Chapitre 27 - Handkili
— Galenn ! appelle Dame Tarra, la mine soucieuse et les yeux inquiets.
— N'aie crainte, Dame. C'est mon amie.
D'un geste spontané, Galenn prend Kalya dans ses bras avec soulagement. Puis, réalisant son mouvement, il se recule et tente de capter le regard que la jeune femme garde au sol.
— Mais, que fais-tu ici ? demande le Guerrier alors que la jeune femme reste muette.
— ...
— Ça va, Kalya ?
Le jeune homme s'inquiète. Puis Kalya murmure, en remontant doucement son regard vers les yeux bleus :
— J'imagine que Handkili m'a envoyée ici, suggère-t-elle en hésitant.
— Tu vas bien ?
— ... oui. Je me sens un peu perdue, répond-t-elle en jetant un œil vers la Dame. Qui est-ce ? Où sommes-nous ?
— Nous sommes en sécurité, Kalya. C'est une dimension magique crée par Virko.
— Une... dimension magique... non. Cela ne se peut pas ! Virko m'aurait...
— Je sais que tu y as souffert la dernière fois, murmure Galenn en lui prenant la main. Mais, celle-ci est différente. Nous sommes en sécurité, je te le promets. Cette Dame est mon ancêtre de par mon père. Elle m'affirme que je suis le Breïss des Trois Lunes, comme elle.
— Dame Tarra, fait la voix de la jeune femme avec un accent quelque peu surpris.
— Tu la connais ?
— J'ai dû en entendre parler... par mes parents j'imagine, répond la jeune femme précipitamment. Mais, n'as-tu pas dis que tu ne voulais pas être Breïss ?
— Oui, je sais... mais cette fois, ce n'est pas pareil. Je... C'est mon ancêtre de par mon père, elle dit que mon héritage comprend ce rôle. D'ailleurs j'en suis l'héritier, comme toi pour le Royaumes de la Frontière des Eaux.
— Mais tu ne veux pas être Breïss, tu me l'as dit, insiste Kalya d'un air irrité.
— ...
— Galenn, reviens avec moi, suggère la femme en regardant Galenn jusqu'au fond de ses yeux. On retourne près des autres et on trouvera un bateau pour retourner sur le continent des Shoof... Nous pourrons vivre sans ces idées de Royaumes et de Breïss. Vivre à notre convenance. Je n'ai pas besoin de royaume. C'est seulement toi que je désire Galenn.
Galenn est sous le charme de cette aveu qui fait battre ses propres désirs. Son âme palpite sous les yeux profonds et doux qui l'englobent dans sa chaleur et l'ensorcellent. La jeune brunette l'entoure de ses bras si graciles et forts en même temps, puis la bouche aux lèvres désirables se pose sur la sienne en une caresse qui ferme les yeux de Galenn et lui fait tout oublier...
Kalya...
Un éclair strident explose dans la pièce. Instinctivement, Galenn revient à lui et encercle plus intimement la jeune femme de ses bras pour la protéger d'un danger dont il ignore la source. Les yeux du guerrier bronzé ont vite fait de se figer sur Dame Tarra, la paume ouverte et légèrement brillante, elle fixe le couple d'un œil mauvais.
— Dame Tarra ? Pourquoi ce geste ?
— Galenn ! Méfies-toi ! Ce n'est pas celle pour laquelle ton cœur bat !
— C'est Kalya, la femme qui m'a aidé dans ma quête. Elle a raison, je n'ai pas voulu être Breïss ! Ni de Royaume... Elle renonce aussi au sien...
Galenn replonge les yeux dans ceux de Kalya qui le tient doucement par le menton, bloquant son regard.
Dame Tarra murmure tout bas, comme si les mots avaient de la difficulté à franchir ses lèvres :
— Galenn ! Non ... Crois-moi.... Ce n'est pas... en fait c'est Handkili.
La Dame reprend son souffle ave difficulté, mais en serrant les poings, elle se relève enfin. Galenn, a prime abord choqué par ses affirmations, se rapproche de Kalya pour la protéger. Mais Dame Tarra poursuit, libérée de contraintes :
— Handkili est un être pernicieux, fait sa voix douce mais convaincante de vérité. Il était un humain ambitieux et calculateur, un grand mage qui désirait être le plus connu et le plus craint de tout le continent.
Le jeune homme se tourne vers l'habituel doux regard de Kalya mais il y voit briller une lueur de fierté et de convoitise qu'il n'apprécie guère.
— Kalya.
