Chapitre 21 : Douceurs nocturnes

Gadriel

Après avoir persuadé la coloc d'Émilie qu'aucune intervention médicale n'était nécessaire, je mets Asbeel à la porte. Je l'aurais fait d'un coup de pied au cul tellement j'étais en colère contre lui, mais Julie nous observait d'un air méfiant. Cette dernière a d'ailleurs pris tout son temps avant de retourner à sa chambre et je suis certain qu'elle a l'oreille collée à la porte en ce moment même.

Lorsque le coussin du canapé s'affaisse sous mon poids, Émilie ouvre les yeux et pose un regard vitreux sur moi. Mon cœur se pince. J'essaie de me raisonner et me dire que ce n'est que de l'alcool. Asbeel n'a certainement pas dû la forcer à boire et le sourire qu'elle m'a lancé quand je suis revenu à l'appartement m'assure qu'elle s'amusait bien avant mon arrivée. Comme d'habitude, j'ai gâché la fête avec mon humeur de merde.

— Tu devrais aller te coucher, murmuré-je en dégageant une mèche de son visage.

— Toi aussi, me répond-elle en refermant ses paupières sans bouger.

Je ne peux m'empêcher de sourire.

— J'aimerais bien, mais tu es dans mon lit.

— Mmmhf.

Dans un effort surhumain, Émilie se redresse puis s'assoit mollement à mes côtés. Ses yeux éteints s'attardent sur mon visage puis descendent sur ma jambe blessée. L'hémorragie s'est arrêtée, mais on peut voir la plaie ouverte à travers le tissu. Elle grimace et je remercie le ciel qu'elle n'ait pas encore remarqué ma blessure au ventre et à l'omoplate.

Soudain, comme pris d'un second souffle, elle se lève d'un bond, le regard excité.

— Enlève tes pantalons ! me jette-t-elle à la figure.

Je me raidis aussitôt.

— Quoi ?!

— Enlève tes pantalons ! On va faire comme avec ton bras !

Elle relève son regard enthousiaste sur mon visage. Pour ma part, ce n'est pas de l'enthousiasme que je ressens. J'ai plutôt l'impression qu'une putain de lumière rouge qui crie « danger » vient de s'allumer.

— Non, ça va aller.

Ma réponse est rapide et sèche. Je regrette toutefois la voix rauque qui l'accompagne.

Sans crier gare, Émilie se penche, agrippe ma ceinture et tente de la détacher. Mon cerveau bogue, mes bras figés en l'air. Ma queue, elle, s'agite dans mon pantalon.

Avec toute la fichue volonté du monde, je tente de repousser Émilie.

Néanmoins, rien ne l'arrêtera. Les lèvres pincées, ses petits poings appuyés sur ses hanches, elle m'offre son air le plus déterminé.

— Je ne te lâcherai pas tant que tu ne retireras pas ton pantalon !

Mais putain je rêve ou quoi ?

Nous nous affrontons du regard.

Les minutes passent.

Pendant ce temps, j'essaie de penser à toute sorte de choses désagréables pour calmer la bataille qui se joue sous ma ceinture : le froid de l'hiver, le goût du lait caillé, une limace gluante qui rampe sur ma peau...

Rien n'y fait.

Un moment s'écroule. Et puis mon cerveau abdique.

Ou ma queue.

J'en sais trop rien.

J'étouffe une série de jurons et me lève avant que ses mains s'approchent encore une fois de mon entrejambe. Je détache ma ceinture et retire mon pantalon tout en gardant mon caleçon. Une fois de retour sur le canapé, Émilie semble s'égarer un moment dans la contemplation de mes cuisses. Je peux sentir la chaleur de son regard parcourir ma peau et je retiens ma respiration afin de calmer le désir qui s'empare de moi. Alors que je crois y arriver, ses paumes se posent sur ma cuisse de chaque côté de la plaie. Comme chaque fois, son contact m'électrise et un grognement s'échappe de mes lèvres. Je sens son énergie affluer dans mes veines. Chaude, douce, grisante. C'est comme un nectar pour mes sens.

Je remercie soudain la sirène qui m'a poignardé. Sans cette blessure, je n'aurais pas cette sensation de plénitude qui m'envahit, comme si le contact d'Émilie me rendait complet, entier, fini. Le nuage qui noircit mon âme menace de s'estomper. Bien que haletante, ma respiration semble plus... légère.

