17- Sauterelle

Maxine

Le silence s'est installé entre le prêtre et moi. Surtout quand il s'est mis à rechigner en remettant sa croix à l'endroit. Eh oui mon coco, plus rapide que le fantôme n'y a pas. Et t'as pas été foutu de le remarquer quand t'es sortie de ta salle de bain en serviette. Purée, c'était difficile de maintenir mon aura meurtrière sur son dos musclé. J'en ai mouillé son boxer ! Va vraiment falloir que Tobias me file un tas de missions pour m'éloigner de ce gus.

Depuis, il n'a pas décroché un mot. Assis dans son fauteuil, me fixant dans les yeux, sans broncher. À ce jeu là, couillon, tu vas vite perdre. Vivement que je retourne chez moi. J'en peux plus d'être enfermé ici. Un jeu de clés s'enfonce dans la serrure. Mes prières au diable ont été entendues. Tobias apparaît avec Cendrillon. Oh ça pue, ça. Le boss plus l'interne, va falloir que je coure vite. Je glisse un regard sur eux. Franck les suit, et referme derrière lui tandis que Tobias lui jette un regard rieur en apercevant mes muscles se contracter.

— Bien dormi Max ? lance-t-il taquin.

Je le fusille du regard, lui faisant comprendre que je ne coopérerais pas. Je jette un coup d'œil par-dessus mon épaule. Calculant la distance séparant la fenêtre du toit d'en face. Trop long. À moins de m'éclater la gueule sur le bitume c'est tout ce que j'obtiendrais. Et me hisser sur les toits ? Pas simple avec ce survêt de merde trop large qui entrave mes jambes. Pas impossible, je me retrouverais simplement le cul à l'air et des crampes au bide. Je me glisse imperceptiblement sur le canapé pour me rapprocher de la fenêtre, mais ce fourbe de Tobias ne me connaît que trop bien.

Il envoie Franck s'asseoir sur le canapé, passant un bras par-dessus mon épaule pour me maintenir. Or, je saute sur mes pieds pour échapper à son emprise. Le tout, sous le regard du père mon cul qui ne comprend pas le p'tit jeu se jouant dans son appartement.

— Max ? Tu sais que c'est pour ton bien. Ne rends pas les choses plus difficiles, siffle Tobias hargneux.

Il se tourne vers Cendrillon :

— Mansur commence à préparer la perf, je vais la choper.

— Il est hors de question que tu me piques, ragé-je en m'éloignant.

Les médicaments feront très bien l'affaire, même si ce sera plus long pour me rétablir. Maudit métabolisme.

— Je ne comprends pas, indique le prêtre en trouvant sûrement étrange mon comportement. Je lui ai donné ce qu'il fallait à son réveil.

— Ça ne fera effet qu'un temps, réplique Tobias qui ne me lâche pas du regard en remontant ses manches. Elle a un organisme qui réduit à néant un traitement par voie oral. La meilleure des solutions c'est la perf pour la remettre sur pied. Le problème comme tu le vois, c'est qu'elle n'aime pas les piqûres.

Le prêtre tourne sa tête vers moi, un sourire narquois sur les lèvres. Purée, il va s'y mettre aussi. Mes yeux furètent partout à la recherche d'une issue. Franck est au niveau de la fenêtre et bloque l'accès. Tobias se met en position, et reste ancré devant la porte. Reste la salle de bain, mais pas de fenêtre dedans. Je lève la tête au plafond. Une trappe, comme dans mon logement. Mon billet de sortie.

— N'y pense même pas Maxine ! Soit tu te laisses faire, soit je te laisse ici une semaine avec monsieur Ray.

— Plutôt crever que de rester une seconde de plus ici ! rétorqué-je avec rage.

— C'est pas très gentil ça, qui va réaliser mon contrat après ça ? feint le curé blessé.

Rah, mais il me gonfle celui-là avec son contrat. Je recule quand j'aperçois Tobias avancer. Est-ce que je vais enclencher le mode lancé de boulet ? Oui, il y a de forte chance. Est-ce qu'il y aura des pertes ? Sûrement. Mes lèvres s'incurvent. Je me mets en position. Le boss repère mon changement d'attitude. Ses yeux pétillent d'excitation, tandis qu'il fait rouler ses épaules. À nous deux papa ours !

