Chapitre 20 : Eymet
[ Drift / I See Stars ]
— Ouvrez-nous, bande d'abrutis ! s'égosille le boss en frappant contre la porte de son épaule. Aide-moi, Eymet !
Je déglutis et jette un œil à l'homme restant avec nous. Il s'est arrêté. Il ne bouge plus, inerte sur le sol.
— Regarde, on dirait qu'on est sauvé.
Aksel ne m'écoute pas, visiblement paniqué et hors de lui. Je m'approche du corps et m'agenouille pour prendre le pouls, mais une main m'agrippe violemment le cou. Ses yeux grands ouverts sont gorgés de sang et la force employée est démesurée. Je commence déjà à manquer d'oxygène, le larynx écrasé par sa poigne monstrueuse. L'homme me soulève comme si je ne pesais rien et mon corps se retrouve projeté contre le bar.
La douleur se repend et un cri de détresse s'échappe de ma bouche. Un réflexe de survie me pousse à sortir l'arme et à retirer la sécurité, canon pointé en direction de mon agresseur, qui ne semble plus être lui-même. Des grognements emplissent la pièce et ses lèvres sont emplies de salive, comme s'il était atteint de la rage. L'adrénaline me fait trembler et effacer toute réflexion en cours. Elle me permet simplement de me défendre et d'appuyer sur la détente.
Une des balles se plante dans l'épaule du type, le faisant légèrement reculer, puis une autre atterrit dans son ventre. La distance entre lui et moi est tellement fine que son corps est projeté par terre mais il ne meurt pas pour autant.
— Tire encore, Eymet ! hurle Aksel, planté contre la porte.
Je suis incapable de répondre, mon esprit toujours en pause, et me lève pour planter l'arme en au-dessus de l'homme. Mon souffle est coupé et mes battements de cœur résonnent dans mes tympans. Une sueur froide me donne la chair de poule et mes yeux sont pointés vers les siens, toujours rouges. Il suffoque et tente de se redresser, alors je tire. Cette fois, il ne se relève pas. Le sang fuse doucement sous son torse et je reprends ma respiration.
— Bien joué. Maintenant, on doit trouver un moyen de sortir d'ici.
Je ne réalise pas vraiment ce qui se passe et rejoint Aksel pour tenter de défoncer la porte. Nos forces réunies font tomber l'ancien bois et nous manquons de tomber la tête en avant. Dans la pièce voisine, quelques gardes d'Esperanza sont là, prêts à en découdre.
— Ils ont survécus ! s'insurge l'un d'eux en espagnol. Exécutez-les !
Le boss enfonce son poing dans la figure d'un des ennemis et profite de sa confusion pour arracher son flingue des mains. Il tire un coup puis dégage l'homme d'un coup de pied dans le ventre. Moi, je me retrouve à me battre au corps à corps avec un de ses copains jusqu'à devoir m'en servir comme bouclier humain lorsque l'on me tire dessus.
Le bruit me fait mal aux oreilles et je n'entends presque plus rien hormis un bourdonnement aigu. Je pousse le corps et fait feu sur le sbire en face de moi pendant qu'Aksel continue de se défendre, à couvert derrière une poutre. Les balles qui se plantent dedans font exploser le bois et la poussière se diffuse rapidement, me faisant tousser violemment.
Un bras se presse autour de ma gorge pour me tirer en arrière, mais la force procurée par l'adrénaline me permet de me dégager rapidement en faisant passer le garde maigrichon par-dessus ma tête. Une fois étalé par terre, j'écrase sans ménagement son visage. Un hurlement de douleur ainsi qu'un craquement résonnent contre ma chaussure mais je n'ai pas le temps de m'y attarder.
La pièce est débarrassée de toute menace et il ne nous reste plus qu'à fuir. Je me dirige vers la sortie mais Aksel m'arrête d'une main sur l'épaule.
— Attends. Je ne compte pas repartir d'ici les mains vides.
