Chapitre 22: Lendemain de veille
Émilie
C'est un mal de tête carabiné qui me tire de mon sommeil juste avant l'alarme de mon cadran. Mes paupières s'ouvrent et je grimace de douleur face à l'intensité de la lumière qui agresse mes rétines. Un grognement que je reconnais à peine s'échappe de mes lèvres.
— C'est la dernière fois que tu bois ma vieille, marmonné-je pour moi-même.
Oui, vieille. Parce que c'est ainsi que je me sens. J'ai la bouche sèche et mal partout. Mon haleine pourrait tuer tous les mammifères sur terre et j'ai une envie incroyable de pisser.
J'écarte les couvertures et tente de me lever quand je réalise que je suis à moitié nue. Mais où diable est mon pyjama ?
J'inspecte les environs et le vois nulle part. Tant pis ! J'enfile un jogging, replace mes cheveux ébouriffés du mieux que je peux et me glisse à l'extérieur de ma chambre.
La télévision est déjà allumée et j'aperçois mon petit bonhomme assis sur le canapé. Sans un regard vers la cuisine, je me faufile jusqu'aux toilettes où je me soulage enfin.
Assisse sur le bol, la tête entre les mains, j'essaie de reconstruire mes souvenirs de la veille. La partie de poker, les révélations d'Asbeel, la blessure de Gadriel et...
— Fuck ! Fuck fuck fuck !
Mon cœur bondit dans ma poitrine lorsque des images de moi sur Gadriel me percutent. Je saute sur mes pieds, remonte mes sous-vêtements et effectue des aller-retour dans la minuscule salle de bain.
Est-ce que j'ai vraiment couché avec lui ?
Pense Émilie, pense !
Je tape mon front comme une dingue comme si ça pouvait m'aider. Rien à faire.
Deux coups à la porte me font sursauter.
— Ça va ? demande Gadriel.
Au son de sa voix, mon corps s'embrase. La chaleur remonte jusqu'à la pointe de mes cheveux.
Merde, j'ai couché avec c'est sûr !
— Je... oui, ça va.
— J'ai fait du café, si tu en veux.
Puis je l'entends qui s'éloigne.
Je prends plusieurs respirations dans l'espoir de retrouver mon calme.
C'est peine perdue.
J'essaie de relativiser : je suis une femme, il est un homme, ce sont des choses qui arrivent.
Surtout que j'en avais envie.
Puis je regrette soudain d'en avoir aucun souvenir.
Fichus verres de vin !
L'idée de recommencer me traverse l'esprit, question de savoir si c'est aussi bon que dans mes fantasmes.
Je secoue la tête. Une douche, il me faut une douche.
Une dizaine de minutes plus tard, je sors de la salle de bain en serviette et retourne dans ma chambre m'habiller. Maintenant un peu plus calme, je prends une grande inspiration et ouvre la porte de ma chambre prête à affronter...
Affronter qui au juste ? Mon amant d'un soir ?
Ce dernier est assis à l'îlot, le nez encore fourré dans un livre.
Parfait ! Ainsi je peux m'approcher comme si de rien n'était.
Je passe derrière et file en direction de la machine à café.
— Tu as bien dormi, me lance-t-il sans avertir.
Je manque échapper la carafe.
Je me retourne vers lui pour découvrir ses yeux violacés qui m'observent avec intensité.
— Je... oui. Et toi ?
Il soulève les épaules comme toute réponse et replonge le nez dans son livre. Je maudis encore une fois son tempérament taciturne et son visage fermé. Aucun moyen de savoir si on a réellement couché ensemble.
Je m'éclaircis la gorge et opte pour aller droit au but. Je n'ai pas la moindre envie de passer la journée à me demander ce qui s'est réellement passé hier soir.
Je m'approche de l'îlot, vérifie que Mickaël ne nous écoute pas et me lance :
— Hier soir... est-ce que je... est-ce que nous... ?
Merde, j'ai l'air d'une idiote !
Alors que j'essaie de trouver une formulation acceptable, Gadriel relève son visage vers moi en silence. Son regard sombre me fait frémir et pas de peur. C'est le désir qui s'empare de mon corps, des pieds à la tête.
— Non. Nous n'avons pas couché ensemble.
Ma mâchoire en tombe et la seule question qui me vient en tête est :
— Mais, pourquoi ?