Elle tourne son regard vers lui et il se replonge dans les prunelles adorées qui lui renvoit l'amour et la douceur qu'il apprécie, avec cette pointe d'humour et de courage qu'il admire. Elle lui prend les mains et l'enveloppe de sa douceur. Mais la vieille Dame poursuit :
— Oui, tous les Royaumes, voilà ce qu'il désire. La suprématie sur eux. Il nous a tous trompés. Il est perfide et puissant car il a développé des charmes puissants qui lui donne le pouvoir de prendre l'apparence des rêves et souhaits de chacun d'entre nous. Une femme belle, envoûtante et désirée ou bien l'homme charmeur et dont le cœur et l'esprit nous enchanteront. Bref, il prend l'apparence voulue et nécessaire, quelque soit la race selon les espoirs et vécu de chacun. Pour toi, il aura l'apparence de Kalya...
— Tu mens vieille femme, lance Kalya en resserrant son étreinte sur un Galenn subjugué.
— Nous te sortirons aussi de cette dimension, Dame Tarra, promet le Guerrier, croyant que son aïeul est affligée par son désir de quitter ce lieu.
— Je ne peux en sortir et... tu le sais. Handkili ...
Les yeux de la Dame se sont accrochés à ceux de Kalya comme pour l'empêcher de bouger. Toute la volonté de la vieille Breïss est tendue dans ce but et semble y réussir : Kalya est figée, les bras ballants, le regard fixe sur celui de la Dame. D'une de ses mains brune et frippée, Tarra fait reculer Galenn, qui ne peut s'opposer à s'éloigner de Kalya contre sa propre volonté. La Dame, la sueur au front par l'effort de persuasion qu'elle lance vers ses deux êtres, s'approche de son descendant et touche du bout de ses doigts le collier de cristal au cou de Galenn :
— Vois mon petit fils....
Le cristal inonde alors la poitrine de Galenn d'une chaleur immense. Ce sont les racines de son ascendance qui y prennent vie, les lumières de ses aïeux qui lui sont offertes, le legs de toute une vie et davantage.
Soudainement, Galenn se sent libéré d'un poids immense, son esprit reprend un contrôle totale de sa conscience, il voit au delà de tout, se sent capable de tous les prodiges. Il s'éloigne même de l'emprise de Dame Tarra qui ne semble pas apprécier à sa juste valeur la téméraire Kayla. Le guerrier se retourne vers Kalya afin de la reprendre dans ses bras pour ressentir encore sa chaleur et admirer cette femme extraordinaire mais... ce qu'il voit le fait rempli d'horreur : l'être devant lui se métamorphose rapidement en une dizaine de personnes. Il y voit Kalya, Dame Tarra, un semblant de Virko, lui-même qui le regarde de ses yeux imperturbables.... Le guerrier recule, détachant son attrait de cet être qui n'est vraiment plus celle qu'il désire.
— Kalya ?
— Non, fait Tarra en s'écroulant de fatigue au sol. Kalya n'est pas ici. C'est Handkili : un mélange des espoirs et souhaits de chacun de nous, de ces êtres qui peuplent nos rêves et nos souvenirs. De ceux qui ont été, qui sont et qui seront ... peut-être. Voilà son plus grand pouvoir pour nous manipuler.
Sous leurs yeux, la créature sourit et son apparence vogue entre une dizaine d'apparence en un court instant, en esquissant un sourire mesquin et ratoureur :
— Dame Tarra est l'une des rares à avoir compris cette particularité de mon pouvoir. Si vous saviez ce que les gens sont prêts à faire pour ceux que leur cœur désire en secret.
Son apparence change encore : un roi, une courtisane, un enfant, un Géant bridé, une petite Shoof...
— Étourdissant n'est-ce pas ? Toutes ces envies innavouées, ces désirs enfouis. Tu sais, chacun a sa faiblesse qui lui fera faire les pires gestes. Que ne ferait-on pas pour un être cher. J'ai pris cette apparence pour charmer ta mère, petit Galenn.
Et le Guerrier voit son père devant lui. Il tend sa main et lui sourit avec tendresse, Galenn se sent envahit d'un amour inconditionnel, celui qu'il aurait tant aimé recevoir dans le village au lieu de la peur et de l'incompréhension de tous. Il est attiré vers l'homme qui le regarde avec les mêmes yeux que lui :
— Alors Fils, viens-tu pour régner près de moi ? Je te montrerai à te métamorphoser pour accaparer les gens autour de toi. Il viendront et t'obéiront comme tu le désires depuis si longtemps. Ils t'aimeront et te chériront. Pour une fois, tu mettras ton bras et ton épée au service de la seule personne qui compte vraiment... toi-même. Tu auras un but, un souhait profond.
