#2
The Good Boy – Gabriel
Les sourcils froncés par la concentration, Gabe finit d’écrire la dernière phrase de son résumé à la vitesse de la lumière puis, tel un rappeur qui laissait tomber son micro après son dernier punch line, il jeta son stylo sur la table. Soupirant de satisfaction, il s’étira longuement avant de poser sa tête sur son cahier toujours ouvert.
Il venait de finir tous ses devoirs du week-end alors qu’on n’était que vendredi soir. Il préférait les terminer en avance, de sorte à pouvoir paresser autant qu’il voulait le samedi et le dimanche (et traîner avec Justine, évidemment).
En parlant de Justine.
Tendant le bras, Gabe saisit son téléphone, qu’il avait royalement ignoré ces deux dernières heures, et le ralluma. Il se connecta sur Facebook, où il savait qu’un nouveau gossip et probablement quelques insultes de sa meilleure amie – pour ne pas lui avoir répondu à temps – l’attendaient. Effectivement, lorsque la page d’accueil s’afficha, il vit un petit « 4 » se dresser sur l’icône des messages et, après avoir cliqué dessus, appuya sur le pseudo de Justine pour les lire.
« Tu ne vas pas croire ce qui est arrivé chez Marty ! » disait le premier. Un petit sourire se traça sur le visage de Gabe. Alors comme ça, elle est allée à la fête de Marty, quand bien même elle avait juré qu’elle ne pouvait absolument pas y aller sans lui, hein ? Bien sûr, il savait qu’elle n’avait dit ça que pour essayer de le convaincre de venir avec elle – ce qui n’a visiblement pas marché – alors il ne lui en voulait pas du tout. De toute façon, il détestait les fêtes ; surtout celles de Marty. Tout le lycée y allait alors plus dramatique, tu meurs.
« Éloïse Carleton s’est prise un GROS râteau en essayant de gérer, roulement de tambour, Sean Davis ! OMG ! La tête qu’elle faisait, c’était à mourir de rire 😆 ! » informa le second message. Lire ce nom suffit à altérer le sourire de Gabe. Eh oui, il avait cet effet-là sur lui. Gabe lut le troisième message en vitesse.
« En mode sexy, elle s’est approchée et lui a chuchoté quelque chose dans l’oreille. Personne ne sait ce que s’était, mais juste au moment où la musique s’est arrêtée, Sean lui a très sérieusement répondu : “désolé, je ne sors pas avec les filles faciles”, HAHAHAHAHAHA, LA HONTE 😂 !!! Non mais tu te rends compte ?! Il a osé dire ça à Éloïse Carleton, quoi, la miss du lycée ! Alors là, je n’ai aucune chance ! ». À ce stade, Gabe fronçait pratiquement les sourcils.
Il n’y a que lui pour traiter une fille aussi mal… Pensa-t-il amèrement. Attendez, comment ça, « je n’ai aucune chance » ?!?
Lorsqu’il vit que le quatrième message était les insultes dont il avait parlé tout à l’heure, il entreprit de répondre à Justine.
G : Bien sûr qu’un gars comme lui oserait faire une chose pareille. Et qu’est-ce que tu veux dire par « je n’ai aucune chance » ?! Ne me dis pas que t’es éprise de cet idiot ?!
Il espérait vraiment de tout son cœur que ce ne soit pas le cas. Après tout, c’était sa meilleure amie, elle était supposée détester les gens qu’il détestait !
À peine quelques secondes plus tard, une réponse arriva.
J : Oh, ‘monsieur’ daigne enfin me parler ?
G : Arrêtes. Tu sais que j’étais en train de faire.
J : T’astiquer la flûte ?
G : NON ! Faire mes devoirs, obsédée ! Enfin bref, répond à ma question ! Tu n’as tout de même pas de sentiments pour ce crétin, si ?!? Tu as littéralement vu comment il a traité Éloïse, qu’est-ce qui te fais dire qu’il ne fera pas pareil avec toi !
J : Comme je te l’ai dit plus tôt, je sais que je n’ai aucune chance. Ni moi ni aucune fille du lycée, si même ‘miss monde’ n’a pas réussie ! Et, oui, j’ai vu comment il a traité Éloïse, mais honnêtement, elle l’avait cherché. Il avait essayé de lui faire comprendre gentiment qu’il n’était pas intéressé.
G : Franchement, je ne vois pas ce que vous lui trouvez… Il est riche, c’est tout.
