Chapitre 27

HAYDEN

— Mais alors je ne comprends pas, c'est quoi votre statut officiel ? Amis avec avantages ? Couple ? J'avoue que tu m'as un peu perdu, mec, me dit Kyle en prenant une gorgée de sa bière.

Je ne peux réprimer un petit rire en haussant les épaules.

Hier, Kaylee et moi avons mis nos cœurs à nus, si je peux appeler ça ainsi. Je ne supportais plus de voir qu'elle m'évitait, alors qu'elle me désirait autant que moi.

Mes sentiments n'étaient déjà plus très clairs, ces dernières semaines. Et un simple baiser est parvenu à tout bousculer.

Putain, mais pas n'importe lequel.

Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti autant d'étincelles par le contact de deux bouches. Et Dieu sait à quel point j'en ai embrassées.

Mais avec Kaylee, c'est autre chose : un mélange de frustration et de pur désir. Ça fait des semaines que je refoule mon attirance pour cette fille. Qu'on se cache derrière cette fausse animosité et du sarcasme à tout va. Peut-être qu'à un moment, on s'est détestés, ou peut-être qu'il y avait déjà cette flamme qui menaçait de nous réduire en cendre, si on tentait de, ne serait-ce que l'approcher.

On a tous les deux construits des remparts autour de notre personne, afin de nous éviter une blessure assurée. Mais je dois avouer que celles de Kaylee sont bien plus fortes, bien plus résistantes. L'amour m'a blessé à plusieurs reprises, mais elle, il l'a ravagée. Je ne sais toujours pas si un potentiel copain l'a fait souffrir. Vu sa réaction à mon contact sur sa peau, je jurerais qu'elle est vierge. Mais être en couple ne signifie pas toujours avoir des relations sexuelles, certains préfèrent attendre. Ce que je respecte.

Peut-être qu'elle n'a pas uniquement connu la mort à travers ses parents...

C'est horrible de penser ça, mais qu'est-ce qui te pousserait à te renfermer autant ?

Honnêtement, j'attends avec impatience le jour où elle se mettra réellement à nue devant moi.

En attendant, elle m'a dit vouloir y aller par étapes et ne pas labelliser notre relation. Ce que j'accepte. Tant qu'elle ne m'évite plus et me laisse être témoin de son sourire et de ses éclats de rire, je peux tout accepter.

— Pas d'étiquettes, mec.

— Ouais, j'ai bien compris, mais il se passe quoi concrètement entre vous ? Vous pouvez vous embrasser ? Baiser ? Je n'en sais rien. Avery et moi on n'a clairement pas d'étiquettes, mais on ne va pas plus loin que d'occasionnels baisers et certaines nuits dans les bras de l'autre.

Je fais la grimace lorsqu'il nous compare à sa relation avec sa starlette. Je sais qu'Avery et lui sont fusionnels et ont une relation qu'eux seuls peuvent comprendre. Mais je sais aussi que cette petite peste profite beaucoup de la gentillesse et de l'amour que lui porte mon meilleur pote.

Et si Kaylee devait se jouer de moi comme ça, je ne le supporterai pas. J'ai déjà connu la trahison, et clairement, ça ne laisse pas indemne.

Mais c'est moi qui l'ai voulu, alors je dois assumer. Néanmoins, ça ne m'empêche pas d'avoir une sacrée trouille.

— Tu sais que je suis à mille pour cent derrière vous, Jones. Cette alchimie, même un aveugle serait capable de la voir. Mais tu es le premier à te méfier des femmes, des relations et des complications qui vont avec, poursuit-il.

Il n'a pas tort. Comme souvent d'ailleurs. Mais dans tous les cas, il commence à être trop tard pour faire machine arrière.

Parce qu'il m'a suffi d'un mois pour comprendre que je ne pourrais pas laisser cette fille me quitter. Parce que je n'imagine pas nos chemins séparés, pas tant que je n'ai pas goûté à ce potentiel futur que j'imagine chaque jour.

Parce qu'elle m'a ensorcelé sans possibilité d'inverser la formule.

Alors je vais foncer tête baissée, et si je dois à nouveau souffrir, j'en serai l'unique responsable.

— Mais si par le meilleur des hasards, cette relation fonctionne, elle aura réparé deux âmes brisées. Et c'est la meilleure chose qu'elle aurait pu faire.

Je me contente d'acquiescer en avalant mon verre d'une traite.

