Chapitre 28: Ah, les vacances!

Ko Samui, Thaïlande

Les paupières closes, assis dans mon transat, je me laisse bercer par le chant apaisant des vagues qui labourent la plage. Le soleil réchauffe ma peau alors que je profite au maximum de ces derniers jours de repos. Les nouvelles de mon royaume ne sont pas glorieuses et je dois bientôt y retourner. Mais pas tout de suite.

— Voilà votre mojito, monsieur Naël.

J'ouvre les yeux, relève mes lunettes de soleil et aperçois ma jolie serveuse thaïlandaise.

— Merci beaucoup, Saraï.

Je saisis le verre qu'elle me tend et lui lance un clin d'œil qui la fait rougir instantanément. Elle en pince pour moi, c'est évident. C'est le cas de toutes les femmes d'ailleurs. Comment résister à ce corps parfait qu'est le mien et à mon charme magnétique ?

— Désirez-vous autre chose, monsieur Naël ?

Ses yeux parcourent mon torse dénudé puis reviennent à mon visage

— Peut-être plus tard, ma douce, susurré-je.

Ses joues se colorent de plus belle. Elle m'offre un sourire timide puis me laisse à mon bronzage. Du moins, ma tentative de bronzage. Parce que ma peau est condamnée à rester toujours de la même teinte rosée. Toutes les altérations physiques sur mon corps sont inutiles, dans cette dimension et dans les autres. C'est le prix à payer pour être le roi de Shéol. J'envie parfois les autres déchus qui peuvent goûter aux sensations qu'offre une enveloppe mortelle dans cette dimension. Même si la plupart sont sans doute désagréables comme la faim et le froid, toutes les expériences valent la peine d'être vécues, surtout lorsqu'on a l'éternité.

Je prends quelques gorgées de mon cocktail à la menthe puis me recale confortablement dans mon transat, les yeux fermés. Il me reste une vingtaine de minutes avant mon cours de plongée dans les récifs coralliens. Je peux encore me détendre un peu.

Malheureusement, la sonnerie de mon téléphone me tire brutalement de ma somnolence. Une bouffée d'impatience monte en moi. Je vais tuer ce crétin d'Asbeel qui ose encore me déranger. Il m'a appelé trois fois en cinq jours et je commence à regretter de lui avoir donné mon numéro en cas d'urgence.

— Quoi ? craché-je, impatient.

— Stan, c'est Asbeel.

— Je sais idiot, qu'est-ce qui se passe encore? J'ai mon cours de plongée dans cinq minutes. Fais vite !

— Je t'appelle à propos Gadriel. Il a encore détecté ton aura.

Encore cette foutue histoire d'aura ! Il hallucine ! Je n'ai pas bougé d'ici ni mis les pieds sur aucun autre continent dans les derniers jours.

J'avoue que j'étais enthousiaste quand Asbeel m'a annoncé que Gadriel avait quitté Shéol pour tenter de me trouver sur Gaïa. Il refuse de quitter sa tour d'ivoire depuis des années et son humeur devient de plus en plus insupportable. Il gaspille son éternité si vous voulez mon avis. Gaïa regorge de surprises, de découvertes inestimables et surtout d'humains séduisants et de plus en plus libérés des jougs de la religion, de ces chaînes qu'ils ont eu même créées.

Oh oui... Gadriel a manqué plusieurs plaisirs ces derniers millénaires et j'étais heureux d'apprendre qu'il avait quitté Shéol afin de me retrouver. Bon, j'avoue qu'en prenant des vacances sans avertir personne, j'espérais aussi secouer un peu mon bras droit. Je voulais qu'il sorte un peu de sa zone de confort, qu'il lâche ses armées et ses livres en dirigeant le royaume à ma place. Depuis cette histoire de damnation de l'humanité, il ne fait que repousser toutes les responsabilités que je lui offre. Il traîne sa carcasse comme s'il était le seul responsable de notre déchéance. Ce qui n'est pas le cas. Nous en sommes tous responsables et pour être honnête, j'adore être un déchu. Plus besoin de suivre ces règles à la con imposées par l'Artisan. Je suis maintenant chef d'un royaume génial et j'impose mes propres règles. Mes seules responsabilités sont de contenir les hordes de créations ratées de l'Artisan qui tentent d'accéder aux portails des dimensions. Facile ! Surtout quand c'est Gadriel qui s'occupe des armées et les repousse. Alors bon, c'est la belle vie quoi !

