Chapitre 19
HAYDEN
— Ben, ne te la joue pas perso, vous êtes une équipe, m'écrié-je à l'attention d'un de mes élèves.
Il acquiesce et applique mes conseils en lançant le palet à Jaxon, démarqué et proche de la zone offensive. Je lève mon pouce en l'air pour l'encourager sans cesser d'observer les autres.
J'avais besoin d'argent en plus pour compléter mes fins de moi, avec mes économies. Alors quand le coach Collins m'a parlé de cet emploi, j'ai sauté sur l'occasion.
Je n'arrive même pas à vraiment employer le terme « travail » lorsque je suis ici. Je me suis vraiment attaché à chacun de ces petits, et les aider est loin d'être une corvée. Ils ont tous soif de réussir et d'apprendre, ils sont motivés et j'ai l'impression de me revoir à leur âge.
Le hockey fait partie de moi, même si je n'en ferai jamais mon emploi, ça restera toujours la chose que j'aime le plus sur Terre.
Je n'ai jamais eu de petits frères ou sœurs avec qui partager cette passion. Alors tous ces gamins sont un peu comme ma famille. J'écoute attentivement tout ce qu'ils me disent. J'essaie de les aider à chaque fois qu'ils rencontrent un problème dans leur jeu, dans leur façon d'être. Je me renseigne sur leurs craintes, afin de les rassurer et de les aider à donner le meilleur d'eux-mêmes, sans les brusquer.
Ils s'entraînent trois fois par semaine. Le mercredi et vendredi, c'est avec leur coach Bell, et le dimanche, il me laisse le champ libre pour en faire de vrais champions.
J'ai remarqué qu'être avec moi les rassurait. Byron Bell est super avec eux, ils s'adorent mutuellement. Mais ils ont cette facilité de conversation avec moi — principalement dû à mon jeune âge — qu'ils n'auront jamais avec lui.
Ils me considèrent comme leur grand frère et ont tendance à être plus ouverts en ma présence.
Chose que j'apprécie et qui me touche particulièrement. Alors même si je ne gagne pas grand-chose, je n'échangerai ces moments de bonheur pour rien au monde.
— Tu as vraiment l'air dans ton élément. Ça me surprend que tu ne continues pas dans cette voie, murmure Kaylee à ma droite.
Je quitte la glace des yeux, quelques secondes pour les plonger dans ceux de ma coloc. On s'observe un instant avant que mes lèvres ne s'étirent intensément.
J'ai toujours du mal à croire que Kaylee m'ait suivi jusqu'ici. J'étais d'abord surpris qu'elle me fasse le petit déjeuner, qu'elle partage avec moi une portion d'elle et de ses souvenirs. Je n'arrivais déjà pas à croire qu'elle puisse sincèrement s'intéresser à ma vie, la vieille. Alors la voir si gentille et souriante de bon matin, j'avoue avoir flippé.
Durant ces deux dernières semaines, elle ne m'a habitué qu'à des regards noirs, des insultes ainsi qu'un puissant mépris.
Et je ne sais pas comment ni pourquoi, les choses se sont soudainement transformées. J'ai réussi à entrevoir une fille qui cachait une immense peine et qui avait tellement de choses à raconter.
Elle a continué de me surprendre en me demandant où j'allais. Elle ne l'avait jamais fait avant. Et pourtant, je suis loin d'être casanier.
Alors quand j'ai vu un réel intérêt de sa part, j'en ai profité pleinement. J'avais envie de l'intégrer à ma vie.
Ma mission « sauver Kaylee » devait continuer, et quoi de mieux que de la faire participer à mon quotidien.
Et puis, les enfants sont si mignons que sa froideur naturelle ne pouvait pas ressortir en leur présence. Et je n'ai pas eu tort. Bien qu'elle ait eu du mal à les aborder, elle s'est laissée aller lorsqu'ils sont venus la solliciter.
Les trois quarts des petits mecs sont totalement tombés sous son charme.
Je n'ai pas cessé d'entendre des « Kaylee est vraiment trop belle », « quand je serai plus grand, je veux épouser Kaylee ».
Même la rouquine a fini par se prendre au jeu en faisant mine d'être agréablement surprise par ces charmantes propositions.
