Chapitre 38

KAYLEE

Maman ?

Maman comme dans « maman » ? À la vue de cette femme, le corps d'Hayden s'est tendu et son regard s'est mêlé entre surprise et colère.

La connait-il ? Je pensais qu'elle l'avait abandonné lorsqu'il n'était qu'un nourrisson. Comment peut-il se souvenir d'elle ? Comment peut-il l'appeler ainsi, alors qu'elle n'a rien d'une mère. A-t-il eu une photo ? L'a-t-il recherchée ?

Les questions fusent dans ma tête, mais je n'aurais des réponses qu'une fois mon copain revenu à lui.

Je prends donc le temps d'analyser cette femme : ses vêtements sont abîmés, ses cheveux en carré court sont emmêlés et gras. Son visage n'est pas bien propre, comme si ce n'était qu'une camée ou une sdf. En tout cas, elle n'a rien d'une personne stable et son sourire flippant n'arrange rien. Je me méfie d'elle comme de la peste, et pour rien au monde je ne voudrais qu'elle approche Hayden.

— Tu es encore plus beau que la dernière fois, finit-elle par dire, après quelques minutes de silence.

Hayden semble réagir à cette dernière phrase et son visage s'assombrit un peu plus.

Comment ça « la dernière fois » ?

— Qu'est-ce que tu fous là, Maggie ? demande-t-il finalement, d'un ton sec.

Ah, c'est Maggie maintenant. Ça fait sens, je n'aurais envie d'une mère pareille pour rien au monde.

Ne juge pas sans savoir, Kaylee.

Difficile quand j'ai face à moi la personne qui n'a pas su faire preuve d'une once d'humanité, quand elle a jeté mon copain aux ordures alors qu'il venait de naître. Finalement, quand je la regarde, ça fait sens.

La fameuse Maggie perd son sourire en effectuant un pas en avant. Par mécanisme, je me place devant Hayden, afin de le protéger de cette folle. Elle me remarque enfin et esquisse un petit sourire.

— Je ne vais pas lui faire de mal, tente-t-elle de me rassurer.

Ce qui, évidemment, ne marche pas. Si Hayden a juré de me protéger contre Marco et mes démons, j'en ai fait autant pour les siens. Alors tant qu'il ne l'a pas décidé, elle ne le touchera pas.

— Ne l'approchez-pas. Je ne sais pas pourquoi vous êtes là, mais je sais très bien qui vous êtes et je ne vous permettrai pas de le blesser à nouveau, grondé-je.

J'attrape la main d'Hayden et nous guide jusqu'à l'entrée de l'immeuble.

— Attendez, s'il vous plaît, geint-elle en nous rattrapant.

Hayden choisit de se retourner, malgré mon regard lui incitant de faire le contraire.

— Qu'est-ce que tu veux ? Tu as eu ta chance, il y a quatre ans. Et tu t'es barrée, comme tu sais si bien le faire. Alors pourquoi devrais-je t'écouter ? s'énerve soudainement Hayden.

Elle baisse les yeux alors que ces derniers s'embuent.

Larmes de crocodile, si vous voulez mon avis.

— Pardonne-moi, Hayden. Je ne pouvais pas rester, j'étais en danger et toi aussi. Il fallait que je parte pour te protéger.

Ses larmes redoublent et la main d'Hayden se resserre dans la mienne. Signe qu'il tombe dans son piège et résiste à l'envie de l'aider.

Putain, il ne faut pas être une lumière pour savoir que cette femme serait prête à dire n'importe quoi, pour une douche et de la nourriture. Et mon copain, en bon samaritain qu'il est, va se laisser attendrir jusqu'à être à nouveau blessé.

— S'il te plaît, mon fils...

— Ne l'appelez pas comme ça. Vous lui avez peut-être donné la vie, mais il est loin d'être votre fils. C'est Craig et Brian ses parents. Au mieux vous n'êtes qu'une mère porteuse, alors restez à votre place, cinglé-je en la fusillant du regard.

