Chapitre 14

HAYDEN

— T'as une sale mine, m'accueille Clay lorsque j'arrive au diner.

— Clay a raison, t'as baisé toute la nuit ou quoi ? poursuit Kyle d'un ton moqueur.

Je lui adresse mon plus beau majeur comme unique réponse. Je pense être au courant pour ma sale mine, étant donné que me suis regardé dans un miroir avant de partir. Il faut dire que dormir trois heures, ça ne me réussit pas vraiment.

Mais puis-je vraiment regretter ces heures, alors que j'ai passé une soirée mémorable ? Alors que Kaylee a enfin levé les armes le temps d'une nuit ? Si j'avais su qu'une insomnie était ce qu'il fallait à ma coloc pour qu'elle arrête de me voir comme l'ennemi public numéro un, je l'aurais fait depuis longtemps.

J'ai été surpris de la trouver là, surtout pour une « couche tôt » comme Kaylee. Elle regagne sa chambre avant vingt-trois heures et n'en ressort que le lendemain.

Elle avait peut-être chaud ? Ou alors elle a passé une mauvaise journée et le sommeil ne voulait pas venir ? Il y a des tas de raisons qui expliquent les insomnies. Ça m'arrive souvent la veille des partiels. Un stress bien trop important qui me garde éveillé.

Mais bon, peu importe la raison, tant que ça ne se reproduit pas. Si elle manque de sommeil, elle manquera d'énergie et sa journée n'en sera que mauvaise. 

— La ferme, Jennings. Je ne répondrai à aucune question avant d'avoir eu mon café, grogné-je en levant la main pour intercepter une serveuse.

Par chance, aujourd'hui, je ne me tape pas Nancy. Aucune envie de faire du charme. J'ai juste besoin d'une dose d'énergie pour affronter cette longue journée.

Lauren — si j'ai bien lu son badge — revient cinq minutes après avec une bonne tasse de café fumante.

Je le sucre, souffle légèrement dessus avant d'avaler quelques gorgées.

Le liquide brûle ma gorge, mais honnêtement, je m'en fous. Tant que ça s'injecte dans mon sang et que je suis en forme dans quelques minutes, ça me va.

— Eh ben, elle a vraiment dû être performante, se marre Clay.

— Ou insatiable, ajoute Kyle sur le même ton.

Je les fusille du regard, comme Kaylee sait si bien le faire. Je me gifle mentalement lorsque je remarque l'exemple que j'ai utilisé.

Cette chieuse m'a déjà volé mon sommeil, elle ne va pas non plus dicter mes faits et gestes.

— La ferme bande d'obsédés. C'est la nuit avec ma coloc, Susan, Bree, Gaby et Lynette qui m'a crevé, soupiré-je.

— Oula c'était un plan à combien ça ? Et pourquoi tu rajoutes Kaylee dans l'histoire ? demande Kyle, perdu.

Clay éclate de rire en secouant la tête.

— Ce n'est pas un plan cul, Kyle, mais une série. Tu ne connais pas Desperate Housewives ? répond le blond.

— Bah si, ma mère et ma marraine sont de grandes fans. Mais je ne connais pas les détails non plus. Je sais juste que c'est une série de nanas.

Un petit sourire se dessine sur mon visage lorsque je m'entends à nouveau dire cela. J'ai cru que Kaylee allait m'arracher la tête, comme si j'avais insulté sa famille. Et avec du recul, c'est bien une série de filles, mais ça n'empêche pas de rentrer dedans en quelques minutes, avec tous les drames qu'elles doivent affronter. Je ne pensais jamais dire ça, mais j'ai hâte de connaître la suite. J'espère simplement que ma coloc ne redeviendra pas froide d'un coup et qu'elle me laissera continuer avec elle.

Lorsque je me suis levé, après mes quelques heures de sommeil, Kaylee était déjà partie. J'avais prévu de rester debout pour l'accompagner en voiture, mais je me suis endormie sans m'en rendre compte, toujours avachi sur le canapé.

J'avoue avoir été déçu. J'aurais voulu discuter un peu avec elle et savoir s'il y avait une chance pour qu'elle me montre ce côté d'elle au quotidien.

Mais il ne faut pas se leurrer, j'ai bien vu dans son regard qu'elle ne se permettait pas d'agir ainsi très souvent.