Je dois avouer avoir entendus quelques-unes de ses conversations avec sa sœur et j'ai pu voir à quel point leur relation était forte. À quel point Kaylee était douée et naturelle avec les enfants. Ils sont cette innocence et cette pureté qu'elle était autrefois. Leur compagnie lui fait du bien, j'en ai été le premier témoin aujourd'hui.
Je m'étais juré de ne plus jamais rien ressentir pour une fille. Celles que j'ai connues m'ont clairement fait comprendre que je ne méritais pas qu'on se batte pour moi.
Mais depuis que cette fille est entrée dans ma tête, je ne vois plus très clair.
Et je crois que ça me fait aussi peur qu'à elle.
— Je te l'ai déjà dit, j'ai une cause qui me tient à cœur et je veux me battre pour y parvenir. Le hockey, j'en ferai toute ma vie, alors je ne m'inquiète pas, réponds-je en haussant les épaules.
— Tu as sans doute raison, dans tous les cas, ton futur te passionnera et c'est le plus important.
J'acquiesce sans faire disparaître le rictus de mes lèvres. Elle a beau clamer me détester depuis des années, elle m'a quand même bien cerné. Toutes les filles que j'ai pu fréquenter, depuis mon arrivée à l'université n'ont jamais cherché à savoir ce que je voulais faire de ma vie. Il est vrai que la plupart des gens que je connais — ou qui me connaissent — estiment que je continuerai dans le hockey. Mais je veux un métier plus stable, quelque chose qui donne un réel sens à ma vie.
J'estime avoir été très chanceux lorsque mes parents m'ont recueilli, et j'aimerais retransmettre cette chance. Ça donne un réel but à mon existence et ça me permet aussi de tenir.
Je ne me confie jamais là-dessus, à personne. Je n'aime pas trop exposer mes états d'âme. Par peur de déranger, d'ennuyer, ou d'être trop transparent. Je n'en sais rien, mais mon petit doigt me dit que si je le faisais un jour avec Kaylee, ça pourrait m'être bénéfique. Même si elle me juge sur ce qu'elle voit de moi, j'ai le sentiment que si j'étais vraiment honnête et authentique avec elle, une vraie conversation pourrait en ressortir.
Mais pour l'instant, je me tais. Je suis là pour profiter de mes gamins et inciter ma coloc à les aimer autant que moi.
— Très bien ça, Elia ! m'écrié-je lorsque la petite brunette intercepte le palet pour le lancer à Gavin, qui est démarqué.
Elle m'adresse un petit sourire timide avant de se concentrer à nouveau sur le jeu.
— Ils sont vraiment doués ! remarque Kaylee. Étaient-ils déjà comme ça quand tu les as rencontrés ?
Je secoue la tête vivement.
— Absolument pas. Certains avaient évidemment ce don naturel et une facilité dans le jeu, comme Arthur ou Neil. Mais pour le reste, il a vraiment fallu que leur coach et moi instaurions de vraies méthodes pour leur faire assimiler les points importants du jeu. Et puis avec de l'entraînement, ça a fini par rentrer.
Elle ne me coupe pas et quand je replonge mon regard dans le sien, je m'aperçois qu'elle m'observe avec sérieux et attention. J'ai remarqué qu'elle le faisait souvent, comme si elle était en perpétuelle réflexion sur chaque phrase prononcée.
C'est sans doute les qualités requises pour quelqu'un qui souhaite se tourner dans le milieu psychologique.
Je ne lui ai jamais demandé quels étaient ses projets d'avenir. Mais je suis pratiquement sûr qu'elle n'y a pas totalement réfléchi.
C'est une bonne élève, impliquée dans ce domaine, mais je vois qu'elle tente de l'apprivoiser quotidiennement et de le comprendre au détail près. Je la vois travailler à la maison, et je ressens ce truc, comme si tout ce qu'elle faisait, était plus par besoin qu'autre chose. Le besoin d'obtenir des réponses a des choses qu'elle n'a jamais pu comprendre, mais qui l'ont touchée particulièrement.
J'aimerais vraiment pouvoir infiltrer ses pensées et comprendre enfin ce qui se cache derrière ce mur de glace.
— Avec de l'entraînement et un bon entraîneur, souligne-t-elle après cet instant de silence. Tu es peut-être prétentieux dans tout ce que tu fais, mais je dois avouer qu'en ce qui concerne le hockey, tu as toutes les raisons de l'être.