Elle pose un regard mauvais sur moi, sûrement surprise qu'une personne voit clair dans son jeu. J'ai passé six mois non-stop, avec des pervers narcissiques, trafiquants de drogues et manipulateurs de tout genre. Je reconnais un menteur quand j'en vois un, et cette Maggie n'est pas l'exception.

— Hayden, laisse-moi au moins t'expliquer et avoir un endroit où passer la nuit. Si tu n'es pas convaincu, je partirai demain matin et je ne te recontacterai plus.

— Même pas en rêve, répliqué-je du tac au tac.

— Je parlais à Hayden.

Je lâche un rire amer face à tant de culot.

— Sauf que vous êtes aussi chez moi et que je refuse de croire à de telles inepties. Je suis allée à plus grande école.

Son regard meurtrier s'intensifie, tout comme mon sourire de peste. Qu'est-ce que tu croyais, ma vieille. Que je n'étais qu'une simple groupie de ta progéniture, qui allait se la fermer ? C'est mal me connaître.

— Une nuit et si tes explications ne sont pas convaincantes, tu dégages, résonne soudainement la voix d'Hayden.

La surprise peut se lire sur mon visage, suivi très rapidement par de l'incompréhension et de la colère. Je viens vraiment de la remettre à sa place, pour qu'il faiblisse devant deux-trois fausses larmes ? Depuis quand cet idiot est aussi faible, merde ?

— Sûrement pas, dis-je en croisant les bras.

Il attrape mon bras pour m'emmener à l'écart.

— C'est aussi chez moi, Hayden et je refuse que cette folle y mette les pieds. Tu ne la connais pas et elle est clairement en train de te manipuler. Si tu n'es pas capable de le voir, je le ferai pour deux.

Il soupire longuement en se pinçant l'arête du nez.

— Kaylee, je t'en prie, fais un effort pour une seule nuit. Si je ne l'écoute pas aujourd'hui, je le regretterai sûrement toute ma vie. Épargne-moi ça.

Les regrets, c'est chiant, mais un énième cœur brisé, c'est pire. Je sais très bien ce qui va se passer. Elle va lui servir son discours de pauvre femme qui a tout fait pour s'en sortir, mais à qui la vie n'a pas fait de cadeau. Elle va lui dire qu'elle n'a jamais cessé de penser à lui et que l'abandonner sera toujours le plus grand regret de sa misérable existence. Elle va pleurer, peut-être même se rouler en boule, jusqu'à ce qu'il craque et lui offre l'hospitalité indéfiniment. Et quand elle aura pu dévaliser ses placards, peut-être même son compte en banque, elle s'en ira telle la voleuse et minable femme qu'elle est. Elle ne se souciera pas une seconde des sentiments de son soi-disant « fils » et c'est moi qui le ramasserai en miettes.

Hayden m'a aidée plus que n'importe qui et je me dois de lui rendre la pareille. Et refuser l'accès à cette femme n'est qu'un début.

— Elle te parlera demain matin dans un café et elle s'en ira. Je ne veux pas d'elle chez-nous. On ne sait rien de cette femme, putain. Elle pourrait nous voler, nous agresser. Tu veux vraiment prendre tous ces risques, alors qu'elle n'a jamais rien fait pour toi ?

Il me considère un instant, analysant mes propos, et avec un peu de chance, retrouver un peu de bon sens. Mais quand il ouvre à nouveau la bouche, c'est tout le contraire qui se produit.

— Je veux prendre ce risque.

— T'es vraiment qu'un idiot, craché-je avant de le dépasser, pour atteindre la porte de l'immeuble.

Mon regard croise le visage satisfait et narquois de la cruche de service. L'envie de lui refaire le portrait est plus que tentante, mais je me contente de lever mon majeur tout en lui adressant mon regard le plus noir que j'ai en stock (et oui, même Hayden n'a pas eu le droit à celui-ci).

