Chapitre 40: Des vies pour une vie

Gadriel

Les lumières multicolores bâtent le rythme de la musique électro. Une foule de démons agglutinés sur la piste de danse se déhanchent comme s'il n'y avait pas de lendemain.

Tout pour me donner la nausée.

En temps normal.

Cette fois, mon attention n'est centrée que sur une seule chose : la jolie silhouette d'Émilie qui fait onduler son corps parfait en suivant les notes rythmées. Ses joues ont pris la couleur d'un rose fraîche du matin et ses yeux brillent de mille feux. Mon sang bout en l'imaginant exactement ainsi après nos ébats : essoufflée et échevelée, son corps couvert de sueur et sa respiration haletante. Le rouge de son visage et la lumière dans ses yeux seraient le résultat du plaisir que je lui offrirai.

« Elle est à toi ».

Quatre mots qui ont suffi à rompre la digue et balayer tous les doutes qui grugeaient mon âme.

Des paroles soufflées à mon oreille par Satanaël juste avant qu'il me cède sa place aux côtés d'Émilie.

« Ne la laisse pas te glisser entre les doigts. Oublie le passé, ne crains pas le futur. Saisis l'instant présent dans cette éternité qui te pèse. »

Peut-être a-t-il raison ? Peut-être devrais-je enterrer mon histoire. Mon passé a forgé qui je suis. Mais pourquoi le laisser dicter mon présent et même tracer mon futur ?

Mon attention revient sur Mickaël qui joue sous une table avec ses nouveaux amis. Des jeunes démons orphelins, leurs parents ayant rejoint les rangs de Lilith. Le petit semble se plaire ici, comme s'il avait toujours vécu parmi nous. Il n'est pas effrayé par ces créatures qu'il n'a jamais vu jusqu'à maintenant. Peut-être est-ce dû à son sang à moitié démon ou peut-être à l'éducation qu'il a reçue ? L'amour inconditionnel d'une mère qui prend soin de nous, c'est ce que la plupart d'entre-nous n'avons jamais eu. Cela peut changer bien des choses sur notre approche de la vie.

Un mouvement à ma gauche attire mon attention. Stan m'a rejoint et son regard est aussi posé sur le petit humain.

— Tu crois qu'il finira par m'aimer ? demande mon ami, un soupçon d'inquiétude dans la voix.

— Faudra d'abord que t'arrêtes de faire le con.

Stan ricane, pas le moins du monde insulté.

— Ensuite, passe un peu de temps avec et tu verras.

– C'est prévu. Demain matin, j'aimerais déjà commencer à tester ses pouvoirs. J'apprécierais beaucoup si tu pouvais être là.

— Avec plaisir, dis-je avec sincérité.

Dans les faits, je suis moi-même curieux de connaitre l'étendue de ses pouvoirs. Stan est de loin le déchu le plus puissant d'entre nous. Le petit aurait-il hérité de cette même puissance ? Ce qu'il a fait jusqu'à maintenant le laisse présager. Et puis l'assister me permettra de garder un œil sur ami afin d'empêcher que son arrogance ne déteigne sur le petit.

Son regard quitte le gamin pour se poser sur la piste de danse.

— Et toi, tu crois arriver à aimer cette femme qui n'attend que ça ?

J'hésite avant de répondre. Je pourrais très bien rester silencieux ou lui balancer un mensonge, mais Stan me connait mieux que quiconque. Pourquoi continuer à nier l'évidence ? À nier ce que je ressens alors qu'il l'a compris bien avant moi.

— Dans tous les cas, poursuit Stan sans me laisser répondre, si tu as l'audace de lui briser le cœur, je t'écrase comme une fourmi et t'enterre vivant sous dix kilomètres d'obsidienne.

Je tourne un visage surpris vers lui.

— Bah quoi ? C'est quand même la mère de mon fils, se défend-il en soulevant les épaules. J'ai aussi le droit de la protéger.