Je ne peux pas lui en vouloir, je ne sais pas ce qu'elle cache. Mais oui, ça me fait chier. Parce qu'elle m'a montré qu'elle n'était pas qu'une sale gamine qui faisait des caprices.

Au lieu de ça, j'ai vu une jeune femme qui luttait pour me montrer un peu de la lumière qui sommeille en elle. J'ai vu de la souffrance à travers ce si beau regard émeraude. J'ai vu ce sourire, qui avait l'air d'être bien plus étiré autrefois.

J'ai vu l'humain derrière la carapace et j'ai ressenti quelque chose...

— Kaylee n'arrivait pas à dormir et je lui ai tenu compagnie devant une série, abrégé-je pour les faire taire.

Kyle hausse les sourcils alors que Clay les fronce. L'un est surpris, l'autre perplexe. Un la connaît depuis quelques jours, l'autre depuis moins d'un an. Alors je me tourne vers Clay pour demander des explications supplémentaires à ce froncement de sourcils.

— Elle a déjà recommencé, souffle-t-il.

C'est à moi de froncer les sourcils en entendant le mot « recommencer ». C'est quelque chose de récurrent ? Il est vrai qu'elle n'avait pas l'air fatigué ou perturbé par cette absence de sommeil.

— Qu'est-ce que ça signifie, exactement ?

— Je ne connais pas exactement la fréquence de ses insomnies, mais je suis plutôt sûr qu'il y en a au moins une par semaine, m'avoue le blond.

Je lâche un hoquet de surprise suite à cette révélation. Si Clay ne m'en avait pas parlé, je ne l'aurais jamais remarqué. Kaylee est tellement peu expressive, qu'il est pratiquement impossible de déceler la moindre trace de fatigue sur son visage.

Je ne me réveille pratiquement jamais durant la nuit, mais les fois où je l'ai fait, je ne l'ai jamais croisée. Hier était la seule exception.

Un tas de questions se bousculent dans ma tête et je ne suis même pas sûr que Clay serait capable d'y répondre. Cette fille est tellement secrète que je suis pratiquement certain que Nolan non plus, n'aurait aucune réponse.

— Tu en es certain ? le questionne Kyle, voyant mon absence de réaction.

Clay hoche la tête avant de poursuivre :

— Oui, je l'ai remarqué durant les quelques semaines où elle vivait à la maison. Ça a commencé lorsque je me suis levé pour récupérer une bouteille d'eau. Elle avait allumé la petite lampe du salon et lisait tranquillement son bouquin, comme s'il était six heures du soir. Je lui ai demandé ce qui se passait et elle m'a simplement dit qu'elle n'avait plus sommeil. Alors je n'ai pas posé plus de questions et j'ai rejoint ma chambre.

Ça ressemble exactement à ce qu'il s'est passé la veille. Sauf que je n'ai pas pu me résoudre à la laisser seule.

D'un regard, j'encourage mon ami à poursuivre son récit.

— La semaine suivante, je suis à nouveau tombé sur elle. Cette fois, elle regardait la télé. J'ai trouvé ça étrange de la surprendre éveillée à deux reprises, dans un temps si peu espacé. Elle savait qu'elle ne pouvait pas me sortir la même excuse. Alors elle m'a dit que ce problème d'appartement la stressait beaucoup et que ça avait des répercussions sur son sommeil. Ça m'a laissé perplexe, mais je suis quand même resté un petit quart d'heure pour la rassurer et en discuter avec elle.

J'écoute mon ami avec attention. C'est vrai que la situation pouvait susciter des questionnements, mais l'excuse était totalement valable.

Cependant, si Clay nous en parle, c'est qu'un nouvel élément a dû faire pencher la balance.

Il capte mon regard et hoche la tête, comme s'il avait lu dans mes pensées. Je n'interviens donc pas et le laisse terminer.

— Après ça, je me suis permis d'en parler à Nolan. C'est sa meilleure amie et il a vécu avec elle pendant deux ans. Il était donc le mieux placé pour connaître les habitudes de Kaylee. Et effectivement, ce n'était pas quelque chose de nouveau. Il m'a dit qu'elle dormait très peu et qu'il entendait souvent la télé allumée dans le salon. Au départ, il pensait simplement que Kaylee n'aimait pas dormir dans le noir. Mais quand il s'est levé pour vérifier, elle était complètement éveillée. Elle lui a donc expliqué qu'elle n'avait pas besoin d'énormément d'heures de sommeil et qu'elle comblait cela par de bonnes siestes, lorsqu'elle n'avait pas cours.