Je n'attends personne et j'atteins mon appartement par les escaliers. Par chance, j'ai pris mes clés. J'ouvre la porte, me déchausse et fonce direct dans ma chambre. L'envie d'enfiler quelque chose de confortable est trop forte. Alors j'attrape un pyjama et m'enferme dans la salle de bain. Une bonne douche me fera oublier les conneries de ces dix dernières minutes.

Putain de coloc !

***

Lorsque je sors de la salle de bain, des voix provenant du salon m'interpellent. Je décide de les rejoindre, après avoir attrapé un soda dans le frigo. Évidemment, je ne propose rien à notre charmante invitée, qu'elle aille se faire foutre, elle et les bonnes manières.

Elle s'est assise en bout de canapé, alors qu'Hayden est à une distance raisonnable d'elle. Je le rejoins en prenant bien soin de me mettre entre Maggie et lui. J'attrape sa main en gage de soutien, parce que malgré tout, je suis là pour lui et je ne compte pas laisser la première perturbatrice, changer ce qu'on partage. Il m'adresse un petit sourire de remerciement, avant de refermer son bras autour de ma taille.

— Parle, maintenant.

Elle semble étonnée par la dureté de son ton. Moi, c'est le contraire qui m'aurait surprise. La meuf l'abandonne et s'attend à ce qu'il lui déroule le tapis rouge.

Tarée.

— Euh, oui, bien sûr. En premier lieu, j'aimerais m'excuser pour ce que je t'ai fait subir. Je n'ai pas eu le temps de vraiment te parler la dernière fois.

— Quand ça ? La fois où tu m'as jeté comme une vieille chaussette aux ordures, ou la seconde lorsque tu m'as donné cinq minutes d'espoir et m'a fait attendre tout un putain d'après-midi dans un café ? siffle-t-il en la fusillant du regard.

Alors ils se sont vraiment rencontrés, quelques années auparavant. Pourquoi Hayden ne l'a-t-il pas mentionné, lorsqu'il m'a raconté son histoire ? En tout cas, cette révélation me conforte dans mon idée que cette femme ne mérite pas son hospitalité.

— Je sais que tu m'en veux, crois-moi, je suis la première à me le reprocher, mon chéri. Mais je n'ai vraiment pas eu d'autres choix.

Un nouveau rire sans joie m'échappe. Elle est vraiment en train de nous sortir la bonne vieille excuse du « je n'avais pas le choix, tu dois essayer de me comprendre ». Ce que je comprends, c'est que si elle ne vient pas rapidement au but, je la vire d'ici à coups de pieds au cul.

— Lorsque je suis tombée enceinte de toi, j'étais très jeune, je n'étais même pas encore majeur. Mais comme tous les ados de mon âge, j'étais amoureuse, aveugle et stupide.

Au moins, on est d'accord sur ce dernier point.

— Tu n'étais vraiment pas prévu, mais quand j'ai appris pour ma grossesse, l'avortement n'était plus possible.

Hayden grimace à cette mention. Il n'y a rien de pire pour un enfant que de savoir que l'avortement était envisagé envers sa personne. Quelle crétine.

— Alors je me suis dit que je pourrais le faire, que Jonas, ton père biologique, m'aiderait et nous construirait un foyer.

Elle laisse échapper un rire amer, signe que tout ne s'est pas passé comme elle l'imaginait.

— Mais Jonas ne voulait pas de toi. Il rêvait d'un brillant avenir et clairement, ni moi, ni toi n'avions une place dans sa vie. Alors je me suis tournée vers des métiers peu valorisants, pour pouvoir subvenir à mes besoins.

— Et tes parents ne pouvaient pas t'aider ? demande Hayden.

Elle secoue la tête, toujours cet air peiné sur le visage.