Ce n'est que lorsqu'elle retire ses mains que je réalise que mes yeux sont ancrés dans les siens. Ses pupilles sont dilatés et le gris de ses iris est plus sombre que jamais. Ma respiration rapide s'accorde à la sienne. Tout comme mon cœur qui semble pris d'une nouvelle vie.

Elle quitte avec regret son regard pour constater l'effet de ses soins sur ma cuisse. Même si le sang est toujours présent, je sais que ma plaie est complètement refermée. Je passe une main sur mes hanches, mon dos puis ma joue. Tout est guéri.

— Merci, murmuré-je sans oser me perdre à nouveau dans ses yeux.

Je me lève, enfile mon pantalon et mets un peu d'espace entre nous. Mon âme est empreinte d'une saloperie de lutte intérieure que j'arrive à peine à comprendre.

J'ai envie d'elle. Envie d'elle comme jamais. Je veux encore sentir ses mains sur ma peau. Je veux l'embrasser, me perdre en elle. Mais elle représente la lumière et l'obscurité à la fois. Si je succombe, si j'ouvre cette porte, je suis foutu. Ces émotions qui m'assaillent quand je suis près d'elle m'affaiblissent. Ce qui s'est passé ce soir en est la preuve. Sans ce désir qui me ronge de l'intérieur, la sirène n'aurait jamais pu m'envouter.

— Je pense qu'il est temps d'aller dormir, conseillé-je d'une voix rauque qui trahit mes émotions.

Émilie hoche la tête mollement puis se redresse du mieux qu'elle peut. La voyant tanguer, je passe un bras derrière son dos et l'aide à avancer vers sa chambre.

Une fois près de son lit, elle menace de ficher à terre toute ma volonté : sans avertissement, elle descend son pantalon sur ses chevilles et l'envoie valser vers sa commode. J'ai tout juste le temps d'apercevoir une petite culotte fuchsia et un ventre plat avant de l'empêcher d'enlever son chandail.

Elle proteste, mais j'arrive à la convaincre de le garder. Sauf que, une fois avachie dans son lit, elle effectue une contorsion incroyable afin de retirer son soutien-gorge à travers ses manches.

Je crois qu'elle veut ma mort.

Ses seins pointent sous le tissu blanc et léger. Et c'est encore pire lorsqu'elle s'écroule sur le dos. Le vêtement colle à sa peau et ne laisse plus aucune place à l'imagination.

— Bordel, Émilie...

Je presse mes paupières, serre les dents. Qu'ai-je fait pour mériter cela ?

Je souffle puis m'approche du lit afin de la rouler sur le côté et ouvrir les draps. Je serre de nouveau les mâchoires lorsque j'aperçois le galbe de ses fesses parfaites.

Putain !

Une fois les draps ouverts, je la ramène à sa place et rabats les couvertures à toute vitesse.

Question de recommencer à respirer.

— Bonne nuit, grommelé-je sans vraiment attendre une réponse de sa part vu son état.

Une fois la porte de la chambre refermée, j'éteins toutes les lumières et m'affale sur le canapé. C'est à ce moment que je réalise que même si j'aurai dû être exténué, une énergie nouvelle coule dans mes veines, celle d'Émilie. C'est dû à son intervention sur mes blessures. Cet échange d'énergie entre elle et moi est la clé de mon salut dans cette dimension. Plus je passe de temps loin de Shéol, plus vite mes réserves s'épuisent. Je comprends mieux maintenant pourquoi Asbeel, qui reste des mois sur Gaïa, cherche toujours à attirer des humains dans son lit.

La vision d'Émilie en sous-vêtement s'impose soudain à moi et mes reins s'enflamment. J'ai beau me raisonner, je l'ai dans la peau. Elle s'incruste dans tous les pores de mon âme, dans tous les coins d'esprit.

Tout comme Ève l'a fait avant elle...

Et pourtant, elle est si différente.

Elle est honnête, transparente et tellement forte. Malgré tous les tableaux noirs qui se dressent devant elle, elle n'hésite pas à en faire des œuvres d'art aux mille couleurs.

Et ses yeux au reflet d'argent dans lesquels je ne cesse de me perdre...

Je secoue la tête pour la chasser de mes pensées, mais en vain. La seule manière d'y parvenir serait de retourner à Shéol et l'oublier.