Je ne peux qu'acquiescer d'un sourire. Satanaël me le rend, puis son visage change. Ses traits se décomposent alors qu'il balaie la salle du regard. L'inquiétude m'envahit lorsque je vois ses narines frétiller et ses yeux s'agrandir d'effroi.

— L'hamamélis, prononce-t-il d'une voix trouble qui me fait frissonner.

— Merde Stan, qu'est-ce que tu racontes ?

— Elle est ici. Lilith est ici.

Mon cœur bondit. J'avise aussitôt Mickaël qui est toujours sous la table avec ses amis. Je cherche ensuite Émilie des yeux.

Bordel ! Où est Émilie ?!

— Reste avec Mickaël, ordonné-je à Stan.

Puis je saute sur la piste de danse sans même attendre sa réponse. Je fends la foule, bouscule des danseurs aux passages jusqu'à rejoindre Ninu et Sybill. J'attrape cette dernière par l'épaule et la fais pivoter brusquement vers moi.

— Où est Émilie ?! crié-je pour enterrer la musique.

— Elle est partie par là, annonce-t-elle d'un air surpris tout en me pointant le corridor menant aux toilettes.

Je ne prends même pas la peine de la remercier et fonce dans cette direction. Bientôt, l'essence de poire d'Émilie confirme les dire de Sybil. Sans prendre la peine de m'annoncer, je défonce la porte des toilettes et bondis à l'intérieur. J'ai à peine le temps de voir Émilie en face d'une autre femme qu'un nuage de fumée blanche explose devant mes yeux puis s'estompe en un clin d'œil.

Je scrute aussitôt le sol à la recherche de Lilith. Comme de fait, j'aperçois la queue d'un rongeur disparaître sous une cabine. J'ouvre la porte à la volée et la vois s'engouffrer dans un minuscule orifice dans le mur.

— Fait chier !

Je frappe les parois de la cabine, enragé, puis retourne mon attention sur Émilie. Cette dernière est appuyée sur le comptoir comme si ses jambes menaçaient de se dérober sous elle. Ses yeux écarquillés fixent le vide et sa respiration est beaucoup trop rapide.

Je me précipite aussitôt sur elle.

— Est-ce que ça va ? m'inquiété-je

Devant son absence de réponse, je capture son visage entre mes mains puis l'oblige à me regarder.

— Émilie ? soufflé-je.

Ses yeux gris se voilent d'un rideau de larmes qui s'accroche à ses cils. Sans réfléchir, je la serre le plus fort possible dans mes bras, comme pour effacer tout ce que Lilith a pu lui dire ou lui faire. Son petit corps blotti contre le mien, j'effleure doucement son dos afin de lui transmettre un peu d'apaisement.

Je pose mes lèvres sur sa tempe puis lui murmure autant pour elle que pour moi.

— Tout va bien, je suis là.

Je m'en veux, encore une fois. Je n'étais pas là pour elle. J'ignore ce que Lilith lui a dit ou fait, ni pourquoi elle est dans cet état, mais j'ai échoué à la protéger.

Je refoule la rage indescriptible qui menace d'éclater afin de me concentrer sur Émilie. Il est temps que cette histoire se termine, que Lilith comprenne une fois pour toutes qu'elle a franchi une limite impardonnable.

Peu à peu, je sens son corps se détendre dans mes bras au rythme de mes mains qui lui caresse le dos. Son souffle devient plus régulier et la vie semble revenir en elle.

Puis, d'un geste soudain, elle s'écarte, la panique déformant les traits de son visage.

— Mickaël ! s'écrit-elle.

— Il est avec Stan, dis-je doucement en tentant de la ramener contre moi.

Elle m'échappe néanmoins et s'élance vers la sortie. Je comprends qu'elle ne sera rassurée que lorsque son fils sera auprès d'elle, c'est pourquoi je ne tente pas de la retenir et lui emboite le pas. Elle arrive en courant dans la salle de bal, attirant l'attention de plusieurs invités et surtout de Stan et Meridoc qui encadrent un Mickaël boudeur assis près du trône.