— J'avais déshonoré ma famille. Ils m'ont foutue à la porte et m'ont dit de me débrouiller. Alors je suis devenue stripteaseuse dans une boite clandestine de Boston. Je me faisais suffisamment d'argent au noir pour pouvoir me payer une piaule pourrie et me nourrir assez pour deux. Mais bon, mon ventre a fini par se remarquer, et une stripteaseuse enceinte fait carrément tache. C'est là que j'ai rencontré Damien. Il m'a ouvert son toit et en échange du ménage, de la cuisine et de faveurs sexuelles, il m'a promis de prendre soin de moi.

La main d'Hayden serre de plus en plus fort la mienne. La bile me monte à la gorge en repensant à ma propre expérience. Si cette pétasse ment sur ce genre de choses, je pense que je pourrais la tuer. Parce qu'elle n'a aucune idée du calvaire qu'une telle expérience peut être. Mais si c'est vrai, je n'ose imaginer quelle terrible épreuve ça a dû être.

— Je l'ai entendu parler et il a dit que quand le bébé serait né, il se débarrasserait de lui et me prostituerai pour son réseau de trafic. J'ai paniqué et un soir, je me suis enfuie en emportant un paquet d'argent lui appartenant. Quelques jours après, le dix novembre précisément, tu venais au monde. Je n'avais pas les moyens de subvenir à tes besoins et j'étais en cavale. Quel genre de vie aurais-je pu t'offrir ? Alors en passant par New Haven, j'ai aperçu ce quartier tranquille, et je t'ai déposé dans un bac, en priant pour que quelqu'un te trouve et s'occupe de toi.

— Et vous n'auriez pas pu le déposer dans un hôpital ou dans un endroit qui ne mettrait pas sa vie en danger ? interviens-je sèchement.

— Quand on est désespérée comme je l'étais, on ne réfléchit pas. Mais pas un seul jour ne passe sans que je ne pense à tout ce que je t'ai fait subir, Hayden. Alors après seize ans de cavale, à passer de ville en ville, j'avais besoin de te voir, de savoir que tu allais bien. C'est ce jour-là que je t'ai croisé. D'abord devant chez toi, auprès de deux hommes que tu avais l'air d'aimer plus que tout. J'ai tout de suite compris qu'il s'agissait de tes parents. Puis devant le lycée, au bras de cette jolie blonde, que tu regardais comme la huitième merveille du monde.

Hayden et moi grimaçons en même temps à la mention d'Heather.

— Je vois que ça n'a pas duré. C'est dommage, remarque-t-elle en posant son regard sur moi.

Je la dévisage afin de lui montrer que le mépris est réciproque. Bien qu'elle nous ait raconté sa triste histoire, je ne la crois toujours pas. Sa tête qui s'incline à plusieurs reprises, ses gigotements et sa respiration nerveuse, trahissent clairement ses paroles. Soit elle ment, soit elle dissimule une part de vérité, mais dans tous les cas, elle n'est pas foncièrement sincère.

Pourtant, le visage perturbé de mon copain me montre qu'il est clairement tombé dans le panneau, et ça ne me plait pas du tout.

— Et lorsqu'on s'est rencontré et qu'on s'est donné rendez-vous, pourquoi n'es-tu pas venu ? l'interroge-t-il.

Elle baisse le regard tout en basculant son corps d'avant en arrière. Vas-y, ma belle, sors-nous ta prochaine absurdité.

— Damien m'avait retrouvée, enfin, c'est ce que je pensais. Il y avait toujours cette berline noire teintée, blanche sur les côtés qui se trouvait dans les rues que j'empruntais. J'ai flippé et j'ai pris le premier bus en direction de la Floride. Il fallait que je mette à tout prix un maximum de distance entre lui et moi. Même si ça voulait dire renoncer à l'occasion de te connaître. Pardonne-moi, si j'avais pu rester, je l'aurais fait. Tu représentes tout pour moi, Hayden.