— Qu'est-ce que Gadounet a encore fait ?

Silence à l'autre bout du fil.

Bon, ouais, je sais. J'adore les surnoms mignons. Ce n'est pas le cas de mes compagnons.

— Qu'est-ce qui se passe, Asb ? répété-je plus sérieusement avant de prendre une gorgée de mon cocktail.

— Gadriel croit que l'aura qu'il a détectée vient de ton fils.

Moment de bogue mental où j'échappe mon verre qui se fracasse sur le sol. Saraï se précipite pour le ramasser, mais je lui fais un signe de s'éloigner.

— Ré-répète ça, bégayé-je

— Gadriel croit que tu as un fils. Un petit garçon, nommé Mickaël. Sa mère est avec moi, dans l'autre pièce.

— Mickaël ? Mickaël !? je répète avec une voix suraiguë. Tu te fous de ma gueule ? C'est quoi ce nom à la con! On se croirait dans Œdipe roi ! Qu'a encore inventé Gadriel ?

— Écoute Stan, sa mère est couverte de ton aura. Je te conseille de rappliquer illico. Le petit a été kidnappé et je suis prêt à parier que ton ex en est responsable !

Mon corps se charge d'électricité. Elle circule à toute vitesse dans mes veines. J'arrive à peine à croire cette histoire. Je passe de la surprise, à la colère pour en finir avec de la stupéfaction saupoudrée d'une touche de chaleur dans la poitrine.

J'ai un fils ? Un fils !

Et soudain les dernières paroles d'Asbeel me frappent de plein fouet !

— Où ? grondé-je la mâchoire tendue.

— Thetford Mines. Le petit a tellement propagé sa magie, que tu ne pourras pas le rater.

Sans même prendre le temps de raccrocher, je visualise l'endroit et claque des doigts. En une fraction de seconde, je me trouve au milieu d'une ruelle miteuse. La nuit m'entoure et une odeur d'humidité et d'égout me fait grimacer. Le changement de décor est drastique et le bermuda à cocotiers n'est plus au goût du jour. Un autre claquement de doigts règle le problème : me voilà vêtue d'un simple jean dans lequel je glisse mon téléphone. Je reste tout de même torse nu. Pourquoi gâcher du tissu en déployant mes ailes ? Un regard autour de moi m'indique que personne ne me verra. Sinon tant pis, Uriel est ses copinoux pourront s'occuper des dégâts collatéraux.

Dans un mouvement de libération, je laisse mes ailes se déployer dans mon dos puis m'élève dans les airs afin d'avoir une meilleure vue. La nuit sans lune me permet une plus grande discrétion.

Ce qui n'est pas le cas de ce présumé fils.

Asbeel avait raison. Une variation de ma signature magique flotte sur la ville.

Néanmoins, un endroit bien précis attire mon attention, là où l'aura est la plus forte. Une volute de fumée s'élève dans les ciels et j'ai la certitude que c'est l'endroit où ma paternité sera peut-être confirmée.

En quelques coups d'aile, j'atteins une vieille maison délabrée et me pose sur son porche.

La porte est défoncée et j'aperçois à l'intérieur une silhouette que je reconnaîtrais parmi des milliers : Gadriel.

Mais mes yeux ne s'attardent pas sur lui. Ils se posent plutôt sur l'homme qui lui tire dessus. 

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