27- L'ange de l'extermination
Damien
Au volant de mon Alpine, le pied appuyé sur le champignon, je file à vive allure de Tourcoing pour rejoindre la position de Maxine. Putain, je ne vais pas la louper celle-là. Depuis son départ, elle met le boss dans un état de stress pas possible, et la savoir avec lui, n'arrange pas ses affaires ni les miens.
Elle n'est pas la seule à connaître du monde dans le milieu. L'Europe c'est mon territoire. Les States, le sien. Elle est la mort et le fantôme. Je suis celui qui les accompagne auprès de la faucheuse. Ma mâchoire se contracte quand je perçois un poids lourd garé au loin dans une zone désaffectée.
Je braque le volant en arrivant à hauteur et fais crisser les pneus dans un 180°. Les fenêtres du camion sont ouvertes, des papiers et des CD jonchent le bitume. C'est quoi ce bordel ? Je sors à peine une jambe de ma voiture, que son cri strident se répercute jusqu'à mes oreilles :
— Des cigarettes !
Elle peut se carrer le doigt dans l'œil avant que je ne lui file sa cartouche. Or, ce que j'oublie vite avec Max, c'est que, quand elle est en manque, elle est pire qu'une junkie. Elle déboule hors de la cabine et se précipite vers moi.
— Elles sont où, elles sont où ?
— D'abord, bonjour, Damien, comment vas-tu depuis que je t'ai collé une balle dans la cuisse ?
Son regard se lève d'abord sur moi avant de partir plus haut sur le côté, tout en pinçant ses lèvres. Elle ne va pas s'excuser la bourrique. Et la connaissant mieux que quiconque, je sais qu'elle va vouloir se carapater. Je glisse mon bras autour de sa taille, la rapproche de mon torse et glisse mon autre main sur sa nuque que j'emprisonne fermement, figeant mes yeux dans les siens. Imperturbable.
— Alors ? soufflé-je contre son visage.
Son œil blanc et l'autre bleu ne se dérobent pas. Elle maintient son regard, ne baissant pas sa garde. Ce jeu peut durer très longtemps. Or, elle baisse la tête.
— Déso...
Oh, elle s'excuse ?
— En faite non ! Pas désolé ! Tu n'avais pas à être sur mon chemin quand j'étais dans cet état.
La garce !
Elle tente de me repousser en repérant sa cartouche sur le siège passager, mais je la retourne, attrape ses poignets et la traîne jusqu'au coffre. Maxine se débat, comprenant très vite mon intention. Elle est peut-être enragée et en manque, mais j'ai plus de force, et elle m'a sacrément énervé.
J'ouvre le coffre, la penche en avant sentant son cul contre mon membre, bloque ses poignets d'une main et attrape une corde de l'autre. J'entame l'option saucisson pour la bloquer, me débarrasse de son Beretta avant de la pousser à l'intérieur et de refermer le capot.
— Vais te tuer la perche ! Sors-moi de là !
— À défaut de ne pas avoir de cave sous la main, tu vas rester sagement ici.
Elle hurle. Cogne. Deviens hystérique. Échec Maxine, fallait pas me la mettre à l'envers. Je sors mon paquet de Malboro et m'accroupis en face du coffre, faisant exprès de m'allumer une cigarette. Le bruit va la rendre encore plus dingue. Son cri me le confirme d'ailleurs.
— Je vais nettoyer tes conneries. Pas bougé Max !
Le bruit étouffé de son juron m'éclate de rire. Je me redresse, puis me dirige vers le camion en boitant légèrement. La portière est restée ouverte, m'indiquant les gémissements étouffés du chauffeur. Mes sourcils se lèvent quand je le découvre attaché les mains coincées derrière l'appui-tête. Son t-shirt relevé, bâillonne sa bouche. Son pantalon baissé sur les chevilles. Un maquillage au fluo recouvre ses yeux lui donnant une allure de joker, tandis que des flèches roses sont dessinées en direction de ses cuisses.
Un rasage effectué avec soin me fait découvrir des parcelles de peau nu, alors que des rayures de poils séparent les bandes rasées colorées en vert. Je lève mon regard sur le type, remarquant enfin une pilosité étrange sur son crâne chauve.
Elle a collé un amas de poils sur sa tête...
Je secoue la mienne dépité par autant d'imagination. M'enfin, quand il faut passer derrière elle, généralement c'est pas du propre. J'écrase ma cigarette dans mon cendrier portable et grimpe dans la cabine, grimaçant face à l'odeur de pisse qui me percute. Je remarque une trousse de crayon et une de toilette éparpillée sur le tableau de bord. Elle m'exaspère.