Et revoilà les larmes de crocodiles. Si elle avait si peur de remettre les pieds à Boston, pourquoi est-elle là ? Et l'excuse du « tu me manquais trop » ne marchera pas. Cette femme est une menteuse, je ne sais pas exactement ce qu'il s'est passé dans sa vie, mais je compte le découvrir avant même qu'elle n'ait le temps de dire « ouf ». Il est hors de question qu'elle se fraye un chemin dans la vie tranquille d'Hayden. Il a des parents super, des amis géniaux, et même si je suis complètement bousillée, il m'a moi. Il n'a pas besoin d'une folle en manque d'argent.

— Alors il serait plus prudent pour vous de repartir très loin, grondé-je en me levant.

— Kaylee, souffle Hayden.

— Non, il n'y a pas de Kaylee qui tienne. Elle nous a raconté son histoire et aussi triste qu'elle soit, je n'y crois pas. Et puis quand bien même c'est vrai, elle nous met tous en danger en étant ici. Alors je suis désolée, mais elle ne reste pas.

Maggie se lève à son tour pour me faire face.

— Vous n'êtes qu'une égoïste, une merdeuse un peu trop gâtée par la vie, qui n'a jamais rien connu de terrible, vocifère-t-elle, le regard enragé.

Retenez-moi je vais me la faire. Parce qu'entre nous deux, c'est bien moi qui s'y connais en galère de la vie.

— Kaylee ça suffit, gronde Hayden en s'interposant entre nous. Et toi, Maggie, si tu veux avoir la chance de recevoir un minimum d'hospitalité de ma part, tu ne reparles plus jamais ainsi à Kaylee. Tu ne connais rien de ce qu'elle a vécu et elle passera toujours avant toi. Toujours.

Si la situation ne m'énervait pas autant, j'en sourirais presque. Mais à la place, je me contente de la regarder de haut, avant de rejoindre ma chambre. Fatiguée d'être la seule personne qui sait encore réfléchir correctement. Je claque la porte derrière moi, avant de commencer à faire les cent pas.

Il va falloir que je trouve un moyen de raisonner Hayden et très vite. Parce que cet homme est gentil, honnête, serviable et bien trop naïf. Il lui donnera son cœur bien trop vite et elle le lui rendra en morceaux. Parce que c'est le genre de choses que font les gens comme Marco et elle : ils sortent de belles paroles pour t'attendrir, te font mille et une promesses avant de tout réduire à néant, sans penser aux dommages collatéraux qu'ils laissent derrière eux.

Et il est hors de question qu'Hayden devient celui de cette femme. Elle l'a déjà blessé par le passé. Deux fois si j'en crois ce qu'elle vient de raconter. Il n'y aura pas de troisième fois. Pas si je peux l'éviter.

J'interromps ma réflexion, lorsqu'Hayden entre dans ma chambre.

— J'ai laissé ma chambre à ma m... À Maggie. Je peux passer la nuit ici ? demande-t-il.

Sérieusement ? Il me dit ça comme si de rien était. Comme si l'intruse dans notre maison n'était qu'une vieille amie de longue date. Il pense réellement que je vais réussir à fermer l'œil, alors qu'une inconnue dort dans la chambre d'à côté. Non mais ça ne va pas ?

— Tu ne vas pas vraiment la laisser dormir là, Hayden. Putain, mais t'es idiot ou quoi ?!

Il croise les bras sur sa poitrine en me fusillant du regard.

— Tu voulais que je fasse quoi, bordel. Il est tard, elle est seule, je ne vais pas la laisser dormir dans la rue. Il peut se passer tout et n'importe quoi, à cette heure-ci.

Mais oui, parce que s'il relâche la pauvre Maggie dans la nature, il aura son sort sur la conscience. De mieux en mieux.

— Tu ne vas pas sérieusement me dire que tu l'as cru sur parole ? Merde Hayden, cette femme ment comme elle respire. C'est visible à des kilomètres.

— Arrête Kaylee, tu ne peux pas la juger sans savoir. Parmi toutes les personnes, tu es bien celle qui peut comprendre ce qu'elle vit, me rappelle-t-il, me laissant toute retournée.

