Chapitre 1: Ne regarde pas plus bas

Émilie

- Ça, c'est pour ton beau sourire.

Le quinquagénaire crasseux dépose une pièce d'un dollar sur la table devant moi.

- Et ça, c'est pour ton joli petit cul ! continue-t-il en me tendant un billet de cinq dollars.

Le tout accompagné d'un sourire édenté qui aurait rendu riche n'importe quel dentiste.

Je glisse l'argent dans la poche de mon tablier sans un regard pour l'homme et ramasse les chopes vides sur la table avant de tourner les talons.

- Hey ! Tu ne me dis même pas merci, ma jolie ? proteste l'homme. À moins que tu préfères qu'on te paie autrement.

Le pauvre type émet un rire gras et lubrique. Un frisson de dégoût me parcourt l'échine. Je déteste ce genre d'homme, celui qui se croit tout permis et qui traite les femmes comme un simple objet à qui on peut balancer n'importe quoi. C'est pourquoi, sans même me retourner, je le remercie d'un majeur bien senti.

- Sale pétasse, crache-t-il dans mon dos. Si t'espères avoir du tip la prochaine fois, tu peux toujours rêver !

- Et si t'espères un jour qu'une femme s'intéresse à toi, sale macho pourri, tu peux toujours rêver, marmonné-je pour moi-même tout en continuant mon chemin vers la cuisine.

J'aurais aimé lui dire en plein de face, mais je préfère ne pas m'attirer les foudres de ma patronne Miranda.

Dans une rage à peine contenue, je pousse la porte des cuisines et balance les verres sales dans le bac près du lavabo.

- Ça va, Émilie ? demande Olivier, le plongeur du resto.

Debout devant le lave-vaisselle, il me regarde d'un air surpris. Je lui offre un sourire contrit et lui fais signe de ne pas s'inquiéter. D'un geste rapide, il attrape un peu de mousse à vaisselle dans l'évier et fine mine de me la lancer accompagné d'un clin d'œil. Je glousse et retrouve immédiatement ma bonne humeur.

Oliver est le genre de personne qu'on devrait tous avoir dans notre vie. Il remarque toujours quand ça ne va pas et essaie toujours de nous remonter le moral. C'est la personne la plus empathique que je connaisse. Un ange sur deux pattes, aux cheveux blonds longs et aux yeux verts perçants. Sans lui, mon travail serait beaucoup plus pénible. Mais aujourd'hui, j'en ai un peu marre. Marre de tous ces trous de cul à la noix qui ne pensent qu'à leur queue et surtout, qui considèrent toutes les serveuses comme un morceau de viande de premier choix. C'est comme si, dès qu'on a une poitrine, les hommes n'ont pas besoin de nous respecter.

- Mauvaise soirée ? s'enquiert-il.

Je secoue la tête :

- Juste un mauvais client. Mais c'est mon dernier, alors ça compense. Je ramasse mes affaires et je suis partie !

- T'as envie qu'on aille prendre un verre après ? Je finis dans trente minutes.

- Nah. C'est gentil, mon lit m'attend.

Oliver pince les lèvres et soulève les épaules.

- Comme tu veux, Émilie. Repose-toi bien !

Je le remercie d'un signe de tête puis fonce vers les casiers des employés récupérer mon sling bag et mon manteau.

Ce n'est pas la première fois qu'Olivier me propose de sortir avec lui après le travail. Je m'en veux un peu de lui dire non à chaque fois. Olivier est vraiment un chic type contrairement à la plupart des hommes que j'ai croisés dans cette ville. Je n'ai seulement pas la tête à ça. Je suis en mode survie depuis tellement longtemps, que la simple idée de déroger à ma routine m'angoisse. Est-ce que j'ai de la place pour une autre personne dans ma vie ? Est-ce que j'ai envie de faire confiance à un homme ? Est-ce que je suis assez forte pour ne pas dépendre de lui et résister à sa pression pour me changer ? Non. Parce que c'est ce qui arrive à chaque fois. Je l'ai bien vu avec ma mère. À chaque nouvel homme dans sa vie, elle n'était plus que l'ombre d'elle-même.