S'il y avait une récompense pour le record du meilleur chercheur d'excuses, Kaylee serait bien partie pour la remporter.

Il est vrai que certaines personnes n'ont besoin que de très peu d'heures de sommeil, mais de là à veiller toute la nuit. Non, il y a sûrement quelque chose qui la perturbe dans le fait de dormir. Peut-être qu'elle a effectivement peur du noir, qu'elle se fait pas mal de films dans sa tête qui pourrait l'effrayer ? Peut-être qu'être loin de chez elle, ne la met pas suffisamment en confiance. Pourtant, il n'y a pas plus sécurisant que de vivre avec Nolan. Sa taille et sa musculature en effraient plus d'un.

Il y'a tellement de théories possibles qu'on ne saura jamais laquelle est la plus plausible. Cette fille porte le monde sur ses épaules, mais elle préférait se laisser écraser que de se confier. Et si même Nolan n'est pas parvenu à obtenir la vérité. Personne n'y arrivera.

Et je ne comprends toujours pas pourquoi je ressens ce putain de besoin d'être là pour elle.

Merde je connais cette fille depuis deux semaines, je devrais simplement la laisser se démerder et vivre ma vie comme j'en avais l'habitude, avant qu'elle ne débarque.

Et pourquoi rien que le fait de penser à ça me donne la gerbe ?

— Wow, cette fille a de vrais soucis. Je ne pensais pas que c'était si profond, s'exclame Kyle.

— Tu as dit que vous avez passé la nuit ensemble ? Elle t'a laissé rester sans broncher ? Aux dernières nouvelles, elle ne supportait pas ta présence dans la même pièce qu'elle, me fait remarquer Clay.

Je souris légèrement en y repensant. Parce que oui, elle n'était pas contente de me voir, mais elle s'est quand même détendue au fur et à mesure. Bordel, j'entends encore ses éclats de rire. Chose que je n'avais jamais entendu auparavant. Ce qui est honteux et aberrant, si vous voulez mon avis, car cette fille a l'un des plus beaux rires que je n'ai jamais entendus.

Putain, tu parles comme un amoureux transit, mon vieux. Ressaisis-toi, bon sang.

— On va dire qu'elle a appris à tolérer ma présence, le temps d'une nuit. Elle a laissé tomber le masque et a cessé ce jeu de la fille en guerre contre le monde entier ou contre elle-même, le temps d'une soirée. Je crois que ça lui a fait autant de bien qu'à moi.

— Et donc quoi ? Vous êtes amis maintenant ? me questionne Kyle, confus.

Je ris en secouant la tête.

— Aucune chance qu'elle ne laisse cela se produire. Ça lui a demandé bien trop d'efforts de le faire au moment où elle était le plus fragile et vulnérable. Je me ferai sûrement incendier ou ignorer en rentrant.

Ouais, j'ai l'air d'un dingue, et vu la tête de mes amis, ils n'en pensent pas moins. Cette fille me fait tourner en bourrique, et j'accepte mon sort sans broncher. Je n'ai jamais laissé aucune fille — excepté mon premier amour — me traiter de la sorte. Et pourtant, je fais à nouveau l'exception avec Kaylee. Sans réellement savoir ce que j'attends d'elle. De cette cohabitation.

— Et ça te va ? demande Clay.

— Maintenant que j'ai compris que la vraie Kaylee était encore là, enfouie sous cette agressive version d'elle, je peux essayer de la récupérer. Il faut juste lui montrer qu'elle n'est pas seule, réponds-je en haussant les épaules.

— Pourquoi tu veux l'aider à ce point ?

Je ne réponds rien un instant, moi-même je me pose la question. Mais quand j'y pense, il n'y a qu'une image qui me vient en tête. Celle des deux hommes qui ont changé ma vie.

— Parce qu'en m'adoptant, en m'élevant, mes pères ont donné un nouveau sens à ma vie. Ils m'ont sauvé. Je veux en être digne, et sauver Kaylee de sa perpétuelle tristesse est ce qui s'en rapproche le plus.