J : Hum, excuse-moi mais il est quand même beau comme un dieu !
Une photo de Sean s’afficha soudainement sur son écran, soutirant un grognement de dégoût de sa bouche, bien qu’il n’y ait rien de dégoûtant sur la photo.
Dessus, Sean était dans un parc, assis de façon décontracté sur un banc, et jouait avec une mèche de ses cheveux noirs en fixant, de son regard glacial, quelque chose sur sa droite. Il portait un T-shirt noir qui embrassait son torse musclé à la perfection et faisait ressortir ses bras robustes, et un bas de jogging gris qui lui allait ridiculement aussi bien que tout le reste. Même légèrement de profil, les lignes de son visage étaient follement bien dessinées et sa bouche, délicatement entrouverte, était aussi invitante que les gâteaux qu’on affichait exprès aux vitrines des pâtisseries.
D’accord. Gabe devait admettre que, quand il était comme ça, immobile, en image et incapable de le toucher ou de lui parler… Il était supportable à regarder, disons. Mais Gabe préfèrerait encore se râper la langue que de l’admettre à qui que ce soit, surtout pas à Justine ! Oh non, ça lui ferait trop plaisir.
Alors il se contenta de lui répondre :
G : Bof.
J : Bof ? Bof ?!? Tu as clairement besoin de porter des lunettes parce que ça, mon cher, ce n’est pas un “bof” ! C’est un “oh my gyad, f*ck me, daddy!”.
G : Ew ! Tu as vraiment besoin de te calmer !
J : Pas avant que tu n’admettes la beauté de Sean Davis.
G : Jamais.
J : Sérieusement, quand est-ce que vous allez arrêter cette petite guéguerre, tous les deux ? Je trouve que ça a duré assez longtemps comme ça. Tu sais toi-même que cette fille n’était pas aussi innocente qu’elle le prétendait, alors pourquoi est-ce que tu t’obstines à détester Sean ?
Gabe sentit son sang bouillonner à cette accusation. Cette fille était un sujet on ne peut plus délicat, pour lui.
G : Je ne te permets pas, OK ? Elle était innocente, jusqu’à ce que Sean lui fasse ce qu’il lui a fait ! Tout est de sa faute, point final.
J : Gabe… Tu pourrais au moins passer à autre chose. Ce n’est pas sain de rester coincé dans le passé. Je ne sais pas, moi, essaie de faire mentalement la paix avec Sean ?
G : Non mais dans quel camp tu es ?!
J : Celui de mon futur daddy, bien sûr 😉.
G : Ha ! Tu l’as dit toi-même, tu n’as aucune chance !
J : Donc… Tu admets quand même que Sean est doté d’une beauté supérieure inatteignable par nous autres pauvres mortels 😃 ?!
G : …Bonne nuit.
J : Je plaisante, je plaisante 😆 ! Revieeeeens !
À ce moment-là, Gabe entendit son père bougonner d’en bas, l’appelant pour dîner.
G : Je dois y aller, de toute façon. On se voit toujours ce week-end, n’est-ce pas ?
J : Bien sûr ! Prépare-toi pour le marathon d’animé le plus dément que tu n’aies jamais vécu !
G : Hourra 😑.
J : Haha, arrêtes ! Tu verras, ce sera génial !
G : Je n’en doute pas. Alors à demain.
Soupirant doucement, Gabe verrouilla son téléphone et le reposa sur sa table. Parler de Sean Davis aussi longtemps lui avait plombé le moral.
- Enfin, se dit-il alors qu’il se leva pour sortir de sa chambre. Ce n’est pas comme si j’allais penser à lui toute la soirée.
Mais même quand son père et lui finirent leur repas en silence, ce nom resta présent dans un coin de sa tête.
*
Ah.
Sean et Gabe ne s’étaient retrouvés face à face qu’il y a à peine une milliseconde et Gabe sentait déjà une inexplicable colère monter en lui. Pourquoi devaient-ils toujours se rencontrer dans les couloirs ? Gabe essayait de l’éviter, pourtant. Il prenait les trajets les plus longs et les plus improbables pour rejoindre ses classes, juste pour ne pas le croiser, mais rien à faire ! Ça l’agaçait tellement. Quoiqu’il aurait dû le voir venir, ou plutôt l’entendre venir, étant donné que les gens aimaient chuchoter (assez fort pour qu’on les entende à des milliers de kilomètres) lorsqu’il passait.