Elio

Plus jamais je ne m'attaque à sa santé. Pire qu'une sauterelle, y a pas. Elle a foncé sur Tobias sous mon regard surpris en voulant lui coller une droite. Or, celui-ci a paré son attaque en lui attrapant le poignet pour la maintenir, mais elle s'est glissée comme une savonnette entre ses bras. Je souffle, faisant face à un spectacle comique dans mon studio, tandis que Mansur reste pro malgré l'échange des deux. Et Franck, lui, il se marre. Ça lui rappelle sûrement des bons souvenirs ça. Un vrai poisson dans l'eau.

Je tente un pas pour la choper, mais à croire qu'elle a des yeux derrière la tête, qu'elle esquive le coup du boss, et glisse derrière mon dos. Passant son bras autour de mon cou en me maintenant contre elle.

— Si t'interviens toi, soit sûr que je fous un contrat sur ta tête, rage-t-elle entre ses dents.

Je me fige. Ma mâchoire tressaute. OK. Je pensais que c'était un jeu entre eux, mais visiblement, elle ne rigole pas.

— Lâche-le, siffle Franck en pointant son arme sur sa tempe.

Eh oui, ma jolie. T'as perdu. Franck veille toujours sur moi, même dans des situations les plus folles.

— Max, j'ai une mission assez importante pour toi, explique le boss. Plus vite tu guéris, plus vite tu pars.

Elle se crispe.

— Pourquoi pas la perche ?

— Il est puni, rit Tobias. Intenable de te savoir dans l'état dans lequel tu te trouves, je l'ai envoyé à Milan faire des emplettes avec Vava.

Un grognement mélangé à un gloussement sort de ses lèvres. Son souffle se répercute sur ma nuque, réveillant la bête sommeillant dans mon boxer. Bordel ! Pas encore. En plus, elle doit le sentir, car elle colle sa poitrine sur mon dos. Vas-y, enfonce le couteau là où ça fait mal. Je glisse un regard vers Franck, qui me scrute en fronçant les sourcils. Je ferme les yeux. Je ne voudrais pas utiliser la force contre elle, mais elle ne me laisse pas le choix.

— Deux choix Max, reprend le boss. Tu te laisses faire, et tu pars avec Damien en mission dans trois jours, ou tu continues avec les médicaments et je te colle le prêtre au cul en vous punissant tous les deux.

— Pourquoi moi ? rétorqué-je surpris.

— Tu poses vraiment la question, rappliques Franck. Dois-je te rappeler que vos conneries ont mené à ça ? désigne-t-il la furie derrière moi.

Un point pour lui. On n'y est pas allée de main morte, montant crescendo les enchères. Cependant, Cerbère ne démord pas et campe sur ses positions.

— Aucun des deux, siffle-t-elle. Vous allez me laisser rentrer chez moi. Regarder mes séries à la con, pendant que je me viderais sur les chiottes...

Un grondement sonore nous parvient aux oreilles, signe significatif que ses boyaux se tordent. Je l'entends pester entre ses dents. Rien que le fait de penser aux toilettes, ça a fait réagir son organisme incontrôlable. Mansur, qui reste en retrait depuis le début, s'approche avec la perf. Or, elle se recule, m'entraînant avec elle.

— Max, je poserai des jours pour rester avec toi si tu veux, mais laisse-toi faire s'il te plaît, supplie-t-il.

— Tu ne peux pas, t'as tes examens qui approchent, crache le boss.

J'aperçois Franck se déplacer sur le côté pour la prendre à revers, tandis que Tobias s'avance pour la faire reculer. Mon lit est pas loin. Si on s'approche assez, je pourrais la faire basculer dessus, vu qu'elle s'accroche à moi comme une bouée de sauvetage.

— Le premier qui me touche je lui chie à la gueule, grogne-t-elle.

Tobias souffle. Il lève la main pour stopper tout le monde, puis il glisse un regard vers Franck qui se met à sourire. Perturbant Cerbère qui ne comprend sûrement pas leurs manèges. J'avoue être aussi dans le flou. Je tourne la tête vers mon gorille et remarque qu'il a ouvert ma fenêtre en passant devant. Ça pue.

— T'as pas osé Tob...

La pression se libère au niveau de mon cou en même temps qu'elle s'écroule sur le sol. Je me tourne vers elle. Inconsciente. Une fléchette tranquillisante dans la cuisse. Je regarde en extérieur et aperçois son collègue se redresser sur le toit d'en face. Une belle bande de dégénéré. Son boss lui a fait croire qu'il était parti, mais en faite il l'a missionné pour la coincer.

