41 - Dans la ligne de mire

Maxine

Couchée derrière ma lunette de visée, je guette les mouvements de nos ennemis. En planque depuis deux semaines, à traquer chaque brin d'herbe pourri jusqu'à la moelle après que le joujou du prêtre est enfin trouvé la cible. Je ne pensais pas que j'allais effectuer son contrat finalement. Mais bon, avant d'attaquer le gros gibier, on s'occupe de la petite vermine, histoire de foutre les boules au saint Graal.

Deux équipes. Une en France composée de la perche, la tong et le boss. Leurs missions : traquer les Coréens sur le sol de la baguette de pain, et des croissants aux fromages, ainsi que Léon qui s'est volatilisé après son appel.

Mon ventre gargouille à la pensée de la bouffe. En même temps, ça va faire six heures que je suis allongée, sans pouvoir manger ni m'en griller une. Je craque mon cou et tourne mes épaules avant de vérifier ma lunette. Le cousin germain de la tante du fils de l'arrière-grand-père remontant dans la généalogie de la mafia italienne au quatrième degré du père et du Saint-Esprit... bref un merdier pas possible, reste toujours hors champs de vision. Petit saligaud.

Ma tête tombe en avant. La fatigue m'étreint et bien évidemment, ce n'est pas avec l'équipe que je me trimballe que je peux me reposer. Franck, le curé et moi, ont stationnent actuellement aux States, plus précisément à Dallas, mon univers impitoyable. Mes yeux se ferment. Mon cerveau part en vrille, besoin d'une pause.

Je me mets à quatre pattes et range mon matos. Le conduit d'aération bien que large reste étroit. Mon corps glisse jusqu'à la grille où je me suis faufilé, puis descend dans le cagibi. Un petit coup d'œil dans le couloir en vérifiant qu'il n'y a personne, puis vêtu d'une tenue de femme de chambre, je déplace le chariot de ménage avec ma mallette à l'intérieur. Baisse la tête en croisant les clients, sors de l'hôtel « le Ritz-Carlton », puis me dirige vers l'hôtel Zaza. J'aurais peut-être une meilleure vue sur la cible qui se planque dans son casino.

J'en profite pour me griller une clope sous le soleil de plomb quand mon téléphone se met à sonner. J'attrape mes écouteurs dans mon sac et réponds d'un air grincheux :

— Quoi ?

— Tu n'as toujours pas réussi à le canarder ?

Je ferme les yeux.

— Et de votre côté ? demandé-je en tirant sur ma cigarette.

La perche rit au bout du combiné. J'en conclus qu'ils s'en sont donné à cœur joie.

— On vient de nettoyer la deuxième cellule, répond-il fier.

Mouais, j'ai du pain sur la planche pour rattraper mon retard. Mais ce n'est pas avec les deux boulets que je me traîne que j'avance.

— Le boss m'a dit que tu avais semé le prêtre et son homme de main.

Un sourire narquois se dessine sur mon visage.

— Ils sont trop lents sur le terrain, répliqué-je en écrasant ma cigarette.

Il soupire. Les States restent mon terrain de jeu. Je me fonds mieux dans le décor en solitaire qu'accompagné. De plus, je les ai mis dans un endroit que Léon ne connaît pas, ce qui les protège d'une éventuelle attaque s'il se manifeste.

— Max...

Fichtre, il va me faire la morale.

— Je sais, je sais, nous sommes dans le même camp le temps de cette petite guéguerre et après on pourra s'envoyer en l'air sur les cadavres laissés derrière nous et faire chier Gertrude, rié-je ironiquement.

— Le boss atterrit dans l'après-midi, répond la perche après un temps de silence.

Diantre !

L'appel coupe. Je m'arrête de marcher. Que fait papa ours sur le sol américain ? Ce n'était pas prévu au programme ça. Je regarde le casino à côté de moi, fronce les sourcils, mords l'intérieur de ma lèvre supérieure. Il y a un truc qui cloche.

Je tourne la tête vers l'hôtel Zaza avant de la reporter vers le casino. Pas pu mettre de micro. Angle de tir foireux. Même si la perche m'a fait un virement de plein de pognon pour soulager ma conscience, il n'empêche que celui-là est difficile à choper. Je regarde mon téléphone. Un message reçu. Je l'ouvre. Mes yeux s'écarquillent quand les photos défilent sur mon écran. Des familles décimées. Les femmes, les enfants et le club du troisième âge.

Putain, il est passé avant moi le fumier.

Le temps que je réalise ce merdier, un bruit sourd percute le sol. Mon regard se fixe sur les gouttes rouges qui tombent lentement de mes doigts. Chaque seconde semble s'étirer, comme si mon cerveau refusait d'assembler les pièces. Le sang. Le téléphone brisé. Et cette douleur lancinante qui pulse jusqu'à mon poignet. Je cligne des yeux, cherchant à reprendre mon souffle, quand une réalisation glaciale me frappe : je suis à découvert. Merde !

Une cible parfaite. Le mouton en proie du marchand de glace. Mon cœur s'emballe, une sueur froide coule le long de ma nuque. Et Léon... ce salaud. Il est là, quelque part, dans l'ombre, avec une ligne de mire bien ajustée. Bordel !