Il y a-t-il vraiment quelque chose d'assez fort pour réparer les dommages du passé ?

Je secoue la tête pour éviter de me noyer dans mes doutes, puis change de sujet.

— Bon et toi, tu revois ta brunette bientôt ? demandé-je.

Son regard s'illumine à la mention de la fille qu'il aime. Ce qui me pousse à me demander si le mien est identique, lorsqu'on me parle de Kaylee.

T'es pas amoureux d'elle, du con. Pourquoi tu penses à ça ?

Pas faux, mais bon, on ne sait jamais.

— À la fin du mois normalement, pour Thanksgiving.

— Évidemment, j'ai failli oublier que ça arrivait. Vous le faites à Boston ou tu rentres à la maison pour une fois ?

— Pas le temps, quand je ne peux pas aller à la maison, c'est la maison qui vient à moi, dit-il en souriant.

Je ne peux réprimer un éclat de rire. Lorsque Kyle est arrivé à l'université et que le premier Thanksgiving approchait, Lexie Jennings, la mère de ce crétin n'a pas supporté l'idée que son fils passe cette fête seul.

La distance entre L.A et Boston est bien trop grande pour qu'il fasse l'aller-retour. Alors sur un coup de tête, elle a acheté une maison de vacances ici, pour être auprès de son fils. J'ai d'abord halluciné, puis j'ai fini par trouver ça mignon. L'amour d'une mère : quelque chose que je n'ai jamais connu, mais qui me rend très admiratif.

Il le passe avec Avery parce que leurs mères sont les meilleures amies du monde, depuis plus de vingt ans. Et elles l'ont toujours fêté ensemble, depuis la naissance de leurs enfants.

Kyle a une petite sœur âgée de quatorze ans du nom de Kiara. J'ai eu l'occasion de rencontrer sa famille, à plusieurs reprises depuis que nous sommes amis, et ce sont vraiment de bonnes personnes. Le père de Kyle, Dean, est chirurgien en neurologie, alors que Lexie est photographe et possède sa propre galerie à Los Angeles.

— Tu te joins à nous, cette année ? me propose-t-il alors qu'il connaît très bien la réponse.

— Tu sais que j'adore ta famille, mais Craig Jones ferait une attaque si son fils unique ne rentrait pas quand il en a l'occasion.

C'est au tour de Kyle de rire en hochant la tête.

Kyle connaît aussi très bien mes parents. J'habite à New Haven, ce qui veut dire à deux heures et demie en voiture de Boston. J'ai donc l'occasion de rentrer plus souvent au bercail, et il m'est arrivé d'embarquer Kyle et Clay avec moi. Ils s'entendent très bien avec mes pères et je dois dire que ça a rassuré Craig de voir que j'étais aussi bien entouré.

— C'est pas faux, ils n'ont que toi, je peux donc comprendre leur point de vue. Tu sais si Kaylee rentre ?

Je secoue la tête, n'ayant pas la moindre idée des plans de ma coloc. Elle ne parle pas souvent de sa famille, je sais simplement que sa sœur vit avec sa grand-mère à Seattle. La distance est assez conséquente entre Boston et sa ville natale, alors il est possible qu'elle n'y aille pas. Mais je sais aussi que sa sœur lui manque et qu'elle ne manquerait pas une occasion de la voir.

Il faudrait peut-être que j'en discute avec elle.

— Aucune idée, je lui demanderai dans la semaine.

Je balade mes yeux dans le bar jusqu'à ce qu'ils s'accrochent aux émeraudes de ma rouquine préférée.

Elle lance un regard furtif à un client, afin de noter sa commande, puis repose ses prunelles sur moi.

Son regard qui fut autrefois dur et froid, a presque totalement disparu. Laissant la place à un rictus espiègle, se transformant en un large sourire sincère.

Je le lui rends, tout en lui adressant un clin d'œil, puis me reconcentre sur mon ami, qui n'a évidemment loupé aucune miette.

— Mon pote, t'es complètement foutu, lâche-t-il dans un rire moqueur.

Merde, je crois que je le suis totalement.

***

— Tu sais, il va falloir m'expliquer un jour pourquoi tu ne dors pas, m'exclamé-je en rejoignant ma coloc sur le canapé.

Bien qu'il soit possible que je l'aie deviné. Depuis que j'ai surpris Kaylee en plein cauchemar, je ne l'ai plus vu dormir le soir. Je crois qu'elle profite de ses après-midis de libre pour récupérer un peu de sommeil.