Il prend alors l'apparence de Galenn. Le guerrier devant lui touche le cristal qui flamboie.
— Comme tu vois, je suis le plus puissant. Cette magie des Pierres est efficace, je l'avoue. Mais je suis plus qu'elle... comme toi. Tu es un Grand Guerrier. Voilà le seul pour qui il vaut la peine de recevoir toutes les cicatrices qui parsèment ton corps et ton âme ... oublie CE royaume que l'on te fait miroiter, Moi, je t'en offre six !
— Et mes amis, les gens des Royaumes ?
— Bah... nous les ramènerons sous une seule bannière. La nôtre. Réfléchis... la paix et la plénitude pour tous, dans le Royaume de Galenn. Tu n'auras pas à en être leur Breïss. Noooon ! Car ce sont eux qui te protégeront, ils formeront ton armée, tous unis, tu seras leur priorité, pour chacun d'entre eux, grâce au pouvoir que je pourrai te donner. Tu n'imagines pas ce que les gens peuvent faire pour la personne qu'ils entrevoit sous nos traits.
Galeen est fasciné, se regardant lui-même, plongeant dans ses propres yeux, qui lui font miroiter la possibilité de réunir tous les gens du Royaume en un seul. Fini les guerres et les affrontements, ils seront tous ensemble. Sous ses yeux éblouis, Kalya revient devant lui :
— Il a raison Galenn. Nous pourrions être ensemble. Pour toujours. Nul besoin de se battre et de combattre. Tous, ils nous suivront grâce à toi. Galenn. Je connais ton passé et je sais que c'est ce que tu désires. Et moi aussi.
Le jeune homme tend de nouveau sa main vers le beau visage de la brunette qui le regarde avec confiance.
— Montre ton vrai visage ! crie Tarra.
Un éclair blanc quitte les doigts de la Dame et frappe Handkilli... les traits de Kalya s'écoulent en poussière noire alors que Galenn aperçoit un instant une créature sans visage, sans traits, imberbe, aux yeux transparents et au visage multicolore et crispé de douleur ... ou de haine. Sa silhouette est difforme, claudiquante et effrayante en même temps.
— Handkili ! Tu n'a plus de force intime, déclare la Dame, tu n'as plus aucune identité propre, quelle déchéance !
— Pourquoi s'en faire, quand je peux avoir celle de celui que j'adopte.
Il se transforme alors en un homme que Galenn ne connaît pas, grand, brun, aux yeux noirs, qui regarde amoureusement et surplombe Tarra en s'approchant d'elle.
— Tarra, enfin je te retrouve, dit-il d'une voix de basse.
La vieille femme se recule et tente de cacher ses yeux afin de ne pas voir l'apparition. Mais la tentation est trop forte, l'aura trop attirante :
— Jilal, mon Roi bien-aimé, halète la vieille Dame en se détendant soudain, vaincue. Comme tes traits et ta présence m'ont manqués.
Galenn voit les mains de Jilal se poser sur le visage de Tarra. Celui-ci reprend doucement l'apparence de sa jeunesse. Les doigts poursuivent leur chemins et passent aux épaules, au dos et vagabondent sans gêne ainsi sur le corps de la femme, qui rajeunit et reprend toute sa beauté de ses jeunes années. La respiration de la Dame se radoucit alors que la fatigue et la douleur quittent ses traits.
— Voilà ma Douce. Tu n'aurais jamais dû me quitter. Nous resterons toujours ensemble maintenant.
— Toujours. Je...
— Dame Tarra ! s'exclame Galenn en portant une main sur son collier de cristal et de l'autre, il déguaine son épée du fourreau dans son dos.
Imperturbable, fixant toujours Tarra amoureusement, Handkili/Jilal repousse d'une pichenette magique le guerrier bronzé. L'homme se retrouve projeté sur une mur qui, sous le choc, devient translucide, avant de reprendre sa blancheur irréelle. Galenn se relève, circonspect par ce qu'il a entrevu. Il secoue la tête et donne ensuite un coup de poing dans le mur. Sous l'impact, le mur devenir inconsistant, inexistant.
Une illusion !
Impulsivement, il en approche le cristal. Le mur devient mou et transparent. Derrière, il ne semble ne rien y avoir. Alors qu'il s'en détourne, il voit Dame Tarra qui embrasse Jilal et profite de la tendresse et de la chaleur de ses bras.