Gabe soupira intérieurement. Il savait déjà ce que Sean allait faire, vu qu’il le faisait tout le temps. Il allait lui dire bonjour, l’empêcher de passer et le titiller jusqu’à ce qu’il explose, comme tous les jours. Mais, cette fois, il ne se laissera pas faire aussi facilement !
Si jamais il s’approche trop de moi, je lui mets une droite !
Avec cette affirmation en tête, Gabe serra ses livres contre sa poitrine.
- Toi… Commença-t-il en plissant des yeux. Tu n’as pas intérêt à m’embêter ou sinon…
Pendant un long moment, Sean le dévisagea silencieusement, intensément, comme s’il cherchait à comprendre quelque chose. Ses yeux bleus, presque gris, faisaient de rapides saccades pour étudier chaque détail, chaque parcelle de son corps.
Irrité, Gabe l’étudia à son tour, pensant que c’était la moindre des choses de lui rendre la pareille.
Eh bien. N’est-il pas juste habillé de façon charmante, aujourd’hui ?
Il était vêtu de noir de la tête aux pieds.
Sweat noirs, jean noirs, converses noires, cheveux noirs, âme noire… La classe, quoi.
Gabe continua son observation, jusqu’à ce que ses yeux se posent sur les lèvres de Sean et, allez savoir pourquoi, mais il était resté au moins une minute à les fixer.
Elles ont l’air si douces, si séduisantes… Ouah, stop ! On arrête là ! Ew, Ew ! Je crois que Justine m’est montée à la tête, ugh !
Gabe se dépêcha de monter les yeux, détournant son regard de la bouche de Sean, jusqu’à ce qu’il tombe, pour la première fois, sur le grain de beauté qui se trouvait juste sous l’œil gauche de ce dernier. C’était un petit point à peine visible sur sa peau pourtant assez pâle, qu’on ne pourrait remarquer que si l’on prêtait attention comme il le faisait.
Il est tellement petit… Je me demande s’il s’effacerait, si je passais un doigt dessus– O-kay, je commence sérieusement à dire des choses un peu trop bizarres, moi. Il faut vraiment que je me dé-Justine-ise. Je n’aurai pas dû passer tout le week-end avec elle.
Lorsque Gabe leva encore les yeux, son regard croisa presque brutalement celui de Sean, et quelque chose sembla instantanément changer, dans l’air.
À cet instant-là, les élèves qui discutaient et passaient près d’eux disparurent, et il leur semblait qu’ils étaient seuls soudainement dans ce couloir. Seul dans ce lycée, seuls dans ce monde, seuls dans tous l’univers.
Gabe pensait que c’était parce qu’ils attendaient tout deux que l’un fasse quelque chose pour énerver l’autre… Mais le regard de Sean lui disait que c’était autre chose. Et Gabe n’avait absolument aucune idée de ce que c’était, ce qui le rendit encore plus suspicieux.
Brusquement, Sean s’avança vers lui et cela brisa apparemment le sort parce que les élèves réapparurent un par un et tout redevint normal. Préparé, Gabe serra les poings mais, à sa grande surprise, Sean passa près de lui sans lui accorder la moindre attention et s’en alla. Gabe le suivit des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse de sa vue puis leva un sourcil.
Tiens. Il ne m’a même pas dit bonjour. C’est inhabituel… Et bizarre.
Sans vraiment savoir pourquoi, le fait que Sean l’ait ignoré l’avait un peu énervé. C’était ce qu’il voulait, non ? Que Sean le laisse tranquille, qu’ils fassent comme s’ils ne se connaissaient pas. Alors pourquoi cet impression d’agacement quand Sean a fait comme s’il n’existait pas alors que la seconde d’avant il était pratiquement en train de le dévorer des yeux ?
Oh, peu importe ! C’est sûrement l’habitude. Tout ce qui compte, c’est que je vais enfin avoir la paix que je réclame depuis des mois !
Si seulement il savait que ce n’était que le calme avant la tempête…
Sur ce, Gabe se remit à marcher vers sa classe, pressé d’être à son cours préféré, le cours de musique, qui était malheureusement le dernier de la journée. En attendant, ce sera physique et sciences naturelles, qu’il partageait heureusement avec Justine.
…
« D’accord… » fit Cupidon en se grattant doucement la tête. « J’ai comme l’impression que j’ai un tantinet aggravé la situation… »
Son plan ne semblait pourtant pas posséder de faille, théoriquement. Il devait planter une flèche dans le cœur de l’autre garçon pour arranger les choses mais, exactement au moment où il l’a tiré, un vent s’est levé – il commence à croire que le Destin était contre lui – et la flèche fut déviée, ne réussissant qu’à effleurer l’épaule du garçon.