Je crois qu'ils attendaient une réponse de ce genre, car leurs lèvres s'étirent instantanément. La fierté ornant leurs regards.

***

Je rentre de mon entraînement dans les coups de dix-neuf heures. Le coach ne nous a toujours pas ménagés et mes jambes ne me tiennent presque plus.

Mon corps me réclame une bonne nuit de sommeil, après tout ce que je lui ai fait subir depuis hier. Je crois n'avoir jamais autant abusé et les conséquences se font clairement ressentir.

Point positif, je n'avais pas une journée chargée en cours. Je n'ai donc pas fait travailler mon cerveau autant que le reste.

Je n'ai pas croisé Kaylee de la journée, mais je sais qu'elle bosse ce soir. Je ne sais pas à quelle heure. Si elle est déjà partie, mais en tout cas, elle termine les cours assez tôt aujourd'hui.

Des voix provenant du salon m'interpellent et mettent fin à mes questionnements. Je ne savais pas que Kaylee avait des amis.

Pourtant, lorsque j'arrive dans la pièce, je n'y trouve que ma coloc devant son ordinateur. Je comprends donc sans difficulté, qu'elle doit être en visioconférence avec sa famille.

Je tente de me faire discret, mais les yeux de Kaylee me repèrent sans mal. Elle me fixe un instant avant de me faire signe de la laisser.

Je m'exécute, mais la voix d'une femme âgée retenti au même moment.

— Ton colocataire est là ? Je t'ai vu regarder quelqu'un, s'exclame-t-elle.

— Non, non, grand-mère, c'est simplement le voisin qui vient chercher des œufs, répond ma coloc, m'arrachant un large sourire.

Le voisin alors ?

— Oui et le voisin rentre chez toi comme dans un moulin.

— C'est fou ce que la confiance règne dans cet immeuble, ironise la rouquine.

Cette fois, je ne me retiens pas et m'esclaffe en tentant de ne faire que très peu de bruit. Cette fille devrait écrire des bouquins.

— Kaylee Aurora Parker, présente-moi ce jeune homme tout de suite ! ordonne sa grand-mère sur un ton faussement autoritaire.

Ma coloc se résigne en soupirant longuement. Elle me fait alors signe de venir à ses côtés.

Son regard meurtrier me suggère — menace — de ne rien dire de stupide et d'être sérieux.

Oh, tu veux que je sois le gendre parfait ? Compte sur moi, piccola.

Lorsque mon regard s'attarde sur l'écran, j'y découvre deux petites bouilles séparées par deux générations. Je reconnais aisément les femmes présentes sur les cadres photos de Kaylee.

Sauf que la petite rouquine n'est plus aussi petite que sur les clichés.  Cette dernière m'observe d'ailleurs très attentivement, de ses grands yeux ronds.

Je tente de cacher le peu de gêne que je ressens face à la situation. J'ai l'impression de rencontrer la famille de ma petite amie.

Relax, Hayden, Kaylee n'est que ta coloc.

J'avais déjà remarqué la forte ressemblance entre ma coloc et sa sœur, mais plus cette dernière grandit plus c'est flagrant. Cependant, lorsqu'on plonge dans leurs deux regards, c'est là que la différence se manifeste.

Celui de la petite ne reflète qu'une innocence pure, alors que celui de son aînée vous transporte jusqu'à vous faire mal.

Un visage similaire, mais une expérience clairement différente.

— Bonsoir, dis-je simplement, ne sachant pas vraiment comment les aborder.

— T'es l'amoureux de ma sœur ? demande soudainement la petite.

Kaylee manque de s'étouffer alors qu'un rire cristallin s'échappe de ma gorge.

Ça c'est de l'entrée en matière.

— Non, non, on vit simplement dans le même appartement, m'empressé-je de répondre avant de devoir réanimer Kaylee.

Elle hoche lentement la tête et sa grand-mère prend le relais.

— Bonsoir, je suis Lindsay Parker la grand-mère de Kaylee, se présente-t-elle.

Aucune émotion ne traverse son visage, je vois de quel côté ma coloc tient cette qualité. Elle n'a pas poursuivi sa présentation, signe qu'elle attend que je sois le plus bavard.

Message reçu, mamie Parker.

— Enchanté de faire votre connaissance, madame Parker. Je suis Hayden Jones, j'ai bientôt vingt ans et je suis le colocataire de votre petite fille, depuis deux semaines. Je suis ravi de pouvoir enfin vous rencontrer.