En quelques secondes, elle est sur lui et le prend dans ses bras.

— M'man ! proteste-t-il, en tentant de se libérer.

Émilie ignore ses protestations et l'inspecte des pieds à la tête autant avec ses yeux qu'avec ses mains.

Un pli s'installe entre les deux yeux du petit.

— Ça va, maman ?

— Oui, tout va bien, mon ange, le rassure-t-elle en reniflant, une larme s'échappant de ses yeux. Je m'ennuyais de toi, c'est tout.

— T'es bizarre, maman.

Avec un petit rire de soulagement, Émilie secoue la tête.

— Je dois être fatiguée, c'est tout.

Je prends la balle au bond et m'invite dans leur conversation :

— C'est pourquoi il serait temps d'aller dormir, petit, dis-je avant d'échanger un regard entendu avec Émilie.

Je l'aide à se relever puis fais signe à Meridoc de s'approcher.

— Je vais raccompagner Émilie, lui annoncé-je. Envoie Lanared, Borenix et Urex monter la garde devant mes appartements pour la nuit.

— C'est bien compris, milord.

Puis je me tourne vers Satanaël qui n'a pas dit un traitre mot depuis tout à l'heure. Les plis de son front m'indiquent qu'il est préoccupé, mais je n'arrive pas à savoir si c'est pour la sécurité de son fils ou par la présence de Lilith dans le château. Leur histoire ne s'est jamais vraiment achevée et malgré ce qu'il laisse entendre, au fond de lui, Lilith restera toujours importante à ses yeux.

Les dents serrées, je le mets en garde :

— J'ai l'intention d'envoyer tous mes hommes ratisser ton putain de château, trouver ta foutue sorcière, lui arracher les ongles un à un et la faire brûler vive devant tous tes fidèles sujets. Que tu t'y opposes ou non.

Et sans même attendre une réponse de sa part, je hisse Mickaël sur mes épaules et tends la main à Émilie afin qu'elle me suive.

***

Une fois dans mes appartements, je fais le tour de toutes les pièces et utilise ma magie pour sceller les trous susceptibles de laisser entrer un petit animal ou même une fourmi.

Pendant qu'Émilie installe Mickaël pour la nuit et fait semblant que tout va bien, je donne l'ordre à mes hommes venus me rejoindre de passer le château au peigne fin et monter la garde même si Lilith a sans doute déjà quitté l'enceinte du château à l'heure qu'il est. Elle a toujours été rusée et n'est pas assez idiote pour rester dans les parages alors que la totalité du palais est à sa recherche. J'aurais pu moi aussi faire partie du déploiement, mais je refuse d'abandonner Émilie encore une fois. Je me suis fait la promesse de ne plus la lâcher d'une semelle elle et Mickaël et si Lilith a eu l'audace de s'introduire dans le château et la menacer, elle recommencera, c'est certain.

— Mickaël s'est endormi, m'annonce Émilie lorsqu'elle revient dans le salon. Je remarque qu'elle ne ferme pas la porte derrière elle, la laissant légèrement entrouverte avant de venir me rejoindre sur le canapé. Nu-pieds, les jambes repliées sous elle et son corps en partie tourné vers le mien, elle pose la tête sur le dossier du divan et ferme les paupières un instant en soupirant.

Elle porte encore sa robe qui moule si bien ses courbes et ce chignon tiré qui ne lui ressemble pas du tout. C'est plus fort que moi, je me penche vers elle et retire les pinces afin de libérer ses cheveux aux reflets caramel qui se déploient sur ses épaules. Elle tressaute et ouvre aussitôt les yeux alors qu'une jolie teinte rosée pigmente ses pommettes. Mes lèvres s'étirent lorsque je replace sa mèche décolorée derrière son oreille. Mon pouce lui caresse la joue au passage puis je reprends sagement ma place, mes yeux détaillant ses jolis traits.

— Est-ce que tu as envie de parler de ce qui s'est passé ? demandé-je d'une voix douce après un moment. Est-ce qu'elle t'a fait du mal ou menacé ?