Mon corps se tend, comme si je venais de me prendre une gifle. Utiliser l'enfer que j'ai vécu pour plaider sa cause, c'est déloyal et franchement dégueulasse. Cette femme et moi n'avons rien en commun. C'est une certitude.

— Va te faire foutre, Hayden. C'est parce que j'ai vécu des trucs horribles que je suis capable de faire la distinction entre mythe et réalité. Et crois-moi, cette femme est loin de dire la vérité.

— Putain, Kaylee ne peux-tu pas me soutenir pour une fois ? Être de mon côté ? Est-ce trop te demander ? Ça fait vingt ans que j'attends des réponses, que je rêve de ce moment où ma mère m'explique enfin qu'elle n'avait pas le choix. Pourquoi ne peux-tu pas te réjouir pour moi ?

— Parce qu'elle va te briser le cœur. Parce que si j'avais des preuves qu'elle soit là pour toi et toi seulement, je serais la première à te soutenir. Mais je ne peux pas. Parce qu'après tout ce qui s'est passé entre nous, je tiens trop à toi pour la voir te blesser. Car crois-moi, Hayden, c'est ce qui va se passer.

Un air de dégoût se dessine sur son visage. Un air qui m'est totalement destiné et qui me donne envie d'étrangler cette femme. Parce qu'après tous les progrès que lui et moi avons fait, elle pourrait être capable de tout briser. Et ça, je ne la laisserai pas faire. Alors je prends une longue inspiration, adouci ma voix et m'approche de lui.

— Hayden...

— J'ai... J'ai besoin de prendre un peu l'air, m'annonce-t-il soudainement.

— Quoi ? Non, on n'a pas terminé notre discussion, tu ne vas pas partir comme ça.

Il m'arrête de sa main droite et fuit mon regard.

— Il faut que je parte, avant que je dise des trucs que je pourrais regretter.

Puis, sans me laisser le temps d'en placer une, il quitte ma chambre et sort en trombe de l'appartement. Je m'écroule sur mon lit, prenant ma tête entre mes mains. Quel idiot, mais quel idiot, bordel. Est-ce possible de faire autant le sourd ?

Peut-être que tu devrais l'épauler au lieu de le blâmer, me souffle la voix raisonnable dans ma tête.

Aurais-je dû alors que j'ai clairement des doutes sur les intentions de cette femme ? Devrais-je privilégier le soutien à la vérité, alors qu'on a tous les deux décidé d'instaurer une relation de confiance entre nous ? Non impossible. Je ne vais pas ménager ses sentiments, simplement parce que monsieur estime qu'il fait le bon choix. Cette femme n'est pas digne de sa confiance, de sa gentillesse. Elle l'a abandonné de la pire des manières, il aurait pu mourir ce jour-là, mais apparemment, je suis la seule à m'en souvenir.

Mais ce qui me dérange le plus, c'est qu'il soit parti en plein milieu d'une dispute. La dernière fois qu'une telle chose s'est produite, mes parents sont morts. Depuis, je me suis promis de ne plus jamais me coucher fâchée avec quelqu'un à qui je tiens.

Devrais-je partir à sa poursuite ? L'appeler ? De toute façon, je serai incapable de dormir tant qu'il ne sera pas rentré, alors c'est régler.

Au moment où je m'apprête à rejoindre mes draps, mon téléphone sonne et j'ai la surprise de voir le nom de mon copain s'afficher. Je m'empresse de décrocher, rassurer qu'il le fasse.

— Allo !

— Je t'appelle pour te dire que je ne pars pas fâché, que je ne te quitte pas. Tu as beau m'énerver et faire ta tête de mule, je ne t'abandonne pas. Je vais simplement faire un tour et je serai vite de retour.

Puis, sans me laisser le temps d'en placer une, il raccroche. Mais je m'en fous, car il n'a pas oublié mes angoisses. Et ce simple geste me prouve encore une fois que je ne mérite pas cet homme.

