Lettre d'une mère

26 ans auparavant – quelque part en Europe de l'Est

Cher Sebastian,

Sais-tu combien la vie sans toi est difficile ? Sais-tu seulement combien je te déteste de m'avoir aimer, de m'avoir redonner envie de vivre pour me laisser ? Depuis que tu n'es plus je ne sais même plus ce que c'est de vivre. Ne serais-ce pas la chose la plus difficile à faire sur cette Terre ? Vivre. Sans toi. Au début, j'ai cru que je n'y parviendrais pas.

Chaque objet me rappelait ton visage, chaque son me rappelait ta voix, j'avais la sensation que tu étais derrière moi, que tu te cachais de moi, mais que tu étais là. S'en était plus terrible. Pas une seule de mes pensées n'était dirigée vers toi. Et mes larmes... elles coulaient comme des rivières hors de mes pauvres yeux fatigués. Et la douleur.

Sais-tu combien c'est douloureux de perdre quelqu'un qu'on aime ? Sais-tu seulement combien c'est difficile de perdre la seule personne qu'on ai jamais aimé ? Tu m'as appris à aimer, tu m'as fait redécouvrir ce mot, et tu m'as laissés, avec la douleur et la peine pour cadeau. Un chagrin insurmontable et une souffrance insupportable. Plus rien n'a de goût, plus rien n'a d'importance. Et je te pleure en chaque instant.

Je sais bien que cette lettre ne te ramènera pas, pas plus que mes larmes ne t'ont fait revenir. Mais il faut que j'écrive. Je suis seule avec ma douleur. Julien n'avait pas compris que je puisse aimer. Il n'avait pas compris que je puisse être avec toi. Il n'avait pas compris.

Comment aurait-il pu saisir la douleur qui m'emportait, qui s'écoulait dans mes veines avec tant de force, qui dévorait chaque parcelle de mon âme, qui piétinait avec horreur mon cœur ? J'étais seule pour affronter ma douleur.

Notre enfant est là bien sûr. C'est un charmant petit garçon mais il ne peut comprendre. Lorsqu'il me voit pleurer, il prend ma main et pose sa charmante petite tête sur mes genoux. Il essaie de me réconforter, à sa manière, mais il ne sait pas, il sent seulement ma douleur, mon chagrin, sans en connaître la raison. Si seulement je savais comment te faire revenir à moi. Si seulement... notre enfant a besoin de toi, mon amour.

Je n'y parviendrais pas sans toi. Sans toi je ne suis rien. Reviens-moi. Je t'en supplie.

Tu ignores tout. Le chagrin a obscurcit mon esprit. Et même la naissance de Wolfgang n'a su me ramener à la vie. Sans toi, j'étais comme morte. Plus rien ne comptait. On aurait pu me tuer j'en aurais été heureuse.

J'ai changé depuis que Wolfgang grandit, je resterais pour lui. Mais s'il n'avait été là, il y aurait longtemps déjà que je t'aurais rejoint, mon amour. Il me fallait toutes mes forces pour continuer. Que dieu me pardonne, j'étais tellement aveugle après ton départ, tellement proche de la mort, mais si loin de toi, que je n'ai rien dit. Julien sait bien sûr. Il sait ce qui attend Wolfgang. Mais moi, je ne lui ai rien dit. Je ne me suis même pas battue.

Oh mon dieu. Sur le moment je n'avais pas compris. Ses mots étaient si compliqués. Education, Chasseur, Destinée, Malédiction. Tout s'obscurcissait dans mon esprit. Tout cela est de ta faute. Si tu ne m'avais pas laissé, j'aurais su quoi faire, je n'aurais pas laissé Julien faire, avec ses mots compliqués et ses regards appuyés, sa main sur mon bras et sa voix grave mais mélodieuse.

A cause de toi, il a raconté à notre enfant qu'il était maudis. Sais-tu seulement ce que c'est de voir ton fils te promettre qu'il combattra le monstre en lui, qu'il ne le laissera pas le dominer ? Sais-tu combien c'est douloureux ? Tu n'es plus. Et j'ignore ce qu'il a dit à mon enfant.

Julien ne cesse pas de me rassurer, mais il ne me dit rien, il reste clos, ses lèvres bougent mais aucun son n'en sort. Je me sens si faible. Sans doute je ne mange pas assez, mais... si seulement tu étais là. Tu aurais dit non, tu m'aurais guidé.

Mon amour, reviens-moi.
Katherine Ludwiczak.

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