— Tu parles de Lilith ? Car c'était bien elle, n'est-ce pas ?

J'acquiesce en silence.

— Elle ne m'a pas fait de mal, répond-elle en détournant les yeux.

— Tu en es certaine ?

C'est à son tour de hocher la tête avant de ramener son visage vers le mien, son regard plus décidé que jamais.

— Qui est-elle réellement, Gadriel ? J'ai perçu de la colère chez elle. De la colère contre moi, mais aussi contre Stan. Que s'est-il passé entre elle et lui ?

J'aspire un long filet d'air avant de me lancer dans l'histoire compliquée et inachevée de Stan et Lilith. J'ignore par où commencer.

— Tu connais un peu les écrits anciens ? débuté-je.

— Oui. Du moins, un peu. J'ai lu quelques histoires de l'Ancien Testament.

— Tu connais donc le mythe des premiers hommes ?

— Je... Asbeel m'a parlé d'Ève et d'Adam en effet.

Je serre les dents à cet aveu, même si je le savais déjà. Asbeel n'a jamais su se taire et adore se mêler de ce qui ne le regarde pas.

— Dans les faits, ils n'étaient pas les premiers humains. Ils faisaient plutôt partie de la deuxième génération. Lilith est une pognée d'autres sont les premiers à avoir été façonné par le Créateur.

— Pourquoi n'en ai-je jamais entendu parler ? La plupart des religions parlent d'Adam et Ève, mais jamais de Lilith...

— Certains livres moins connus en font mention, comme la Kabbale. Même si la plupart du temps, les faits ont été mal rapportés. Je soupçonne que son sale caractère n'a pas aidé à la hisser au premier plan. La plupart de vos religions furent édifiées par des hommes aigris qui préféraient leur femme soumise et silencieuse. Une langue de vipère comme elle n'avait pas sa place au sein des écrits sacrés.

Émilie me fait signe qu'elle comprend d'un mouvement de tête.

— Lilith faisait donc partie des premiers humains, continué-je. Elle aurait pu être la mère des générations suivantes, si elle n'avait pas fait la rencontre d'une créature qui allait changer sa vie pour le reste de l'éternité.

— La rencontre de Satanaël ? devine-t-elle.

J'acquiesce.

— Lorsqu'il la vit pour la première fois, Stan en est tombé follement amoureux. À l'origine, nous ne devions qu'observer les humains, suivre leur évolution et rapporter toute anomalie à l'Artisan. Nous devions rester à distance, éviter qu'ils nous voient, mais Stan n'a pu résister à l'attirance qui le liait à Lilith. Et contre toute attente, c'était réciproque. Lilith et Stan étaient désormais inséparables. Tels deux aimants complètement différents, mais qui ne peuvent se séparer l'un de l'autre.

Je ne peux m'empêcher de sourire au souvenir de toutes les fois où j'ai surpris les regards imprégnés de désirs et de complicités qu'ils s'échangeaient lorsqu'ils croyaient que personne ne prêtait attention. Stan n'a jamais été aussi heureux qu'à cette époque.

— Néanmoins, alors qu'ils avaient l'éternité devant eux pour s'aimer, le courroux de l'Artisan s'est abattu sur la race humaine.

Émilie m'observe, silencieuse. Son regard doux et apaisant me donne le courage de lui avouer la vérité.

— Tout ça, à cause de moi.

— Parce que tu as offert la connaissance à Ève ?

Sa réplique me surprend et me rend furax à la fois.

— Je vais buter ce connard d'Asbeel, grondé-je.

Émilie se glisse plus près de moi sur le canapé et dépose sa paume sur mon bras. Sa chaleur se diffuse sur ma peau comme si des rayons de soleil la caressaient.

— Ne sois pas fâché contre lui. C'est moi qui ai insisté. J'avais envie de... de mieux te connaître.