Eh ben, elle se lâche en ce moment sur les aveux. Bon, j'avoue que c'est très plaisant et que je n'obtiendrais plus rien de sa part si je faisais une remarque. Pourtant, ce besoin de la charrier est toujours plus fort que la raison.
— C'est un compliment que je décèle derrière cet aveu, piccola, dis-je alors qu'un sourire en coin étire mes lèvres.
Elle grogne en me lançant son plus naturel regard noir. Il ne me faut pas plus de cinq secondes pour retrouver Kaylee la grincheuse, et c'est toujours hilarant lorsque ça arrive.
Cette fille est incroyable, et bien qu'on ne se connaisse pas depuis très longtemps, j'ai dû mal à voir la suite sans elle. Sans la pousser à bout — d'une manière toujours amicale, évidemment — et en rire ensuite. Et maintenant qu'elle commence à s'en amuser aussi, c'est d'autant plus cool.
— Tu viens de gagner une demi-heure de traitement du silence. Et je ne te dirai plus jamais rien de sympa, déclare-t-elle fermement.
Je tente de masquer mon sourire pour me faire pardonner, mais face à ce visage faussement sérieux, c'est impossible.
Alors comme à mon habitude, j'éclate de rire, lui arrachant un léger rictus, au passage.
Ça, c'est récent, mais ça n'en est pas déplaisant pour autant.
***
— Qui aurait cru qu'une après-midi avec des gosses pouvait être aussi crevante, soupire Kaylee en s'affalant sur le canapé.
Je ris en hochant vivement la tête. Mes petits monstres sont peut-être mignons, mais ils sont également de vraies piles électriques. Et à notre grand âge, c'est plutôt dur de les suivre.
Et pour une fois, il n'y a pas que moi qu'on a embêté. Ma coloc était la cible principale de tous ces gamins. Surtout les garçons fous d'elle.
— « Hé Kaylee, regarde comme je suis trop rapide. Mieux qu'Hayden, hein », imité-je Dylan, déclenchant l'hilarité de la rouquine.
Je la rejoins, repensant à toutes ces petites phrases que les petits ont passées l'après-midi à crier.
Point positif, je n'ai jamais vu ma coloc rire autant. Elle est vraiment naturelle avec les enfants, et si on m'avait dit dès le départ qu'ils étaient les seuls à pouvoir vraiment la faire rire, j'en aurais volé un sans hésiter.
Et si on doit être complètement franc, moi non plus je ne m'étais pas autant amusé depuis des années. J'ai fait des milliers de soirées avec mes amis, mais aucune ne valait la joie ressentie cet après-midi. J'étais limite triste que ça se termine.
— Attends, j'ai mieux « Kaylee je te trouve très jolie, mais tu es arrivée après nous. Alors, il y a une longue file d'attente pour être l'amoureuse d'Hayden », poursuit Kaylee en imitant à la perfection Allison.
Je repars dans un grand fou rire suite à cette mention. Bien que ma coloc ait fait l'unanimité parmi les petits mecs, les filles étaient bien décidées à marquer leur territoire. Heureusement, Kaylee l'a pris à la rigolade et ne s'est pas gênée pour me descendre en disant que je n'étais pas un bon parti et qu'elles méritaient toutes mieux.
Qui aurait pensé que son côté taquin était aussi plaisant. Ouais, cette fille a complètement bousillé mon cerveau en quelques jours, putain.
— Tu n'étais d'ailleurs pas obligée de dire du mal de ma personne, uniquement dans le but de me garder pour toi, piccola. Tu sais que mon cœur t'est entièrement dévoué, plaisanté-je en accompagnant ma blague d'un clin d'œil.
Elle roule des yeux en grimaçant. Accroissant mon sourire par la même occasion.
— Oh quelle chance j'ai ! raille-t-elle. Je leur dirai ça la prochaine fois, je les rendrai encore plus vertes de jalousie qu'elles ne l'étaient déjà.
— C'est ça, moque...
— Oh et tu sais quoi ? Je vais même aller le crier sur le campus. Avertir tout ton fan club qu'ils n'ont plus aucune chance ! poursuit-elle sur le même ton.
C'est à mon tour de lever les yeux au ciel, tout en murmurant un juron. Cette fille est épuisante, mais si elle savait comme elle se rapproche de la vérité.