Je mets un temps à trouver le sommeil et alors que je sens enfin mon esprit se détacher de mon corps, le bruit d'une porte qui s'ouvre me ramène à la réalité. J'amorce un mouvement pour me redresser, mais des mains douces et soyeuses se posent sur mon torse et me maintiennent en place. Mon corps se fige lorsqu'un corps chaud s'installe à califourchon sur mon bassin. Je commence à croire que c'est encore un sortilège, que je rêve éveillé. Puis, contre toute attente, une douce odeur de poire caresse mes narines.

Celle d'Émilie.

Dans la pénombre, je ne vois que sa silhouette, mais je peux facilement deviner la forme de ses seins qui pointent sous son chandail. Mon corps s'enflamme et j'étouffe un grondement lorsqu'elle joue du bassin. La partie la plus délicate de son anatomie se frotte contre le renflement de mon caleçon. Une douce torture qui menace de me faire perdre la raison. Mes mains agrippent ses cuisses dans une tentative vaine de stopper son mouvement. 

Mes barrières s'écroulent lorsque son dos s'arque vers l'arrière et qu'un râle sensuel quitte ses lèvres. L'envie de l'entendre gémir de nouveau est plus forte que moi. Au lieu de l'arrêter, j'enfonce mes doigts dans sa chair et la presse de continuer. Nos souffles s'accordent au rythme de la danse enivrante de son bassin. Je perds la notion de ce qui est bien, de ce qui est mal. Je ne pense qu'à une chose : la faire jouir. Encore. Et. Encore.  Je veux connaître son regard lorsque l'orgasme la percute, entendre son cri déchirer la nuit.

Ma jolie déesse se penche et enfouit son visage dans mon cou. Je sens ses dents mordiller ma peau et mon cœur s'accélère au même titre que le frottement entre nos deux sexes. Je suis à deux doigts de la renverser, arracher sa culotte et m'enfoncer en elle.

Pourtant, cette idée s'efface lorsqu'elle s'écarte et j'aperçois son visage auréolé de ses cheveux. Ses yeux vitreux agissent comme une décharge dans mon cerveau.

Elle n'a pas toute sa tête. L'alcool est encore trop présent dans son sang.

J'inspire tout l'air ambiant afin de ralentir le désir qui court dans mes veines, puis me redresse. Je l'écarte tout doucement et d'un bras sous ses genoux, l'autre dans son dos, je la soulève pour la ramener à sa chambre. Elle proteste, gémit, puis finit par se blottir contre mon torse. Je sens son cœur battre contre le mien. Elle m'en voudra sans doute demain, mais je ne suis pas un salaud qui va la prendre sous les spectres de l'alcool.

Dans le geste le plus difficile de toute ma vie, je la dépose dans son lit et remonte les draps sur elle. Je l'entends protester une dernière fois, mais je fais la sourde oreille puis referme la porte derrière moi.

C'était la bonne chose à faire, même si ma queue n'est pas d'accord. Ma frustration est telle, que je manque d'espace dans mon caleçon. Mon désir n'est toujours pas éteint. Il brûle aussi fort que tous les volcans de Shéol réunis.

J'inspire. J'expire. Je pense à toutes les choses ennuyantes que j'ai faites cette semaine : laver la vaisselle, me geler les couilles dans la ruelle, endurer les cris d'une bande de mioches à la piscine...

Rien n'y fait.

Je suis toujours aussi dure et frustré.

— Eh merde !

Il ne me reste plus qu'une chose à faire : me soulager. Je m'enferme dans la salle de bain et m'enfouis sous les jets chauds de la douche. J'empoigne ma queue tandis que l'image d'Émilie qui me chevauche me revient à l'esprit. Je l'imagine se cabrer et gémir tandis que ses hanches se frottent contre les miennes et que je dessine des cercles sur son clitoris. Il ne faut qu'une minute de va-et-vient pour que j'explose dans un râle de plaisir inouï. L'orgasme se répand dans mon corps comme une tornade qui balaie tout sur son passage. Il me secoue, me transperce et ce séisme semble durer une éternité avant de s'éteindre peu à peu.

Une douce langueur s'empare de moi. Un apaisement qui, je sais, sera de courte durée.

Car il n'y a aucune chance que j'oublie l'imaged'Émilie qui se donne à moi. Elle est imprimée dans ma mémoire pour l'éternité. 

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