« Ce qui veut dire que l’autre garçon, qui apparemment déteste le premier, va commencer à avoir des sentiments confus vis-à-vis de celui-ci… » Diagnostique Cupidon. « Cela passera constamment de la haine à l’amour puis de l’amour à la haine jusqu’à ce que le peu de filtre que j’ai pu injecter en lui disparaisse complètement… Sauf si j’arrive à l’atteindre avant. Là, toute la haine disparaitra, ils s’aimeront pour toujours et je pourrai les inscrire dans le livre des amants sans avoir à expliquer au Patron que j’ai peut-être gâché la vie amoureuse d’un jeune homme en ayant incorrectement calculé un tir ! Ah, que de joie, que de soulagement ! ».
Sur ces belles paroles, Cupidon vaqua à ses occupations et se mit à virevolter de nuages en nuages à la recherche des cœurs qu’il était censé lier, laissant le problème des deux ennemis amoureux pour son prochain temps libre.
…
*
Enfin, le moment que Gabriel avait tant attendu était arrivé. Le cours de musique !
Après avoir dit au revoir à la hâte à Justine, qui rentrait chez elle, il marcha d’un pas rapide vers la salle de musique, passant tel une ombre entre les élèves qui sortaient des classes, et lâcha même des petits gloussements d’excitation de temps à autre, tellement il était pressé de retrouver Mlle Carmen et ses instruments.
D’aussi loin qu’il s’en souvienne, Gabe avait toujours adoré la musique. Dès l’instant où ses petits doigts d’enfant s’étaient posés sur le piano que ses parents lui avaient offert pour Noël, son âme était devenue celle d’un mélomane et d’un pianiste hors pair. Il avait deux ans, à l’époque, mais ça le passionnait tellement que, très vite, il s’est fait attribuer le titre de prodige et a été inscrit à de nombreux concours.
Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Gabe au souvenir de son tout premier concours. Il se rappelait encore des larmes de sa mère lorsqu’ils ont annoncé qu’il avait remporté la première place. Elle l’avait serré si fort dans ses bras que tous ses os avaient failli se briser !
Ah, c’était le bon vieux temps. Quand maman était encore…
Gabe ravala la boule de tristesse qui se menaça de se former dans sa gorge.
Peu de temps avant qu’il n’entre au collège, sa mère avait perdu la vie dans un accident de la route. Plus rien n’a été pareil depuis. Parce que sa mère était également pianiste (en fait, c’est elle qui lui a tout appris), son père ne supportait plus de voir de claviers dans la maison et les a tous vendu. Évidemment, ça a fait mal à Gave de les perdre, mais pas aussi mal que le fait de perdre sa mère ; et si lui souffrait autant alors il comprenait que l’agonie de son père était mille fois plus grande. Elle était l’amour de sa vie, voir les pianos qu’elle chérissait tant le tuait. C’est pourquoi Gabe n’a rien dit quand on son père les a vendus, rien dit quand il a banni le mot ‘piano’ ou même ‘musique’ de la maison, rien dit quand il a commencé à se noyer dans l’alcool et gâcher sa vie.
En réalité… Il avait peur de parler.
Avant que ses pensées ne puissent aller plus loin et le mener à de lugubres idées, il arriva devant la salle de musique, ce qui lui remonta instantanément le moral. Il n’avait peut-être plus le droit de jouer du piano chez lui mais à l’école il s’en donnait à cœur joie ! Quoiqu’il doive encore attendre la fin du cours.
Lorsqu’il ouvrit la porte, il fut immédiatement accueilli par le tintamarre assourdissant des instruments, qu’on accordait tous en même temps. Ce n’était pas très harmonieux, surtout parce qu’en plus les élèves rajoutaient du bruit à l’ensemble en bavardant entre eux. Gabe secoua joyeusement la tête. Heureusement qu’il avait l’habitude. D’un pas décidé, il marcha vers Mlle Carmen, qui discutait énergétiquement avec un tromboniste.
- Bonjour, Mlle Carmen, salua-t-il une fois arrivée devant elle.
- Bonjour, Gabriel ! Répondit-elle en lançant un très grand sourire dans sa direction, ses yeux verts pétillants de joie.
