CHAPITRE 25 - Le Prince
Dans le désert, un épais brouillard de poussière blanche se déplace tel un bataillon de guerriers aux trousses de quelques ennemis. Ou ne serait-ce que des compagnons qui volent au secours d'une amie ?
En fait, ce sont les destriers de Galenn et de ses compagnons qui suivent avec alerte le vol de l'oiseau de proie de Dame Tajli, lequel est revenu avec, dans son bec, un brin du foulard rouge de Ja ainsi qu'une tige d'un arbrisseau : il y a un oasis et Ja y est !
Au lever de l'aurore, dans le ciel rosissant, retenant leurs soif et fatigue lancinantes, le groupe s'est alors élancé sans hésiter sur les traces de la Petite Shoof. Galenn et Xen sont en effet fâchés contre la témérité de Ja mais tout aussi admiratifs de sa découverte. Reste maitenant à la rejoindre au plus vite. Les bêtes sont aux limites de leurs forces et les cavaliers aussi.
Les destriers sont de robustes bêtes mais Leky ne les lancerait pas ainsi dans une course dans un désert de rocher blanc s'il n'avait foi en le rapace de sa belle-sœur.
— Il a un nom ton oiseau ? demande Val à Talji ?
— Un nom ? répond la Dame, tout en conservant l'allure de sa monture, en jetant un œil surpris vers la Shoof sur son épaule.
— Ben oui, un nom. Comme nous quoi ! Talji, Galenn, Val. Un petit car il est petit, comme le dit Ja.
— On ne donne pas de nom aux favoris de compagnie. Il est l'oiseau de Talji, voilà.
— Je trouve cela dommage quand même. Il est gentil, courageux, persévérant, intelligent et fidèle . Il mérite d'être reconnu par un nom à lui, il me semble.
Un silence se fait, pendant que Val réalise que ses réflexions ont peut-être été à l'encontre de coutumes qui ne sont pas les siennes. Dame Talji reste muette un grand moment, alors que son destrier donne tout ce qu'il a pour les mener là où ils le désirent.
— Je devrais donc aussi nommer mon destrier, murmure la femme. Car toutes les qualités que tu donnes - et tu as raison Val - à mon favori, s'applique aussi à ce brave destrier.
— En effet, ma Dame, il nous sauve probablement la vie en ce moment.
Un autre silence.
— Comment choisir un nom ?
— D'après ce qui le caractérise, ce qu'il t'inspire ou selon ton inspiration du moment. Un nom qui te plaît et qui lui appartiendra.
— Un favori ou un destrier qui posséderait quelque chose...
— C'est dans la tête de ceux qui l'appelle, ce n'est qu'un nom. Mais il l'identifie et le différencie des autres de son espèce.
— C'est si important ?
— Je suis parti de mon clan pour cela. J'en suis bannie à cause que je croyais cela. Nous sommes tous différents, Dame Talji. Ainsi, je te nomme ainsi pour te démontrer ta différence par rapport aux autres femmes de ton peuple.
— Voilà une réflexion nouvelle.
Un long silence se fait, seulement habité par la respiration forte et rythmée de leur monture et le mouvement de leurs trois corps dans cette course effrénée.
— Je nommerai donc mon favoriton Crii. Comme le son qu'il émet le matin pour me réveiller et que je fais aussi pour l'appeler quand il vole dans le ciel.
Le bruit des sabots sur le sol blanc et dur emplit les oreilles des cavalières. Talji rattache d'une main son foulard d'ambre. Val se replace sur son épaule pour éviter au maximum la poussière blanche.
— Et mon destrier ? Comment nommer une bête aussi grande et imposante. Un seul nom ne peut le représenter ?
— Hummm, réfléchit Val. Que dis-tu de Jil ? Ou Flèche ? Ou...
— Je choisis Djil, une consonance qui me plaît et qui lui plaira. Elle ressemble déjà aux sons que je fais dans la langue des cavaliers pour le metre au galop.
— Alors, cours Djil ! s'écrie avec entrain Val. Nous avons une Shoof à retrouver !
Le destrier semble agrandir le pas et mène la course devant la Compagnie, alors que les yeux de Talji sont fixés sur Crii dans le ciel qui indique la route.
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Les six montures ralentissent au pas au vue d'un oasis de verdure dans la blancheur du désert de roche. Galenn a sorti son épée et Kalya s'est emparé de son bâton alors que les quatre représentants des Destriers ont encoché une flèche dans leurs arcs.
Doucement, ils pénètrent dans les premiers fourrés qui bordent la lisière de l'oasis. L'œil aux aguets, ils se faufilent dans l'épaisseur grandissante de la forêt.
— Où se diriger, murmure Mirkoum, tous les auras sont mélangés. Ils sont d'une telle intensité !
— Suivons Crii ! ordonne Talji, puis elle ajoute devant le regard curieux de son conjoint, c'est le nom que je donne à mon favori.