Elle me sonde un instant dans un silence complet avant de hocher la tête.

— Pareillement. Parle-moi un peu de toi, Hayden. Puis-je te faire confiance ?

Ouais, aussi méfiante que sa petite fille. Chouette.

— Une confiance totale, je ne ferai jamais rien contre son intérêt. Mais si vous voulez en savoir plus sur moi, ça me va. Mon nom complet est Hayden Alexander Jones et je suis né à New Haven. J'ai été élevé par deux hommes formidables qui m'ont inculqué les valeurs fondamentales que sont le respect, l'honnêteté, la bienveillance et la tolérance.

Bordel, j'ai l'impression de passer un entretien d'embauche. Lindsay Parker ne me quitte pas du regard et écoute attentivement ce que je lui raconte. Alors qu'à mes côtés, sa petite fille m'observe d'une moue moqueuse.

Profite bien de ma détresse, piccola.

— Je fais partie de l'équipe de hockey et je fais des études de droit en parallèle. Je suis quelqu'un de confiance, voilà pourquoi j'ai été promu capitaine de l'équipe. J'ai de très bonnes notes, je bois peu et je ne me drogue pas. Je paie mon loyer, Kaylee n'aura jamais de soucis de logement avec moi.

Et je suis à court de choses à dire. Bon, il est vrai que je pourrais parler de moi durant des heures, mais ça ennuierait tout le monde et je ne saurais même pas quelle est la limite. Alors si Lindsay veut en savoir plus, elle me posera les questions nécessaires.

— Et si elle venait à avoir des soucis. Si elle ne rentrait pas de la nuit sans prévenir. T'inquièterais-tu ?

Cette question n'était absolument pas posée sur un ton humoristique. Je vois l'immense sérieux sur le visage de Lindsay. Est-ce simplement une inquiétude maternelle ou quelque chose basé sur une réelle expérience ?

Dans tous les cas, elle n'a pas de soucis à se faire avec ça. Si elle savait que je suivais Kaylee tous les soirs, pour m'assurer qu'elle rentre bien du travail. Et que je ne dors pas tant que Nolan ne l'a pas reposée à la maison, le week-end. Elle n'aurait pas le moindre doute sur moi.

— Je ne connais votre petite fille que depuis quelques semaines, et malgré son fort caractère et sa tendance solitaire, ça ne change pas qui je suis. Le jour où Kaylee a signé le bail, elle a décidé de vivre avec moi. Et pour certains, la colocation ne signifie qu'un loyer partagé, mais ça ne sera jamais le cas, en ce qui me concerne. Qu'elle le veuille ou non, elle fait partie de mon cercle proche. Alors je m'inquièterai toujours pour elle. J'ai une copie de son emploi du temps, je connais ses horaires de travail. Je ne laisserai jamais passer une nuit sans nouvelles d'elle. Je ne pourrais d'ailleurs pas dormir tant qu'elle n'est pas à la maison. Peu importe l'heure.

Je louche sur ma gauche et découvre une Kaylee complètement sous le choc. Ses sourcils sont levés à leur maximum, ses yeux vont sortir de leur orbite et sa bouche forme un léger arrondi, plutôt amusant.

Le plus drôle, c'est que je ne me suis jamais autant confié à ma colocataire. À l'heure actuelle, sa grand-mère en sait autant qu'elle.

Mais ce que j'ai dit n'est pas faux. Kaylee me met hors de moi, elle me répète sans arrêt de lui foutre la paix. Malheureusement pour elle, je ne suis pas quelqu'un qui abandonne facilement et qui fait ce qu'on lui dit.

Elle est têtue mais je le suis autant qu'elle. Une des raisons principales pour laquelle c'est aussi explosif.

Pourtant, à partir du moment où je l'ai fait entrer dans ma vie, je l'ai considérée comme une personne importante (même si je prétends le contraire face à elle). Je ne laisserai jamais rien lui arriver.

— Et si elle venait à ne plus pouvoir payer le loyer. Serais-tu en colère ? La mettrais-tu à la rue sans discuter ? En viendrais-tu aux mains ? Pourrais-tu lui demander un autre moyen de paiement ?