***

La porte de ma chambre s'ouvre à nouveau, une heure plus tard et le visage épuisé de mon copain se matérialise devant moi. Nos regards s'accrochent une seconde, avant que nous foncions dans les bras de l'autre. J'entoure sa nuque de mes bras et le laisse enfouir sa tête dans mon cou. Même si j'étais rassurée par son appel, j'ai passé la dernière heure à me faire du souci. Je déteste le savoir dehors en pleine nuit, surtout quand il est bouleversé ainsi. Mais là, dans ses bras, j'oublie tout.

— Je suis désolé, lançons-nous en même temps.

Je lâche un petit rire, alors qu'un sourire s'étire sur son visage. Il entoure ma taille de ses bras, lorsque que j'attrape son visage en coupe. Plongeant mon regard dans ses si belles prunelles noisette.

— Je n'aurais pas dû te blâmer pour l'être exceptionnel que tu es. Tu veux lui donner sa chance et c'est tout à ton honneur. Mais je veux te protéger, si elle venait à te blesser, je serais capable de la tuer de mes mains.

Il s'esclaffe en secouant la tête.

— C'est moi qui suis désolé. Je devrais prendre le temps d'écouter ce que tu en penses, au lieu de me braquer. Mais sa présence était si soudaine que je n'arrivais pas à penser clairement.

Il semble si épuisé, si triste que lui reprocher ses actions ne me tente plus. Il a besoin d'un soutien, de mon réconfort et de mes bras. Alors c'est ce que je vais lui donner, car contrairement à Maggie, je tiens vraiment à Hayden.

— Allons-nous coucher, accorde-moi cette nuit dans tes bras. Il n'y a rien de plus précieux que ça, murmure-t-il contre mon oreille.

Alors j'attrape sa main et le guide jusqu'à mon lit. Il s'installe en premier puis je viens me faufiler entre ses gros bras musclés.

— Bonne nuit, piccola.

— Bonne nuit, merci d'être revenu.

— Toujours.

***

Deux jours sont passés depuis l'arrivée de Maggie chez nous. Évidemment, elle a réussi à convaincre Hayden de la garder quelques semaines, le temps qu'elle se remette. Il fait donc les courses pour elle, lui donne ses pulls et mes leggings, et la traite comme la reine d'Angleterre. Je n'ai plus rien dit, mais je sens clairement les regards insistants de Maggie sur moi. Elle sait que je l'ai percée à jour et me méprise pour cette raison.

Désolée de ne pas être une pauvre cruche, ma belle.

Mais aujourd'hui, c'est autre chose qui m'interpelle. Ma boite de somnifère et mes médocs contre les angoisses, prescrits par mes médecins, ont radicalement diminué et je sais que ce n'est pas moi. Je connais mon dosage et Hayden m'aurait demandé l'autorisation avant de s'en servir.

Et il n'y a qu'une autre personne qui a accès à l'armoire à pharmacie. J'avais raison de me méfier. Maggie n'est pas seulement pauvre et sdf, elle est aussi une droguée et je n'ai plus aucun doute sur sa venue ici.

Il faut à tout prix que j'en sache plus et il n'y a qu'une seule personne capable de m'aider. Je dégaine mon téléphone, cherche son nom dans mes contacts et porte le téléphone à mon oreille.

— Kaylee ? Un souci ?

— Bonjour Brian, il faut que je te parle de vive voix, de toute urgence. C'est à propos de Maggie Cane.

📚🏒🎨

Un chapitre intense hein ?!

Je ne pouvais pas laisser cette fameuse mère dans son coin sans l'ajouter à l'histoire. C'est pas drôle sinon.

Alors vous pensez que Maggie a dit la vérité ? Ou vous êtes du côté de Kaylee ?

Hayden est trop perdu pour penser clairement.

Et Kaylee qui appelle son père. Vous pensez qu'on va en savoir plus sur cette histoire ?

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