— Dame Tarra, Breïss des Trois Lunes, lance Galenn d'une voix forte en s'armant de son épée et de sa dague.
La dame se recule du visage aimé avec un sourire amer.
— Je sais... Tout cela n'est qu'illusion ! énonce-t-elle en le repoussant.
— Dommage Vieille Tarra ! s'exclame le visage ricanant de Jilal qui lui plante une dague de cristal dans la poitrine.
— Nooon ! crie Galenn.
La Dame s'écroule au sol, alors que Handkili prend l'apparence de Galenn en lui ouvrant les bras.
— Il semblerait que nous serons seuls au pouvoir. Tu es un guerrier, tu dois comprendre cela.
Galenn se précipite vers lui, alors que le Mage prend l'apparence de l'Homme bleu.
— Tout le monde meurt autour de toi, Galenn le faible guerrier. Et il semble que tu veuilles mourir maintenant !
— Tu ne me battras pas une seconde fois !
Les deux combattants s'affrontent à grands coups d'épée qui résonnent dans la blanche salle des trônes. À chaque fois que Galenn pose fortement une partie de son corps sur les objets consistants de cette réalité : son corps, ses pieds, ses mains ou son dos, il constate l'instabilité de l'endroit.
— Ce lieu va disparaître Galenn de Nulle part, comme la Dame pour qui ce stupide Géant avait fait ce lieu. Elle se meurt et ce lieu disparaîtra avec elle. Comme toi.
Handkili / l'Homme bleu désarme Galenn de son épée. Il repousse la dague qui le menace d'une main, alors que de l'autre il porte la lame acérée de l'Homme bleu à la gorge de Galenn. Galenn sent ses forces l'abandonner, la lame entame la peau de son cou et le sang coule...
— Je suis plus fort cette fois, petit Prince de Nulle part, tu ne me tueras pas !
— Tu mens encore Handkili !
La Dame se relève sur un coude et lance un dernier sort. Dans la grande salle blanche, une tornade de vent et de feu tournoit et valse en emportant dans l'oubli les objets qu'elle touche au hasard.
Cette action déstabilise suffisamment le Sorcier pour que Galeen se dégage de son emprise. Mais, les forces manquent au guerrier et il s'effondre au sol. Le mage pose un genou sur la poitrine de Galenn et se retourne vers la Dame :
— Tu crois me nuire avec tes pouvoirs faiblissants, petite Breïss ! grimace Handkili en retenant, avec son poids, le corps de Galenn au sol.
Handkilli / l'Homme bleu se penche à nouveau vers le guerrier bronzé dont les cheveux noirs s'envolent en tourbillon autour de sa tête. Le Mage se relève d'un bond, en prenant le jeune homme à la gorge et le soulève comme un vulgaire pantin. Galenn tente de retirer cette main qui l'étouffe. Ses doigts touchent le pendentif de cristal qui s'est emmelé dans leurs doigts. Il le prend et le plante dans la main de Handkili. Immédiatement, l'Homme bleu disparaît et la créature reprend son apparence informe et transparente. Galenn se retrouve accroupit au sol, à reprendre son souffle alors que Handkili, tout rabougri, se tient devant lui.
— Même sous ma forme originale, je peux te détruire ! croasse-t-il.
Il se rue sur le guerrier bronzé avec l'épée de Galenn, laquelle se révèle très lourde pour la silhouette informe et claudicante. Cependant, les lèvres du Mage invoque en un murmure une ultime force qui lui permet de soulever la lourde lame au dessus de sa tête et il s'apprête à donner un coup fatal sur la tête de Galenn. Celui-ci rassemble ses dernières forces et se relève et il porte sa dague dans le cou palpitant de l'ennemi.
— Ton règne est terminé Handkili, grogne le mercenaire.
— Gamin, que fais-tu ? fait la voix de Leylias qui le regarde de ses yeux clairs.
— Non ! Ne prend pas l'apparence de ma Breïss !
Galenn enfonce davantage la dague dans le cou. La pointe étincelante s'y fraye un chemin jusqu'à l'artère de vie et un sang noir s'écoule de la blessure. Galenn abandonne son arme dans le cou de sa Breïss qui s'écroule au sol. Alors qu'elle se débat pour ôter la dague, elle implore Galenn du regard pour qu'il lui vienne en aide. Alors que le sang pulse dans sa bouche, que la femme tousse, s'étouffe dans le liquide vermeil et gargouille des supplications incompréhensibles, le guerrier récupère son épée sans un mot.
