13- Affront
Maxine
Assise dans mon lit, je regarde et regarde la vidéo du panneau publicitaire sur mon ordinateur portable. En tailleur, le coude sur le genou et le menton appuyé sur ma main, je scrute, image par image, la demoiselle avec sa tête de chien. Pas de signature, rien. Pourtant, ça correspond bien au genre de Snake.
Trois jours que je suis dessus à l'analyser de fond en comble. Perdant le sommeil, enchaînant les clopes, me gavant de caféine et de chips. J'ai bien tenté de me mater une série ou d'emmerder la vieille du rez-de-chaussée, mais non. Il m'obsède.
Je regarde l'heure au coin de mon écran et vois qu'il est quatorze heures. Je souffle. J'attrape mon paquet pour m'en griller une nouvelle. Vide. Je prends mes mains dans mon visage en râlant. Or un son me sort de mon énervement. Je redresse la tête. Un E clignote au milieu de la vidéo.
Je fronce des sourcils. Il se manifeste. Il n'avait rien fait depuis samedi soir. Plusieurs lettres s'affichent sur mon écran : tu as vraiment de la merde dans les yeux, et ça se dit tueuse.
Je serre les poings. Une flèche clignote sur le point du i de chienne. L'image zoom sans que je fasse quoi que ce soit. Sa signature était ici depuis le début. Mes jointures blanchissent. L'image recule et zoom de nouveau sur la petite culotte en dentelle rose, pointant un petit diamant que j'avais pris pour une fantasy. Or, un serpent se mord la queue avec sa lettre gravée sur la pierre.
— Purée ! Pétard de pétard. ragé-je en frappant mes poings sur le matelas.
Je n'ai pas osé montrer la vidéo à Tobias. Il les aurait repérés en un instant. Plus sérieusement, il se serait foutu de ma gueule plusieurs semaines après ça. Déjà, qu'avec les croquettes, c'était limite, mais là, il a dépassé les bornes. L'image se recule. Il continue d'écrire. La barre clignote sous mes yeux. Il semble réfléchir. Il joue avec mes nerfs. Fixer cette barre me rend dingue. Mon esprit se perd, m'imaginant que cette barre est une corde balançant Elder au bout, m'en servant de punching-ball pour y passer mes nerfs. Le torturant en laissant la vieille bourrique lui lécher les pieds... Il écrit.
« Accepte le contrat et je te fous la paix. Refuse, et la descente ne sera que plus rude. »
Un rictus se forme. Il s'est dévoilé. Il me surveille, mais ne s'était pas encore totalement mis à nu. Maudit, sois-tu, Elio. Un espace avec oui et non est affiché. Me laissant libre de lui répondre. Il peut toujours s'enfoncer la croix de son seigneur au plus profond de son cul, je n'accepterai jamais de bosser pour un prêtre. Je lui réponds comme il se le doit en face de la case non :
« Va te faire foutre ! »
L'écran s'éteint. Il a compris. Mon téléphone vibre. Je glisse mon regard dessus. Un appel. La perche. Je ne réponds pas. Il insiste. Je lève les yeux au plafond. Je décroche :
« En plein ébat ? » demande-t-il souriant.
— Non, je vais me chercher des clopes, je suis à sec.
« Je suis arrivé, chez moi ou chez toi ce soir ? »
Je regarde l'état de mon studio. C'est le bordel. Cendrillon se demande comment je fais pour qu'au bout de quelques jours mon taudis ressemble à une déchetterie. Je souffle. Je voudrais bien voir sa tête quand « la fille » de Ginette va se pointer. Je regarde l'heure et réponds à la perche :
— Chez moi, mais faut que je demande à Cendrillon de m'aider.
« Laisse-le se reposer, m'informe-t-il, je vais le faire à sa place. Tu n'auras plus qu'à me remercier. »
Je devine sans mal son sous-entendu et cela fera une belle transition pour ce que je lui prépare.
« J'arriverai vers dix-sept heures, désencombre en attendant. »
— Ça marche.
On raccroche. Je file sous la douche. M'habille et sort en récupérant mes clés. Je tombe nez à nez devant le prêtre. Il a les mains dans les poches, me fixant sérieusement. Le dos appuyé sur sa porte. En plus de m'emmerder derrière son écran, il vient en personne.
