Le Festin
Le chêne était grand. Ses feuilles s'étendaient autour de lui, vulgaire panache de verdure. Le vent glacial n'était pas encore là, mais bientôt il lui ravirait ses trésors. Car le Froid était sans pitié. Il s'acharnait sur ce qu'il voulait et personne ne pouvait le lui refuser, hélas. Le chêne était beau et fort. Il avait confiance en ses capacités. Il en avait vu d'autres. Mais pouvait-il vraiment se fier à son instinct ? Car le Froid était sauvage. Le Froid n'était pas encore là, mais le chêne sentait déjà ses branches se faire lourdes. Elles lui pesaient. Elles, qu'il avait longtemps chéries et soutenues de ses forces toute l'année durant. Il n'allait pas les laisser tomber. Pas déjà. Mais ses forces faiblissaient. Son tronc suait de sève jaune et visqueuse. Les moucherons se posaient sur lui et ne pouvaient repartir.
Les jours passaient, les nuits aussi, et le grand arbre tenait. Celui qu'il redoutait vint alors. Le Froid. D'abord, il siffla tout son plaisir. Puis avec délice, il tendit sa langue et lécha les brins d'herbes qui, fragiles, se glacèrent d'effroi, avant de se rompre. Les lacs eux-mêmes cédèrent aux avances du gel et le laissèrent s'allonger de tout son long sur eux. Les fleurs en boutons s'endormirent en entendant les vents chanter la gloire du Gel, l'Implacable. Leurs voix pénétraient quiconque s'y exposait. Bientôt, les arbres eurent sommeil et s'abandonnèrent tour à tour.
Le chêne n'était plus ce qu'il était autrefois. Il s'était laissé distraire par les vents tandis que le Froid tissait sa toile autour de lui. Ses branches étaient lourdes. Il ne pouvait plus bouger. La chaleur l'avait quitté. Une à une, les branches craquèrent et les fruits tombèrent. Le festin frugal pouvait continuer.
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