Je me mets à courir pour rejoindre une ruelle. Il est sûrement sur un toit. Pas le temps de faire une halte pour récupérer le reste de mes affaires, seuls ma mallette et mon beretta resteront ma sauvegarde de vie. J'approche enfin d'une rue étroite, zigzagant comme une demeurée sur la route, ne prenant pas garde aux passants qui me fixe ahuri. C'est ma seule chance de survie face à Léon. Cela ne peut être que lui. Rester à l'ombre des bâtiments. Utiliser tous les angles morts.

Impact. Le panneau est troué comme du gruyère. Pas sur les toits. J'ai été stupide de penser à ça de suite, en le sous-estimant. Soit je prends la rue au risque d'être fait comme un rat, soit je continue sur l'avenue et les dommages collatéraux seront nombreux. Ne perds pas de temps Maxine à réfléchir.

Je jette un regard circulaire, serre les poings, contracte ma mâchoire. Option, perte et fracas.

Elio

Son signal n'émet plus. Il a déserté sa villa, Phoenix et le sol américain, disparaissant dans les eaux internationales. Fumier. Je ferme mon ordinateur portable, me lève et me dirige dans le salon me servir de l'eau. Franck et au téléphone sur la terrasse de la maison où Max nous à sommé de rester, à Belle Chasse en Nouvelle Orléans.

La fraîcheur du liquide me soulage en ce début de soirée. Calé contre le plan de travail, je regarde le ciel rougir sous l'effet du coucher de soleil, me perdant un instant sur un avenir incertain. L'ombre dansant dans le jardin me fait penser à elle, qui depuis notre arrivée, chasse sans relâche les sbires de mon père. Et dont celui-ci a préféré tout lâcher pour se carapater.

— Elio !

Je pose mes yeux sur Franck qui rentre en trombe dans la maison et le regard paniquer.

— Maxine a disparu.

Le verre que je tenais dans mes mains se brise sur le parquet. Mon dernier contact avec elle était ce matin, avant qu'elle ne commence sa planque. Je récupère mon téléphone dans ma poche, regarde l'application de traçage, aucun signal. Mes doigts serrent le mobile. La panique m'envahit. Il ne me restait plus que ce GPS, elle a viré les autres entre temps, alors que je les avais bien dissimulés. Mon cœur se serre.

— Charge la voiture, ont décolle pour Dallas dans cinq minutes, j'ordonné-je dans la foulée.

Ne pas s'effondrer, garder son sang-froid.

Maxine

Pertes : dix. Un groupe descendant d'un bus derrière lequel je me suis planquée. Fracas : pas qu'un peu. Habitués aux terrorismes et tir de rue, les flics se sont pointés rapidement. Rien de mieux pour me carapater et le perturber. Par contre, courir n'est pas mon fort. Je suis épuisé, planqué derrière des poubelles d'un restaurant. Essoufflée. Furetant toutes les trente secondes. La nuit est bien avancée. J'ai la dalle. Et une envie de fumer à en crever, mais je me retiens au cas où.

J'ai pris le temps de déchirer le bas de mon t-shirt pour nouer un bandage de fortune autour de ma main. Me voilà à présent en fuite, en mode clocharde, à moitié enseveli sur une pile de carton. Contrôlant mon souffle chaotique. Guettant le chasseur qui me connaît comme sa poche. Mes yeux se baissent.

Il va fouiller les ruelles et les restaurants. Il faut que je change de stratégie. Or, le bruit d'une canette se répercutant dans l'espace me fige sur place. Un rire sournois se propage. Ma main glisse derrière mon dos. Lentement. Sans gestes brusques. Mon palpitant accélère.

— Ah, sera-t-elle ici ? chante-t-il avec une fausse joie.

Ne pas se précipiter. Attendre. Ses pas se font plus précis. Vient à mon niveau que je te fasse un deuxième trou de balle. Mon doigt retire le cran de sécurité. Le bruit va me trahir. Ma respiration se bloque.

— Toc, toc, toc...

Il s'amuse. Se venge.

Je replie mes jambes pour prendre appui et bondir. Je me ferais un malin plaisir de l'envoyer voir Darius pour qu'il lui botte le cul. Un pas. Léon est à côté des poubelles. Son briquet craque. Bordel, j'ai envie de fumer et il m'envahit avec ses foutus menthols. Deux pas. Je m'extrais dans un bond. Tire. Il tombe. Mon bras reste suspendu. Mes yeux s'écarquillent. Un leur.

Fichtre.

Il me vise. Un sourire triomphant placardé sur le visage. Je suis faite comme un rat. On se fait face l'un à l'autre. Deux légendes dans le domaine et le sol américain. L'un ne ressortira pas vivant de cette ruelle. Serait-ce une belle mort de finir achevé par l'un de mes mentors ?

Je le fixe. Il me jauge. Un rictus se dessine sur mon visage. Il penche la tête sur le côté. Une belle mort pour un fantôme, tué par le marchand de glace. J'aurais dû lui tatouer directement les phallus au lieu de les faire aux marqueurs. Un dernier mot. Il me comprend d'un hochement de tête.

— On se retrouve en enfer, disons-nous en même temps.

Tire. Impact. Asta la Vista baby.

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