurant Girafe, mais ne coupe pas le moteur. Mes yeux fixes le bâtiment d'en face où est sensé se trouver Porcinet. Cependant en bonne traqueuse que je suis, mon flair m'indique que le p'tit cochon n'est pas là où il est supposé être.
Je ne remets pas en cause les compétences des hackeurs, loin de là. Mais c'est Léon en face. Je pose mes avant-bras sur le guidon, et tourne en boucle l'information qui m'a échappé. Interpol est à leurs trousses, ainsi qu'Elio et la tong.
Aéroport Charles de Gaulle. Avenue du président Wilson. Je redresse la tête vers l'appartement. Des silhouettes défilent. Je plisse mes yeux. Trop de personne présente. Pas dans les habitudes du tueur que j'ai côtoyé.
Aéroport, Trocadéro...
Entre deux.
Je me redresse, lève ma béquille puis pars en trombe dans les rues de Paris après avoir désactivé mon micro et mes écouteurs.
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