— Tu n'es pas Leylias, tu n'es pas Kayla, tu n'es aucun des êtres qui ont fait qui je suis, déclare Galenn d'un ton assuré. Tu n'es rien pour moi ou pour ce monde.
Avec un pincement au cœur, il observe l'agonisante et demeure penché sur elle pendant que sa respiration siffle et se fait de plus en plus laborieuse. Sous les yeux implacables de Galenn, l'apparence du Mage redevient quelconque et hideuse.
D'un geste las, le guerrier se penche et récupère sa dague. Les ayant rapidement essuyées, il remet ses armes au fourreau, puis il reprend le cristal sur la main rabougrie et le conserve dans son poing. Malgré que la chaîne en est brisée, le cristal émet encore une faible chaleur.
Galenn s'approche de la Dame alors que le corps inerte de Handkili ne cesse de changer d'apparence, le temps qu'il rampe définitivement vers la mort. Il prend l'apparence de Kalya un instant... mais le jeune homme l'ignore et détourne le regard.
Dans la salle des Trônes, la tornade de feu et de vent se calme. Le silence reprend sa place. Une odeur de poussière et de sable du désert envahie la pièce. Du coin où se meurt Handkili, une nuée de poussières noires s'élève en un ruban qui blanchit doucement en s'élevant dans l'air diaphane des lieux. Finalement, la salle royale reprend sa blancheur irréelle.
Galenn s'agenouille près de son aïeul et la prend dans ses bras. D'une main émue, il repousse les longs cheveux blancs du visage bronzé et parcheminé qui esquisse un léger sourire. La Dame se bat aussi contre sa fin :
— Mon dernier petit acte dans cette vie... qui a été bien trop longue en ses lieux, aura été de te protéger de toi-même.
Elle ouvre le poing de Galenn et regarde le cristal dans sa main. Du bout d'un doigt tremblant elle répare magiquement la chaîne qui le soutient puis elle referme les doigts de son descendant sur l'objet miroitant. Le cristal devient d'une chaleur consistante puis se rafraîchit dans la paume du Guerrier.
— Voilà ! Je t'ai tout légué, Roi et Breïss des Trois Lunes. L'ennemi qui nous a poursuivi sur plusieurs générations n'est plus. Virko, ce vieux chenapan, a eu raison de nous réunir en ces lieux. Il savait ce qu'il faisait pendant tout ce temps. Il avait un ultime but. Puisses-tu assurer aussi ta descendance, car il semble que cela soit une force non néligeable...
Sa voix faiblie alors qu'elle esquisse un petit rire en fermant les yeux. Galenn expose le collier de cristal et tente de le remettre au cou de la vieille Dame. Mais, d'une main douce et ferme, elle le repousse vers lui.
— Ce cristal saurait te soigner, proteste Galenn.
— Non, j'ai trop longtemps attendu ici, je dois rejoindre nos ancêtres. Je vais te renvoyer dans la réalité avant que ce monde d'illusion ne se délétère sous tes doigts.
— Dame Tarra...
— Je me meurs et je refuse de te faire mourir avec une vieille dame.
— Tu es une Breïss puissante, tu saurais me montrer...
— Oui, une Breïss, soupire Tarra avec une quinte de toux. Alors, jeune Roi, laisse-moi être une Breïss une dernière fois... pour toi... pour mon peuple et tous les royaumes que tu guideras...
Il la voit, de la force de ses mains tremblantes, enlever d'un coup la dague de cristal de Handkili de sa poitrine. Elle tend l'arme vers son descendant.
— Ceci ne doit pas rester en ces lieux, ni près de moi. Tu t'en débarrasseras de manière adéquate.
— Comment ?
— Tu sauras.
Elle pose une main sur la tête du guerrier et Galenn sent ses souvenirs affluer vers elle. Le visage de la Dame s'éclaire en les parcourant.
— Toute cette jeunesse, tous ces mondes devant toi... Tu auras un bel avenir maintenant. Je te retourne là où tu aurais dû être sauvé.
— Dame Tarra, je... serai digne de ta confiance, ajoute Galenn en posant son front sur ses mains ridées.
— Je le sais, fils... Va...
Galenn se sent s'évaporer comme une rosée au soleil. La dernière image qu'il capte de sa vénérée aïeule est son visage qui se repose comme une mer de fin de journée, ses paupières se refermant à jamais sur son regard de ciel. Il entrevoit un instant la beauté puissante et vénérable de cette femme.
Puis, un tourbillon de lucioles dorées l'emporte.
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Gaïa;)
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