΅ LI ΅

Au grand désarroi de Pierrot, Jésus ne changeait pas de discours ; une fois encore, il leur annonça que
« le Fils de l'homme va être livré aux mains des hommes : ils le tueront et, le troisième jour, il rescussitera. », avant de leur défendre d'en parler à quiconque, encore.

Pierrot voyait que les autres étaient attristés par la nouvelle, mais en même temps, ils n'avaient pas l'air si dévastés que ça, contrairement à lui. Jésus n'avait pas à mourir, et encore moins dans d'atroces souffrances ! Mais comme il lui avait déjà dit de ne pas penser de cette manière, il se tut, et rumina en silence alors qu'ils repartaient traverser la Galilée.

Autour de lui, les autres apôtres étaient vite passés à autre chose : ils discutaient duquel d'entre eux était le plus grand, le plus valeureux, ce genre de bêtises. Pierrot les écoutait distraitement, se demandant ce qu'il se passerait pour ses rêves si Jésus mourait. Comment il ferait.

Même si ce n'était probablement que dans le pire des cas. Tout le monde aimait Jésus ! Et tout le monde venait lui demander guérison, quel que soit l'endroit où ils allaient !

Mais retournons aux petites discussions des apôtres.

"Je te dis que non !

- Et moi je te dis que si ! Évidemment que seuls les preux et les bons iront au paradis ! Soutenait Thomas, gardant un œil sur le dos tourné de Jésus, qui marchait au-devant d'eux. Comment tu veux que nous on y arrive ?

- Si c'était comme ça, personne n'irait au paradis, rétorqua Simon - l'autre Simon -, piqué. Ceux qui iront les premiers, c'est nous, et les docteurs de loi. Les bons, les purs, tous ceux-là viennent forcément après.

- Pourquoi nous, spécifiquement ? Rebondit Barthélémy.

- Parce que nous l'accompagnons ! Répondit Simon sur le ton de l'évidence. Nous sommes aux premières loges, nous annonçons la Bonne Nouvelle avec lui, alors nous ferons partie des premiers. Même, j'ai envie de te dire : nous valons mieux que les autres pour ça. Notre foi a plus de valeur."

Qu'est-ce qu'il faut pas entendre, ricana Pierrot en pensée en leur jetant un regard à la dérobée.

Mais il fut consterné de voir que les onze avaient l'air d'être d'accord avec cette logique. Il s'empressa de corriger le tir.

" Notre foi ne vaut pas plus que celle de quiconque, Simon. Une prière n'est pas plus importante qu'une autre, n'est-ce pas ?

- C'est toi qui le dis. Je pense simplement, continua-t-il plus bas après que Jésus se soit brièvement retourné, qu'en tant que ceux qui le suivent, qui l'écoutent et qui propagent sa parole, nous avons plus de prix aux yeux du Très-Haut que ceux qui Le renient, qui crachent à Son écoute, et qui cherchent à contraindre la venue de Son règne."

Pierrot s'en voulut de garder le silence une seconde ; parce qu'il pensait l'inverse, mais que Simon le prit comme une approbation. Il ne lui laissa pas le temps de répondre :

"Je savais bien qu'on serait d'accord. Tu sais, le Seigneur a beau vouloir sauver tout le monde, il est plutôt évident que, comme il y a une hiérarchie des anges, il y a une hiérarchie des hommes. Et nous sommes en haut."

Et il s'en alla vers l'avant pour aller parler à quelqu'un d'autre. Pierrot eut un mouvement agacé.

Merde alors, tout le monde l'avait vu perdre sa langue face au discours de Simon ! Et les autres autour de lui le regardaient en biais, comme s'ils le jugeaient tout bas.

"Qu'on soit bien clairs, leur adressa le jeune homme dans une rage sourde, je ne pense et ne suis d'accord avec aucun des mots qu'a dits Simon. Chacun a son avis, et manifestement, nous n'avons pas le même. Mais, reprit-il après une seconde, si vous tenez tellement à savoir qui sera sauvé, allez donc le demander au Sauveur du monde, trois mètres devant vous ! "

Personne ne lui répondit, parce que tous les regards s'étaient tournés vers le sol. Pierrot n'en dit pas plus, et le reste de la matinée se passa dans un silence lourd.

Lorsqu'il s'arrêtèrent à Capharnaüm pour manger, plusieurs heures plus tard, Jésus leur demanda de quoi ils parlaient, sur la route. Étrangement, tout le monde garda le silence.

Pierrot ne fut pas pris de l'envie pressante de répondre. Ce n'était pas lui qui avait lancé le débat, et la réponse ne l'intéressait pas. Surtout qu'il avait de nouveau l'esprit occupé par ces annonces de mort répétées. Il avait un pressentiment très négatif, et il ne savait pas si c'était à propos de ça ou d'autre chose.

Son regard se perdit longuement sur le regard de Jésus. Qu'est-ce qu'il ferait s'il disparaissait ?

Cette question lui revenait souvent. Il se rendait compte progressivement que ces rêves étaient importants pour lui, et le faisaient se sentir important, apprécié, entouré. Ce qu'il n'était pas, dans sa réalité. Et par-dessus tout, le regard perçant mais si profond de Jésus avait quelque chose d'hypnotique. Lorsqu'il posait ses yeux dans les vôtres, la sensation d'être aimé percait tous les pores de votre peau comme un putain de soleil, et vous plongeait dans une joie indescriptible.

« Qui donc est le plus grand dans le royaume des Cieux ? »

Pierrot constats que c'était Matthieu qui avait fini par se dévouer. Bah, il n'avait pas pris part au débat non plus, mais il était bonne pâte, Matthieu. Il ne faisait aucun doute que Pierrot aurait été ami avec lui, dans une autre vie.

Jésus patienta une seconde avant de répondre, le temps pour lui de faire approcher d'eux un tout petit enfant, et de lui caresser la tête.

Il leur répondit en souriant à l'enfant, qui le lui rendit en venant s'asseoir sur ses genoux.

« Amen, je vous le dis : si vous ne changez pas pour devenir comme les enfants, vous n'entrerez pas dans le royaume des Cieux. Mais celui qui se fera petit comme cet enfant, celui-là est le plus grand dans le royaume des Cieux. Et celui qui accueille un enfant comme celui-ci en mon nom, il m'accueille, moi. »

Encore une phrase qui résonna différemment dans l'esprit de Pierrot.

Accueillir Jésus chez lui, ça, ça allait. Mais, accueillir en le nom de Jésus ? Qu'est-ce que ça pouvait bien vouloir dire ?

אבא

Mt 17, 22-23
18, 1-5

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top