— Accepte !
Ma mâchoire se serre. Je rabats ma capuche sur la tête. L'ignore et passe devant lui. Il m'attrape le poignet. Je glisse mes yeux menaçants sur lui.
— Non.
Il me lâche. Je décale les mains dans la poche, serrant mon pique-cheveux. Descends les marches. Je ne vois pas pourquoi il insiste tant à ce que ce soit moi. Des tueurs à gages, il y en a à la pelle. Pelle ? Oh, nouvelle idée en perspective. Je passerai à la quincaillerie, faire un petit achat. Je vérifie la monnaie dans mon portefeuille en me dirigeant vers le buraliste. J'ai assez, mais je dois faire des courses.
Après avoir récupéré ma cartouche, je file au distributeur. Tape le montant que je veux retirer. L'écran s'affiche en rouge indiquant : vous n'avez pas les fonds nécessaires. Je me fige. Réitère la manœuvre. Même message.
— L'enculé ! hurlé-je devant la machine.
Les passants me regardent comme une folle. Il y a de quoi en même temps. Il m'a vidé mon compte, mais il me prend pour un lapin de trois semaines. Je garde toujours une partie de l'argent planqué dans mon studio. Obligé d'y repasser. Je souffle. M'allume une cigarette qui soulage passagèrement mon irritation. Il va voir ce qu'il va voir.
Elio
Je ris derrière mon écran. Sa tête se décomposant devant le distributeur valait le détour. Son argent dort tranquillement sur un autre compte. Je pianote sur mes touches pour mettre en place mes prochaines actions. Elle doit accepter. Plus vite, c'est fait, plus vite, je disparaîtrai de sa vie. Père Gustave m'a prévenu quand je l'ai vu samedi dernier. Ça ne va pas être simple. D'où la décision avec Franck d'empiéter sur son terrain. Après un débat musclé avec lui, il a accepté de travailler au Torb'j. Pendant ses soirées, je resterai ici à la traquer. En sécurité.
Je m'adosse au dossier de ma chaise en soufflant. De ce que j'ai entendu de son appel, son collègue sera avec elle ce soir. J'hésite à les écouter. Sa présence ne me fait pas de cadeaux. Elle hante mes nuits. Mais il ne faut pas que je m'égare.
Ça sonne à l'interphone. Je fronce les sourcils. Me demandant qui cela pouvait être. Je regarde l'heure. Seize heures trente. Elle n'est pas revenue dans son appartement. Je décroche et entends des voix.
« Je cherche père Ray, » indique une voix féminine.
Je ne la connais pas. Mais reconnais celle de la concierge qui se mêle de tout.
« Il doit être chez lui, je vais vous accompagner, ma sœur. »
Ma sœur ? Une paroissienne ? Ici ?
Je m'active à quitter mon antre, et remonte dans mes appartements. J'enfile ma chemise noire, puis accroche mon col quand j'entends sonner à la porte. Je regarde par la lucarne et vois effectivement une bonne sœur derrière Gertrude. J'ouvre, méfiant, mais accueillant.
La vieille avec ses doubles vues me sourit de ses lèvres ridées. Se sentant obligé de me baiser les pieds en signe de respect. Elle me confond avec le pape.
— Mon père, cette jeune sœur désire s'entretenir avec vous.
Je regarde la sœur. Couverte d'une ample tunique longue jusqu'aux chevilles, avec des manches larges. Une ceinture comme la bure des frères lui enserre la taille, ne dévoilant rien de ses formes. Elle porte le voile, symbole d'humilité, de chasteté et de pudeur qui encadre son visage oblong. Simple, sans artifice. Les yeux noisette. Les lèvres fines. La guimpe souligne ses traits, cache ses cheveux et entoure son cou. Elle a une fossette creusant son menton.
Ses mains, posées devant elle, tiennent un chapelet avec la croix et un M gravé dessus. Aucun doute de son authenticité. Je remercie Gertrude pour sa sollicitude, et invite la sœur à entrer, refermant derrière elle.
— Souhaitez-vous de l'eau, proposé-je en me dirigeant vers la cuisine.
— S'il vous plaît.