- J’espère que je vous serais utile, aujourd’hui encore, commenta-t-il poliment.
- Mais bien sûr que tu m’es utile ! Rétorqua-t-elle. Bien, puisque tu es là, je crois qu’on va commencer !
Et ainsi débuta le cours.
En fait, ce n’était vraiment un cours de musique. La plupart des élèves qui y assistaient maitrisaient généralement déjà bien leurs instruments, alors Mlle Carmen n’avaient plus grand-chose à leur enseigner. C’était plutôt une sorte d’activité, voire un club, où on formait des orchestres et répétait des symphonies à longueur de journée mais qui, pour une certaine raison, se faisait encore appeler « cours ». Enfin, peu importait, parce que Gabe adorait cet endroit, et il pouvait voir que tous les autres élèves qui étaient là partageaient également son sentiment.
Le rôle de Gabe était de jouer l’assistante de Mlle Carmen. Il plaçait les pupitres, partageait les partitions, ce genre de chose. Il n’avait pas beaucoup de responsabilité, mais écouter lui suffisait. D’un autre côté, ce n’était pas comme si un sénior comme lui (il était le seul terminal à participer) pouvait faire plus, vu son emploi du temps. Parfois, quand Mlle Carmen – qui endossait le rôle de chef d’orchestre – décidait de leur faire jouer un concerto pour piano, il se mettait au clavier. Ces fois-là, elle lui disait toujours qu’il gâchait son époustouflant talent en ne faisant rien. Il voyait ce qu’elle voulait dire par là mais se contentait de lui offrir un sourire comme réponse. Ce n’était pas de sa faute.
Mais bien qu’il appréciât sincèrement ce cours, son moment préféré était quand même quand il se terminait, comme maintenant. Une fois tous les élèves partis, Mlle Carmen lui laissait la clé et le devoir de fermer la salle, ce qui voulait dire qu’il pouvait rester aussi longtemps qu’il voulait et jouer du piano à satiété.
- À la prochaine, Gabriel ! Lui dit Mlle Carmen en partant.
- Au revoir, Mlle Carmen ! Lança-t-il à son tour.
La porte se referma derrière elle et un silence bienvenu tomba sur la salle, silence que Gabe prit le temps de l’apprécier comme un ‘Englishman’ apprécierait son thé après une longue journée de travail.
Lentement, il se rapprocha du piano à queue qui trônait au milieu de la pièce et appuya aléatoirement sur une touche. La note, s’envolant dans les airs, lui sembla résonner jusqu’au bout de la Terre. N’en pouvant d’attendre, il s’assit sur le banc et mis ses mains en place. Il dut passer quelques minutes à les dérouiller un peu parce qu’il ne jouait plus tous les jours comme avant mais, très vite, ses doigts se mirent à flotter sur les touches.
Il ne pouvait pas abandonner le piano. Même si c’était ce que son père voulait, il serait incapable de complètement laisser tomber, parce que chaque fois qu’il jouait, il avait l’impression que sa mère était… Toujours là, à ses côtés.
Un à un, les morceaux de musique lui revinrent en tête et il les joua du mieux qu’il put, même celles qui demandaient des techniques compliquées dont il pensait avoir perdu la maîtrise il y longtemps de cela. Son père avait brûlé toutes les partitions de chez lui peu après avoir vendu les instruments, mais ils lui étaient resté gravé en mémoire. Heureusement, parce qu’il ne pensait pas avoir le courage de chercher à remettre la main sur eux, ou même de les regarder sur internet.
Sans qu’il s’en rende compte, ses doigts commencèrent à former les notes d’un morceau qu’il avait pourtant évité de jouer depuis des mois. Et, emporté par le moment, il ne put s’arrêter, pas même quand l’étau de la tristesse serra son cœur dans la plus atroce des douleurs.
Liebestraum.
Rêves d’amour. Le morceau préféré des deux femmes les importantes de sa vie, qui en sont pourtant toutes deux sorties : sa mère, et elle–
Bam !
Soudain, un bruit se fit entendre derrière la porte, quelque chose qui ressemblait au bruit d’une chute, puis des pas s’éloignèrent rapidement, comme si quelqu’un fuyait en courant.
On m’espionne ?!
Gabe s’était levé de son banc et rué hors de la salle avec rapidité, mais malgré cela, il ne put apercevoir qu’un bout des cheveux noirs de son admirateur disparaître derrière un couloir.
A/N : Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez jusqu’ici ?
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