42 - La promesse de sang

Damien


Trois à douze heures. Cinq à six heures. Je regarde ma ceinture, il me reste deux seringues, trois fléchettes empoisonnées et ma lame. Tony couvre la zone avec son scanner, m'informant des déplacements des cibles, tandis que je longe les haies de tilleul de la villa pour trouver un endroit où me faufiler.

Dernière zone infestée de la mafia coréenne qui n'a rien à envier aux Italiens. Les ritals restent champions dans ce domaine. Deux semaines depuis le déploiement et plus aucune nouvelle de l'autre équipe et du boss depuis qu'il a eu cet appel. Une semaine sans avoir des nouvelles d'elle. Un mauvais pressentiment depuis. S'est-elle faufilée pour attraper le plus gros des gibiers ? A-t-elle eu une nouvelle crise ? Ou pire...

— Uriel reste concentré ! peste Tony dans l'oreillette.

Je me fige et m'enfonce dans la haie, grimaçant en sentant les branches s'enfoncer dans ma peau. Or c'était moins une, un gorille passe à ce moment. Je souffle et murmure :

— Toujours rien ?

— Pour la cinquantième fois, toujours rien, soupire-t-il désespéré. Même la panthère n'arrive pas à mettre la main sur Elder, et Dieu sait qu'il n'est pas si invisible que ça.

Dieu n'a rien à voir là-dedans. Du moins, c'est ce qu'elle dirait si elle avait eu cette information.

— Tu vas pouvoir escalader, les gardes se sont éloignés, prévient-il.

C'est le moment d'entrer en jeu. Je passe par-dessus le mur, avance à pas feutré et le dos courbé vers une balustrade menant à une terrasse. Me planque sous une arche en repérant un homme. Le laisse passer, me faufile derrière lui. L'égorge. Le traîne hors champ de vision.

Je me penche de ma cachette pour scruter les alentours. Les hommes de main sont sur le qui vivent. Une annonce dans leurs oreillettes semble les alerter. Mes sourcils se froncent quand d'un seul mouvement ils se tournent tous vers la demeure. C'est louche.

— Uriel, il y a un mouvement rapide dans la villa, s'inquiète Tony d'un ton pressé.

Un coup de feu se répercute. D'autres s'ensuivent. C'est quoi ce bordel ?

— Que donne ton radar ? interrogé-je sur le qui-vive.

— Ceux du jardin se regroupent dans la villa. Ceux à l'intérieur sont en mouvement ou reste statiques. Par contre, il y en a un qui se déplace bizarrement.

— Ennemie ou allié ?

— À en juger par les déplacements qui cesse après son passage je dirais allié, mais pas sur.

Je me penche à nouveau. Le jardin est désert. Une opération qui devait se passer sans débordement, par à vau-l'eau. Quel est ce putain de chien enragé qui fou le boxon a l'intérieur ? Je longe le mur, grimpe les escaliers tout en analysant les mouvements autour de moi. Plus personne en extérieur. Arrive à hauteur d'une baie vitrée. Me penche. Plisse les yeux. Les écarquillent.

Trois hommes tirent en visant un point invisible. La bataille est acharnée au vu de leurs tronches constipées. L'un tombe d'une balle dans la tête. Ils continuent, les balles fusent, mais un deuxième suit vingt secondes après. Le troisième se planque derrière le canapé. Manque de peau pour lui, j'ouvre la baie et lui tranche la gorge.

— Putain c'était le mien tu fais chier la perche.

Je me redresse d'un coup. Mon cœur se serre un instant en la voyant. Max est là. La gueule en vrac, sa démarche vacillante, son bras ensanglanté qui pend, et ce regard... ce putain de regard de rage. Pas d'inquiétude. Pas de peur. Juste de la colère, pure et brûlante. Maxine reste Maxine, même à moitié crevée et à éviter dans cet état. Cependant, loin de m'inquiéter de son état, je lui rétorque instantanément :

— Tu peux me dire ce que tu fous là ?