Je chasse ses pensées qui ne m'apporteront rien de bon et une fois mon manteau zippé, je dis au revoir à tout le monde avant de quitter. Comme à mon habitude, j'évite de passer par la salle à manger et fonce emprunter la porte arrière du restaurant Chez Louis. Oui je sais, l'ancien propriétaire manquait lamentablement d'imagination lorsqu'il a ouvert son établissement dans les années 70. Aujourd'hui, il appartient à sa petite fille, Miranda. C'est la meilleure patronne qui m'ait été donnée d'avoir, même si je n'en ai pas eu des tonnes. Elle m'a engagée comme ça, même si je n'avais aucune expérience et que vingt dollars en poche.

J'ai débarqué dans cette petite ville - ou plutôt ce trou perdu - par l'autobus du coin, il y a sept ans déjà. Je n'avais nulle part où aller. C'est par hasard que je suis entrée dans ce petit restaurant un peu miteux, mais qui est maintenant devenu ma deuxième famille. Ou ma seule famille, si on considère que je n'ai presque plus de contact avec ma mère.

Je me souviens de mon arrivée comme si c'était hier : le restaurant était peu achalandé en ce soir de janvier. J'avais commandé une soupe et un café, la seule chose que je pouvais me payer. Avec un -35 °C au mercure à l'extérieur, j'ai siroté ma boisson chaude le plus longtemps possible, retardant l'instant où je devrai affronter le froid mordant de la nuit. Ce n'est que lorsque le dernier client du restaurant a quitté, que Miranda, la propriétaire, s'est approchée et m'a demandé si j'avais un endroit où dormir. J'ai marmonné un « oui », mais elle ne m'a pas crue. Deux coups de téléphone plus tard, elle m'avait trouvé un petit logement dans un des immeubles de son frère avec, en prime, un boulot comme serveuse à son restaurant. Miranda était un ange tombé du ciel.

En contournant le restaurant, je jette un coup d'œil rapide à l'affiche lumineuse de Chez Louis qui grésille. Le « o » est éteint et la devanture de l'immeuble aurait besoin d'un bon coup de peinture, mais tout le monde s'en foutait dans cette ville. Les rues étaient défraichies, les ruelles mal éclairées, mais la vie était simple et personne ne faisait semblant d'être meilleur qu'un autre : tous étaient dans la même merde quotidienne de la vie.

J'accélère le pas et ajuste mon manteau autour de mon cou pour empêcher le vent de la fin novembre de s'immiscer et me frigorifier jusqu'à l'os. De la buée se forme autour de ma bouche au rythme de ma respiration, annonçant l'arrivée imminente de la neige dans les prochains jours. Les lampadaires peinent à éclairer la chaussée humide qui déroule sous mes pas. Quelques autos circulent sur la route près de moi, sans doute des fêtards qui rentrent à la maison juste avant la fermeture des bars.

Une fois à la hauteur de la rue Notre-Dame, je bifurque sur la gauche pour emprunter une minuscule ruelle, raccourci vers mon immeuble.

Les poils sur ma nuque se dressent et je remonte le col de mon manteau pour en dissiper la sensation. Mais ce que je croyais être causé par le froid vient d'autre chose : des pas se réverbèrent sur les murs de chaque côté de moi. Une personne, peut-être deux, me suivent d'un pas rapide.

Peut-être quelqu'un qui prend le même chemin que moi...

J'ai emprunté cette ruelle des milliers de fois et je n'ai jamais eu de problème. C'est sans doute un passant. Du moins, c'est ce que je me dis afin de ralentir le tourbillon sans fin de mon imagination.

J'accélère tout de même le pas au rythme de mon cœur qui s'emballe sans mon consentement. L'impression que les pas se rapprochent de plus en plus me saisit, en même temps que la peur qui se repend dans mes veines comme une trainée de poudre. Elle m'empêche de jeter un coup d'œil par-dessus mon épaule. Tous mes sens me crient de fuir alors que ma tête tente de me raisonner.

Juste avant d'atteindre le bout de la ruelle et tourner dans une rue plus passante, une main me saisit par l'arrière et me plaque au mur. Ma tête heurte la brique rouge. La douleur résonne dans mes oreilles qui sifflent.

- Alors, petite salope ! crache une voix grasse. J'attends encore mon merci !

