΅ ΧLIII ΅
Pour une fois, Pierrot savait dans quelle ville ils étaient ! C'était Jéricho !
...
Ne lui en demandez pas plus, il a juste entendu cette information au détour d'une conversation.
Et comme d'habitude, ils traversaient la ville, et comme d'habitude aussi, ils étaient au milieu d'une foule compacte avide de toucher Jésus et de lui demander guérison. Pierrot n'aimait pas trop ce quotidien, mais ils n'avaient pas trop le choix.
Il faut comprendre que les gens = mouches, et Jésus = pot de miel. Pierrot faisant évidemment partie des mouches parce que, il n'en a jamais vraiment parlé, mais Jésus = bg aussi.
Jéricho avait d'ailleurs cette particularité que d'avoir un minimum d'arbres dans ses allées, ce qui changeait beaucoup l'orfèvre, et lui faisait avoir le nez en l'air assez régulièrement — parce qu'au pays de la poussière, comment vous dire que voir du vert est juste miraculeux —, ce qui lui fit voir qu'un drôle de petit bonhomme était monté dans les branches de l'un des arbres pour voir Jésus, à en croire sa main mise en visière au-dessus de ses yeux.
Enfin, sa posture lui donnait tout l'air d'un pirate en train de regarder l'horizon.
Pierrot donna un coup de coude à Matthieu, à côté de lui.
« Regarde là-haut ! »
Matthieu leva la tête et sourit, amusé. Barthélémy, pas loin, repéra leur attitude et leva les yeux aussi, donnant par la suite un coup de coude à André, qui pouffa en interpelant-
En bref, tous les apôtres finirent par regarder ce bonhomme dans son arbre — se foutaient de sa gueule ou applaudissaient l'idée, difficile de savoir —, et Jésus ne manqua pas de lever les yeux aussi, au final, alors qu'ils passaient sous l'arbre. Mais contrairement à ses teubés de disciples, il se montra civilisé.
« Zachée, descends vite : aujourd'hui il faut que j'aille demeurer dans ta maison. »
Ah, à ce point-là ? S'interrogea Pierrot en regardant Jésus, voyant du coin de l'œil ledit Zachée descendre de l'arbre tout content.
Mais autour de lui, il entendait piaffer les gens.
« Il est allé loger chez un homme qui est un pêcheur. »
Il se retourna vers eux, l'air de demander 'dis-m'en plus' au premier con qu'il vit. Le con s'expliqua tout de suite — pourquoi con ? parce que s'il y a une chose que Pierrot a fini par comprendre, c'est que tous les hommes sont pêcheurs — :
« Cet homme est le chef des collecteurs d'impôts, il est riche, et assurément l'auteur d'un grand péché, renifla le con dédaigneusement, avant de tourner les talons pour disparaître. »
Pierrot n'eut pas le temps d'y penser que Zachée s'exprimait.
« Voici, Seigneur : je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus. »
Dites ce que vous voulez, mais s'il est capable de changer comme ça...
Et justement, Jésus s'exprima en ces termes en parlant à la foule — RIP le con qui sera parti trop tôt pour l'entendre :
« Aujourd'hui, le salut est arrivé pour cette maison, car lui aussi est un fils d'Abraham. En effet, le Fils de l'homme est venu chercher et sauver ce qui était perdu. »
אבא
Une autre fois, ils étaient sur l'eau, dans une barque — le coup du Jésus fantôme qui traverse la mer à pieds ? très peu pour Pierrot —, et c'était l'heure de manger, et ils avaient plus de bouffe. Ou du moins, pas assez.
« Mais si, on n'a qu'à les garder le plus longtemps possible, et on en rachètera de nouveau dans le prochain village, comme ça nous pourrons tous manger ensemble ! S'entêtait Pierrot, face à un Jacques borné.
— Sauf que nous n'y serons pas avant ce soir ! Alors mangeons tous une partie de ce pain — il le montra de la main — pour avoir des forces, et arriver au plus tôt ce soir pour manger à notre faim ! »
Chacun exposait un peu son idée de son côté, mais personne n'arrivait à se mettre d'accord. Un après-midi normal pour Jésus et ses gosses.
Celui-ci finit par prendre la parole.
« Attention ! Prenez garde au levain des Pharisiens et au levain d'Hérode ! »
Pierrot le regarda rapidement.
...Pas compris.
Alors il retourna à sa dispute avec Jacques. Mais Jésus insista.
« Pourquoi discutez-vous sur ce manque de pains ? Vous ne saisissez pas ? Vous ne comprenez pas encore ? Vous avez le cœur endurci ? [...] Vous ne vous rappelez pas ? Quand j'ai rompu les cinq pains pour cinq mille personnes, combien avez-vous ramassé de paniers pleins de morceaux ? »
Les apôtres s'entreregardèrent, répondant disparatement :
« Douze. »
Oui, et ?
« Et quand j'en ai rompu sept pour quatre mille, combien avez vous rempli de corbeilles en ramassant les morceaux ? »
Nouveau regard de connivence. Quand Jésus parlait comme ça, Pierrot avait l'impression d'être immensément stupide.
« Sept. »
Alors Jésus attarda son regard sur eux. Il avait un air difficile à décrire, entre la déception, l'espoir et l'intrigue.
« Vous ne comprenez pas encore ? »
אבא
Lc 19, 1-10
Mc 8, 14-21
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