Ses sourcils se relèvent en même temps que le rouge qui me monte aux joues.
Non mais ta gueule, Émilie !
Je me retiens pour ne pas me taper la tête contre les armoires de cuisine, là, maintenant. Mais le feu ardent que je viens d'allumer dans son regard me cloue sur place. Ses yeux parcourent mon corps avec une lenteur calculée. Une myriade de papillons me parcourt l'échine et je suis prête à jurer que ma petite culotte est totalement détrempée. Si Mickaël n'était pas à deux mètres de nous, je crois que Gadriel me baiserait sur le comptoir sans retenue.
Soudain, il se lève, contourne l'îlot. Il s'approche de moi tel un félin vers sa proie. Ses yeux ne quittent pas les miens. J'entends mon cœur battre dans mes oreilles pendant qu'il m'accule au comptoir. Ses mains se posent sur la surface de chaque côté de ma taille. Il est maintenant si proche, que son odeur de caramel m'enveloppe et allume le feu dans mon ventre.
Il penche la tête, lentement. Très lentement.
Je sens son souffle contre mes lèvres qui s'entrouvrent. Ma poitrine se gonfle et effleure son torse dur, ferme. Le temps s'arrête.
Puis alors que je crois qu'il va m'embrasser, il détourne son visage et l'enfouit dans mon cou.
Il inspire. Longuement.
Il se gave de mon odeur.
Son nez effleure ma peau, me fait frissonner. Puis sa bouche au souffle chaud s'attarde tout près de mon oreille :
—Je ne t'ai pas baisé, parce que lorsque je le ferai, je veux que tu t'en souviennes pour le reste de tes jours.
Ces mots soufflés à mon oreille me font frémir. Mon sexe se contracte en réponse à cette promesse à peine voilée.
Mais le froid et la déception s'emparent de moi quand il s'écarte. Sans un regard.
Il reprend sa place près de l'îlot, comme si de rien n'était. Alors que dans mon cas, le feu brûle comme il n'a jamais brûlé.
Je lui tourne le dos, tente de reprendre le contrôle de ma respiration. Mon cerveau a quitté le navire pour laisser la place au désir.
Je sursaute au son d'un livre qu'on ferme brusquement. Je me retourne juste à temps pour voir Gadriel filer vers la salle de bain et claquer la porte derrière lui.
— Maman ?
La petite voix de mon fils me ramène à la réalité. Je jette un coup d'œil à l'horloge. L'autobus passe dans quinze minutes. Je dois me ressaisir.
Un petit déjeuner vite fait plus tard, je sors avec Mickaël attendre l'autobus. Même si une menace plane toujours au-dessus de nos têtes, Gadriel m'a assuré, lors d'une conversation, que mon fils ne courrait aucun danger à l'école. Ces... créatures qui sont peut-être à notre recherche ne sortent jamais le jour sous peine d'attirer l'attention des humains et donc des anges. Je ne suis pas certaine d'avoir tout compris, mais il m'a promis que deux patrouilleurs seront quand même postés près de l'école.
Une fois Mickaël dans l'autobus, je reviens à l'appartement. Mon invité est toujours dans la salle de bain et j'entends l'eau couler. Je profite du répit pour ranger la cuisine et enfiler mon uniforme de travail. Demain, Olivier sera de retour au boulot, ce qui signifie que c'est la dernière journée de Gadriel comme plongeur.
Quand mon garde du corps sort de la salle de bain, je suis toujours dans la cuisine à terminer mon café. Il porte le même jean bleu et chandail blanc qu'il avait avant sa douche, à la différence que ce dernier épouse maintenant sa peau mouillée. Ses bouclettes humides qui retombent sur son front lui confèrent un air moins ténébreux même si la vision est magnifique.
Sans un mot, mon protecteur attrape sa veste dans l'entrée et me fait signe qu'il est prêt à partir. Je sens immédiatement son changement d'humeur. Il s'est renfermé encore une fois.
Nous marchons en silence dans le froid de novembre qui s'accorde avec l'humeur du démon à mes côtés. Arrivés au restaurant, nous nous séparons pour prendre chacun notre poste. Lui à la plonge, moi dans la salle à manger.