Il se précipite vers les escaliers et je le suis, les montant à toute vitesse. Une fois à l'étage, il se place sur le côté d'une des portes et m'invite à faire de même. Concentré, il semble écouter le bruit environnant.
— Je ne suis pas sûr que ce soit prudent de voler Esperanza. On est deux contre une armée entière, chuchoté-je.
— Ouais, mais j'ai besoin de récupérer la drogue qu'il devait me vendre. Nos clients attendent leur dose et je ne suis pas du genre à les laisser en plan. Mon business en dépend.
Je serre les dents, agacé par cette mission suicide dans laquelle il m'a embarqué. Il n'était pas au courant que son fournisseur allait lui faire un coup bas, certes, mais j'aimerai simplement retourner auprès de ma famille. Ma sœur a besoin de moi et je ne peux pas mourir maintenant, surtout pour de la drogue. Puis, j'aimerai revoir Eskild, tout de même. Cet idiot de blondinet me manque bien trop.
Aksel ouvre la porte d'un coup sec avant de se remettre à couvert. Le bâtiment est silencieux et seul le grincement des gonds vient rompre l'atmosphère pesante de la situation. J'écoute attentivement les possibles sons de pas sur le vieux parquet, mais il semble n'y avoir personne.
Le boss me fait un hochement de tête et avance prudemment, pointant son canon de façon frénétique dans chaque recoin, prêt à en découdre si besoin. Derrière lui, je fais de même, mes sens en alerte.
La pièce est complètement retournée, comme si un ouragan était passé par là. Des meubles cassés, criblés de balles, jonchent le sol tandis que l'endroit est éclairé par une lampe bon marché au plafond. L'éclairage laisse beaucoup de zones d'ombres et je plisse automatiquement les yeux pour tenter d'y distinguer une quelconque forme de vie, même si ça n'aide pas.
— RAS, chuchoté-je en me retournant vers le boss.
— Reste tout de même sur tes gardes. On ne sait pas où ils sont. Je n'ai entendu aucune voiture partir alors ils sont certainement encore ici.
Il s'approche d'un mur de briques apparent au milieu d'un papier peint vieillot à fleurs et en retire une, puis une autre avant de passer son bras dans un trou caché. Il trifouille quelques instants jusqu'à ce qu'un bruit mécanique se fasse entendre.
— Aide-moi à dégager l'armoire.
Nous nous attelons à la tâche et poussons le meuble décrépit par terre. Ce n'est pas des plus discrets et je prie pour que personne ne nous surprenne.
— Tous les trafiquants ont des coffres secrets ou quoi ? demandé-je en reprenant mon arme rangée.
— Non. Seulement ceux qui font partit de notre réseau, répond Aksel d'un sourire en coin. Je suis venu tellement de fois ici que je connais l'endroit par cœur. Et puis, Esperanza n'est pas du genre à se cacher quand il range ses affaires.
Je me contente de hausser les sourcils brièvement et le regarde piller le coffre renforcé de tous ses biens, à savoir : de la cocaïne. Soudain, des pas se font entendre dans l'escalier et des ordres en espagnol sont criés.
— On doit foutre le camp, Aksel ! On n'a plus le temps, dis-je en tentant de maîtriser l'agressivité de ma voix.
Il fourre un dernier paquet de poudre dans les poches de sa veste et nous sortons en vitesse. Nous tombons nez-à-nez avec les trois gardes et les tirs fusent. L'une des balles me transperce la cuisse mais je ne sens pas la douleur. Mon cerveau me crie simplement de partir, alors je me traîne aussi rapidement que je le peux derrière une colonne. Pendant que je reprends mon souffle, j'examine le nombre de balles restantes et la position d'Aksel. Je me penche et élimine le garde contre qui il se battait d'un tir dans la tête.
Je suis toujours surpris de la facilité avec laquelle un simple objet peut retirer la vie d'une personne en quelques secondes. Tenir ce flingue me dégoûte, tout comme ce que je suis en train de faire, mais je n'ai pas le choix. Sinon c'est la mort. Je tente de ne pas céder à la mort, mais le sang encore bouillant embellissant mes mains me donne envie de vomir et tous mes muscles se tendent. Les larmes me montent aux yeux et je peine à respirer, alors je décide d'en finir rapidement pendant qu'Aksel se planque à son tour.