Je marque un silence pour analyser chaque question. Mais plus j'y pense, plus ça me parait aberrant, écœurant. Surtout la dernière partie. Je comprends aisément qu'elle parlait de paiement en nature et jamais je n'abuserai du corps d'une femme. J'aime le sexe lorsqu'il y a une attirance mutuelle et un total consentement du début à la fin. Le contraire me paraît absolument inimaginable.

En venir aux mains ? C'est d'une monstruosité sans limites. Frapper une femme, c'est être lâche, et ça ne me viendrait même pas à l'esprit. Pourtant j'en ai eu des folles face à moi, qui m'ont mis plus bas que terre. Mais me résoudre à ce genre de punitions, c'est indigne de moi. Indigne de tout homme.

— Je comprends complètement votre inquiétude, madame Parker. Alors je vais vous répondre avec un sérieux sans faille. Je n'ai jamais vécu avec une femme, je n'ai eu aucun repère féminin durant toute ma vie. Mais j'ai eu deux pères incroyables qui m'ont appris que le respect ne dépendait jamais du genre. Je respecte chaque être humain à parts égales. Je ne suis pas quelqu'un de naturellement violent, je réponds quand c'est nécessaire, mais jamais sur quelqu'un de plus faible que moi : hommes ou femmes. Quant à l'abus du corps féminin, c'est quelque chose qui me repousse et me dégoûte. Si Kaylee rencontre un souci, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lui venir en aide.

Je suis presque essoufflé lorsque je termine mon monologue, mais j'estime que chaque mot était nécessaire. Je ne connais pas les arrières pensés de cet interrogatoire. Mais ça m'importe peu, elle veut que je lui prouve que sa petite-fille est en sécurité avec moi, aucun souci.

Et je crois même l'avoir convaincu, car un petit sourire prend peu à peu forme sur son visage.

Quant à ma coloc, elle ne m'offre pas son regard menaçant. Plutôt un air surpris. J'aimerais même dire agréablement surpris, mais avec elle, on n'est jamais sûr de rien.

— C'est tout ce que je voulais entendre, Hayden. Tu as pu comprendre que la confiance était quelque chose de difficile à donner dans cette famille. Libre à Kaylee ou non de t'en parler. Mais de mon côté, je me dois de vérifier si les fréquentations de ma petite-fille répondent à certains critères, m'explique Lindsay d'une voix douce et sérieuse à la fois.

Je hoche la tête pour lui montrer mon accord et ma compréhension. Ce qu'elle fait, ça n'est en aucun cas intrusif. Il y a un réel amour et une profonde inquiétude tout à fait honorable.

J'aurais pensé avoir cette conversation avec ses parents, mais ce sera peut-être pour une prochaine fois.

— Je comprends, madame Parker et je suis totalement en accord avec ça. Vous pouvez compter sur moi.

— Merci mon petit. Et appelle-moi Lindsay, je te prie.

— Très bien Lindsay. Je vais vous laisser discuter tranquillement en famille. À bientôt j'espère.

— Oui, à très bientôt, Hayden.

— Au revoir, mini Kaylee. C'était un plaisir de te rencontrer, dis-je en adressant un grand sourire à la petite sœur de ma coloc.

— Moi, c'est Grace Giulia Parker ! me corrige-t-elle d'un ton adorablement sévère.

Je fais mine d'être surpris et en colère contre moi-même, ce qui lui arrache un grand rire.

— Pardonne-moi Grace Giulia Parker, je ne referai plus jamais cette erreur.

Son sourire s'élargit, signe que je suis pardonné.

J'adresse un dernier signe de main aux filles Parker avant de leur fausser compagnie.

— Il est trop beau ! s'exclame Grace lorsque je suis hors de leur champ de vision.

— Et il a l'air d'être un bon garçon. Ne sois pas trop dur avec lui, Kaylee. Je crois qu'on peut lui faire confiance.

Un nouveau sourire étire mes lèvres et je n'attends pas la réponse de Kaylee pour rejoindre ma chambre.

Pourtant, je crois distinguer une phrase qui réchauffe un peu plus mon cœur.

— Je crois que tu as raison...

📚🏒🎨

Alors Hayden a passé l'entretien d'embauche 😂

J'avoue que cette partie était assez drôle avant de redevenir sérieuse !

D'où peut provenir les insomnies de Kaylee et les inquiétudes de sa grand-mère?

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