Cet aveu me réchauffe la poitrine et me tire un stupide sourire. Je prends sa main toujours sur mon bras et entrelace mes doigts aux siens avant de continuer :

— À la suite de mon erreur, qui a aussi causé notre chute, l'Artisan a retiré l'immortalité aux humains. Et le pire ennemi des créatures mortelles est le temps. Très vite, Stan à réaliser qu'un jour ou l'autre, la mort viendrait chercher la femme qu'il aime. Ne pouvant s'imaginer vivre une seule seconde sans elle, il a demandé à l'Artisan d'épargner Lilith, de lui redonner son immortalité. Et, pour une raison qui m'échappe encore, l'Artisan a accepté.

— Peut-être croit-iel lui aussi en l'amour ?

Je grimace, sceptique, alors qu'Émilie détourne le regard sur nos mains liées. Ses doigts jouent avec les miens et une délicieuse teinte rosée pigmente sa peau d'albâtre. Mes poumons se gonflent d'une sensation étrange que je tente d'ignorer.

— Quoi qu'il en soit, cette nouvelle immortalité avait un coût que Lilith ignorait et n'était pas prête à payer.

— Quel en était le prix ? demande-t-elle en croisant à nouveau mon regard.

— Sa fertilité.

Une surprise puis un éclat de compréhension traversent ses iris.

— Stan et elles ont régné côte à côte pendant plusieurs siècles sur Shéol, continué-je. Elle est tombée enceinte à plusieurs reprises, mais chaque grossesse se terminait par une fausse couche. Le temps et l'affliction ont eu raison de leur couple. Les disputes étaient de plus en plus fréquentes et la dernière a sonné la fin de leur union. Ils se sont séparés, ils ont divisé le royaume et Lilith est partie de son côté. Plusieurs démons l'ont suivie, préférant sa gouvernance ferme et sérieuse à celle de Stan plus... frivole.

Je laisse le silence s'installer entre nous. Ses yeux ont quitté les miens pour fixer le vide.

— Elle m'en veut, finit-elle par prononcer, son regard toujours lointain. Elle m'en veut d'avoir eu Mickaël. D'avoir porté l'enfant qu'elle aurait dû avoir.

Elle tourne la tête vers moi et je confirme ses dires par mon silence.

— Tu crois qu'elle pourrait le tuer ? murmure-t-elle.

— Je n'en sais rien... Lilith a toujours été colérique et impulsive. Je crois qu'elle est furieuse, oui, mais s'en prendre à Mickaël serait un trop grand risque si elle tient encore à Stan. Il se détournerait d'elle pour de bon.

— Tu veux dire que ce n'est pas réellement fini entre eux ?

— Non, même si les deux sont trop idiots pour s'en rendre compte.

Un léger sourire s'invite sur ses lèvres, le premier depuis son altercation avec Lilith. Néanmoins, il s'efface rapidement. Je délie nos doigts puis glisse mon pouce sur sa lèvre supérieure, espérant le faire revenir. Ses billes grises s'accrochent aux miennes et je me perds un instant dans ce regard qui me rappelle le cœur qui bat dans ma poitrine.

— Que t'a-t-elle dit ? finis-je par demander, brisant volontairement cette tension qui remplit l'air autour de nous et s'engouffre dans mes poumons.

— Qu'il serait facile de me remplacer, souffle-t-elle. Puis une chose incroyable est arrivée. C'est comme si elle s'était métamorphosée sous mes yeux. Elle est devenue... moi.

— Lilith est une métamorphe. Elle peut prendre l'apparence qu'elle désire.

— Alors comment savoir lorsque la personne devant nous et réellement celle que l'on croit ? Elle pourrait être encore dans le château, elle pourrait être un de tes gardes. Elle pourrait même se faire passer pour moi et vous faire croire n'importe quoi !

Sentant la panique reprendre possession de son corps, je l'attire à moi et l'installe sur mes genoux. Mes bras l'enveloppent comme une barrière qui voudrait la protéger de ses inquiétudes et de toutes les conneries qui lui sont tombées dessus dans les derniers jours. Un sentiment de culpabilité m'agrippe aux tripes. J'ai l'impression que tout est ma faute. Que je l'ai mise en danger en croisant son chemin.