À mon humble avis, ses mauvais rêves sont récurrents et ils lui font peur. J'ai bien vu sa réaction cette nuit-là : elle était terrifiée, elle hurlait et elle pleurait.

Revivait-elle l'accident de ses parents ? Son année de dépression ? Ou un nouveau secret qu'elle n'est pas près de dévoiler ?

Il y aurait tellement de possibilités qu'il me serait impossible de trouver la bonne.

Et en parler avec elle ne ferait que la brusquer. Alors encore une fois, je me tais.

— À une époque, c'était le seul moment où j'avais la paix, étant donné que tu dormais, réplique-t-elle en tirant la langue.

Je ris de sa petite pique en lui pinçant le bras, lui arrachant un rictus amusé au passage.

Je l'avoue, je continue toujours de passer mes nuits avec elle. Je ne trouve pas le sommeil tant qu'elle ne le trouve pas, alors je n'essaie même plus.

On a d'ailleurs hyper bien avancé dans notre série, on est en plein milieu de la saison cinq et je suis toujours autant accro.

Les gars se sont bien foutus de ma gueule, lorsque je leur ai raconté. Mais je m'en fiche, je suis fidèle à Gaby, Bree, Lynette et Susan, et je l'assume.

Je baisse les yeux sur les mains de Kaylee, qui tiennent, comme très souvent, un bouquin.

J'ai compris que cette fille était la parfaite caricature de la casanière : à la maison quand c'est possible, un abonnement Netflix bien rentabilisé, un stock de nourriture impressionnant et un tas de bouquins recouvrant les étagères de sa chambre.

Il est possible que je me sois faufilé dans son antre, à quelques reprises, pour y jeter un coup d'œil. Elle lit principalement de la romance, mais il ne faut vraiment pas se fier aux couvertures. Parce que, pour être honnête, j'ai fait plus qu'y jeter un coup d'œil. Pour comprendre ce qui la fascinait autant dans sa lecture, j'ai dû m'y plonger totalement, et ma petite coloc discrète et innocente, ne l'est absolument pas.

Elle lit carrément des romans érotiques, et croyez-moi, c'est hyper détaillé et plutôt excitant. Je me suis retrouvé avec la queue en feu, à plusieurs reprises.

— Qu'est-ce que tu lis ? demandé-je en essayant de lire la première page de couverture.

Elle me snobe un instant — le temps de finir sa page, j'imagine – puis ferme son bouquin afin de m'accorder toute son attention.

— Ça s'appelle Landon&Shay. Une romance qui commençait sur une haine mutuelle entre les protagonistes.

Comme la plupart de tout ce qu'elle lit. En parcourant ses ouvrages, j'ai remarqué que très souvent, les histoires d'amour commençaient par une animosité entre les personnages. Sur internet, ils appellent ça « enemies to lovers ».

— Ça me rappelle un truc ça, ne puis-je m'empêcher de souligner, alors qu'un demi-sourire s'étire sur mon visage.

Kaylee me lance un faux regard noir, tout en levant son majeur.

Je ne m'en lasserais jamais.

— Enfin bref, ils ont fait une sorte de pari : faire tomber amoureux l'autre avant que le contraire ne se produise. Mais l'histoire devient peu à peu plus profonde. Ils vont passer du temps ensemble, découvrir les peurs intérieures de chacun. Puis au fur et à mesure, ils vont s'aider à les surmonter. Je suis actuellement au deuxième tome et j'ai vraiment eu un gros coup de cœur pour le personnage de Landon. Parce qu'il joue au con, mais au fond, il souffre énormément. Et Shay, elle est extraordinaire : compréhensive, une vraie battante et un soutien incroyable. Une des plus belles romances que j'ai pu lire.

Je suis en train de passer pour la plus grande guimauve de tous les temps, mais je m'en fous. Je suis totalement pendu à ses lèvres. Lorsque Kaylee raconte quelque chose qui la passionne — très souvent, ça tourne autour de livres, séries ou faits psychologiques — elle en parle si bien qu'on ne peut rien faire d'autre que l'écouter.

Elle entre vraiment dans son sujet et ses yeux brillent d'excitation, à chaque fois. Je pourrais l'écouter parler durant des heures sans m'ennuyer une seconde.

Et non, je n'exagère vraiment pas.