Je sers deux verres et me retourne en lui en tendant un.
— Que puis-je faire pour vous ? interrogé-je, soucieux de sa présence.
Elle porte son verre à ses lèvres. Lentement. Ne prends que quelques gouttes, avant de le poser sur la table. Hésitante. Tremblant légèrement. Que lui arrive-t-il ?
— Je...
Elle se retourne en rougissant. Je fronce des sourcils.
— Mon père, je suis en proie à des démons, murmure-t-elle.
Je m'approche d'elle, posant mon verre au passage sur le comptoir. Je pose ma main sur la sienne, apportant mon soutien dans son trouble. Il n'est pas rare de voir des sœurs en proie à des doutes. Elle relève sa tête sur moi, croisant ses yeux larmoyants dans les miens et me fuit en s'approchant de mon lit.
— Pardonnez-moi, mon père, car j'ai péché.
Je la rejoins alors qu'elle joint ses mains après avoir prononcé les mots : au nom du père, du fils et du Saint-Esprit. Tout en y faisant les gestes. Je me fige quand elle se retourne, ne percevant plus la même lueur dans son regard. Elle m'attrape par les épaules et me bascule sur le lit. D'où lui sort cette force.
— Vous m'excitez, mon père.
Elle m'embrasse, forçant le passage de mes lèvres pour y insérer sa langue rugueuse. Je me débats sous elle, tandis qu'elle glisse sa main sur mon membre qui se redresse malgré la situation. Elle gémit.
— Lâchez-moi, ma sœur.
J'arrive à la repousser. Elle bascule sur le côté en se rapprochant du mur.
— Mais ça ne va pas ? fulminé-je. C'est contraire aux ordres.
Elle soutient mon regard à quatre pattes sur mon lit. Dansant de ses épaules en se léchant les lèvres. Je me contiens d'être trop brusque avec elle.
— Mon péché est de vous désiré, mon père.
— Vous devriez voir une autre personne qui pourra mieux vous aider que moi.
Elle pose un pied sur le sol, et s'avance lentement alors que je recule. Cette sœur est complètement possédée. Mon dos heurte la porte d'entrée et ma main tente de trouver la poignée, mais elle me rattrape en se saisissant de ma bouche. Me léchant les joues. J'ai la nausée. Envie de vomir. Elle m'attrape la main qui tâtonne la porte et la glisse sous sa tunique pour la positionner sur son sexe.
Mes yeux s'écarquillent d'horreur quand je sens un membre viril. C'est un homme travesti. Il baisse mon pantalon pour s'abaisser à hauteur, mais je le repousse. Il tombe sur son cul en grimaçant.
— Qui êtes-vous ?
Je hurle. J'enrage. Je ne supporte pas ça. Or, j'entends un rire sarcastique dans le couloir. Je me retourne et ouvre la porte à la volée. Elle est là. Les yeux plissés. Un sourire diabolique placardé sur ses lèvres.
Un homme derrière elle. Le barmaid à la gueule d'ange. Il me fusille du regard. Elle s'approche, regarde par-dessus mon épaule. Se recule en murmurant :
— Échec et mat !
Mes poings se serrent. La pseudo-sœur sort dans le couloir. Je tremble. Mes oreilles bourdonnent. Elles échangent un regard complice, alors que Max lui tend une enveloppe. L'intrus me regarde en s'essuyant le coin des lèvres, faisant croire qu'il m'a fait une fellation. Enfonçant plus le clou sur ma blessure.
— Quand tu veux, Max, si tu requiers mes services. Il pose son doigt sur mon nez. À bientôt, mon chou, au plaisir de te revoir.
Il me fait un clin d'œil et s'en va. Je n'y ai vu que du feu. C'est irrévocablement la chienne de Lucifer pour me faire un coup aussi bas.
— Disparaît, sans tenter d'obtenir quoi que ce soit de ma part, menace-t-elle.
Elle se retourne et rentre dans son studio avec le barmaid. Je retourne dans mon logement, tremblant par cette mésaventure. Mes signaux d'alerte m'indiquant que j'ai failli me faire violer par une catin travestie et de surcroît engagée par le diable. Je tombe à genou devant la croix de mon seigneur, lui promettant qu'elle me paiera cet affront.
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