— Ah ! Suivons... Crii, donc.
L'oiseau au pelage blanc se découpe sur la verdure et n'est pas difficile à suivre. Il vole d'arbre en arbre, les attendant, perché sur une haute branche. Les cavaliers conservent leurs armes prêtes, mais l'animation naturelle des lieux, de par les oiseaux et les animaux, leur indique qu'aucun intru, sauf eux-mêmes, n'en dérange la quiétude.
Ils découvrent en premier le lac et dirigent leur montures vers les rives de celui-ci. Cependant, ils ont des craintes de s'y abreuver.
— Allons-y, déclare Mirkoum après un regard acéré, aucun aura maléfique. Tout est naturel ici. C'est comme une parcelle qui a été conservée de l'ancien paysage. Le désert blanc est ensorcelé, mais pas cette forêt. Les auras sont seulement mélangées. Enfin, il y'a présence de magie... un peu... mais pas ce lac.
Tout danger écarté, ils font entrer leurs montures dans l'eau et elles s'y abreuvent longuement. Puis, eux-mêmes se laissent tomber dans l'onde fraîche. Délaissant leurs armes sur la berge, ils s'y engouffrent, calment leur soif et se délaissent de toute la poussière blanche sur leurs habits et cheveux.
Galenn remet son foulard bleu autour de son cou, après s'être épongé le visage.
— Lenn, tu sens quelque chose ?
— Oui, Ja est venue ici puis a quitté vers là-bas ! répond le minim Mage en pointant un coin de forêt.
— J'adore ton nouveau don de pisteur !
— C'est le cristal de lave que je ressens, c'est donc grâce à Val si je suis sensible à la présence de Ja.
Galenn voit Val rosir de plaisir sur un rocher près de lui.
— Alors, Petit Mage, nous te suivons ! fait le Guerrier en reprenant son épée et sa dague.
Ils s'enfoncent dans la forêt et font sensiblement le même chemin que Ja, grâce aux teintes diaphanes du cristal de lave de Ja, que Lenn détecte maintenant. L'oiseau de proie de Talji les guide également dans cette forêt qui n'est pas aussi petite et ténue qu'elle n'y paraît aux premiers abords.
À l'orée d'une clairière, Crii revient vers sa maîtresse et se perche sur le poing qu'elle lui tend. Elle en profite pour l'abreuver d'un peu d'eau qu'elle a conservé pour lui.
— Lenn ?
— Bon et pas bon ! Ja est là, c'est sûr. Mais les auras s'entremêlent.
— Je confirme, fait Mirkoum, Pas facile de démêler tout ca !
« Décidément, je commence à trouver toute cette magie emmêlante ! » pense Galenn.
Le silence se fait et Galenn s'approche à pas comptés vers le centre de l'endroit, qui dégage un aura bien spécial, pas besoin de le voir. Alors qu'il s'approche du lieu où des lucioles semblent émerger de terre, visibles, malgré le soleil qui miroite, ses compagnons l'ont rejoint et Xen se précipite devant, son bâton bien levé.
— Ja ? appelle-t-il, anxieux.
— Xen, attends ! dit Lenn en le rejoignant, il y a une grande magie ici.
— Ce n'est pas la magie que je veux trouver, boule de Lave, c'est Ja !
— Soyons prudents, calme Val en rejoignant les deux Shoof.
Au centre de la clairière, ils retrouvent un trou fraîchement creusé dans le sol, des volutes de petites lumières s'en envolent tout doucement en décrivant des arabesques. Ils se perdent vers le ciel qui s'est brutalement obstrué d'un grand nuage gris et obscur.
— Je n'aime pas ce nuage, fait Len.
— J A ! crie Xen.
Le grand petit Shoof se précipite vers le centre du cratère de terre fraîchement retournée. Il y retrouve la petite Shoof qui y repose inconsciente. Lenn et Val les rejoignent rapidement. Galenn et se compagnons n'osent s'avancer, craignant de faire s'écrouler la terre meuble vers les Shoof.
— Elle est vivante ! affirme Val.
Sans un mot, Xen prend avec délicatesse la petite Shoof dans ses bras et la sort de l'ouverture du trou qu'elle a apparemment creusé elle-même, au vue de la terre qui la macule du bout des doigts jusqu'à la pointe de ses cheveux roses. Le petit guerrier la pose avec douceur près de Galenn et de Mirkoum qui se penchent vers elle.
Le Mage des Steppes l'ausculte un instant puis déclare :
— Elle est sous l'emprise d'une Sortilège.
— Handkili ? demande Kalya.
— Non ! Ce n'est pas un sort malsain mais un sortilège de protection. Je ne comprends pas.
— Pour protéger quoi ? fait Talji.
— Peut-être ceci, déclare Len et Val qui remontent avec difficulté le gant de métal argenté.
— Qu'est-ce que c'est ? demande un des jumeaux.
