΅ XLII ΅

« Alors, ça te plairait ? »

Pierrot était revenu à l'hôpital, plusieurs jours après la proposition d'emploi de Wilhelm pour l'un de ses potes qui avait besoin d'un portail ouvragé. Le père de Pierrot avait immédiatement accepté le défi, et le cahier des charges avait été donné le matin même à Pierrot pour qu'il en fasse part à son père et que ce dernier décide définitivement s'il s'y mettait ou pas.

Il avait encore quelques semaines à rester au lit à cause de ses rééducations, mais il avait de toute façon toujours eu besoin de temps pour réfléchir à ses futures créations avant de s'y mettre pour de vrai, alors ce n'était pas un problème que d'attendre. Et puis, il fallait qu'il commande les matières premières, et ça prendrait du temps de tout faire venir, parce que la commande était vraiment énorme. Pierrot vit néanmoins un sourire poindre sur le visage de son père.

« Ça me plaît énormément, déclara celui-ci, le regard joyeux. J'ai hâte de commencer. Tu m'as laissé le contact de ce client ?

— Oui, j'ai mis son numéro à la fin, chercha Pierrot en tournant les pages du dossier. Et son nom. Il m'a dit que pour la date il n'y a pas de limite, mais le plus tôt possible il préférerait.

— Je verrai ce que je peux faire. Avant le coma, je lui aurais fait en deux semaines, mais maintenant je ne sais pas trop comment estimer ma rapidité. On verra. »

Pierrot sourit. D'aussi loin qu'il se souvienne, son père avait toujours été un modèle pour lui, qui lui avait donné l'envie de devenir orfèvre et de toujours mettre de l'ardeur à la tâche, et revoir son air compétitif se dresser sur son visage le rendait aussi heureux que s'il avait avalé dix arcs-en-ciel.

« D'ailleurs, ça me ferait plaisir que tu puisses aller dans ma boutique pour aller faire un peu de ménage, reprit son père avec un air malin sur le visage. J'ai toujours eu l'habitude de ranger mon atelier, mais après trois ans d'inactivité, il faudrait aller réviser mes machines, et puis passer le balai... »

Pierrot grimaça en geignant. Il avait horreur de ce genre de boulot.

« Oh allez, dis-toi que ça me permettra d'aller travailler plus vite, fit mine de le soutenir son père en lui tapotant l'épaule — avec ses mains de bûcheron ça s'apparentait surtout à un marteau sur un clou. Et puis, tu pourras aller compter les pierres qu'il me reste... »

Ce fut l'argument qui vainquit. Parce que maintenant vous le savez : Pierrot ADORE les bijoux. Et les pierres précieuses.

« J'irai cet après-midi, déclara-t-il en se levant — parce qu'il était quand même treize heures. Avec un peu de chance je finirai avant la tombée de la nuit... »

Lui et son père eurent le même rictus. Il y mettrait clairement bien plus que cinq heures. Et ils le savaient.

« Tu n'avais rien de prévu ? S'intéressa son père, qui n'avait jamais réussi à mémoriser son propre emploi du temps.

— Hmmmmmm si, mais disons que les joyaux m'appellent. »

Ça eut le mérite de faire sourire son père. Bah, il n'avait pas prévu grand-chose à la base ; récupérer plusieurs arrivages de matériaux, rendre des commandes... Si, en fait il avait une journée chargée. Mais il trouverait bien un moment pour aller voir les dégâts dans l'atelier de son père.

אבא

La porte de la boutique émit un abominable grincement dès que Pierrot eut le malheur de la pousser, et il retint un glapissement en voyant son sempiternel mannequin en bois être debout au loin dans le noir.

L'atelier de son père était similaire au sien, en bien plus fourni, organisé, vieux, et populaire. C'était un bel endroit, avec des moulures, pleins de meubles en bois pour la partie clients, et des machines très pointues dans la partie où on bosse. La principale différence entre son propre atelier et celui de son père, en fait, c'était que son père n'était pas orfèvre ; il était ferronnier d'art. Et c'est complètement différent.

Car si Pierrot faisait des bijoux et à la limite quelques vases et candélabres, mais rarement de vrais meubles, son père s'attaquait à du gros-œuvre bien plus colossal que son fils ; et de fait, il avait une carrure bien plus impressionnante. Mais Pierrot n'était pas jaloux, parce que lui il aimait bien faire l'anguille dans la queue du supermarché.

Ce qu'il faut par contre comprendre, c'est que l'atelier de Pierrot est un endroit où on marche ; l'atelier du papa de Pierrot est aussi grand et large que celui du Père Noël, en mieux, où on roule en transpalette. Et d'ailleurs, Pierrot travaillait seul, mais son papa avait des salariés, avant, qu'il faudrait retrouver s'ils étaient encore sur le marché du travail.

Mais Pierrot en était encore à ouvrir la porte de la boutique ; c'était l'une de ses parties préférées du lieu, parce qu'on eût un peu dit l'entrée d'une coque d'un bateau de pirate, mais il y avait ce PUTAIN de MANNEQUIN qui le fixait dans l'ombre, et il tremblota en allumant la lumière, les yeux rivés sur le monstre. La seule raison de la présence de ce truc, c'est que son père sait qu'il en a peur. C'est. Tout.

« Ooooooh, de la poussière, marmonna Pierrot pour lui-même en se voyant dans un environnement complètement gris. Donc il va falloir nettoyer ici... »

Il fit quelques pas sur le plancher grinçant. D'habitude il aimait bien ce bruit, mais là, dans un endroit qui sentait le renfermé, éclairé par une lampe faiblarde et sans accès à la lumière du jour faute aux bâches qui recouvraient les vitrines, ça faisait peur.

Voyons l'atelier...

Il passa dans la seconde partie de la boutique, aka un hangar, et se sentit immédiatement comme chez lui. Suite à la chute dans le coma de son père, les ouvriers avaient rangé l'atelier et n'avaient rien laissé en cours, fort heureusement, mais la plus grosse partie de la remise en état de l'atelier serait les machines, qui avaient besoin d'une maintenance tous les six mois environ, si elles étaient en service. Là... ça risquait de piquer.

« Bon, allons-y, grinça Pierrot, armé de son matériel de nettoyage, en s'avançant vers la première machine qu'il croisa — une plieuse de tôles géante. »

Et il fut heureux de voir une belle couleur de CACA sur son chiffon quand il le passa dans le mécanisme. Cette remise en état allait être très, très longue.

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