— Aux grands maux, les grands moyens, indique Tobias en soufflant. J'ai intérêt à l'envoyer loin, très loin en mission pour éviter de me prendre le revers. Car s'il y a bien une chose à ne pas faire avec elle, c'est lui planter des aiguilles.

Je comprends ceux ayant une phobie des piqûres, mais là ça cache un truc. Je plisse les yeux sur elle, tandis que Mansur s'attelle à lui mettre la perfusion. Franck l'a récupère dans ses bras et la couche par la suite dans mon lit. Je fronce des sourcils, puis me retourne vers le boss.

— Ah, mais quand je disais que tu allais la surveiller ce n'était pas une connerie. Que ça vous servent de leçon à tous les deux, informe le boss en croisant les bras sur son torse. Par contre, je te préviens, elle va avoir un sommeil très agité, et Damien ne pourra pas être là pour la calmer.

Il se retourne en partant avec l'interne, mais avant qu'il ne referme la porte, il donne une dernière consigne :

— Damien l'a récupère dans trois jours, essaie de ne pas mourir d'ici là.

Mon sang se glace quand il ferme la porte. Franck s'approche de moi et pose une main sur mon épaule.

— Je reste ici pour veiller avec toi, va te détendre sur tes écrans.

Maxine

C'en est trop. Je ne supporte plus de le voir. Qu'il arrête de venir. Je n'en peux plus de regarder ses murs où les croix en bois sont fixées dessus. Il va encore intervenir. Que quelqu'un m'aide. Les ongles de mes petites mains grattent le parquet en bois. Seule. Je suis seule dans cette pièce vieillotte. Sur un pauvre matelas miteux. Avec mon mouton en peluche qui lui manque un œil. Arrêtant de compter les jours. Ses pas grincent au-dessus. Je ne peux m'empêcher de geindre. Les larmes roulent sur mes joues. Mes frêles petites joues. Apeurée. Dans un vieux tissu recouvrant à peine ma peau.

Les marches des escaliers craquent sous son poids. Il s'approche. Non. Pas encore. Je me recroqueville dans un coin. Le déclic de la clé dans la serrure se répercute. La porte s'ouvre dans un grincement. Le voilà. Se tenant debout dans l'ombre. Sa seringue dans les mains. Il sourit à pleines dents. Mon cœur se serre, mes sanglots s'intensifient. Je serre ma peluche contre ma poitrine à peine naissante.

C'est l'heure du bain, susurre-t-il profondément.

Je tremble. J'ai peur. Son ombre s'abat sur moi, étouffant mon cri de terreur...

On me secoue avec violence. J'ouvre les yeux dans la pénombre, cherchant autour de moi son ombre. Mais c'est Elio qui se trouve au-dessus de moi. Mon palpitant bat à tout rompre. La sueur me colle au front. Il se décale, me laissant me redresser. Respirer. Sans que je lui dise, il me ramène mon paquet, mon feu et un cendrier.

Je l'allume les mains tremblantes. Montrant sans mon consentement la pire de mes faiblesses. J'inspire une grande bouffée, évacuant ce maudit souvenir de ma tête que je prends entre mes mains.

— Un cauchemar ? demande le prêtre en ramenant sa chaise près du lit.

Je glisse un œil sur lui. Il a un casque autour du cou clignotant de plusieurs lueurs avec un crâne sur la coque. Pas commun ce prêtre. Un pull à capuche large et un survêt. Je ne réponds pas à sa question. Cauchemar est un faible mot. Je reprends une bouffée.

— T'as pas un ordinateur sous la main ? interrogé-je sèchement en ne voulant pas m'étaler sur le sujet.

— Pas dans le logement, répond-il sur le même ton.

Donc pas de distraction pour me changer les idées. Mes mains me démangent. J'ai besoin de tirer. Cependant, je sens que ça me tire dans les veines. Je regarde le dessus de mon poignet et remarque le sparadrap maintenant la perf en place. Il va me le payer le boss.

— Combien de temps suis-je ici ?

— Deux jours, avec des réveils par intermittence et plutôt violent, souffle le prêtre après un temps de silence.

Violente. Donc ce n'est pas le seul souvenir qui remonte. Et si je ne m'en rappelle pas, c'est qu'ils ont encore des tranquillisants. J'arrache la perf de mon poignet, puis me lève du lit en vacillant légèrement.

— Tu devrais te recoucher, indique-t-il en se levant et posant une main sur mon épaule.