Mes yeux prennent un moment à retrouver leur focus et je réalise que devant moi se trouve le client du restaurant qui m'avait maté toute la soirée. Ses deux mains plaquées sur mes épaules me maintiennent au mur. Son visage est si près du mien que son haleine chaude et alcoolisée me fait froncer du nez. Ça et l'odeur de la benne à ordure juste à côté de nous.

- Moi aussi, j'aimerais bien un merci, lance un autre homme à ses côtés.

Celui-là même qui l'accompagnait au restaurant. Il porte une chemise à carreaux et affiche une légère calvitie qu'il tente de cacher avec des mèches de cheveux gras plaquées sur le côté.

Même si mon cœur veut sortir de ma poitrine, j'affronte le regard plein de convoitise de celui qui me maintient au mur et affiche mon air le plus stoïque. Ce n'est pas la première fois qu'un homme me retient de force et je sais qu'afficher ma peur ne fait que les exciter davantage.

- Un sale porc comme toi ne mérite aucun merci ! Maintenant, laisse-moi tranquille si tu veux encore avoir tes couilles demain !

L'homme lève un sourcil puis dévoile sa dentition digne d'un ancien boxeur.

- J'adore les rebelles dans ton genre, susurre-t-il. J'aurais aimé que ton merci vienne de cette jolie petite bouche, mais je crois que je vais devoir aller le chercher dans un autre trou.

Ses paroles agissent comme une décharge dans mes veines. Je le repousse de toutes mes forces, mais c'est peine perdue. Il doit peser deux cents livres de plus que moi et il me plaque à nouveau sur le mur.

Un frisson de dégoût me parcourt lorsqu'il se penche sur moi puis lèche lentement ma mâchoire. Mon corps se crispe, mais ma tête m'ordonne d'agir. Je profite du fait qu'il libère une de mes épaules et empoigne mon sein droit pour lui balancer un coup de tête.

Je regrette aussitôt mon geste.

Le choc se répercute sur mon lobe frontal et me fait voir des étoiles alors que le salopard ne semble même pas sonné ! Comme réponse, il crache par terre, me saisit par la taille et me plaque face au mur. Mon visage percute la brique froide, brûlant ma peau au passage. Son corps massif m'écrase et empêche toute résistance supplémentaire.

- Sale petite garce, tu vas y gouter !

Son poids me maintenant au mur, il agrippe mon jean et le descend d'un coup, éraflant ma peau au passage. Un cliquetis métallique m'annonce qu'il détache sa ceinture. Par réflexe, j'appuie mes deux mains sur le mur et me propulse vers l'arrière. Mon agresseur me replaque si brutalement que mon nez frappe la brique. Je perds contact avec la réalité quelques secondes et n'entends plus que mon pouls battre violemment dans mes tempes.

Des perles de sueurs qui coulent dans mon dos me ramènent à la réalité : il va me violer et je dois lutter pour l'en empêcher. Je tente une nouvelle fois de me libérer, mais il est beaucoup trop fort pour moi.

Lorsque sa chair dure glisse contre mes fesses mises à nue, je fige.

- Doudou petite, chuchota-t-il à mon oreille. Si tu restes bien tranquille, ce sera fini très vite.

- Va chier gros porc ! craché-je tout en me débâtant de plus belle.

Je piétine et rue par en arrière, m'évertuant en vain à blesser ce sale connard. Quand soudain, le ciel est parcouru d'un éclair. Suivi d'un coup de tonnerre retentissant.

- Putain, fais vite Doug ! Il va pleuvoir des cordes !

- Ouais ouais, râle l'homme derrière moi.

Je sens la pression sur mon fessier s'accentuer. Sa queue glisse entre mes chairs.

Puis, plus rien.

Je suis libéré de son poids et un craquement sonore retentit. Accompagné d'un cri de douleur.

Ni une ni deux, je remonte mon pantalon et me retourne, les poings devant moi. Cependant, la vue qui s'offre à moi est très loin de celle à laquelle je m'attendais.

J'en ai le souffle coupé.

À quelques mètres de moi, mon assaillant git au sol, le nez éclaté. À ses côtés se tient un homme immense qui empoigne l'autre type par le col de sa chemise. Il le soulève du sol sans aucune difficulté.