Je ne dirais pas que je ressens un truc pour elle, enfin... Peut-être...
Je n'en sais rien, mais ce dont je suis sûr, c'est qu'aucune des filles que j'ai pu sauter depuis le début de mes études, ne lui arrive à la cheville.
Elle est chiante, lunatique, mais ça faisait bien longtemps qu'une fille ne m'avait pas autant chamboulé.
Et la dernière m'a brisé...
— T'as fini ? demandé-je en tentant de paraître sérieux.
Même si le demi-sourire de ma coloc est plutôt compliqué à ignorer.
— Oh non, j'aurais encore tellement de choses à dire, Jones.
— Ah ouais ? Comme quoi ? la défié-je en me rapprochant d'elle.
Elle tressaille en se reculant mécaniquement. C'est ce qu'elle fait toujours lorsque je me rapproche d'elle. Soit je lui fais un effet incroyable, soit elle n'a vraiment pas l'habitude de la proximité masculine. Bon, je comprends qu'avec son mauvais caractère, elle repousse les mecs. Mais elle est si jolie et si drôle, lorsqu'on la connaît. Je doute qu'elle n'ait jamais eu de copains.
En tout cas, mon contact la fait souvent réagir et il est possible que j'apprécie cela. Peut-être un peu trop.
Cette fille avec tant de répondant, se retrouvant complètement déstabilisée par un corps et un visage un peu trop proche du sien.
Un nouveau sourire s'empare de mes lèvres alors qu'une de mes mains approche son visage.
Son corps tremble un peu plus lorsque mes doigts effleurent ses cheveux.
Ce n'est pas la première fois que j'agis ainsi, et je n'ai aucune idée de pourquoi je fais ça, lors de chacune d'entre elles.
Nos prunelles se rencontrent, nos souffles se mélangent, et à nouveau je perds le nord. Mes yeux louchent sur ses lèvres avec une envie soudaine d'y goûter. Le besoin de connaître leur saveur me hante comme un dingue depuis plusieurs jours.
Me repousserait-elle, si j'essayais ? Sûrement.
En un regard je le comprends. Elle me supplie de ne rien faire.
Elle aussi a peur de ce qu'un simple baiser pourrait engendrer sur toutes ces barrières que l'on s'est construit.
Peur de ne pas pouvoir s'arrêter et d'enfin ressentir ce qu'on s'interdît.
Parce que c'est ce qui m'effraie le plus. Je joue peut-être au goujat qui obtient toujours ce qu'il souhaite des filles. Mais la vérité c'est que je me protège tous les jours.
Alors à nouveau, je me contrôle et replace simplement une mèche derrière son oreille. Reculant à une distance raisonnable.
Je l'entends soupirer longuement. Probablement de soulagement, alors que mon corps n'est que frustration.
— Je... Je dois me préparer, bafouille-t-elle avant de me fausser compagnie.
C'est à mon tour de souffler en m'affalant complètement sur le canapé.
Je crois que je préférais finalement nos disputes.
Ce rapprochement soudain, c'est dangereux, trop dangereux. Et ça va très mal finir, je le sens.
***
Une heure plus tard, Kaylee réapparaît dans le salon. Elle a troqué son survêtement pour un jean slim noir, qu'elle a accompagné d'un haut à manches longues bleu nuit. J'ai remarqué qu'elle ne mettait jamais de tee-shirts, de hauts plutôt courts ou de jupes. Elle reste sexy tout en se couvrant à chaque fois. Seul le décolleté de sa poitrine sort un peu de l'ordinaire.
Ce qui est sûr, c'est que ça la change de ses vêtements amples. Ça la rend cependant encore plus sexy qu'elle ne l'est déjà. Et le gonflement soudain au niveau de mon entrejambe me le confirme.
Cette femme est un putain de canon.
— J'y vais, je ne termine pas trop tard, ce soir. Mais tu seras probablement endormi. Alors à demain.
Si tu savais que je ne pourrai jamais dormir en te sachant dehors seule, piccola.
— Laisse-moi t'emmener, t'y seras plus rapidement. En plus, la nuit commence à...
— Non, je peux y aller seule, répond-elle fermement, comme s'il n'y avait pas de discussion à avoir.
Elle a remis son masque de fille froide qui refuse tout, sans prendre le temps d'écouter.