Néanmoins, ma raison étouffe vite mes pensées. Ces évènements auraient eu lieu avec ou sans moi. L'éveil des pouvoirs de Mickaël est ce qui a attiré l'attention de Lilith.

En sécurité dans mes bras, Émilie enfouit son visage dans mon cou. Je dépose mes lèvres sur le haut de son crâne en la serrant plus fort.

— Il n'y a aucune chance que Lilith me trompe en se faisant passer pour toi, déclaré-je afin d'apaiser ses craintes.

Émilie s'écarte légèrement et m'interroge du regard.

— Comment peux-tu en être certain ?

Je souris en balayant quelques mèches de son visage.

— Ton parfum. C'est ce qui me dira si c'est bien toi.

Ses iris parcourent mon visage.

— Je ne porte jamais de parfum.

Je lui souris puis incline mon visage sur elle. J'appuie mon nez dans le creux de son cou, tout près de son oreille et inspire profondément les notes de poires et de sel que dégage sa peau.

— Je suis fou de ton odeur, murmuré-je en chatouillant sa peau délicate de mes lèvres.

Un frisson parcourt son épiderme, son corps remuant légèrement sur moi. Je m'écarte afin d'observer l'effet que j'ai sur elle. La vue qu'elle m'offre est magnifique. Sa poitrine se gonfle et un voile de désir obscurcit ses prunelles grises.

Une chaleur quasi insupportable se déverse dans mes veines et mon pantalon devient trop étroit. Beaucoup trop étroit.

Alors que j'essaie de contrôler mon envie de la renverser et la prendre brutalement à même le sol, elle me surprend en s'installant à califourchon sur moi. Sa robe remontée sur ses jambes me laisse entrevoir la peau délicate de ses cuisses. Mes mains s'y posent naturellement et mon attention remonte plus haut où j'ai une vue imprenable sur le renflement de sa poitrine et le tissu léger de sa lingerie. Cette même lingerie que j'ai choisie pour elle.

Avec grande difficulté, je décroche mon regard de cette vue magnifique pour revenir à son visage tout près du mien. Nos fronts se soudent tout naturellement l'un à l'autre et seuls quelques millimètres nous séparent de cette chute inévitable qui nous attend.

Son souffle chaud et haletant caresse mes lèvres tandis que mes mains remontent plus haut sur ses cuisses.

Son regard fouille le mien, à la recherche de ces barrières que je n'avais cesse d'ériger entre nous. Mais ce soir, je n'en ai plus la force. Pourquoi lutter davantage contre ce lien qui nous unit ? Contre cette sensation dans ma poitrine depuis que mes yeux se sont posés sur elle ? Contre les couleurs qu'elle s'évertue à semer dans ma vie pour remplacer le noir qui me suivait partout où j'allais.

Avec une infinie douceur, Émilie effleure mes lèvres des siennes. Il ne m'en faut pas plus pour m'emparer de sa bouche avec une voracité qui me surprend moi-même. Une main derrière sa nuque je l'attire à moi et lui la dévore comme je rêve de le faire depuis des jours. Ses lèvres bougent au rythme des miennes en laissant passer de doux gémissement qui me rendent dingue. Mais pas autant que les ondulations de son bassin sur mon membre qui menace de déchirer mon pantalon.

Ma langue se force un passage dans sa bouche au goût sucré. J'en explore chaque recoin et me gave de ses râles haletants.

Je veux l'entendregémir mon nom, je veux l'entendre crier. Je veux qu'elle me supplie de laprendre. Encore et encore. Je veux la gouter, la lécher, la parcourir de mesmains pour découvrir chaque parcelle de sa peau soyeuse et je sais pertinemmentque l'éternité ne sera jamais assez longue pour me rassasier de son corps etéteindre ce feu qu'elle a rallumé.

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