La vision pourrait paraître banale : celle d'un homme qui vient à mon secours. Le seul hic, c'est que cet homme est COMPLÈTEMENT NU !

Dévoilant à tout le monde ici présent qu'il n'est qu'un tas de muscles ambulants ! Avec ses cuisses fortes bien découpées, son fessier parfaitement rebondit comme deux pastèques et son dos digne d'une sculpture de David, l'homme devant moi aurait pu devenir le prochain Terminator !

- Qui es-tu ? gronde mon sauveur à l'intention du pauvre type qui pend lamentablement dans le vide.

- Je... je... bafouille l'homme, en guise de réponse.

Soudain, une odeur âcre envahit mes narines. Ça me prend quelques secondes avant de réaliser que le pantin se pisse dessus. Et je ne suis visiblement pas la seule à comprendre : Terminator affiche une grimace de dégoût et projette l'homme avec une violence inouïe. Ce dernier valse sur une bonne dizaine de mètres puis atterrit sur tas de vidanges qui éclatent sous l'impact.

Le silence qui s'en suit ne laisse aucun doute sur l'état d'inconscience de ce salopard.

Alors que je peine à comprendre ce qui vient de se passer, Terminator se tourne vers moi si brusquement que j'ai un sursaut de recul. Je dois utiliser toute ma force mentale pour ne pas descendre mon regard plus bas que ses pectoraux sculptés dans l'acier et ses abdominaux tout aussi impressionnants.

En deux pas, il est sur moi.

Mon seul réflexe est de relever mes poings comme une boxeuse, prête à me défendre. Ce qui, après coup, est complètement ridicule. Moi, me défendre contre cette armoire à glace ?

Aucune. Chance.

- Ton téléphone, ordonne-t-il d'une voix grave qui fait trembler ma cage thoracique.

- Mon... que. Quoi ?

- Ton téléphone, répète-t-il. Tu dois bien avoir un téléphone ?

J'ouvre la bouche pour répliquer, mais je suis soudain happée par la couleur si singulière de ses iris : violets, parsemés de paillettes bleu cobalt. Quelques mèches de ses cheveux blonds, mi-longs, retombent sur son front et sa mâchoire angulaire est contractée au possible.

Quelques secondes s'écoulent avant que je ne revienne à la réalité :

- Euh... oui, j'ai un té-léphone, finis-je par bredouiller.

- Donne-le-moi.

Son ton est sans appel et je suis pétrifiée devant sa stature et, soyons honnêtes, sa totale nudité. Je fais toute de même fi des battements chaotiques de mon cœur et glisse ma main dans la poche arrière de mon pantalon.

Je fige.

Rien !

Mon téléphone n'y est pas !

Eh merde !

Mon cœur s'emballe de plus belle, craignant des représailles si je ne lui fournis pas ce qu'il me demande.

Du calme, Émilie ! Du calme. Il doit être tombé quand l'enfoiré à descendu ton pantalon.

Sans réfléchir davantage, je m'accroupis à la recherche de ce qui pourrait m'éviter... m'éviter quoi au fait ?

Je tâtonne le bitume à l'aveugle puis pousse un soupir de soulagement lorsque je mets la main dessus. Je souris et relève la tête vers Terminator.

Erreur monumentale.

Mon visage se retrouve à l'endroit exact où j'évitais de m'aventurer quelques secondes plus tôt. Non seulement il est toujours complètement nu, mais aussi...

Bien membré ?

Putain de merde !

Le rouge envahit aussitôt mes joues et Monsieur Jaiunegrossequeue, relève un sourcil... amusé ?

Je rêve où il se moque de moi ?

Avant même que je puisse lui dire ma façon de penser, il recule d'un pas et tend la main vers moi. Croyant qu'il veut m'aider à me relever, j'amorce un mouvement de main vers la sienne, mais il la retire aussitôt et secoue la tête.

- Ton téléphone... réclame-t-il, impatient.

- Oh ! Euh oui.