Kaylee est belle, vraiment belle. Sa chevelure rousse, ses taches de rousseurs qui lui rajoutent un charme en plus, ses yeux émeraude qu'on est incapable de lâcher du regard. Tout en elle est sublime. Mais elle est aussi intelligente, elle apprend très rapidement, surtout si le sujet lui plaît, et elle est capable de te l'expliquer avec conviction. Et à mes yeux, c'est ça qui la rend si unique.

Kaylee aime vraiment la romance, elle en lit des tonnes, et pourtant, elle ne croit pas en l'amour. C'est quelque chose qui me trotte dans la tête depuis que je la connais, et je n'ai jamais pris le temps de lui poser la question.

— Je peux te poser une question, piccola ?

Elle me sonde un instant, cherchant probablement à savoir si je vais encore sortir une connerie ou si je vais lui dire quelque chose qui va la faire fuir.

Cependant, elle opine pour m'inviter à poursuivre.

— Pourquoi lire tous ces romans d'amour si tu n'y crois pas ?

Elle baisse les yeux sur son bouquin, tout en se mordant la lèvre. Elle ne s'attendait sûrement pas à une telle question, mais je ne pouvais pas rester sans réponses. Ou du moins, sans tenter d'en obtenir une.

Mais contre toute attente, elle replonge son regard dans le mien avant de se lancer :

— Parce que rien n'est réel. Parce que la lecture te transporte, te permet d'imaginer rien qu'un instant, que la vie pourrait être plus belle, plus simple. Même si tu sais qu'à un moment donné, tu devras retourner à la réalité. Elle te permet de t'échapper rien qu'un instant, de ce monde trop noir, trop vicieux.

C'est à mon tour de garder le silence, tout en analysant chaque mot qu'elle vient de prononcer.

Ce qu'elle dit n'est pas faux. La fiction, c'est beau, surtout parce que rien n'est réel. Qu'on peut imaginer un monde meilleur, parsemé d'embûches, mais qui se termine bien à la fin.

La vraie vie a un côté effrayant. Parce que rien n'est modifiable, rien n'est effaçable. On doit faire face aux conséquences de nos actes, et tenter de vivre avec les nombreuses douleurs que la vie nous aura infligées.

J'ai été brisé une fois, j'avais pour principe de ne plus jamais confier mon cœur à qui que ce soit. De m'éloigner de l'amour autant que possible.

Et pourtant, plus je regarde la fille qui partage un bout de ma vie, depuis des semaines, plus ces principes sont remis en question.

Et ça, croyez-moi, c'est ce qu'il y a de plus terrifiant.

— Pourquoi es-tu si effrayée par l'amour, piccola ? la questionné-je à nouveau en caressant délicatement son bras.

Elle promène son regard entre mon visage et le mouvement de ma main, sans pour autant me demander d'arrêter. Puis, elle saisit ma paume et fixe intensément ses prunelles aux miennes

— Dans tomber amoureuse, il y a « tomber ». Et si je dois à nouveau le faire, je serai incapable de me relever. Alors non, Hayden, je ne veux plus tomber amoureuse, de qui que ce soit. Je n'en ai pas la force.

Au son de sa voix, j'ai compris qu'elle était sincère. Sa douleur n'est plus un secret, lorsqu'elle se confie à moi de la sorte. J'en suis maintenant sûr, un homme l'a blessée avant moi. Je n'en connaîtrai jamais les raisons, tant qu'elle ne me dira rien, mais je sais que cette relation lui a fait énormément de mal. Je le perçois, je le ressens. Et mon cœur se serre, rien qu'en imaginant tous les scénarios possibles.

Parce qu'à l'heure d'aujourd'hui, je donnerais n'importe quoi pour éloigner la peine qu'elle ressent, à tout jamais.

Je ne peux pas prévoir le futur. Je ne sais pas si Kaylee pourra, oui ou non, ressentir plus que de l'attirance pour moi. Peut-être qu'aujourd'hui, elle s'en sent incapable, mais qu'avec le temps, ça sera plus facile pour elle. Si je persiste à lui montrer que je suis quelqu'un de fiable, qui fera tout pour la protéger et la rendre heureuse, elle se permettra de vivre à nouveau. Qu'elle reconsidèrera l'idée qu'elle se fait de l'amour.

Parce que moi, je suis totalement en train de le faire.

Mais ce soir, je ne persiste pas et me contente de la ramener contre moi. Elle ne me repousse pas et laisse mes bras entourer son petit corps.

