30 - Course poursuite
Elio
La jambe bougeant nerveusement, le stylo noir tapant contre le bureau, le casque sur les oreilles, j'écoute les fichiers audio que Vera m'a envoyés. Ma main contre la bouche, les sourcils froncés.
« La demande est bâclée. »
Mes yeux se ferment.
« Réserve-moi le prochain vol pour l'Italie, je vais la choper moi-même. »
Une conversation entre mon géniteur et son pantin. Il n'aime pas le travail à moitié fait. Tant mieux pour moi, tant pis pour lui, et Damien qui ne donne plus signe de vie depuis trois semaines après avoir capturé Cerbère dans ses filets. Du moins, si, le boss a des nouvelles via le caméléon rose, mais filtre les informations la concernant.
Soit plus proches de tes ennemis que de tes amis.
Ce conseil que ce mec m'a donné tourne en boucle dans ma tête depuis. Une chasse à l'homme vient de s'ouvrir. Ma tête en première ligne de mire, suivie par la sienne, et quelques petits extras à côté. La mafia rentre dans l'arène.
Foutu Porcelli. Impatient. Je ne sais pas combien de temps elle avait pour m'achever, mais son silence n'est pas apprécié de ce connard. Et Silver est également sur ses traces.
Je pose mon casque sur le bureau, recule ma chaise et m'étire. Je me lève, attrape une bouteille d'eau dans le réfrigérateur et me positionne face à la fenêtre. Depuis le vingt-et-unième étage de mon appartement à Gangnam, je scrute la ville qui ne dort jamais. Les lumières des néons se mêlent à celles des phares des voitures, illuminant les rues bondées de Séoul.
Rester proche d'eux, mais bien sûr. Je préfère mettre des milliers de kilomètres entre sa position et la mienne. Mes contacts avec Franck restent limités. Pourquoi ici ? Je me sens à la fois invisible et omniprésent, profitant de cet endroit stratégique pour surveiller sans être vu. Mes compétences de hackeur me permettent de me fondre dans le paysage numérique de la ville.
La moindre erreur peut me coûter la vie. Derrière mon écran, je parcours les réseaux sociaux, les caméras de surveillance et les forums. Mon cœur s'accélère lorsque je remarque une ombre familière dans les enregistrements des caméras de sécurité d'un quartier voisin. Cependant, Cerbère ne peut pas être là, c'est impossible. Selon les dernières informations reçues, il y a une semaine et demie, elle était encore en proie aux mains de son collègue.
Une vengeance. De quelle sorte ? Je souffle. Leurs relations sont bien étranges. Et malgré ma dernière vision d'elle sur sa moto, elle ne cesse de me hanter. La mort a une emprise sur mon cœur dix fois plus forte que quand ce n'était qu'une ombre.
Je cale mon épaule contre le rebord de la baie vitrée. J'observe les Coréens se rejoignant entre amis pour boire dans un restaurant et sûrement faire leur traditionnel karaoké. Les tours se dominent les unes aux autres et s'étendent à perte de vue.
Mon téléphone vibre dans la poche de mon jogging. Je le récupère, regarde le nom de l'appelant : Inconnu. Ma mâchoire se contracte. Je porte l'appareil à mon oreille.
« Elle s'est fait la malle ! »
La voix de l'ange. Sèche. Froide. Paniquée.
Jésus Marie Joseph !
— Depuis combien de temps ?
Seule question qui me vient à l'esprit. Or, un bruit imperceptible et mon téléphone s'échappant de mes mains répondent à la question et au stress grandissant en moi. Je lève la tête et perçois un trou infime dans la baie. L'air s'y infiltre. Je me planque fissa derrière le mur séparateur. Elle est là, dans l'une des tours en face.
Il ne faut pas que je traîne. Maxine m'a retrouvé et m'a indiqué sa position. Je me précipite vers mon ordinateur portable, le débranche et range mon matériel aussi rapidement que mes gestes me le permettent. Un autre sifflement et l'un de mes écrans prend l'impact. Elle ne bouge pas de sa position et préfère me canarder. Ses tirs ne sont pas précis.
Je récupère mon sac, toujours prêt pour le départ, mes clés, ouvre la porte et me fige. Une autre balle s'est logée dans celle-ci, à seulement quelques centimètres de ma tête. Cerbère a retrouvé son jouet et s'amuse avec. Mon souffle est court. Mon cœur bat la chamade. Il faut que je déguerpisse rapidement.