La journée de travail est beaucoup moins agréable que les deux dernières en sa compagnie. Il est froid et silencieux. Je ne surprends plus autant ses regards sur moi. J'ai l'impression d'avoir fait quelque chose de mal alors que c'est lui qui m'a allumé avant de faire comme s'il n'avait pas soufflé ces mots brûlants à mon oreille.
Je regrette que mes souvenirs de la veille soient si flous. Ai-je fait quelque chose de déplacé ? Ai-je dit quelque chose qui l'aurait choqué ?
Quand j'aperçois Asbeel entrer dans le restaurant à l'heure du dîner, j'y vois l'occasion de le questionner.
— Comment ça va, ma belle ? me demande le déchu alors que je profite d'un moment d'accalmie pour me glisser sur la banquette en face de lui.
— Ça va, mais je m'inquiète pour Gadriel.
Un pli se forme sur son front.
— Pourquoi ? Il lui est arrivé quelque chose ?
— Non, mais il semble encore plus silencieux que d'habitude...
Asbeel appuie son coude sur la table et porte la main à sa mâchoire qu'il frictionne.
— Hmm... j'ai cru comprendre que sa petite sortie d'hier soir ne s'est pas passée comme prévu. C'est pour cette raison que je suis ici. J'espérais lui parler.
— Oh... c'est peut-être ça alors.
Asbeel arque un sourcil dans ma direction.
— Que croyais-tu que c'était ? me demande-t-il, suspicieux.
— Je... et bien...
Un sourire malicieux étire soudain ses lèvres.
— Ohhhh ! émet-il.
Mon cœur pique un sprint.
— « Oh » quoi ?
— Rien.
— « Oh » quoi? insisté-je.
— Et bien... Est-ce qu'il s'est passé quelque chose entre vous ?
Je m'enfonce dans la banquette, le rouge aux joues.
— Je... mmm... peut-être... Mes souvenirs sont un peu flous...
Il ricane puis s'exclame :
— J'en était sûr!
Il jette ensuite d'œil vers les cuisines avant de se pencher vers moi en toute confidence.
— Tu as surement remarqué que Gadriel n'est pas très bon pour communiquer.
— Sans blague... ironisé-je pendant qu'Asbeel ricane de plus belle.
— Lorsque quelque chose le préoccupe, continue-t-il, il se renferme sur lui-même. Ça peut durer des heures, des mois ou même des années. Mais ne t'inquiète pas, il finit toujours par redevenir lui-même... C'est-à-dire grincheux et taciturne.
Sa dernière remarque me fait sourire.
— Et puis tu sais quoi ? ajoute-t-il. Je crois que ce qui le préoccupe n'est pas sa chasse ratée d'hier.
Je hoche la tête comme si je comprenais, mais honnêtement, ça ne m'aide pas du tout.
— Je peux être honnête avec toi, me demande Asbeel en jouant avec le bout de sa cravate bleu poudre.
Je remarque en même temps qu'il a opté aujourd'hui pour un costume trois pièces bleu marin qui fait ressortir le bleu de ses yeux.
— Oui, vas-y. C'est bien ce que j'aime chez toi. Tu vas droit au but et ne caches rien.
— Gadriel non plus, crois-moi. Il ne parle pas beaucoup, mais il n'est pas du genre à mentir non plus. Il faut juste... lui tirer un peu les vers du nez.
Je souris à sa description assez juste.
Asbeel se redresse sur la banquette et fait tournoyer sa cuillère sur la table avant de se lancer.
— C'est la première fois depuis 3000 ans que Gadriel passe autant de temps dans cette dimension.
J'écarquille les yeux.
— Trois mille ans ! Gabriel a trois mille ans ??
Asbeel éclate de rire.
— Oh ma jolie, si tu savais. Trois mille ans, c'est une seconde dans sa vie. Il est beaucoup plus vieux que cela. Nous sommes beaucoup plus vieux que cela.
Asbeel rigole encore plus devant mon air ahuri.
Il reprend ensuite son sérieux.
— Ce que je voulais te dire, c'est que Gadriel ne vient ici que lorsque ses fonctions l'y obligent et comme il est le chef des armées de Shéol, c'est très rare. Jamais il n'a passé plus d'une ou deux journées dans cette dimension. Il déteste perdre ses pouvoirs et déteste encore plus être confronté à l'évolution humaine. Il ne voit que les mauvais côtés : la guerre, les viols, les maladies. C'est comme un rappel constant de ce qu'il croit être son échec. Un rappel de la seule fois dans sa vie où il a laissé tomber ses barrières.