Elle n'est pas à l'aise avec le contact, il lui a fallut du temps pour me laisser la toucher, et maintenant, j'ai presque l'impression qu'elle l'apprécie.

Tout a changé si vite et si naturellement à la fois. Comme si plus mes actes envers elle étaient sincères et désintéressés, plus ses barrières tombaient petit à petit.

Et putain ce que c'est satisfaisant.

— Et toi Hayden ? Pourquoi tu ne t'es jamais trouvé une copine, depuis que tu es ici ? Pourquoi fuis-tu l'amour et les femmes à ce point ? demande-t-elle d'une petite voix, alors que mon index longe son bras recouvert d'un sweat.

Je ne réponds pas tout de suite. Il est vrai que poser des questions est une chose bien plus simple que d'y répondre. Surtout quand ça touche à des sujets aussi difficiles pour soi.

Mais Kaylee a été honnête dans ses réponses, je me dois de lui rendre la pareille.

— Chaque femme qui m'a un jour approché, a fini par m'abandonner. C'est un peu difficile de refaire confiance après ça.

— Ta mère ? devine-t-elle après quelques secondes de silence.

J'acquiesce même si elle ne le voit pas. Je sais qu'elle le ressent.

— Ma mère en grande partie. Mon premier et unique amour également.

Eh oui, aussi fou que cela paraisse, Hayden Jones a déjà connu l'amour autrefois.

J'y ai tellement cru, que la trahison de mon ex-copine m'a anéanti, me faisant perdre foi en l'amour instantanément.

J'ai aimé cette fille plus que je ne m'aimais moi et j'ai compris que c'était la plus grande erreur que j'avais commise.

— T'as envie d'en parler ?

Pas vraiment, mais je sais aussi que ça m'aiderait à me délivrer. J'en ai parlé uniquement à mes deux meilleurs amis, sans entrer dans les détails. De toute façon, rien n'est important à par l'acte en lui-même et les dégâts qu'il a causés.

— Elle s'appelait Heather. On s'est rencontrés en deuxième année de lycée et on est restés ensemble trois ans. Tout allait très bien, j'étais fou d'elle. Je n'avais jamais autant aimé une personne auparavant. On vivait une relation parfaite, très cliché étant donné que j'étais le sportif et qu'elle était la populaire.

Sans la voir, je sais d'avance que Kaylee lève les yeux au ciel. Ce qui, malgré la douleur que je ressens en repensant à Heather, m'arrache un fin sourire.

— On avait tout planifié, on devait tous les deux aller à Boston et poursuivre cette relation à l'université. J'étais persuadé que c'était mon âme sœur, la femme de ma vie, bien que je n'étais encore qu'un bébé, sans réel autre expérience. Pour moi, à l'époque, il n'y avait aucun doute sur notre histoire.

Je marque une pause, essayant de maîtriser la colère qui naît à nouveau en moi. À l'heure actuelle, je ne suis plus amoureux de cette fille, mais sa trahison me laisse toujours un goût amer. Je la déteste sincèrement.

— Lors de notre dernier semestre au lycée, je sentais qu'on s'éloignait un petit peu, mais je mettais ça sur le stress des exams et des candidatures. Encore une fois, je n'y voyais que du feu et pensais vraiment que ses sentiments étaient aussi forts que les miens.

Quand je repense à la façon dont elle s'est bien foutue de ma gueule...

— Puis un jour, j'ai appris que lors de notre séjour à San Francisco, elle a couché avec un gars de Berkeley. Un étudiant de deuxième année paraît-il. Et cette relation ne s'est pas arrêtée à un simple coup d'un soir. Ils se parlaient régulièrement au téléphone et se sont revus à de nombreuses reprises, pendant les week-ends et les vacances. Ces mêmes jours où elle me disait rendre visite à sa pauvre grand-mère qui se sentait seule.

— Quelle salope, lâche soudainement Kaylee.

Je souris un peu plus, jusqu'à lâcher un petit rire sans joie. C'est effectivement ce que je pense d'elle, après coup.

Au moment où je l'ai appris, c'est la tristesse et la douleur qui m'ont dominé en premier. Puis est venue la phase de la colère et de la rancœur. Et quand je l'ai enfin accepté, je me suis juré de ne plus jamais laisser une fille jouer avec mon cœur.

Ironique quand je vois de qui je me suis entiché.

Kaylee se redresse, afin de me faire face. Ses prunelles s'accrochent aux miennes comme elles en ont l'habitude. C'est sa façon à elle de lire tous les non-dits que je ressens. Sa façon de lire en moi. Quelque chose de frustrant et d'agréable à la fois.