Eh ben, ça n'a pas duré très longtemps. Sauf que si elle pense que je vais la laisser avoir le dernier mot, elle se trompe.
— Est-ce que Nolan t'emmène et te ramène ? demandé-je, connaissant très bien la réponse.
Nolan et Clay se font une soirée en amoureux ce soir. Elle est autant au courant que moi, et elle le voit dans mes yeux.
— Non, mais j'ai des pieds. Et pour le retour, une collègue me ramènera, comme d'habitude.
Je lâche un rire amer face à son mensonge. Si une collègue la ramenait tous les soirs, je serais le premier au courant. Étant donné que c'est moi qui la suis à la trace pour m'assurer qu'elle rentre saine et sauve.
— T'en a d'autres des mensonges comme ça ? craché-je.
Elle hausse les sourcils, surprise par mon ton, soudainement trop accusateur. Je sais que je ressemble à un copain protecteur, mais je n'y peux rien.
Elle vit avec moi, elle est proche de moi, de mes meilleurs amis, elle compte forcément. C'est logique non ?
— Je te demande pardon ? réplique-t-elle en fronçant les sourcils.
— Tu rentres tous les soirs seule, tu crois que je suis né de la dernière pluie. Tu pense sérieusement que je ne vérifierais pas que tu dis la vérité sur ce genre de sujet. C'est moi qui te suis tous les soirs, pour m'assurer que rien ne t'arrive. Même quand je ne sors pas.
Elle paraît encore plus surprise qu'elle ne l'était déjà. Bon, ce n'était pas quelque chose que j'avais prévu de lui avouer. On sait comment sa fierté mal placée peut réagir et ce n'est pas toujours très beau.
C'est d'ailleurs ce qui est en train de se passer, car ses yeux s'assombrissent un peu plus, laissant la colère s'installer.
— Mais pour qui tu te prends, Hayden, bordel ! Arrête de vouloir toujours contrôler les autres autour de toi, arrête de t'inquiéter, arrête de te soucier de moi, merde. Je n'ai pas eu besoin de toi durant mes vingt et une années d'existence, ce n'est pas maintenant que ça va commencer ! hurle-t-elle en me fusillant du regard.
C'est à mon tour d'écarquiller les yeux, surpris par ses accusations, encore une fois mal placées. Je n'ai jamais voulu contrôler ce qu'elle fait. Je suis simplement trop soucieux, oui, c'est vrai. Mais bordel, ne comprend-elle pas que tout ce que je fais, c'est dans son intérêt. Elle me fait passer pour le salaud de service. Il faut quoi pour gagner son intérêt ? La frapper, la dénigrer, l'insulter ?
— C'est toi qui ne comprends rien, putain. Tu es inconsciente, tu vis dans un monde où tout est beau et rose...
— Ne parle pas de ce que tu ne sais pas, me coupe-t-elle.
— Ah non ? Tu ne sais pas que la nuit est propice à tout types d'agressions. Surtout dans une grande ville telle que Boston ? Merde, Kaylee, le monde n'est pas rempli de gens aux beaux sourires et aux intentions pures. Tu es une femme, et bien que ça me détruise, tu seras toujours perçue comme une cible facile à atteindre pour les pauvres mecs de ce monde. Je ne dis pas que tu es facile à atteindre et que tu ne sais pas te défendre, crois-moi, je suis plutôt enclin à penser le contraire. Mais tu ne sais pas sur quel type de malade tu peux tomber, s'il sera armé ou non, plus balaise que toi ou non. Il faut que tu te rentres dans la tête que l'aide des autres n'est pas toujours un fardeau.
Cette phrase est aussi pour moi. J'ai du mal à accepter l'aide d'autrui par peur de déranger. Ce problème me colle à la peau depuis que je suis petit et il est parfois dur de s'en détacher. Mais quand il s'agit de ma sécurité, je ne réfléchis pas deux fois avant de l'accepter.
Et c'est ce que je veux faire comprendre à cette tête de mule. Oui elle est forte, oui elle est indépendante, oui elle ne se laisse pas faire, et ce sont des qualités que j'admire en dehors de ce contexte. Mais pas pour celui-ci. Ma proposition n'a aucune arrière-pensée. Je ne lui demande même pas de m'apprécier, de me remercier ou d'être souriante. Je veux simplement qu'elle se laisse faire et qu'elle rentre à la maison tous les soirs, entière.