Je le fusille du regard. Il est hors de question que je reste une minute de plus ici. Soit il bouge de mon chemin, soit il s'en mange une. Or, il ne bouge pas. Maintiens mon regard. Sérieux. Trop sérieux. Le saurait-il ? Impossible ! Seul lui sait et il est mort et enterré. D'ailleurs, faudrait que je fasse un p'tit tour sur ça tombe, ça fait longtemps.

— Maxine, tu dois rester encore quelques heures, après ton collègue viens te chercher, informe le père mon cul.

La perche va venir ? Youpi, gros contrat en perspective. Je me défais de sa prise et le contourne, repérant des vêtements sur le canapé. Mes vêtements. Je me sens sous les aisselles et rechigne en repérant l'odeur nauséabonde que je dégage. Diantre, je n'ai pas pris de douches depuis belle lurette. Je récupère mes fringues et file dans sa salle de bain. Oh joie de me laver de ce cauchemar. Plus qu'à réfléchir à comment je vais m'échapper d'ici. Un sourire se dessine sur mes lèvres, une idée me vient en tête.

J'éteins l'eau. Pose délicatement son savon sur le sol et mon pied dessus. Le bruit de ma cascade va l'interpeller. Et à en juger la précipitation de l'autre côté, ça a fonctionné. La porte s'ouvre à la volée. Ses yeux s'agrandissent d'effroi en me découvrant les quatre fers à l'air, recouvert à peine de la serviette. Bon samaritain qu'il est, il va vouloir me secourir.

— Tu ne t'es pas fait mal, tend-il la main pour m'aider.

Erreur mon cher. Ne jamais baisser sa garde avec moi. Caché sous dans mon dos, je tiens son rasoir. Je saute sur lui, le basculant en arrière, nu comme un ver et plaque les lames contre sa gorge. D'abord surprise, sa mâchoire se crispe tandis qu'il plisse les yeux.

— Tu vas me rendre mes clés, et me laisser retourner chez moi père mon cul.

Le regard fixé sur moi, il ne bouge pas d'un pouce. Sa main se lève en signe de soumission. Il reste impassible, ne craignant aucunement mon aura. Bon toutou.

— Habille-toi, les clés sont dans la coupelle de fruit Cerbère, rétorque-t-il le souffle court.

Je penche la tête sur le côté en entendant le surnom. Incurvant mes lèvres en plissant mes yeux sur lui. Rien de plus dangereux qu'une femme à poil sur un homme qui ne contrôle pas son engin. Je me délecte de sa position. Me penche à son oreille, compressant ma poitrine sur lui, appuyant la lame contre son cou qui se tend sous la pression.

— Sage décision, murmuré-je à son oreille, mon souffle tiède sur sa peau.

Son corps se tend instinctivement. Un homme reste un homme, quels que soient ses principes. Il baisse son bras, effleurant légèrement ma cuisse, m'électrisant à son contact, mais ne perdant pas de vu mon objectif. Me faire la malle. D'une voix menaçante, je le préviens, le rasoir toujours à la main :

— Tu vas rester ici. Si tu essaies de bouger, je ne te raterai pas.

Il hoche la tête, ses yeux ancrés dans les miens. Je me lève, mets la serviette autour de mon corps et récupère mes affaires. Je m'avance vers la porte, puis récupère les clés là où ils les avaient indiqués. Hors concentré sur mon objectif, je ne l'entends pas se déplacer et me plaquer contre la porte. Dangereux de me prendre à revers. Il colle son torse contre le mien, me dominant de sa hauteur. Bloquant mes bras dans sa poigne. Mon pouls s'accélère.

Et merde !

À jouer avec le feu, je me suis grillé toute seule. Comme une grande. Son regard ne trompe pas. Il est dangereux. Or un déclic si reconnaissable à mes oreilles s'entend derrière la porte. La perche est là. Et le prêtre la perçut aussi. Il se décale, ne me lâchant pas du regard. Malheur à celui qui m'a mise dans la peau d'une donzelle. Ça a ses avantages, mais aussi ses faiblesses. Je claque ma langue sur mon palais et l'abandonne. Seul, dans son misérable taudis. Tandis que je retrouve les bras de Damien qui me fixe de son regard noir, la mâchoire contractée. Jaloux ? Oui. Mais il sait que je ne lui appartiens pas. Je n'appartiens à personne. Ma vie n'est qu'une sombre ruine. Un champ de mines. Un désert de sang. Une bataille de connerie. 

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