J'enregistre tout ce qu'Asbeel me dit, même si je ne vois pas du tout où il veut en venir.
Ses yeux plantent dans les miens et me rendent soudain inconfortable.
— Depuis trois mille ans, jamais il n'est resté aussi longtemps sur Gaïa. Est-ce que tu comprends ce que ça signifie ?
Je secoue la tête, même si mon cœur qui se contracte semble dire le contraire.
— Ça signifie qu'il t'apprécie. Beaucoup. Peut-être trop à son goût. Hormis la colère, il s'empêche de ressentir toute émotion. Il déteste ça. Il déteste sentir qu'il perd le contrôle. Et je crois que tu es la faille dans son mécanisme. La fissure qui va faire éclater la bulle de verre dans laquelle il se croit en sécurité. Celle-là même qui l'empêche d'être heureux.
Asbeel fait une pause, alors que je reste sans mots, incapable de comprendre ou d'accepter ce qu'il sous-entend.
— La plupart du temps, il ne pense qu'à ses armées et son devoir de protéger le royaume, continue-t-il. Et pourtant il est en ce moment en train de laver la vaisselle. Imagine ! La vaisselle ! Le chef des armées de Shéol, le démon le plus caractériel que je connaisse fait la plonge dans un restaurant bas de gamme. Ça ne fait aucun doute qu'il en pince pour toi et c'est ce qui le fout en rogne !
Je reste stupéfaite devant ces aveux. Est-ce que Gadriel pourrait avoir des sentiments pour quelqu'un comme moi ? Une petite humaine sans importance ? Qui n'est qu'un grain de sable dans cet univers beaucoup plus complexe que je croyais ?
L'attirance physique est là, il n'y a aucun doute. Je l'ai vu dans ses yeux, je l'ai lu dans ses gestes. Mais des sentiments ? Nous nous connaissons à peine... C'est presque inconcevable.
Puis moi ? Ai-je des sentiments pour lui ?
Et soudain, une question encore plus importante s'impose à moi.
— Est-ce que ça serait mal ? Qu'il ressente quelque chose pour moi ?
Le regard d'Asbeel s'assombrit.
— Mal ? Non. Plusieurs d'entre nous ont aimé des humains. Mais ça ne dure jamais longtemps.
— Pourquoi ?
— Parce que vous êtes mortel ! Gadriel aura le cœur brisé encore une fois s'il s'attache à toi.
Un nœud se forme dans mon ventre même si la réponse m'apparaît logique. M'imaginer vieillir au côté d'une personne qui restera jeune à jamais n'a rien d'agréable. Alors je n'imagine pas le contraire : continuer à vivre alors que la personne que l'on aime s'est éteinte.
D'autres questions surgissent dans ma tête, mais Miranda m'interpelle en passant près de nous.
— Émilie, la commande pour la 2 est prête.
— D'accord.
Je me glisse hors de la banquette et m'apprête à rejoindre les cuisines lorsqu'Asbeel me retient par le poignet.
— N'oublie pas mes paroles hier. Même si on sait qu'on peut souffrir, l'éternité sans émotion est la pire des prisons. À toi de découvrir si tu es la clé pour le libérer.
Il me relâche puis me laisse partir. Ses dernières paroles flottent dans mes pensées tandis que je rejoins les cuisines. Je vois maintenant la mauvaise humeur de Gadriel sous un autre œil. J'en suis la cause et pourtant je ne me sens pas coupable. Au contraire, une douce chaleur s'est incrustée dans ma poitrine depuis qu'Asbeel a sous-entendu que son ami m'appréciait. Beaucoup.
Et je crois que c'est aussi mon cas.
Même si développer des sentiments pour lui n'est pas une bonne idée. C'est un déchu, gardien des enfers. Dans quelques jours, il risque de retourner dans sa dimension et nous oublier.
Cependant, rien ne m'empêche d'ouvrir un peu la porte de sa prison et devenir une amie qui le ferait sourire et peut-être même rire. Ça serait déjà un début. Il veille sur nous depuis plusieurs jours. Il a su rester en silence dans les bons moments et me rassurer lorsque j'en avais besoin. Rendre ses dernières journée dans cette dimension agréable et lui faire oublier ses tourments l'espace d'un moment serait le moindre de chose.