— Cela brille dedans, fait Val en tendant sa petite main. Et... mais... j'entend la voix de Virko. Il nous appelle.
— Val !!
— Il a besoin d'aide...
Les yeux verts de Val sont fixes et agrandis. Elles ne les entend plus. Seule la voix de Virko l'hypnotise, l'appelant à l'aide.
« Non, ne touche pas à cette relique, petite Shoof ! »
Elle s'arrête et dresse ses oreilles.
— Qui est là ?
« Celui qui touchera, des Trois Lunes sera. »
— Des Trois Lunes...Galenn ?
— Que raconte-t-elle ? fait Lenn.
— Elle entend des voix, conclue Galenn.
— Cette chose est ensorcelée, déclare Mirkoum.
Xen, recule Val loin du gant, le jolie Shoof en tombe au sol, et Xen la brasse comme une vulgaire pièce de lave asséchée.
— Reprend-toi, Val !
— Xen pas si fort, reproche Lenn.
— Mais, il faut la sortir de ce sortilège. Tu connais un contre-sort plus efficace toi ?
— Virko... délire encore Val en tendant sa main vers le gant.
C'est au tour de Lenn de secouer Val de toutes ses forces de Shoof des cavernes.
— Val... ça suffit ! Reviens ici.
— Virko ?
— Non, c'est Lenn. Je t'en prie.
Voyant les yeux de Val toujours perdus, le petit Mage sent son cœur qui se brise, puis il n'y tient plus et embrasse la petite Shoof sur la bouche en la tenant bien fort entre ses bras. Puis il lui murmure à l'oreille :
— Je t'en prie, reviens vers moi.
— Vi... Lenn ?
— Oui, c'est moi-même, répond le Shoof avec soulagement.
— Pourquoi tu me tiens dans tes bras ?
Lenn se recule, un peu mal à l'aise.
— Je voulais t'aider à revenir.
— Ah... mais de où ?
— On t'expliquera, conclue Xen, toujours près de Ja.
Ils se retournent vers Galenn qui prend le gant du bout de son épée.
— Que disaient les voix Val ? demande le guerrier.
— Les Voix ?
Galenn soupire et tend sa main vers le gant.
— Galenn ? fait Kalya avec prévenance
— C'est ce qui a ensorcelé Ja. Nous sommes dans un bout de forêt au-dessus d'une falaise blanche. Ja a déterré un gant de Guerrier enfoui qui brille. Quelque chose brille à l'intérieur. Que demande-tu de plus ?
— Te savoir en sécurité Galenn de Nulle Part.
— Mais je dois ... je sais, Kalya. Mais, je dois trouver le Cristal. Cela brille, un cristal, non ?
— Mais pourquoi a-t-il fait du mal à Ja ?
— Elle n'a pas nécessairement mal. Elle dort. Un ensorcellement de sommeil. Pour protéger le cristal, conclue Galenn en le fixant. Au fond, ce n'est qu'un gant de combat avec un truc qui brille. Je dois avoir ce truc. Au pire tu me réveilleras par un baiser, comme Val.
— Quoi ? fait l'intéressée.
Galenn lance un clin d'œil malin vers Kalya avant de mettre résolument sa main dans le gant. Sa paume détecte en effet un cristal mais le gant semble se refermer sur sa main et il se met à briller ardemment. La lumière se propage au corps entier du Guerrier. Sur sa peau, les tatouages prennent une teinte dorée alors que ses yeux bleus flamboient.
« Cette relique est pour toi, fils et prince des Trois Lunes. Prend garde cependant, d'autres convoitent ton héritage. Avec l'aide des pierres de savoir et d'héritage, tu sauras la voie à suivre.»
Une grande aura bleue englobe l'homme.
— C'est beau ! fait Ja qui s'éveille. Comment tu fais ça Galenn ?
Mais soudain l'aura bleu est entrelacée de rubans noirs qui enveloppent le Guerrier. Ses compagnons voit son corps s'élever dans les airs alors qu'un cri de douleur s'échappe de la bouche de Galenn. Les rubans sombres augmentent de volume et finalement ils cachent la silhouette de l'homme.
— Galenn ! Non ! crie la petite Shoof dans les bras de Xen.
Et soudain, tout éclate en absorbant la lumière autour d'eux. Un instant de noirceur extrême. Une absence de son qui écrase les tympans. Un manque d'oxygène qui cause une asphyxie instantanée.
Puis, plus rien.
Tous les compagnons de Galenn se relèvent de terre, quelque peu assommés. La lumière du soleil reprend ses droits dans cette clairière qui n'a plus de lucioles qui émergent du sol.
— G A L E N N ! crie Kalya.
Il n'est plus là.
Mirkoum se retourne vers l'orée de la clairière, ses sens aux aguets ! Il se rapproche de Talji et ses frères s'adossent à lui. Les cavaliers des Steppes, ont les armes à la main, entourant Kalya et les Shoof, désorientés.
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