Elle se gratte l'arrière de la tête avec son flingue. Levant les yeux au ciel, tout en évitant ma question.

— Y a encore du monde à décimer, indique-t-elle, sort toi le balai que t'as de coincé dans le cul, je ne vais pas t'attendre pour trouver celui qui se planque.

Elle file dans le couloir en riant, me laissant comme en con là. Je fixe l'endroit où elle était encore à l'instant. Mon cerveau reste momentanément hors service. Et je deviens une proie facile, si la pièce n'avait pas été nettoyée au préalable.

— Uriel ?

Tony m'appelle, mais je ne réagis pas.

— Bordel, Uriel, à dix heures droit sur toi !

D'un mouvement habituel, j'attrape une seringue et la balance dans la direction opposée. Ma tête se tourne mécaniquement vers l'homme qui s'écroule contre la porte. Mon esprit se réveille, alors que ma cible convulse. Max est ici. Elle s'amuse telle une enfant dans un magasin de sucrerie. À défaut de prendre du poids, elle répand le sang. Je me retourne d'un coup sec et me mets à courir à sa poursuite.

— Je vais la fumer, ragé-je en prenant un virage serré.

Tu ne perds rien pour attendre que je te renferme dans la cave.

— Si elle est là, le reste ne devrait pas être très loin, indique Tony.

— Où elle a très bien pu les planter aux états unis, soufflé-je en grimpant les escaliers, tout en passant au-dessus des corps qui jonchent le sol.

— Je lance une nouvelle recherche et appel la panthère.

Je ne réponds pas et suis le chemin des indices que le petit poucet me laisse. Elle n'y est pas allée de main morte. Arrivée au deuxième étage, les cadavres se vidant de leurs sangs présentent une particularité. Plus d'impact de balle, mais tout ce qui lui tombe sous la main a été enfoncé dans les carotides.

Je me baisse au-dessus d'un corps et penche la tête pour regarder les dégâts. À en juger par la manière dont cela a été enfoncé, je peux confirmer qu'elle a pété une durite. Que s'est-il passé là-bas pour qu'elle se trouve ici dans une villa paumée entre Beaulieu-sur-mer et Villefranche-sur-mer ? Je secoue la tête, m'attardant pas sur la question et me redresse en poursuivant ma course. Un hurlement de rage me fait accélérer le pas. J'arrive à la hauteur de la dernière porte, la défonce, m'avance lentement.

— Viens là sale chien de médeux que tu prennes ce que tu mérites. Arrête de t'enfuir et répare le trou que tu m'as fait dans le bras.

Elle est appuyée sur la rambarde du balcon. Hurlant à plein poumon vers l'extérieur. Insultant celui qui a dû s'enfuir en prenant peur de l'affronter.

— Une promesse brisée équivaut à des jours de souffrance, tu ne perds rien Léon, tu n'es pas aussi lâche.

Léon.

Je me fige. Il était là. Mon sang se vide de mes joues. Cependant, je réagis immédiatement quand je la vois passer une jambe par-dessus la rambarde. Je cours vers Max et l'attrape par la taille la ramenant vers moi. Nous tombons sur le sol. Elle se débattant dans mes bras. Moi visualisant la chevelure blanche de cet homme infâme.

— Lâche-moi Damien, rage-t-elle en me donnant des coups.

Elle me donne un coup de coude dans les côtes. Je lui chope le bras, la pousse en avant et lui fais une clé de bras.

— Tu vas te calmer ! grogné-je contre cette furie.

Pire qu'un asticot, il n'y a pas. Ma main tâtonne ma ceinture. Je défais la boucle. La retire. Lui attrape l'autre bras, et lui attache les mains dans le dos.

— Tony, t'es là ? Elle est ingérable.

— La cavalerie arrive.

Bordel manquait plus que ça. Plus le choix.

— Bien que tu m'excites dans cette position Max, va falloir décamper.