— Tu t'es promis de ne plus jamais tomber amoureux, afin de ne plus finir blessé comme tu l'as été ? devine-t-elle à nouveau.

J'opine alors que sa main vient caresser ma joue délicatement.

— Et pourtant, tu persistes à vouloir qu'on tombe amoureux l'un de l'autre.

— Je suis un optimiste, peut-être qu'à deux cœurs brisés, on peut construire quelque chose de plus beau.

— Ou alors se détruire plus facilement, à cause de cette lourde carapace qui nous protège depuis des années, renchérit-elle, m'arrachant un énième sourire.

Quoi que je dise, elle trouvera toujours le moyen de me prouver qu'une relation entre nous est une très mauvaise idée. Et pourtant, plus elle s'obstine à me rejeter, plus je suis persuadé que ça va marcher.

Je balaye mon regard entre ses yeux et ses lèvres. Maintenant que je sais quel goût elles ont, je ne rêve que de recommencer. Encore et encore.

Et à la façon dont son corps frémit et sa respiration se coupe, je sais que le sentiment est réciproque du côté de la rouquine.

— Dis-moi quelque chose en italien, la défié-je sans la lâcher du regard.

Elle réfléchit un instant, sans manquer de lancer des regards furtifs à ma bouche.

Muoio dalla voglia di baciarti, murmure-t-elle.

Allora fallo, réponds-je alors que la surprise envahit ses traits.

Elle s'éloigne de quelques centimètres, me regardant toujours avec stupeur. Elle s'attendait sûrement à ce que je ne comprenne rien. Malheureusement pour elle, je suis plein de ressources. Elle m'a dit qu'elle mourrait d'envie de m'embrasser. Alors je lui ai répondu qu'elle n'avait qu'à le faire.

— Comment ?

— Ça fait un bon mois que j'apprends l'italien. Je me suis dit que ça nous rapprocherait, à un moment donné. Et puis, si je dois être le futur homme de ta vie, il me faudra toutes les ressources pour discuter avec ta famille.

Bon, pour être totalement honnête, j'ai d'abord appris toutes les phrases les plus cucul et romantiques qui existent. Mais ça revient au même.

Les yeux de Kaylee sont tellement écarquillés, qu'ils menacent de tomber à n'importe quel moment. On dirait bien que ma petite surprise a marché.

— Tu es...

— Prévenant, irréel, intelligent, beau à s'en damner...

— Pas croyable, tu n'es pas croyable, lâche-t-elle avant de plaquer soudainement ses lèvres sur les miennes.

D'abord surpris par cette initiative, je finis par me détendre et répondre à son baiser comme j'en meurs d'envie depuis des jours.

Contrairement à notre premier baiser, celui-là est calme et plus maîtrisé. Nos lèvres prennent le temps de se goûter, de se découvrir. Nos langues se rencontrent doucement et se cherchent à nouveau, sans se brusquer. Il n'y a pas de précipitation, pas d'urgence, et pourtant, les étincelles et les papillons sont définitivement présents.

J'approche son corps plus près du mien, prenant soin de ne toucher que son visage, puis prolonge ce baiser parfait.

— Eh, Kaylee, chuchoté-je contre sa bouche.

Elle hausse un sourcil en hochant la tête.

— « À l'avenir ... Si par miracle tu tombes une nouvelle fois amoureuse de quelqu'un ... Tombe amoureuse de moi. »

Ses yeux brillent à nouveau de surprise, à l'entente de cette citation. Elle provient d'un de ses livres préférés, que j'ai lu il y a quelques jours. Et cette fois-ci, une toute nouvelle lueur prend forme sur son visage, quelque chose de plus lumineux et étincelant.

Une lueur qui la pousse à sceller de nouveau ses lèvres aux miennes. Me faisant un peu plus perdre toute notion de la réalité.

Parce que bien que j'aie renoncé à l'amour, il se pourrait que cette fille ait déjà capturé mon cœur.

📚🏒🎨

Oh Hayden, elle l'a totalement capturé 😉

Ils se sont enfin embrassés sans culpabiliser 🤩

Une soirée confessions et proximité comme on les aime 🥰

Kaylee tente de se convaincre qu'elle ne pourra jamais ressentir quoi que ce soit pour Hayden, mais pour elle aussi c'est déjà trop tard !

Alors ce chapitre ?

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