΅ LVIII ΅
Les commandes de mariage s'éloignaient, alors Pierrot profita de son après-midi pour avancer sur la crèche, ce jour-là. Le plan était de faire le reste des personnages, comme Jésus était déjà fait, et d'attaquer la crèche en elle-même, ou plutôt l'étable.
Cependant Pierrot n'est pas une personne logique, et il commença par l'étable. Vous ne pouvez rien lui dire : c'est son atelier, sa crèche, et son imagination.
Et quelle imagination, je vous le demande.
Le petit Jésus possédant déjà sa forme finale, il s'en servit pour ajuster les proportions du bâtiment, pour ne pas que l'un ait l'air plus gros que l'autre notamment — il avait remarqué que ça arrivait sur Pinterest, ce qui donnait soit l'impression que les personnages étaient des géants qui ne logaient pas dans la baraque, soit des lilliputiens. Ce qui était plutôt ridicule. Sans parler des crèches où le petit Jésus faisait la même taille que ses parents.
Moi la mienne elle sera parfaite, parce que je suis déjà parfait, obviously.
Il pouffa pour lui-même d'avoir pensé ça. Il n'y avait rien de plus faux. Surtout que ses cheveux avaient beaucoup poussé ces derniers temps, et qu'il avait dû utiliser un élastique pour éviter de les avoir dans la figure — son fidèle serre-tête ne lui était plus utile sur ce coup-là. Ça lui donnait un air un peu étrange, mais ça ne lui allait pas trop mal. Enfin, il supposait.
Son ouvrage progressa rapidement, et bientôt il put ériger les premiers murs de la crèche — qui serait d'un style cubique, si vous vous souvenez de l'architecture locale. Ça ressemblait passablement à une boîte à chaussures, mais mettre le petit Jésus au milieu aidait déjà à se figurer l'objet final.
"Bouh."
AAAAAAAAAAAAAAAH PUTAIN QUE QUOI-
*Pierrot sursauta jusqu'au plafond.*
"Si tu voyais ta tête, gloussa Dorémi alors qu'il redescendait. Tu ne m'avais pas entendue arriver ?
— Il me paraît plutôt évident que non, râla l'orfèvre en réarrangeant ses cheveux, ne se souvenant ensuite qu'il les avait attachés et que donc passer ses doigts dedans ne serait pas d'une grande utilité à part de les remettre devant sa figure. Qu'est-ce qui t'amène ?
— Oh, je passais juste, ça fait un moment qu'on ne s'est pas vus, lui sourit la jeune femme avec ses fossettes de la mort-qui-tue. Tu vas bien ?
— Hmhm, observa Pierrot, qui avait une certaine fascination pour les creux dans les joues de son amie. Mais Wilhelm a dû te donner de mes nouvelles, me trompé-je ?"
Il ne critiquait pas la démarche, mais... Il avait un peu l'impression d'être fliqué.
"Ah, il t'a dit qu'il venait de ma part ? Je lui avais dit de ne pas le faire, soupira l'étudiante en détournant le regard. L'important c'est que tu ailles bien."
Pierrot la fixa longtemps dans l'espoir qu'elle poursuive, mais elle s'arrêta là et changea de sujet.
"Sinon, sur quoi tu travailles en ce moment ? "
Soupir, puis abandon de la cible.
"Bah, des mariages, une porte, une crèche... Normal. Tes études ?
— Très bien. Les partiels ont été difficiles, mais je pense avoir réussi à me débrouiller."
Pierrot n'a jamais été à un partiel de sa vie, mais il estima que c'était en effet quelque chose de difficile, alors il acquiesça bêtement. Comme d'habitude.
Un silence.
Fort long.
"Bon, finit par soupirer Dorémi. Tu as raison, je ne suis pas venue te demander de tes nouvelles."
AH-HA ! JE LE SAVAIS !
Pierrot camoufla son sentiment de victoire en croisant ses bras. Il serait mal avisé de faire le fier alors que Dorémi avait l'air de se sentir si mal.
"Je suis sûre que tu me trouves lourde avec ça, mais j'ai l'impression qu'en même temps ça ne te dérange pas tant que ça, bafouilla-t-elle en regardant ses pieds.
— Lourde avec quoi ?
— Mon insistance à te faire découvrir ma religion."
Pierrot eut un flashback de tout ce qu'elle lui avait fait faire par rapport à cette fameuse religion.
Hm.
En effet, ça commençait à faire beaucoup, entre la veillée truc-machin, les passages de la bible lus avec lui, les débats...
"Je suis sûr que tu n'es pas aussi bavarde là-dessus d'habitude, lui demanda-t-il à demi-mot en la regardant."
Elle secoua la tête piteusement, toujours focalisée sur ses pieds. Bien. C'était donc sa tronche le problème.
"Mais dis-moi si ça t'embête, murmura-t-elle en redirigeant ses yeux bruns vers lui.
— Non non."
La réponse avait été rapide. Tant qu'ils en furent tous les deux surpris.
"Enfin, toussota Pierrot, ça va, ça me soûle pas. C'est que tu as autre chose à me proposer ?
— Oui, en quelques sortes, mais je ne veux pas que ça finisse par t'énerver, hésita la rousse en dodelinant de la tête.
— Vas-y au pire, et je te dis."
L'orfèvre haussa les épaules pour ponctuer sa phrase. Qu'est-ce qu'ils avaient à y perdre ?
"Euh, bah, je voulais te proposer d'aller à une messe. Dans l'idéal, la Vigile Pascale, qui est... moyennement une messe, enfin..."
Pierrot cligna des yeux.
"Disons que c'est un moment très important de la liturgie, et ça serait incroyable que tu y assistes, même si moi-même je ne pourrai pas y être à cause du chœur. Tu y irais seul, quoi, mais c'est tellement plus beau qu'une messe normale, quand on est encore nouveau, que... Mais je ne veux pas t'embêter...
— Dis-moi juste quand c'est et j'irai, sourit Pierrot. Tu es mon point de repère là-dedans, je te suis.
— Alors est-ce que ça te dérangerait d'aller à une messe normale, et à la Vigile ? Pour que tu voies comment ça se passe.
— Non, donne-moi juste le lieu et l'heure. "
Dorémi le regarda un peu bizarrement.
"Tu es vachement facile à convaincre.
— Disons que je ne pense pas que ce soit dangereux d'y aller, et que ça m'intéresse. Tu veux un café ? "
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