Elle tourne son visage vers moi en le levant et me menace.

— Tu n'as pas intérêt à...

Sa tête s'écroule. Je fronce des sourcils.

— Elle fait dodo ? demande Tony dans l'oreillette.

— Quand tu parlais de cavalerie...

— Ouais, le boss est là, et il est remonté comme un bloc.

Je la regarde dormir après avoir repéré la fléchette anesthésiante dans sa jambe. Elle roupille sagement. Je me lève, la soulève et la pose sur mon épaule comme un sac à patates. En quittant les lieux de la villa, plusieurs camions de désinfection arrivent. La première phase de nettoyage étant finie, la seconde commence. Dommage, la demeure était belle si on s'attardait dessus, mais comme toutes les zones que nous avons nettoyées, elle va partir en fumer.

J'arrive à ma voiture, pose le paquet sur le siège passager. Monte côté conducteur et pars après avoir démarré. Mes sentiments pendant le trajet sont contradictoires. Je suis content que la mafia coréenne soit rasée de sol français, mais en même temps frustré que ce soit elle qui s'est éclatée à le faire. Je la regarde en coin. Éclaté... C'est plutôt sa tronche qui est bien refaite. Je lève ma main, dégage une mèche de cheveux de son visage. La sonnerie de mon téléphone coupe mes pensées. Je retire l'oreille et appuie sur l'écran tactile du tableau de bord pour répondre.

— Ouais.

— Comment va-t-elle ? s'enquiert le boss la voix emprunt d'inquiétude.

— Elle ressemble à la belle aux bois dormants qui s'est balancés d'arbre en arbre avec Tarzan, mais qui n'a pas su évité les troncs.

Il soupire longuement. J'avoue que ma métaphore est là pour détendre l'atmosphère. Or, tout comme le boss, son état ne me rassure pas.

— Un direct chez Gertrude ? demandé-je pour connaître le chemin à suivre.

— Va à l'aérodrome directement. En voiture, ce sera trop long, m'indique-t-il avant d'ajouter, je vais chercher Mansur qui n'est pas loin et on vous rejoint là-bas.

— Le prêtre et son homme sont avec toi ?

Autant savoir où sont positionnés les autres.

— Avec Rex, répond-il.

Nom de code. Quand on ne parle pas de la vieille, on parle de sa moumoute ambulante.

— D'acc, on se rejoint sur place.

Il ne raccroche pas de suite. Un long silence s'étire. Il réfléchit sûrement à la façon dont il va m'annoncer la chose. Et c'est après quelque temps d'hésitation qu'il me lâche la bombe.

— Il la torturé d'où son état, prend soin d'elle Damien.

Il raccroche sur cette phrase

Son état me brûle de l'intérieur. Comment ai-je pu laisser ça arriver ? Son rire, sa provocation constante, son insolence... tout ça avait été réduit à une douleur muette. J'aurais dû voir les signes, anticiper, être là... et maintenant, il ne me reste qu'une promesse de vengeance, dérisoire face à l'horreur qu'elle avait subie.

Mes doigts blanchissent sur le volant. La douleur de la révélation pulse dans ma poitrine comme une lame chauffée à blanc. Je veux frapper quelque chose, hurler, casser cette putain de voiture pour expulser cette rage qui me consume. Mais tout ce que je fais, c'est de serrer les mâchoires, aussi fort que mon cœur, prêt à exploser.

Ce fumier a dominé le trophée qu'il désirait depuis des années et qu'il n'a jamais pu avoir. Cela ne l'a pas suffit de me faire croire monts et merveille quand j'étais en formation avec lui. Idiot que j'ai été. Ma soif de sang ne fait que s'accroître. J'espère que le prêtre n'est pas au courant, de cette information.

Je m'allume une cigarette et file à toute berzingue sur l'autoroute. Dès que l'on met la main sur toi Léon, je te promets sur ma vie que tu vas payer pour ce que tu as fait. Et nous serons trois à t'achever. 

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