Mes jambes me portent jusqu'à l'escalier de secours. Je rabats la capuche de mon sweat sur la tête, attrape un masque dans ma poche et me couvre le bas du visage. Après une descente interminable, j'arrive enfin au parking privé, les poumons en feu, les cuisses tremblantes. Ma voiture de location est là, devant moi, les pneus crevés. Putain !
Elle a pensé à tout la saloperie. Mon poing s'abat sur le pylône de ciment, tandis que je scrute les alentours. Ne perds pas de temps Elio. Réfléchis. Réfléchis. Un autre impact me frôle la main, l'érafle. J'ai trop tardé.
Je me précipite vers les escaliers et les remonte quatre à quatre jusqu'au rez-de-chaussée puis m'arrête net. Non. Ce ne peut pas être elle. Les tirs ne sont vraiment pas précis. Elle n'a pas pu me retrouver sans Silver. Aurais-je loupé un détail dans les écoutes concernant les actions de mon géniteur ? Il devait aller en Italie, pas en Corée.
Je sors de la tour, me fondant dans la masse de la foule. Il ne faut pas que je reste sur place à tergiverser sur qui me colle au train. Mes yeux scrutent les alentours. Si le tireur tire en pleine rue, bondée de monde, ça ne sera pas elle. Son principe ne permet pas de blesser une personne innocente si elle se loupe. Je me faufile entre les rires des passants, puis tourne dans une ruelle peu éclairée. Je dois retrouver un téléphone. J'avance, le pas pressé et rejoins rapidement une station de métro.
Je ne suis plus qu'à quelques mètres quand un groupe me fait face. Les hommes portent des masques noirs sur leurs visages. Leurs costumes leur donnent une allure de gangster. Mes craintes sont confirmées. Ce n'étaient pas Cerbère, mais bien mon paternel qui a engagé plus de personnes qu'il n'en faut pour m'éliminer.
Je me retourne pour partir sur mes pas, un motard me fait face. Sa poignée joue avec l'accélérateur. Son visage, caché par la visière noire, me fixe. Ses phares m'éclairent. Il démarre. Je regarde en arrière, les hommes s'avancent. Leurs regards transpirant le meurtre.
Je suis fait comme un rat.
Deux choix : les hommes et la mort ou le motard inconnu et la mort. Dans les deux cas, la mort m'accueillera. J'aurais préféré que ce soit elle qui me libère de cette fuite une bonne fois pour toutes. Mes pieds refusent de bouger. Aucune échappatoire. Je suis coincé.
Le moteur de la bécane gronde sa puissance. L'homme me dépasse, fait un dérapage, me tend la main. Ma porte de sortie. Un allié, inconnu au bataillon. Je grimpe, tandis que le groupe sort leurs armes. Il démarre et part en trombe, regagnant l'avenue, forçant les usagers à piler quand la moto s'insère en furie sur les voies. Je m'accroche désespérément à sa taille. L'adrénaline à son maximum.
Le motard file à toute vitesse entre les automobilistes. Visualisant ses rétroviseurs de temps à autre, accélérant encore plus, m'indiquant que nous sommes poursuivis. Malgré le cœur battant la chamade de la situation d'urgence, je tente un regard en arrière. Trois berlines sombres slaloment entre les voitures pour nous rattraper. Je tapote le ventre du motard, la peur grandissant encore plus. Il prend un virage serré, me faisant crisper la mâchoire et fermer les yeux. Le vent fait voler ma capuche, ébouriffe mes cheveux.
Un autre virage. La bile remonte dans ma gorge. Ce motard va nous tuer ! Je prie de toutes mes forces mon seigneur pour que cette course-poursuite s'achève. De préférence en vie. Un haut-le-cœur me gonfle les joues, me retenant de vomir en pleine route quand il s'engage dans la descente d'un parking. Le motard se gare dans un coin sombre. Coupe le moteur. Reste statique. Mes bras et mes jambes tremblent. Mon cœur est sur le point de s'arrêter. Je ne sais pas avec qui ni où je me trouve.
— Je ne supporte pas que l'on joue avec mes jouets !
Je me fige.
— Le premier gus que je chope à te tuer avant moi, je lui refais le portrait.
Je retire mes bras. Descends rapidement de la moto. Me recule, me faisant stopper rapidement par le mur. Sa tête toujours planquée sous son casque se tourne vers moi. Ce que j'ai pris pour un homme dans la pénombre n'est autre qu'elle. Cerbère en personne.
Elle penche la tête sur le côté. Je devine sans mal son sourire machiavélique derrière sa visière.
— Ça faisait longtemps père mon cul.
C'est le seigneur que j'ai prié, par le diable ! Bordel !
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