— Bonjour monsieur ?
Son cri étouffé par le tissu m'indique qu'il demande de l'aide au lieu de se présenter. Pas très poli.
— Je vais t'appeler Gaston ! C'est très bien Gaston, comme prénom, me moqué-je de lui tout en gardant mon sérieux. Pour ma part, tu peux m'appeler Uriel.
Ses yeux s'agrandissent d'effroi quand je sors le couteau de son étui et que je fais tourner la pointe contre mon index. Je me perds dans la contemplation de la lame reflétant la lumière extérieure.
— Vois-tu Gaston ? Une leçon qu'il faut toujours retenir dans le corps de ton métier : il ne faut jamais faire confiance à une belle demoiselle.
Je relève la tête pour vérifier qu'il comprend ce que je lui dis. Son hochement frénétique me le confirme.
— Bon, avant que je ne te détache, je vais simplement récupérer ses affaires, les ranger et après tu seras libre comme l'air.
Ses yeux se ferment de soulagement. J'attrape le casque de Maxine et ramasse son sac avant de descendre de la cabine et de me diriger vers la voiture. Je balance tout sur la banquette arrière, puis retourne vers le camion. Je trouve une soute, contenant de l'essence en bidon. Parfait. Je retourne près du chauffeur, le front perlé de sueur tant la panique l'étreint. Tu peux avoir peur mon gros, tu peux.
— Ah, j'ai oublié une petite précision, indiqué-je en posant le bidon sur le bitume. Tu te doutes qu'en croisant la route de deux tueurs, même si cela ne t'a pas été révélé à proprement parlé, que ta vie s'achève ici, hein ?
Ses hurlements redoublent d'intensités. Je remonte dans la cabine, m'approche de lui alors qu'il a fermé ses yeux, prends mon couteau et glisse la lame contre sa carotide avec une lente précision.
— Uriel, l'ange exterminateur qui libère les hommes isolés de leurs karmas pourris, susurré-je à son oreille, tandis que je termine l'incision.
Un son guttural se coince dans sa gorge alors que je m'éloigne en sortant de la cabine. Je prends le bidon, l'ouvre et jette son contenu sur le chauffeur s'étouffant dans son sang. J'arrose au niveau du radiateur et le réservoir avant de m'éloigner en déversant le reste sur le bitume sur la distance que le liquide me permet de faire. Pas de trace, pas d'ADN. Je jette le bidon près de la remorque avant de me diriger vers mon coffre.
— C'est dommage que tu sois puni Maxine, tu vas louper un sacré feu de joie.
— Dès que je sors, je te jure que...
— Que tu vas m'obéir bien sagement pendant que je me vengerai ? Oh, d'ailleurs, faut que je contacte le boss pour m'ajouter au moins dix points aux compteurs, m'exclamé-je en riant.
Appuyer là où ça fait mal chez Maxine : le tableau des scores !
— Va te faire foutre !
— Par toi ou par Cendrillon ?
Son hurlement étouffé accompagne ses coups contre le coffre.
— Garde de la voix Maxine, je compte bien te faire hurler assez longtemps.
Je m'éloigne en riant, monte dans la voiture, la démarre et fais le tour du camion en m'arrêtant à hauteur de la ligne d'essence. J'ouvre imperceptiblement ma portière, me penche, briquet en main, puis fait rouler la molette dentelée, créant l'étincelle née de la friction entre le métal et la pierre. Elles trouvent le chemin vers le gaz libéré dans l'instant, une vapeur invisible, mais prête à embraser. Le gaz butane, contenu sous pression, s'échappe avec un sifflement à peine audible.
L'étincelle et le gaz se rencontrent, et dans ce contact fugace, une flamme naît, embrasant instantanément l'essence. La flamme se propage avec une rapidité vorace, trouvant sa voie sur le tracé sinueux laissé par l'essence répandue. Comme une créature affamée, elle suit le chemin liquide avec une précision implacable, rampant le long de la traînée, vibrant et crépitant.
Je ferme ma portière et démarre en trombe, appuyant sur la pédale pour monter dans les tours et m'éloigner le plus vite possible. Dans une explosion de lumière et de son, le feu atteint sa destination. Le camion, gorgé de carburant, est instantanément englouti par le brasier, transformé en une boule de feu gigantesque. L'onde de choc secoue la voiture, la chaleur déferle comme une vague, et les flammes jaillissent vers le ciel.
Mon regard fixe le rétro, hypnotisé par la puissance destructrice du feu que j'ai déclenché. Je m'éloigne en riant sous les coups répercutés de Maxine dans le coffre. Le nettoyage est fait, passons à la correction.
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