Est-ce si dur à comprendre ?
— Crois-moi Hayden, je suis plutôt bien placée pour comprendre les dangers de ce monde. Mais ce n'est pas toi qui vas tout régler. J'ai dû apprendre à ne compter que sur moi, ces dernières années. Il n'y a pas de raisons que ça change. Alors fou moi la paix et va sauver quelqu'un d'autre, réplique-t-elle froidement.
Putain mais trouvez-moi plus borné que cette femme. On a réellement une conversation de sourds et c'est en train de me faire péter un câble.
Où est passé la fille amusante qui riait à mes côtés depuis quelques jours ?
— Tu me fais chier, Kaylee, sérieusement. Tu n'es qu'une inconsciente, une grosse tête de mule et une putain de fille à papa. Celle qui pense qu'elle peut faire tout ce qu'elle veut sans conséquences.
Son regard furieux se transforme en quelque chose de bien plus sombre. Les larmes lui montent, presque instantanément, chose que je n'ai encore jamais vu chez elle. Elle a toujours été froide, sans expressions, en colère, heureuse, fatiguée, malicieuse. Mais c'est la première fois qu'elle exprime une si grande tristesse.
Qu'est-ce que j'ai pu dire pour la mettre dans un tel état ?
Les larmes dévalent ses joues, ses mains et bras se mettent à trembler. Elle ressemble à une bombe à retardement, prête à exploser.
— Kaylee...
— Une inconsciente, je le suis. Une tête de mule, tu n'as pas idée. Mais une fille à papa... Oh oui, je donnerais tout pour être une fille à papa. Ça signifierait que j'en ai encore un, espèce d'enfoiré ! fulmine-t-elle alors que ses larmes poursuivent leur chute incessante.
Je recule d'un pas, complètement sonné par ce dernier aveu.
Ça signifierait que j'en ai encore un.
Son père est mort ? Putain de merde, quel con sans tact que je peux être. Je n'en savais rien et je suis plutôt bien placé pour savoir que le sujet des parents est toujours sensible. On ne les mentionne pas tant qu'on ne sait rien d'eux.
Je n'ai jamais vu ma coloc perdre autant pied. Je ne l'ai jamais vu aussi furieuse et emplie de tristesse. Je comprends un peu mieux pourquoi elle a perdu cet éclat qu'elle semblait avoir sur les photos de sa chambre.
Je ne connais pas exactement cette douleur. Mais je sais que si je venais à perdre un de mes pères, mon monde ne serait définitivement plus le même.
— Kaylee, je...
— Quoi ? Tu ne l'avais pas deviné ? Ça ne t'a pas semblé étrange que je ne téléphone qu'à ma grand-mère ? Que ma petite sœur vive avec elle ? Tu ne t'es pas dit une seule fois que je ne parlais jamais de mes parents pour une raison ?
Je ne réponds rien. Non, ça ne m'était jamais venu à l'esprit. Comment quelque chose d'aussi horrible pourrait me sembler normal et évident ?
Attendez, elle a dit parents ? Veut-elle dire que les deux...
— Je pensais simplement que tes parents étaient des gens occupés. Que leur travail leur prenait beaucoup de temps.
— Au point de ne pas s'occuper eux-mêmes de leurs filles ? Non, mes parents n'agissaient jamais ainsi. Rien n'était plus important que notre famille. Rien, Hayden. Alors la prochaine fois que tu souhaites me faire des reproches, abstient toi de parler de mes proches, crache-t-elle en m'adressant son regard le plus noir.
— Kaylee...
— Non, la ferme. Je t'en prie, fou moi la paix.
Elle repousse la main que je lui tends et s'enfuit hors de la maison. Me laissant planté au milieu du salon, silencieux et toujours aussi confus.
Putain, j'ai sacrément merdé.
📚🏒🎨
Deux salles deux ambiances par ici 🫣
On passe sur rire aux larmes rapidement avec ces deux là !
Bon je ne pouvais pas laisser tout parfait, surtout quand il y a encore tant de non dits !
Vous aviez deviné que les parents étaient mort ?
Prochain chapitre, flashback sur ce fameux sujet (déjà dispo) je suis sympa c'est mon anniversaire 😋🥳
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