Je lui remets ce qu'il réclame pour la troisième fois et sans un merci il me tourne le dos et s'éloigne de moi, les yeux braqués sur mon portable. C'est à ce moment que je regrette de n'avoir jamais mis de code de sécurité pour le déverrouiller. Il va avoir accès à tous mes contacts et aussi mes photos. Ce n'est pas comme si j'avais des choses à cacher ou des photos coquines, mais ça reste mon téléphone et donc quelque chose de privé.

Il finit par mettre l'appareil à son oreille après avoir pianoté dessus.

- Asbeel ? C'est moi, Gadriel, dit-il dans le récepteur. J'ai réussi à traverser. J'ai besoin d'un kit de survie et que tu restes proche de ton téléphone dans les prochains jours.

Quelques secondes de silence s'écoulent. J'en profite pour m'éloigner du mur et tenter de m'éclipser à reculons, sans faire de bruit. Terminator pivote aussitôt vers moi et braque ses yeux violets dans ma direction avec un regard du style « n'y pense même pas ». Je fige, mais je continue tout de même à observer les environs pour trouver une porte de sortie. Le sale vicieux qui a tenté de me violer git toujours par terre, inconscient, ses vêtements tachés du sang qui s'écoule encore de son nez. Sa braguette est ouverte et sa queue molle pend pitoyablement à l'extérieur. Son copain repose encore dans le tas d'ordures et émet quelques gémissements pathétiques.

- Où sommes-nous ?

Je sursaute, réalisant que le colosse s'adresse à moi.

- Euh... dans une ruelle ?

Ah bravo pour la réponse idiote, Émilie !

Il semble être en accord avec mes pensées, car il reprend d'un ton impatient :

- Dans quelle ville sommes-nous ? Dans quel pays ?

J'écarquille les yeux.

Ça y ait ! Je suis tombée sur un fou tout droit sorti de l'asile. Bientôt, il va me demander l'année et me dire qu'il vient du futur et m'annoncer qu'il est là pour sauver l'humanité !

- On est au Québec. Plus précisément à Thetford Mines, dis-je en espérant que ma réponse lui convient.

Il se retourne et répète l'information à son interlocuteur à l'autre bout du fil.

Quelques secondes s'écoulent, puis il termine :

- Parfait. Je te rappelle dès que j'ai une adresse. En attendant, ramène-toi ici le plus vite possible.

Il raccroche puis passe une main sur son visage en soupirant. Il a l'air fatigué ou peut-être découragé, ou les deux à la fois. Peut-être que finalement il n'est pas là pour continuer ce que les deux autres mecs s'apprêtaient à faire ? Si c'était le cas, il l'aurait déjà fait. Mais pourquoi diable est-il nu comme un ver ?

Pas que je me plaigne de la vue. Mais c'est, avouons-le, pas très rassurant tout ça.

Alors que je m'apprête à le remercier de m'avoir sortie d'une situation délicate, il revient vers moi et me remet mon téléphone sans rien dire. Même pas un merci !

Il tourne les talons et se dirige vers l'homme inconscient dans les poubelles. Je glisse le téléphone dans ma poche arrière et ramasse mon sac bandoulière qui, lui aussi, était tombé par terre. Et c'est à ce moment que la réalité me rattrape. Je suis passée à deux doigts de me faire violer si cet énergumène n'était pas débarqué ici à temps.

Je ressens soudain le besoin impérieux de rentrer chez moi. Une longue douche pourrait peut-être nettoyer toutes les traces de cette agression et me plonger sous les couvertures m'aidera sans doute à tout oublier.

Du moins, j'espère.

Des souvenirs que j'ai enfouis depuis longtemps dans mon inconscient menacent de refaire surface et c'est la dernière chose à laquelle j'aspire. J'avale la boule qui entrave ma gorge et secoue la tête.

Je dois rester forte.

Je jette un coup d'œil à mon sauveur. Il s'affaire à dévêtir un de mes assaillants et enfiler ses vêtements. Super ! Au moins il semble conscient que c'est un peu étrange de se promener nu dans les rues à cette heure.

À toute heure d'ailleurs...

J'en profite pour contourner d'un pas silencieux le conteneur à vidange et prendre la direction de la rue principale. Juste avant de tourner le coin de la ruelle, j'entends sa voix grave gronder dans mon dos et je me fige aussitôt.

- Si j'étais toi, je ne resterais pas seule dans les prochains jours.

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