Je me penche une nouvelle fois pour abattre les hommes restants, ou au moins les blesser. Je n'ai plus de balle et l'un d'eux fonce sur nous comme un fou furieux. Il se fait immédiatement arrêté par une balle dans le ventre et j'en profite pour lui envoyer un poing dans la figure avant de frapper brutalement dans ses côtes. Le garde tombe dans un grognement étouffé et je constate que l'aide venait d'Aksel, toujours derrière la colonne, une main plaquée contre son flanc. Son corps est ensanglanté à plusieurs endroits.
— Aksel ! Il faut aller à l'hôpital.
— J'ai demandé des renforts. Ils ne devraient pas tarder.
J'accours pour l'empêcher de s'écrouler et passe un bras autours de ses épaules pour l'aider à descendre les escaliers. Chaque marche est une remise en question. Je déteste ce type et la police le veut. Je pourrai le laisser là et m'enfuir, le laisser mourir tranquillement. Nous sommes en territoire ennemi et ici, l'influence d'Aksel est inexistante. C'est un type comme un autre et avec toutes ces conneries, on risque de se mettre le pays à dos. Il faut vite retourner à New York.
La porte d'entrée de la villa se tient devant nous et seulement quelques pas nous sépare de la liberté. Mais Esperanza en a décidé autrement, encore une fois. Entouré de deux gardes, il fait irruption dans le hall, se tenant devant nous comme un exécuteur divin, le soleil de fin de journée se projetant dans son dos. Une main dans sa poche de pantalon, l'autre munie d'un joint qu'il fume tranquillement, ses yeux de vipère nous fixent.
— Eh bien, je pensais que vous seriez morts avant mais je suis quand même déçu. Dis-moi, Aksel. Où est passé « Le monstre de New York » ? Avant, tu aurais été encore debout. Tu vieillis et il faut te rendre à l'évidence : ce job n'est plus fait pour toi. Raccroche et laisse-nous ton territoire.
— Jamais. Tu sais très bien que si tu te pointes là-bas, mes gars ne feront qu'une bouchée des tiens, articule difficilement son adversaire.
Esperanza affiche un bref sourire en coin et écrase violemment son mégot sur la joue du boss. Un simple grognement se fait entendre mais je sais que ce n'est pas la sensation la plus agréable qui soit. De mon côté, je manque de force pour riposter, l'adrénaline ayant épuisé toutes mes réserves.
Derrière lui, j'aperçois un groupe de silhouettes s'approcher, puis pointer leurs armes. Des tirs éliminent rapidement les gardes tandis qu'Esperanza décide de prendre la fuite dans une pièce adjacente du hall.
Un gars dans la vingtaine à la peau dorée et aux traits marqués, les cheveux rasés blancs, arrive à notre hauteur pour relever Aksel. Ses joues creusées, ses boucles d'oreilles et la cicatrice fendant sa lèvre supérieure lui donnent un air sévère et je ne me rappelle pas l'avoir déjà vu. Un des équipiers m'aide à marcher vers la sortie et nous sommes conduits dans un petit van blanc.
Une fois la porte arrière refermée, l'obscurité nous engloutis et le moteur se met en marche. Tout se passe très vite et je n'ai pas le temps de comprendre ce qui se produit.
— Ce sont les renforts, pas de panique, grommelle Aksel en toussant.
Nous sommes trimballés dans tous les sens et le sol n'est pas des plus confortables mais au moins, nous sommes en vie. Une vive douleur à la cuisse me fait grogner et en touchant la zone, je constate que le sang a arrêté de couler. Je sens la balle sous mes doigts, signe qu'elle devrait pouvoir être retirée facilement, alors je suis soulagé. Il faut à tout prix que je reste discret auprès de ma famille concernant mes activités.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top