C'est avec cette idée en tête que j'entre dans les cuisines et ose un regard rapide vers Gadriel. Il relève son visage au même moment, comme si nous étions connectés. Je lui envoie un sourire timide qui le déstabilise : il fronce les sourcils avant de laisser tomber un chaudron dans l'évier rempli d'eau savonneuse. Résultat ? De la mousse est projetée dans toutes les directions.
Il étouffe une série de jurons alors que je me précipite pour l'aider à éponger les dégâts. Bien vite, nous nous retrouvons tous les deux accroupis l'un en face de l'autre et mon cœur s'accélère quand son odeur sucrée parvient à mes narines.
Sans trop réfléchir, j'attrape une motte de mousse et lui balance au visage. Surpris, sa tête a un léger recul. Ses yeux me scrutent et j'obtiens ma première victoire : ses lèvres s'étirent vers le haut. À peine. Mais c'est mieux que rien. Je lui fais un clin d'œil taquin, l'aide à éponger le reste puis me redresse en même temps que lui.
— Au fait, Asbeel est assis à une table. Je crois qu'il voulait te parler.
Son visage se rembrunit.
— D'accord, je vais aller le voir à ma pause.
Je me mords les lèvres puis hoche la tête.
Je tourne les talons et retourne à la commande qui m'attend sur le réchaud. Une fois les plats en main, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche.
Je me dépêche d'aller servir ma table avant d'attraper mon cellulaire. C'est Julie.
Julie: Salut ! J'ai fait la grâce mâtinée ce matin, désolée. Pas trop mal à la tête ? 😉
Moi:Un peu, mais rien d'insupportable 😉
Je range mon cellulaire et prends la commande d'un client régulier quand Julie m'envoie un nouveau message.
Julie: Et il s'est passé quelque chose avec M.Ténébreux ?
J'hésite quoi lui répondre. Je ne suis même pas certaine moi-même.
Moi: Oui et non...
Mon téléphone sonne aussitôt.
— Je veux tout savoir ! s'exclame Julie dès que je décroche.
— T'es au courant que je suis au travail ? répliqué-je en réprimant mon rire.
— On s'en fout ! Allez, dis-moi tout !
Je jette un coup d'œil rapide à mes clients qui ne semblent pas avoir besoin de moi et vais m'enfermer dans les toilettes des employés.
— Eh bien, disons que mes souvenirs sont un peu flous, mais je crois effectivement qu'il y a eu des petits rapprochements.
— Comme quoi ? Comme quoi ?
J'éclate de rire devant son indiscrétion enthousiaste.
— Eh bien je crois que je l'ai un peu... chevauché ?
— Un peu ?! Juste un peu ?!
Je sens le rouge me monter aux joues.
— Oui.
Je ferme les yeux et des bribes de souvenirs me reviennent. Je vois Gadriel me repousser gentiment et me transporter dans ma chambre.
— Mais je crois qu'il m'a arrêtée avant que les choses n'aillent trop loin, ajouté-je.
— Waouh, déclare mon amie.
— « Waouh » quoi ?
— Je sais pas... ce n'est pas tous les hommes qui auraient fait ça. La plupart en auraient profité.
Son ton sérieux me surprend. Julie est rarement sérieuse.
Elle ajoute :
— Tu en avais envie ?
— Je...
J'hésite. Est-ce que j'en avais envie ? Bien sûr que oui ! Il suffit de l'un de ses regards pour que ma petite culotte soit à changer. Je n'ose même pas imaginer l'effet de ses caresses.
— Oui... finis-je par avouer.
Mon amie glousse à l'autre bout du fil.
— Alors fonce !
C'est à mon tour de sourire.
— Ce n'est pas si facile que ça.
— Oui ça l'est ! Oublie le futur, enjoy the moment ! Tu es célibataire, il semble célibataire, ce n'est pas plus compliqué que ça !
Si elle savait !
— Je dois te laisser, lui annoncé-je afin de couper court à cette conversation qui m'ébranle.
— D'accord ! On se voit après ton travail. Et je te promets de disparaître ce soir pour te laisser l'appartement.
— Tu n'es pas obl...
Julie coupe la ligne avant que je puisse terminer ma phrase. La pire idée qui soit est que je me retrouve seul avec Gadriel ce soir.
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